2. Le renforcement des mesures alternatives à l'emprisonnement

Le phénomène de surpopulation carcérale résulte d'une double évolution récente : le recours systématique à l'emprisonnement et l'allongement des peines prononcées. Parallèlement, les mesures alternatives à l'emprisonnement ont connu un certain essoufflement.

Ainsi, selon le centre de recherche sociologique sur le droit et les institutions pénales, 82  % des condamnés libérés sont sortis en fin de peine sans avoir bénéficié ni d'un placement à l'extérieur, ni d'une semi-liberté, ni d'une libération conditionnelle 3 ( * ) .

Or, les mesures alternatives présentent plusieurs avantages. D'abord, elles contribuent à limiter la récidive . Ensuite, elles apparaissent également moins onéreuses pour l'Etat que les peines d'emprisonnement. En effet, la construction d'une nouvelle place en maison d'arrêt coûte 106.400 euros alors que le coût d'une place en semi-liberté représente le tiers de cette somme.

De même, le prix de revient journalier d'un détenu en maison d'arrêt s'élève à 55,80 € contre 22 € pour un placement sous surveillance électronique et de 12 à 18 € pour un chantier extérieur.

Le Gouvernement a souhaité redonner toute leur place aux mesures alternatives à l'emprisonnement. L'année 2002 a d'ailleurs été marquée par une progression des mesures d'aménagement de peine. Surtout, dans le prolongement des recommandations du rapport de M. Jean-Luc Warsmann sur les « peines alternatives à la détention, les modalités d'exécution des courtes peines, la préparation des détenus à la sortie de prison » remis en avril 2003, la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité du 9 mars 2004 a réformé en profondeur le régime de l'application des peines.


Des évolutions encourageantes

Alors que les mesures d'aménagement de peines avaient marqué le pas en 2002, elles ont progressé en 2003 :

- 99.829 réductions de peine ont été accordées, soit une hausse de 6  % par rapport à 2002 ;

- 2.733 ordonnances de placement à l'extérieur ont été prononcées, soit une augmentation de 7  % -dont 1.648 sans surveillance continue et 1.085 avec surveillance continue. Elles ont principalement été prises pour permettre l'exercice d'un travail. Dans 38  % des cas, l'hébergement se fait dans un établissement pénitentiaire ;

- 5.509 décisions d'admission à la libération conditionnelle, soit une hausse de 13  % par rapport à l'an passé, dont 5.286 par les juges d'application des peines et 223 par les juridictions régionales de libération conditionnelle;

- 6.261 placements en semi-liberté ont été prononcés, soit un nombre presque stable par rapport à 2002 (6.524) ;

- 33.786 permissions de sortir ont été accordées contre 31.777 en 2002, soit une augmentation de 6,3%.


Les perspectives ouvertes par la loi du 9 mars 2004

Aux termes de la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, un nouvel article 707 a été introduit dans le code de procédure pénale pour expliciter pour la première fois l'objet de l'exécution des peines :

« L'exécution des peines favorise, dans le respect des intérêts de la société et des droits des victimes, l'insertion ou la réinsertion des condamnés ainsi que la prévention de la récidive.

« A cette fin, les peines peuvent être aménagées en cours d'exécution pour tenir compte de l'évolution de la personnalité et de la situation du condamné. L'individualisation des peines doit, chaque fois que cela est possible, permettre le retour progressif du condamné à la liberté et éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire. »

La loi a profondément modifié le régime de l'application des peines.

En premier lieu, elle en a modifié l'organisation pour la rapprocher du droit commun. Ainsi, elle a substitué à la juridiction régionale de libération conditionnelle le tribunal de l'application des peines compétent pour les mesures de libération conditionnelle, de suspension de peine et de relèvement de la période de sûreté.

Par ailleurs, les pouvoirs du juge de l'application des peines ont été accrus. Celui-ci est désormais compétent pour révoquer le sursis avec mise à l'épreuve ou assorti de l'obligation d'accomplir un travail d'intérêt régional, pour mettre à exécution tout ou partie de la peine prévue par la juridiction de jugement en cas d'inexécution de la peine d'intérêt général ou pour prolonger le délai d'épreuve.

Les décisions du tribunal de l'application des peines et du juge de l'application des peines sont susceptibles d'appel devant la chambre d'application des peines de la cour d'appel.

Ensuite, le texte prévoit diverses mesures d'aménagement de peines, tant au moment du prononcé de la peine (possibilité pour la juridiction de jugement de prononcer ab initio le placement extérieur et le placement sous surveillance électronique en plus de la semi-liberté) ou de sa mise à exécution (faculté pour le juge de l'application des peines de substituer une mesure d'aménagement de peine à une autre si la situation le demande, obligation pour le parquet de communiquer au juge de l'application des peines un extrait de la décision avant toute mise à exécution d'une peine inférieure à un an afin de déterminer les modalités d'exécution de la peine...), qu'en cours de l'exécution.

La loi a également posé le principe de l'aménagement des fins de peines d'emprisonnement comprises entre six mois et cinq ans d'emprisonnement 4 ( * ) et défini, à cette fin, une nouvelle procédure (articles 723-20 à 723-27 du code de procédure pénale). Le directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) a désormais l'obligation de proposer la mesure d'aménagement de peine la mieux adaptée à la personnalité du condamné au juge de l'application des peines sauf s'il décide de ne pas saisir le juge pour l'un des quatre motifs limitativement énumérés par la loi (mauvaise conduite du condamné, absence de projet sérieux de réinsertion, impossibilité matérielle de mettre en place la mesure ou refus par le condamné de bénéficier de la mesure qui lui est proposée). Le juge de l'application des peines dispose alors d'un délai de trois semaines pour homologuer ou non la proposition. A défaut de réponse, le directeur des SPIP peut décider de ramener à exécution la mesure d'aménagement. Les dispositions relatives à l'aménagement des fins de courtes peines d'emprisonnement sont applicables depuis le 1 er octobre 2004.

Par ailleurs, le placement sous surveillance électronique s'est développé.

La loi n° 97-1159 du 19 décembre 1997 avait consacré le placement sous surveillance électronique comme modalité d'exécution des peines privatives de liberté dont le quantum ou le reliquat à exécuter n'excèdent pas un an. Cette mesure est décidée par le juge de l'application des peines, qui peut également l'ordonner à titre probatoire d'une libération conditionnelle 5 ( * ) . La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a étendu la possibilité d'utilisation du PSE à la mise sous contrôle judiciaire 6 ( * ) .

Enfin, la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité est venue compléter l'ensemble des possibilités de recours au placement sous surveillance électronique, dans le cadre du prononcé de la mesure ab initio ou de la proposition d'aménagement des fins de peine par le directeur des services pénitentiaires d'insertion et de probation. Ces dispositions entreront en vigueur le 1 er janvier 2005.

Un nombre croissant de juridictions a prononcé un PSE.

Le 1 er juillet 2002 : 340 placements avaient été prononcés depuis le début de l'expérimentation dont 100 étaient en cours et 10 juridictions étaient concernées par la mesure.

Le 1 er juillet 2003 : 860 placements avaient été prononcés depuis le début de l'expérimentation dont 216 étaient en cours et 41 juridictions étaient concernées par la mesure.

Le 15 juillet 2004 : 3.118 placements avaient été prononcés depuis le début de l'expérimentation dont 863 étaient en cours et 126 juridictions étaient concernées par la mesure.

Il convient de rappeler que la loi du 9 septembre 2002 a prévu la possibilité de recourir à des personnes de droit privé pour la mise en oeuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance dans des conditions fixées par le décret du 17 mars 2004. De nouveaux marchés ont été passés au cours de cette année, en vue d'externaliser la gestion technique du placement sous surveillance électronique.

Dans ce cadre, le prestataire loue le matériel de surveillance à l'administration pénitentiaire. Le coût d'un bracelet électronique s'élève environ à 22 euros par jour (contre 63 euros pour une journée de détention). Si, jusqu'à présent, chaque direction régionale assume les responsabilités du marché conclu selon les instructions de l'administration centrale, un marché de généralisation -actuellement au stade de l'analyse des offres- devrait progressivement reprendre ces marchés régionaux pour couvrir l'intégralité du territoire.

L'objectif serait d'atteindre 3.000 personnes placées sous surveillance électronique en 2007. Les efforts de l'administration pénitentiaire pour promouvoir cette mesure auprès des services judiciaires commencent à porter leurs fruits. Ainsi, au 1 er juin 2004, 118 juridictions avaient prononcé des placements sous surveillance électronique (115 tribunaux de grande instance et trois cours d'appel) au lieu de 28 au 1 er juin 2003, et le nombre de mesures avait progressé dans la même période de 171 à 699.

Enfin, le Gouvernement a décidé de créer 500 places de semi-liberté supplémentaires destinées à s'ajouter aux 2000 places existantes. En effet les quartiers ou centres de semi-liberté, caractérisés par des dispositifs de sécurité allégés, ont vocation à accueillir des personnes poursuivant une formation ou une activité professionnelle dans une perspective de réinsertion. Ainsi une première tranche de travaux permettra la réalisation de trois quartiers de semi-liberté (210 places réparties entre Bordeaux Gradignan, Aix-Luynes et Lille-Loos).

* 3 Cité par Michaël Janas, Les mesures alternatives à l'emprisonnement in Regards sur l'actualité, n° 300, avril 2004.

* 4 Reliquat de 3 mois pour les condamnés à des peines supérieures ou égales à 6 mois et inférieures à 2 ans, reliquat de 6 mois pour les condamnés à des peines supérieures ou égales à 2 et inférieures à 5 ans. L'aménagement peut prendre la forme de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique.

* 5 Le décret n° 2002-479 du 3 avril 2002 portant modification du code de procédure pénale et relatif au placement sous surveillance électronique est venu préciser les modalités d'application de la mesure.

* 6 Les modalités d'application de cette disposition ont fait l'objet du décret n° 2002-243 pris en Conseil d'Etat le 17 mars 2004. Le 15 juillet 2004, deux personnes sous contrôle judiciaire bénéficiaient d'un placement sous surveillance électronique.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page