B. LA COHÉSION SOCIALE AU CoeUR DE L'EFFORT BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT POUR 2005

Les crédits consacrés à la lutte contre les exclusions et au développement social dans le projet de loi de finances pour 2005 s'élèvent à 1,5 milliard d'euros . A périmètre constant, c'est-à-dire en neutralisant les effets de la décentralisation des crédits relatifs aux formations en travail social et aux fonds d'aide aux jeunes, ils progressent de 12,4 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004 .

L'emploi de ces crédits s'inscrit dans le cadre du plan de cohésion sociale , présenté le 30 juin 2004 par Jean-Louis Borloo, ministre du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale, qui entend agir simultanément sur trois leviers : l'emploi, le logement et l'égalité des chances, déclinés en vingt programmes. Ce plan couvre une période de cinq ans et il est soutenu par une loi de programmation, actuellement en cours d'examen devant le Parlement.

Il a été complété par la tenue, le 6 juillet 2004, de la première conférence nationale de lutte contre l'exclusion et pour l'insertion et par la réunion - pour la première fois depuis sa création en 1998 - du comité interministériel de lutte contre les exclusions (CILE). Trois objectifs ont été arrêtés : agir ensemble pour lutter contre l'exclusion, conforter l'accès aux droits fondamentaux et, enfin, assurer le passage de l'hébergement à un logement durable.

Le projet de budget pour 2005 s'attache à traduire dans les faits ces objectifs, grâce notamment à un effort important dans le domaine de l'hébergement d'urgence et de l'hébergement d'insertion, ainsi qu'en faveur de l'intégration des étrangers.

1. La création d'un nouveau programme « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » pour mettre en oeuvre le plan de cohésion sociale

Dans le cadre de la nouvelle nomenclature budgétaire mise en place dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), un programme intitulé « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » a été créé pour 2005, dont l'objectif général est de renforcer la cohésion sociale par une réduction de la pauvreté et de la précarité.

Il est préfiguré, dès 2005, par un chapitre expérimental 39-03 permettant la globalisation des crédits consacrés à ces actions. Ce programme devrait être accompagné, conformément aux souhaits exprimés lors du CILE du 6 juillet 2004, par un document de politique transversale retraçant deux à quatre objectifs et une dizaine d'indicateurs.


La mission « Solidarité et intégration »

Les actuels crédits relatifs à la solidarité relèveront, dès 2006, de la mission interministérielle « solidarité et intégration » constituée de sept programmes :

- « Politiques en faveur de l'inclusion sociale » qui rassemble quatre actions : prévention de l'exclusion, actions en faveur des plus vulnérables, conduite et animation de la politique de lutte contre l'exclusion et rapatriés ;

- « Accueil des étrangers et intégration » qui regroupe les actions conduites en direction des personnes immigrées ou issues de l'immigration. Trois actions ont été définies par le ministère : l'intégration, la prise en charge sociale des demandeurs d'asile et la participation à la régulation des migrations. L'aide médicale d'État y a été ajoutée, à la demande de l'Assemblée nationale ;

- « Actions en faveur des familles les plus vulnérables » qui se décline en trois actions : le soutien à la fonction parentale, le soutien aux familles monoparentales et la protection des enfants et des familles. Il regroupe, pour l'essentiel, les crédits qui figurent actuellement au chapitre 46-34 « Interventions en faveur de la famille et de l'enfance » ;

- « Handicap et dépendance » qui rassemble l'ensemble des crédits relatifs aux personnes âgées et handicapées. Ce programme serait décliné en cinq actions - l'évaluation et l'orientation personnalisée des personnes handicapées, l'incitation à l'activité professionnelle, les ressources d'existence, la compensation des conséquences du handicap, les personnes âgées - complétées par une action de pilotage du programme ;

- « Protection maladie complémentaire », composée d'une action unique concernant le financement de la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) ;

- « Égalité entre les hommes et les femmes » qui comporte cinq actions : accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision, égalité professionnelle, égalité en droits et en dignité, articulation des temps de vie, ainsi que les actions de pilotage et de soutien ;

- « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » qui se rapporte à la quasi-totalité des personnels et aux fonctions transversales, telles que les études et statistiques, le fonctionnement ou la formation.

a) Un effort important en faveur de l'hébergement d'urgence et d'insertion

Le dispositif d'accueil et d'hébergement pour les personnes ou les familles en situation de grande précarité intervient en deux temps : d'abord en proposant proposer un abri immédiat aux personnes sans domicile, ensuite en orientant la personne vers un hébergement temporaire de plus longue durée, afin de permettre sa réinsertion ou sa stabilisation.

Le dispositif plus spécifiquement dédié à l'hébergement d'urgence fonctionne en coordonnant l'ensemble des structures capables d'offrir un abri aux personnes sans domicile fixe, qu'il s'agisse des équipes du 115, du SAMU social, des accueils de jours, des accueils de nuit et des nuitées d'hôtel mobilisables à la demande.

Il trouve son prolongement dans des structures de type CHRS ou maisons relais qui permettent un hébergement de plus longue durée, doublé d'un accompagnement social visant à la réinsertion des personnes accueillies.

Les crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2004 pour l'ensemble de ces dispositifs s'élevaient à 552,3 millions d'euros, soit 437,3 millions d'euros pour les CHRS, 112,8 millions pour l'hébergement d'urgence et 2,2 millions pour les maisons relais . Ces crédits se sont d'ailleurs révélés insuffisants puisqu'un décret d'avance a dû ouvrir en supplément 14 millions d'euros pour le financement des CHRS et 51 millions pour l'hébergement d'urgence.

Au total, 48.580 places d'hébergement d'urgence ou d'insertion étaient accessibles au 15 juin 2003, selon une enquête menée par la direction générale des affaires sociales auprès de ses services déconcentrés.

Nombre de places d'hébergement d'urgence
et d'insertion au 15 juin 2003

CHRS

29.518

Centres d'hébergement d'urgence

10.572

Nuits d'hôtel

7.640

Maisons relais

850

Total

48.580

Source : DGAS

Un effort important de création de places d'hébergement d'urgence et d'insertion a été engagé ces dernières années. S'agissant plus particulièrement des CHRS, le rythme moyen des créations de places s'est élevé à cinq cents places nouvelles par an. Les places réellement installées ont même été régulièrement supérieures à celles initialement prévues en loi de finances.

Places en CHRS financées et installées

Années

Montant
(en millions d'euros)

Places nouvelles prévues

Places installées

1995

5,9

500

n.d

1996

5,9

500

542

1997

12,8

1.000

1.123

1998

6,4

500

557

1999

6,4

500

571

2000

6,4

500

570

2001

6,4

500

508

2002 *

7,9

530

530

2003

6,4

500

529

* Y compris les crédits de 1,5 million d'euros pour la création de trente places d'accueil et d'orientation pour mineurs étrangers à Taverny.

Le programme de création de maisons relais est plus récent, puisque c'est une circulaire du 10 décembre 2002 qui a donné une base réglementaire à ces structures jusque là expérimentales et connues sous le nom de « pensions de famille » et que c'est la loi de finances initiale pour 2003 qui, la première, a prévu des crédits spécifiquement consacrés à leur développement.

L'objectif de créer mille places en 2003 a été aisément atteint : en effet, 61 maisons relais, réparties sur l'ensemble du territoire, ont été mises en service, offrant 1.028 places, soit pour un coût de fonctionnement de 3 millions d'euros.

En 2004, 993 places supplémentaires ont été créées avec un financement identique mais calculé au prorata de la durée d'ouverture dans l'année, et prioritairement dans les départements déficitaires en structuresd'insertion de ce type, pour un montant total de 1,3 million d'eurospour financer le couple d'hôtes assurant le fonctionnement de la maison relais mais, cette dépense n'ayant pas été budgétée, elle a du faire l'objet d'un décret d'avance.

Le plan de cohésion sociale prévoit la poursuite et l'accentuation de l'effort de développement du dispositif d'hébergement d'urgence et d'insertion, selon la programmation suivante :

 

2005

2006

2007

Crédits ouverts
(en M€)

Créations de places

Crédits ouverts
(en M€)

Créations de places

Crédits ouverts
(en M€)

Créations de places

CHRS

461

800

467

500

473

500

Maisons relais

13

1.000

19

1.500

25

1.500

Total

638

1.800

650

2.000

662

2.000

C'est la raison pour laquelle, conformément à cette programmation financière, le projet de budget pour 2005 prévoit trois mesures nouvelles :

- les deux premières, respectivement de 2,3 et 4 millions d'euros, pour la transformation de cinq cents places d'hébergement d'urgence en places de CHRS et pour la création de trois cents places nouvelles de CHRS ;

- la dernière, de 5,8 millions d'euros, pour la création de mille places nouvelles en maisons relais , cette mesure comprenant également un rebasage de la dotation pour tenir compte des ouvertures de places financées par décret d'avance en 2004.

Votre commission soutient cet effort significatif en faveur de l'hébergement des personnes et des familles en situation de grande précarité, ainsi que des mesures proposées par le plan de cohésion sociale pour accompagner les sorties des structures d'hébergement d'urgence et d'insertion. Elle observe toutefois que, à elle seule, l'inscription des personnes sortant de CHRS parmi les publics prioritaires pour l'accès au logement social ne saurait constituer une panacée.

Parallèlement enfin aux créations de places, le projet de budget pour 2005 propose plusieurs mesures importantes de rebasage des dotations affectées au financement des structures d'hébergement :

- 26 millions d'euros sont prévus pour pérenniser le financement de 2.400 places permanentes d'accueil d'urgence et 3.000 places dites « d'hiver » ;

- pour la deuxième année consécutive, un rebasage des budgets de fonctionnement des CHRS est proposé, à hauteur de 7,4 millions d'euros. En deux ans, le budget de fonctionnement de ces structures aura donc été revalorisé de près de 17 millions d'euros, soit une progression à nombre de places constant de 4 % ;

- enfin, 4,3 millions d'euros sont affectés au financement du passage de 8 à 12 euros, par jour et par place, de la rémunération de l'hôte ou du couple d'hôtes responsable des maisons relais.

S'agissant des CHRS, votre commission observe que le rebasage proposé reste inférieur aux crédits supplémentaires ouverts en 2004 par décret d'avance pour aider les structures à faire face à leurs difficultés financières récurrentes. Compte tenu des déficits constatés les années précédentes et surtout de l'évolution préoccupante de la masse salariale du fait, notamment, de la sortie des aides Aubry, il est plus que probable que le rebasage proposé restera insuffisant.

b) La relance des actions en faveur des rapatriés

Les dotations en faveur des rapatriés, dont les crédits ne sont qu'en partie inscrits au budget de la solidarité, sont principalement affectées à des actions en faveur de deux catégories de personnes qui connaissent encore des situations particulièrement difficiles :

- les rapatriés réinstallés dans une profession non salariée dont le surendettement n'a pu être réglé dans le cadre des dispositifs antérieurs ;

- les harkis, anciens supplétifs et leurs familles, pour lesquels les difficultés liées aux conditions du rapatriement et d'accueil en métropole ont conduit à la mise en place de mesures spécifiques, d'allocations, d'aides au logement ou favorisant l'insertion sociale et professionnelle.

Cette politique en faveur des rapatriés a connu un essor nouveau depuis 2002 avec, notamment, la mise en oeuvre d'une politique active de mémoire, la suppression de la condition de ressources pour bénéficier de l'allocation de reconnaissance pour les harkis et leurs veuves et l'accélération du traitement des dossiers des rapatriés réinstallés.

Les moyens de la mission interministérielle aux rapatriés ont été renforcés à cet effet et les résultats sont encourageants : alors qu'au 30 avril 2002, seuls 890 dossiers sur 3.145 dossiers déposés avaient été examinés sur le plan de leur éligibilité, ce chiffre a été porté à 2.272 au 30 juin 2004, l'objectif restant d'avoir terminé cette instruction début 2005. A ce jour, 608 des dossiers examinés ont été déclarés éligibles, ce qui représente 76 % de la prévision établie conjointement avec les associations.

L'effort doit désormais porter sur les plans d'apurement dont la préparation relève de la responsabilité des rapatriés concernés et de leurs mandataires. Au 30 juin 2004, seuls 198 plans ont pu être portés devant la commission et examinés par elle, dont 102 définitivement acceptés. C'est la raison pour laquelle 9 millions d'euros seulement ont pu être mandatés depuis 1999, sur une prévision globale de dépense de l'ordre de 80 millions d'euros. Une circulaire interministérielle est en cours de rédaction afin notamment d'impliquer plus fortement les services des préfectures et des trésoreries générales dans l'élaboration des plans d'apurement.

S'agissant des actions en faveur des anciens supplétifs et de leur famille, le tableau suivant retrace les actions engagées depuis 1999 conjointement par la mission interministérielle aux rapatriés, le ministère de la cohésion sociale et le ministère délégué aux anciens combattants :

Actions

Nombre de dossiers traités

Rente viagère (1999-2002)

6.800 par an

Allocation de reconnaissance (depuis 2003)

11.200 par an

Aides au conjoint survivant

2.060 par an

Aides à l'habitat

6.900 sur la période

Aides à la formation initiale

4.500 par an

Aides à la formation professionnelle

4.300 sur la période

Aide à l'insertion sur le marché du travail

22.831 sur la période

Votre commission se réjouit de constater les efforts engagés par le Gouvernement pour manifester la reconnaissance de la Nation aux rapatriés et pour solder enfin la question de leur indemnisation.

A la suite du rapport remis le 17 septembre 2003 par Michel Diefenbacher, le Gouvernement a en effet déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale un projet de loi portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des rapatriés qui a été adopté en première lecture par l'Assemblée Nationale le 11 juin 2004 . Il devrait être débattu au Sénat avant la fin de l'année 2004.

S'agissant des anciens harkis et membres des forces supplétives, ce projet de loi prévoit une amélioration de l'allocation de reconnaissance. Les intéressés se verront ainsi proposer le choix entre une allocation de reconnaissance portée à 2.800 euros par an ou le maintien de celle à 1.830 euros avec le versement d'un capital de 20.000 euros, ou bien encore le versement unique d'un capital de 30.000 euros . Le capital sera versé sur les exercices 2005, 2006 et 2007 en fonction de l'âge des bénéficiaires. Les aides à l'accession à la propriété, à l'amélioration de l'habitat, au désendettement immobilier seront par ailleurs prorogées jusqu'en 2009, de même que les aides scolaires et professionnelles. Le coût de l'ensemble de ces mesures est estimé à plus de 600 millions d'euros.

Le projet de loi prévoit ensuite que les rapatriés bénéficiaires des lois d'indemnisation bénéficieront de la restitution des prélèvements opérés au titre du remboursement des prêts de réinstallation sur les certificats d'indemnisation en 1970 et 1978 . Le coût de cette mesure est évalué à 311 millions d'euros, la dépense étant répartie sur quatre exercices de 2005 à 2008 et concernant 90.000 personnes.

Enfin, les « exilés » ayant dû quitter leur activité professionnelle dans le secteur privé en raison des événements d'Algérie, recevront le versement d'une indemnité compensatrice. Le coût de cette mesure est estimé à 800.000 euros.

D'après les informations disponibles, l'impact budgétaire de ce projet de loi sera pris en compte dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004 .

2. Le renforcement de l'action sociale en faveur des migrants

a) Un soutien non démenti au développement de l'hébergement des demandeurs d'asile

Depuis plusieurs années, la France est confrontée à une augmentation massive des arrivées de demandeurs d'asile : en 2003, l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) comptabilisait 61.993 demandeurs d'asile conventionnel, dont 9.779 mineurs, et le nombre des demandeurs d'asile territorial, s'élevait à 28.372, en 2002, selon le ministère de l'intérieur.

Un effort important a été engagé depuis 1999 pour adapter le dispositif national d'accueil des demandeurs d'asile au caractère massif des arrivées constatées : ainsi, au 1 er janvier 2004, 12.500 places de centres d'accueil de demandeurs d'asile (CADA) étaient disponibles contre 5.282 places seulement fin 2001.

La capacité des CADA est complétée par la mise en place d'un dispositif d'urgence, dénommé « accueil d'urgence des demandeurs d'asile » (AUDA), en vigueur depuis novembre 2000. Il est destiné prioritairement aux demandeurs d'asile de la région parisienne, qui absorbe 54 % de la demande d'asile, et sa capacité est de 1.200 places. Par ailleurs, depuis 2003, au cours de la période hivernale, un dispositif d'hébergement temporaire pour les demandeurs d'asile, géré par la Sonacotra et l'AFTAM, a progressivement été développé pour offrir aujourd'hui 1.855 places.

Deux autres types d'hébergements complètent le dispositif national d'accueil : deux centres de transit de 80 et 86 places et un centre d'accueil et d'orientation pour mineurs isolés demandeurs d'asile, d'une capacité de 33 places.

Nombre de places d'hébergement de demandeurs d'asile

 

1999

2000

2001

2002

2003

Évolution des capacités depuis 1999

CADA

 
 
 
 
 
 

- Capacité

3.781

4.756

5.282

10.317

12.480

230 %

- Nombre de centres

63

73

83

151

188

 

Centres de transit

 
 
 
 
 
 

- Capacité

126

126

126

126

166

32 %

- Nombre de centres

2

2

2

2

2

 

Centres d'accueil de mineurs

 
 
 
 
 
 

- Capacité

33

33

33

33

33

0 %

- Nombre de centres

1

1

1

1

1

 

Total

3.940

4.915

5.441

10.476

12.679

222 %

La poursuite du développement des capacités d'hébergement des demandeurs d'asile demeure nécessaire : la très forte progression des demandes d'asile depuis 1999 a entraîné l'engorgement du dispositif d'hébergement. En dépit des efforts considérables engagés en 2002 et 2003, la situation est restée très tendue et, en 2004, il a été une nouvelle fois nécessaire de compléter par décret d'avance les dotations budgétaires de ce secteur pour faire face à l'ampleur des besoins.

C'est la raison pour laquelle le plan de cohésion sociale a fixé l'objectif d'une offre de 20.000 places en CADA à l'horizon 2007 . Pour 2005, il est donc prévu de consolider les 3.000 places de CADA ouvertes par anticipation en gestion 2004 et d'assurer la transformation de 2.000 places d'hébergement d'urgence en places de CADA. Une mesure d'ajustement de 26,8 millions d'euros assurera le financement de ces mesures.

Par ailleurs, les crédits de fonctionnement consacrés au dispositif national d'accueil sont réévalués, à hauteur de 1,8 million d'euros. Dans ces conditions, l'enveloppe globale consacrée au dispositif national d'accueil devrait progresser de 19,5 %.

b) La mise en place d'un véritable service public de l'accueil des migrants

Conformément aux dispositions du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, la réforme de l'office des migrations internationales (OMI), décidée par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003, deviendra effective au début de l'année 2005 avec la création d'une agence chargée de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM).

Cette agence reprendra toutes les missions assumées aujourd'hui par l'OMI mais certaines d'entre elles sont appelées à changer de dimension : l'agence devra mettre en place un véritable service public de l'accueil sur tout le territoire, au profit de l'ensemble des nouveaux migrants admis au séjour en France en vue d'une installation durable.

Dans ce cadre, la nouvelle agence sera, avec le fonds d'action et de soutien à l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), l'opérateur privilégié de la mise en oeuvre du contrat d'accueil et d'intégration , expérimenté depuis le 1 er juillet 2003 dans douze, puis vingt-six départements. L'extension à l'ensemble du territoire sera réalisée fin 2005.


Le contrat d'accueil et d'intégration

« L'apprentissage et la connaissance de la langue française par les migrants admis à séjourner en France constitue l'un des principaux éléments du contrat d'accueil et d'intégration (CAI), annoncé par le Président de la République et décidé par le comité interministériel à l'intégration du 10 avril 2003. (...)

« La mise en oeuvre des prestations linguistiques proposées dans le cadre du contrat est assurée par les organismes de formation et de bilan sélectionnés et financés par le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD). Ceux-ci assurent un bilan linguistique et une prescription de formation sur la plate-forme d'accueil. Hors de la plate-forme, ils prennent également en charge la formation linguistique et l'évaluation finale de l'acquisition du niveau de maîtrise du français. La proximité géographique des organismes par rapport aux lieux de vie des publics constitue un critère déterminant de sélection des prestataires. L'acquisition de ce premier niveau de maîtrise du français sera reconnue et valorisée par la délivrance d'une attestation ministérielle de compétences linguistiques.

« Il a été décidé par le comité interministériel à l'intégration de mettre chaque nouveau migrant en mesure de connaître et de comprendre les valeurs et les principes, les institutions, les usages sociaux et modes de vie de société française et d'y adhérer. A cette fin, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration, a été instaurée une journée de formation/information destinée à tout nouvel arrivant, qui a pour but la présentation des droits fondamentaux (liberté, sûreté, propriété), des institutions, des grands principes (modèle républicain, attachement aux principes de liberté, d'égalité - égalité entre hommes et femmes en particulier - et de laïcité) et des valeurs de la société française. Cette formation constitue l'une des prestations de base du volet non optionnel du contrat d'accueil et d'intégration.

Source : Projet de loi de finances pour 2005, annexe « Services votés - Mesures nouvelles : Travail, Santé et cohésion sociale, II. - Santé, famille, personnes handicapées et cohésion sociale »

A cet effet, une mesure nouvelle de 20 millions d'euros est prévue dans le projet de budget pour 2005, afin de financer les formations linguistiques et civiques, ainsi que le programme spécifique « Vivre en France » . Il convient également de rappeler que l'article 133 de la loi de finances pour 2003 a créé, au profit de l'OMI, un droit de timbre perçu à l'occasion de toute première délivrance d'un titre de séjour. Cette recette, qui est prélevée depuis le 1 er juin 2003 et qui sera transférée à la nouvelle agence, contribue à procurer les ressources supplémentaires permettant de développer le nouveau service public de l'accueil des migrants.

Votre commission ne peut qu'approuver la volonté affichée par le Gouvernement d'assurer un véritable accueil et un suivi de l'intégration des nouveaux arrivants sur le territoire car cette intégration et l'adhésion qu'elle suppose aux valeurs et principes de la société française constituent un élément clé de sa cohésion nationale.

3. Des outils renouvelés et de nouveaux partenariats à construire

a) La création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Le projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est actuellement soumis à l'examen du Parlement et l'installation de cette nouvelle autorité administrative indépendante est prévue pour le 1 er janvier 2005.


La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Composée de onze membres nommés pour cinq ans, cette autorité administrative indépendante a pour caractéristique originale d'être, à la différence du Médiateur de la République ou du Défenseur des enfants, collégiale.

Comme le Défenseur des enfants et à la différence du Médiateur de la République, elle pourra être saisie directement par les victimes, sans passer par les parlementaires et disposera d'une compétence générale de lutte contre toutes les formes de pratiques discriminatoires prohibées par un engagement international ou par la loi.

Elle sera dotée de moyens d'enquête : elle pourra ainsi demander des informations à des personnes privées, obliger une autorité publique à lui apporter son concours, procéder à des médiations, faire des recommandations ou transmettre aux autorités publiques détentrices du pouvoir disciplinaire les faits commis par des agents publics. Elle se voit en outre confier une mission générale d'information et d'étude et de certification des « bonnes pratiques » professionnelles.

Par rapport aux autres autorités administratives indépendantes, la Haute autorité disposera de trois prérogatives originales, visant à la mettre en capacité de présenter auprès des juridictions des éléments de preuve suffisamment étayés. Elle pourra donc procéder à des enquêtes sur place, saisir le juge des référés afin d'ordonner que ses demandes d'informations soient suivies d'effet et présenter à l'audience ses observations.

Afin d'assurer son indépendance, la Haute autorité ne sera pas placée sous la tutelle budgétaire de son ministère de rattachement et ne sera pas soumise au contrôle des dépenses engagées assuré par le ministère chargé des finances.

Le projet de budget pour 2005 prévoit une dotation de 10,7 millions d'euros pour le fonctionnement de la nouvelle autorité, constituée, pour 3,3 millions d'euros de crédits antérieurement affectés à des actions non déconcentrées du ministère de la cohésion sociale et pour 7,4 millions d'euros de transferts de crédits auparavant gérés par les ministères de l'économie, de l'intérieur, de la justice et de l'outre-mer.

Votre commission estime que notre pays ne peut que s'honorer en complétant ainsi ses moyens de lutte contre les discriminations de tous ordres. Elle approuve donc la nouvelle impulsion donnée par le Gouvernement à cette politique.

b) Le transfert aux régions des formations en travail social

La formation des travailleurs sociaux revêt une importance primordiale pour la mise en oeuvre des politiques sociales et l'accompagnement des publics les plus fragiles. Préparant à différents métiers, les formations en travail social sont dispensées par 304 établissements, répartis sur l'ensemble du territoire, dont 136 étaient jusqu'à présent financés par l'État au titre des formations initiales.

Or, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales a organisé le transfert de cette compétence aux régions à compter du 1 er janvier 2005 : celles-ci seront désormais responsables du recensement des besoins en formation, les actuels « schémas régionaux des formations sociales » s'intégrant dans les plans régionaux de développement des formations, ainsi que de l'agrément et du financement des établissements de formation en travail social dispensant des formations initiales. L'État voit pour sa part son rôle recentré sur les aspects de certification et de contrôle de la qualité des enseignements.

C'est la raison pour laquelle le projet de budget pour 2005 ne prévoit plus que des crédits destinés à financer les compétences résiduelles de l'État en matière de formation des travailleurs sociaux, à savoir :

- 0,5 million d'euros pour le financement d'actions d'initiative nationale, notamment en matière de développement des référentiels de formation ;

- 202.000 euros pour la fin du financement de la formation des emplois jeunes aides éducateurs, entrés en formation en 2002 au titre de l'accord cadre signé le 2 mai 2002 ;

- 2 millions d'euros pour la formation continue en travail social dans le cadre de la promotion sociale ;

- 213.000 euros pour la formation des enseignants pour jeunes sourds au centre national de formation des enseignants intervenant auprès des jeunes sourds de Chambéry.

Pour autant, votre commission souhaite s'arrêter sur les conditions dans lesquelles s'effectue ce transfert de compétences , au regard notamment de la fin de la montée en charge du plan pluriannuel de formation en travail social et des orientations du schéma national des formations sociales, tous deux adoptés en 2001.

Le plan pluriannuel de formation en travail social

Ce plan, d'une durée de trois ans (2002-2004), prévoit :

1) la création de 3.000 places nouvelles de formation initiale en travail social à la rentrée scolaire 2002 : ces créations ont été réparties entre les régions et les formations en fonction des demandes émanant des schémas régionaux des formations sociales.

Cette répartition s'établit comme suit :

- Diplôme d'État d'assistant de service social (AS) : 600

- Diplôme d'État de technicien de l'intervention sociale et familiale (TSIF) : 400

- Diplôme d'État d'éducateur spécialisé (ES) : 930

- Diplôme d'État d'éducateur de jeunes enfants (EJE) : 170

- Certificat de moniteur-éducateur (ME) : 270

- Diplôme de conseiller en économie sociale et familiale (CESF) : 10

- Diplôme d'État d'auxiliaire de vie sociale (DEAVS) : 620

2) la montée en charge de ces créations de places en 2003 et 2004 : la rentrée scolaire 2003 a permis la création des places de seconde année des formations qui le nécessitent, soit 2.990 places. Il en a été de même en 2004 pour le solde des places de formation.

Au terme de ce plan, on compte près de 8.000 étudiants supplémentaires en formation initiale de travail social (+ 30 %) et près de 3.000 diplômés supplémentaires par an.

3) l'augmentation corrélative du nombre d'étudiants boursiers, favorisée par la mise en place du nouveau système d'allocation de bourses sur critères sociaux.

Le tableau suivant retrace l'effort budgétaire lié à la mise en place du plan :

 

LFI 2002

LFI 2003

LFI 2004

 

Mesure nouvelle (en M€)

Évolution par rapport à 2001

Mesure nouvelle (en M€)

Évolution par rapport à 2002

Mesure nouvelle (en M€)

Évolution par rapport à 2003

Créations de places

11,6

+ 12 %

13,5

+ 12,5 %

11

+ 9 %

Bourses en travail social

1,8

+ 13,7 %

3

+ 20 %

1,1

+ 6,3 %

La loi de finances initiale pour 2004 avait consacré 132,6 millions d'euros au financement des formations en travail social. Cette dotation, en hausse de 9 % par rapport à l'année précédente, visait à prendre en compte l'évolution des dépenses salariales des personnels des centres de formation et d'augmenter les effectifs d'étudiants pour assurer la montée en charge du plan pluriannuel de formations sociales initiales.

Cette enveloppe se répartissait en 130,4 millions d'euros, pour le financement des formations initiales des travailleurs sociaux, et 19,3 millions d'euros, pour le financement des bourses. Ce sont ces dernières dépenses qui font l'objet d'une décentralisation en 2005.

Pourtant, d'après les informations disponibles, les hypothèses retenues pour la décentralisation auprès des régions de ces actions ne font état que d'un transfert de 122,6 millions d'euros au titre des formations initiales et de 17,7 millions d'euros au titre des bourses . Cette enveloppe plus limitée résulte d'une mesure d'ajustement à la baisse des dotations prévues en 2004, dont la justification n'a pas été précisée.

Les modalités de la compensation financière aux régions des charges nouvelles leur incombant au titre des formations sociales relèvent des dispositions prévues par l'article 119 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : la compensation doit s'opérer, à titre principal, par l'attribution d'impositions de toutes natures, dans des conditions fixées par la loi de finances. Par ailleurs, le maintien du niveau de compensation doit être garanti si les recettes provenant des impositions diminuent pour des raisons étrangères au pouvoir de modulation des collectivités bénéficiaires.

C'est l'article 33 du présent projet de loi de finances qui met en oeuvre le principe général posé par la loi du 13 août 2004 : il prévoit l'attribution aux régions d'une part du produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), sous la forme d'une fraction de tarif affectée à chaque région.

A compter de l'exercice 2007, les régions devraient obtenir le pouvoir de moduler cette fraction. A titre transitoire, il est proposé de procéder de la même manière que pour la décentralisation du RMI en 2004 : les régions bénéficieront d'un partage d'impôt avec l'État, sous la forme d'une fraction de la TIPP. Cette fraction représentera une part du produit national de l'impôt, elle-même ventilée entre les régions en fonction de la charge réelle transférée.

Votre commission ne reviendra pas sur le principe même de la décentralisation des établissements de formation en travail social qu'elle avait d'ailleurs déjà approuvé l'an passé. Elle estime toutefois que les conditions de cette décentralisation appellent deux remarques :

- les dépenses servant de base au transfert aux régions lui paraissent sous-estimées : en effet, le transfert est fondé sur une estimation des dépenses pour 2004 qui reste fragile, l'ajustement à la baisse des dotations ne faisant l'objet d'aucune justification. Par ailleurs, le financement de la montée en charge de la dernière année du plan de développement des formations sociales, c'est à dire des places créées à la rentrée 2004 qui ne sont budgétées que jusqu'en décembre, n'est pas assuré : s'agissant d'un engagement de l'État antérieur à la décision de décentralisation, il paraît normal que ce soit l'État qui en assume la charge financière. Il faudra donc que la fraction de TIPP accordée aux régions tienne compte de cette montée en charge ;

- il est indispensable d'assurer, dans de bonnes conditions, la transition dans la gestion du dispositif de formation en travail social : dans la mesure où les étudiants sont entrés en formation depuis septembre dernier et qu'ils perçoivent éventuellement déjà leurs bourses, toute rupture dans le financement des établissements et des bourses au 1 er janvier 2005 doit être évitée. Il conviendra donc d'alimenter immédiatement la trésorerie des régions, afin qu'elles puissent faire face à leurs nouvelles responsabilités.

c) La compétence des départements sur les fonds d'aide aux jeunes

La loi du 29 juillet 1992 réformant le RMI avait généralisé les fonds départementaux d'aide aux jeunes créés par la loi du 19 décembre 1989. Ce dispositif prévoit la possibilité de verser aux jeunes de 18 à 25 ans, en difficulté d'insertion sociale et professionnelle des secours temporaires d'urgence et des aides financières destinés à soutenir un projet d'insertion, complétés, le cas échéant, par des mesures d'accompagnement, afin de leur permettre d'accéder aux dispositifs de droit commun.

Jusqu'au 1 er janvier 2005 - date à laquelle ils seront placés sous la seule responsabilité des conseils généraux en application de la loi du 13 août 2004 - les fonds d'aide aux jeunes sont financés, à parité, dans chaque département par l'État et les conseils généraux, pour lesquels la contribution représente une dépense obligatoire. Les conseils régionaux, les communes et les organismes de protection sociale peuvent également participer au financement des fonds d'aide aux jeunes.

Crédits affectés aux FAJ

 

2001

2002

2003

2004

Montant des crédits affectés
en LFI *

46,28 M€

44,52 M€

44,10 M€

22,26 M€

Montant de la dépense effectivement constatée

17,98 M€

15,9 M€

13,82 M€

n.d

* Crédits globalisés jusqu'en 2003 avec les autres mesures en faveur des jeunes. Pour 2004, les crédits présentés concernant les seuls FAJ.

Il convient de constater que les sommes effectivement consacrées par l'État au financement des fonds d'aide aux jeunes ont donc été inférieures aux prévisions en raison du choix, fait localement, en faveur d'autres priorités, comme l'hébergement d'urgence, financée par le même chapitre budgétaire au sein d'une enveloppe budgétaire fongible.

L'engagement financier des conseils généraux a été, chaque année, au moins équivalent à celui de l'État. La participation, volontaire, des autres collectivités publiques (régions et villes) est globalement d'environ 2 millions d'euros chaque année. Trente caisses d'allocations familiales se sont également impliquées dans le dispositif, à hauteur de 0,5 million d'euros.

Conformément aux dispositions de la loi du 13 août 2004, le projet de budget pour 2005 ne prévoit plus de crédits pour le financement des FAJ, qui sont désormais placés sous l'entière responsabilité des départements, à charge pour eux de définir le budget qu'ils entendent y consacrer. A titre de compensation du transfert de charge représenté par cette nouvelle responsabilité, l'État transfère aux départements des ressources équivalentes à celles qu'il consacrait jusqu'en 2004 au dispositif.

Votre commission regrette que le Gouvernement n'ait pas donné suite à la demande qu'elle avait formulée l'an passé, pour que soient précisées, dès le vote de la loi de finances pour 2004, les sommes qu'il entendait consacrer aux FAJ au cours de cet exercice. Cette disposition aurait permis de donner aux départements l'évaluation des dépenses qu'ils auront à assumer à compter de 2005.

Or, en l'absence de cette précision, et dans la mesure où les dépenses définitives ne seront connues que bien après le 1 er janvier 2005, la compensation du transfert des FAJ aux départements sera établie sur la base des dépenses reconductibles de l'État pour 2003, soit 13,6 millions d'euros.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page