III. LA NÉCESSAIRE AMÉLIORATION DE LA GESTION DE L'EMPLOI PUBLIC

Pour améliorer la gestion de l'emploi public, il est tout d'abord indispensable d'avoir une parfaite connaissance des effectifs de la fonction publique . De nombreux efforts ont été faits en ce sens ces dernières années, notamment grâce aux travaux de l'Observatoire de l'emploi public qui, après avoir identifié les raisons pour lesquelles les chiffres concernant la fonction publique variaient d'une statistique à l'autre, a élaboré une matrice qui devrait permettre d'obtenir le nombre réel des effectifs (suivant l'approche adopté) et de suivre son évolution au fil des années.

Ensuite, la nécessité pour la fonction publique de se doter d'une véritable gestion prévisionnelle des effectifs, des emplois et des compétences (GPEEC) semble devenir incontournable. Elle permettrait en effet pour chaque service d'évaluer ses réels besoins en effectifs et en emplois et d'en anticiper les éventuelles évolutions.

Dans son rapport annuel de 2002 sur les « perspectives pour la fonction publique » 27 ( * ) , le Conseil d'Etat mettait déjà en évidence la nécessité d'une gestion prévisionnelle des ressources humaines dans la fonction publique, celle-ci devant ces prochaines années répondre au défi démographique que constituera le départ massif de fonctionnaires à la retraite. La réforme budgétaire issue de la loi organique relative aux lois de finances précitée devrait également contribuer au développement de cette gestion prévisionnelle au sein de chaque service de l'Etat.

A. VERS UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DES EFFECTIFS

La recherche d'une meilleure connaissance des effectifs de la fonction publique est apparue comme une nécessité, dans la mesure où les charges de personnel de l'Etat représentaient 120,7 milliards d'euros en 2003 et 114,9 milliards d'euros dans la loi de finances initiale pour 2004 et devraient atteindre 117,6 milliards d'euros en 2005, soit près de 41 % du budget général .

Près de 5 millions de personnes travaillent actuellement au sein des trois fonctions publiques, soit plus de 20 % des salariés de métropole et des départements d'outre-mer.

1. La construction d'une méthode permettant d'obtenir un état quantitatif précis des personnels de la fonction publique

Depuis sa création en 2000, l'Observatoire de l'emploi public développe, au fur et à mesure des années, de nombreux outils permettant de mieux cerner la réalité de la fonction publique en recherchant notamment les raisons pour lesquelles les chiffres avancés sont différents suivant les sources statistiques. Poursuivant ses efforts dans son rapport annuel de décembre 2003, il parvient à « présenter un état quantitatif précis de la situation des personnels que les trois fonctions publiques emploient » 28 ( * ) en clarifiant les différents concepts et méthodes de dénombrement.

Les statistiques présentées en matière d'effectifs de la fonction publique varient suivant qu'est choisie une conception plus ou moins stricte de l'emploi public.

Ainsi, dans un premier temps, l'Observatoire de l'emploi public a mis en évidence l' existence de plusieurs définitions de la fonction publique qui consistent :

- soit à dénombrer uniquement « les personnels qui, fonctionnaires, relèvent des titres II, III et IV du statut général de la fonction publique (définition par le statut de l'agent) ou qui, fonctionnaires ou non fonctionnaires, dépendent d'administrations ou d'organismes relevant de ces textes (définition par le statut de l'employeur) ». Il s'agit d'une conception de l'emploi public dans son « acception organique la plus étroite » retenue par les juristes ;

- soit à comptabiliser au contraire « l'ensemble des personnels des administrations publiques financées majoritairement par prélèvements obligatoires », définition utilisée par les économistes.

En reprenant ces deux conceptions de l'emploi public 29 ( * ) , le rapport annuel 2003 relatif à la fonction publique 30 ( * ) présente les résultats suivants pour déterminer les effectifs des trois fonctions publiques :

Effectifs de la fonction publique de l'Etat, territoriale et hospitalière
au 31 décembre 2002 (emplois principaux) (1)

 

Fonction publique au sens large

Fonction publique au sens strict

 
 
 
 
 

Ministères, collectivités territoriales

EPA à recrutement de droit public (2)

Total

%

EPA à recrutement de droit privé (3)

EPIC hors entreprises publiques

GIP et autres organismes (4)

Total

%

Fonction publique d'Etat (FPE) (5)

Titulaires

1.739.145

77.147

1.816.292

72,1

79

8.230

173

1.824.774

70,5

Militaires

324.339

77

324.416

12,9

0

47

1

324.464

12,5

Ouvriers d'Etat

56.127

1.553

57.680

2,3

0

17

0

57.697

2,2

Non-titulaires

203.332

116.895

320.227

12,7

14.603

43.978

3.598

382.406

14,8

Total FPE

2.322.943

195.672

2.518.615

100,0

14.682

52.272

3.772

2.589.341

100,0

Fonction publique territoriale (FPT)

Titulaires

872.013

238.265

1.110.278

76

0

7.334

1.078

1.118.690

74,5

Non-titulaires

210.650

83.366

294.016

20,1

0

31.880

1.614

327.510

21,8

Assistantes maternelles

50.493

5.371

55.864

3,8

0

0

0

55.864

3,7

Total FPT

1.133.156

327.002

1.460.158

100,0

0

39.214

2.692

1.502.064

100,0

Fonction publique hospitalière (FPH) (6)

Titulaires

 

725.253

725.243

79,6

 
 
 

725.253

79,6

Non-titulaires

 

97.095

97.095

10,7

 
 
 

97.095

10,7

Médecins

 

88.866

88.866

9,8

 
 
 

88.866

9,8

Total FPH

 

911.214

911.214

100,0

 
 
 

911.214

100,0

FPE + FPT + FPH

Titulaires et militaires

2.935.497

1.040.742

3.976.239

81,3

79

15.611

1.252

3.993.181

79,8

Non-titulaires

413.982

297.356

711.338

14,5

14.603

75.858

5.212

807.011

16,1

Ouvriers d'Etat

56.127

1.553

57.680

1,2

0

17

0

57.697

1,2

Assistantes maternelles

50.493

5.371

55.864

1,1

0

0

0

55.864

1,1

Médecins

0

88.866

88.866

1,8

0

0

0

88.866

1,8

Total

3.456.099

1.433.888

4.889.987

100,0

14.682

91.486

6.464

5.002.619

100,0

DGAFP, bureau des statistiques, des études et de l'évaluation.

Sources : Insee, Drees (ministère des Affaires sociales), DHOS (ministère de la Santé).

CHAMP : Hors bénéficiaires d'emplois aidés (CES, CEC, emplois jeunes)

FPE : métropole, DOM-TOM, étranger, FPT : métropole, DOM et Saint-Pierre-et-Miquelon, FPH : métropole et DOM ; y compris internes et résidents ; non compris praticiens hospitalo-universitaires (recensés avec les effectifs de la FPE), médecins libéraux et non titulaires sur crédits de remplacement.

(1) Certaines personnes cumulent deux ou plusieurs emplois dans la fonction publique ou un emploi dans la fonction et un emploi dans le secteur privé. L'emploi principal, par opposition à l'emploi secondaire, est celui qui procure l'essentiel de la rémunération totale du fonctionnaire (définition issue du rapport annuel 2002 du ministère de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de l'aménagement du territoire, sur la fonction publique de l'Etat).

(2) Y compris les établissements publics à caractère scientifique ou technologique et les établissements à caractère scientifique, culturel ou professionnel, catégories particulières d'établissements à caractère administratif.

(3) Caisses nationales de sécurité sociale et Centre national d'études supérieurs de la sécurité sociale.

(4) Pour la FPE : organismes de droit public non qualifiés d'établissements publics (Institut franco-allemand de recherches et Institut de gestion sociale des armées) ; pour la FPT : associations syndicales autorisées et organismes privés à financement public majoritaire.

(5) Militaires, établissements publics, GIP et autres organismes au 31 décembre 2000.

(6) Chiffres provisoires.

Les statistiques présentées par ce tableau diffèrent de plus de 100.000 personnes suivant la conception retenue.

Il convient également d'ajouter aux chiffres précédemment avancées les bénéficiaires d'emplois aidés travaillant au sein de la fonction publique et qui étaient au nombre de 235.100 au 31 décembre 2003, dont 151.900 agents recrutés avec des contrats emploi solidarité ou des contrats emploi consolidé et 83.200 emplois jeunes (contre respectivement 184.800 et 146.400 au 31 décembre 2001).

En retenant une définition stricte de l'emploi public, les effectifs sont ainsi répartis entre les trois fonctions publiques :

Répartition des effectifs entre les trois fonctions publiques

A partir des deux approches de l'emploi public, l'une juridique et l'autre économique, et liées aux deux conceptions déjà identifiées précédemment, l'Observatoire de l'emploi public propose un état quantitatif précis des agents de la fonction publique qui offre un cadre d'analyse ayant pour principal intérêt de « clarifier le débat de l'emploi public en raccordant les différentes définitions de champ entre elles, offrant ainsi des possibilités de comparaison et d'articulation entre sources statistiques différentes » et permet plusieurs grilles de lecture.

Les deux approches retenues par l'Observatoire de l'emploi public
pour clarifier les méthodes de dénombrement des effectifs de la fonction publique

Dans son rapport annuel pour 2003, l'Observatoire de l'emploi public retient deux approches différentes pour dénombrer les agents de la fonction publique :

- « dans une approche économique où l'économie nationale est divisée en secteurs institutionnels, la fonction publique correspond à celui des « administrations publiques » financées majoritairement par prélèvements obligatoires. Elle comprend, hors territoires d'outre-mer et étranger, 5,7 millions d'agents au 31 décembre 2001 (y compris emplois aidés), chiffre qui représente environ 25 % des salariés de métropole et des départements d'outre-mer. Parmi ces personnes, seules 3,8 millions sont titulaires » ;

- « dans une approche juridique, celle retenue par l'Observatoire de l'emploi public, dans laquelle relève de la fonction publique tout agent qui travaille dans des organismes soumis au droit administratif recrutant majoritairement des agents de droit public, la fonction publique compte y compris emplois aidés 5 millions d'agents au 31 décembre 2001, chiffre qui représente environ 22 % des salariés de métropole et des départements d'outre-mer (et 19 % des salariés et non salariés) . »

Comme l'avait déjà signalé M. Pierre Fauchon dans l'avis budgétaire de l'an dernier 31 ( * ) , la recherche d'une meilleure connaissance de l'emploi public nécessite également de pouvoir expliquer l'existence d'un important écart entre les emplois budgétaires et les effectifs réels, constaté à plus de 150.000 entre le nombre d'agents travaillant dans les services civils et militaires de l'Etat au 31 décembre 2001 (environ 2,29 millions d'agents) et le nombre d'emplois inscrits au budget de l'Etat dans la loi de finances initiale pour 2001 (environ 2,14 millions d'agents) 32 ( * ) .

Ainsi, les principales raisons avancées par l'Observatoire de l'emploi public dans son rapport annuel d'octobre 2002 et reprises dans son rapport annuel de décembre 2003 sont les suivantes :

Rappel des raisons avancées pour expliquer les écarts
entre les emplois budgétaires et les effectifs réels payés et gérés

Les emplois budgétaires décrits en loi de finances initiale sont les emplois permanents à temps complet autorisés par celle-ci. Les facteurs expliquant l'écart entre les emplois budgétaires et les effectifs physiques réels payés et gérés sont notamment les suivants :

- des éléments échappent en partie aux gestionnaires de personnel : le temps partiel (un emploi budgétaire peut être occupé par plusieurs personnes à temps partiel), les vacances d'emploi (certains emplois budgétaires peuvent ne pas être pourvus par suite du départ de leur titulaire, jusqu'au recrutement d'un nouvel agent sur cet emploi) ;

- des éléments visent à introduire une certaine souplesse dans l'exécution budgétaire : des surnombres peuvent ainsi être accordés en cours d'année par les contrôleurs financiers (on autorise ainsi un dépassement temporaire de l'emploi budgétaire) ainsi que des gages (utilisation d'un emploi à la place d'un autre). De même, les transferts « en gestion » d'emplois entre ministères en cours d'année (un ministère assure pour le compte d'un autre le service de la paye) contribuent à expliquer l'écart pour un ministère entre l'emploi budgétaire en début d'année et l'effectif réellement payé en cours d'année ;

- enfin, les limites de l'autorisation budgétaire elle-même expliquent le décalage entre emplois budgétaires et effectifs réels payés : les crédits permettant de rémunérer certains personnels ne sont pas présentés sous forme d'emplois budgétaires. Or, les personnels correspondants sont pris en compte dans l'effectif réel payé.

Source : Rapport annuel d'octobre 2002 de l'Observatoire de l'emploi public.

L'Observatoire de l'emploi public poursuit également ses travaux afin de parvenir à différencier les catégories d'agents n'étant pas titulaires au sein de la fonction publique. En effet, les statistiques actuellement avancées ne se fondent pas toujours sur la même définition des non-titulaires 33 ( * ) .

Votre rapporteur salue la qualité des travaux menés par l'Observatoire de l'emploi public, particulièrement utiles pour la bonne information du Parlement et du Gouvernement qui souhaitent maîtriser l'évolution de l'emploi public. Elle considère qu'une connaissance précise des effectifs de la fonction publique constitue en effet un préalable indispensable avant tout engagement dans le sens d'une politique volontariste de suppression de postes . La diminution des effectifs de certains ministères ou services doit être faite dans le souci d'une affectation optimale des personnels .

* 27 « Perspectives pour la fonction publique », Rapport public 2003 du Conseil d'Etat, La Documentation française, Paris, 2003, p. 448.

* 28 Rapport annuel 2003 de l'Observatoire de l'emploi public, publié à La Documentation Française.

* 29 Il convient de préciser que l'Observatoire de l'emploi public signale également l'existence d'une troisième conception retenue par la majorité des citoyens et consistant à assimiler la fonction publique « à l'ensemble des personnels exerçant une mission de service public ».

* 30 Rapport annuel de 2003 « Fonction publique : faits et chiffres », ministère de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, La Documentation Française.

* 31 Avis précité de M. Pierre Fauchon au nom de la commission des Lois.

* 32 D'après l'Observatoire de l'emploi public, cet écart de 151.000 s'explique notamment par la prise en compte des personnes en congé de longue durée (11.200), des vacances d'emplois (38.700), par le recours au temps partiel (64.300) et par le paiement de certains agents sur des crédits et non sur des emplois budgétaires (102.800).

* 33 S'agissant de la fonction publique de l'Etat, l'Observatoire de l'emploi public a identifié plusieurs catégories homogènes d'agents non-titulaires : les maîtres d'internat et surveillants d'externats, les enseignants ou chercheurs temporaires, les recrutés locaux (personnels venant de l'étranger ou des territoires d'outre-mer et dont le contrat est soumis au droit local), les personnels de service et les « cas particuliers » qui répondent à des situations ponctuelles de recherche pour des emplois temporaires ou particuliers (par exemple les assistants de justice ou les aumôniers).

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