TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 16 novembre 2005 sous la présidence de M. Nicolas About, président , la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de Mme Valérie Létard sur le projet de loi n° 57 (2005-2006) portant engagement national pour le logement .

En préambule, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis , a évoqué la situation d'urgence des banlieues qui révèle, à son sens, un malaise longtemps sous-estimé et qui donne un relief tout particulier au débat qui va s'engager sur ce texte.

Elle a ensuite indiqué que le projet de loi doit être replacé dans un contexte de crise du logement, caractérisée par un trop faible volume de logements disponibles, notamment dans le parc locatif social et dans les hébergements d'urgence, et par un retard important pris dans les projets de construction et de rénovation. Il en résulte une augmentation des prix de l'immobilier, accompagnée d'une hausse exceptionnelle de l'indice du coût de la construction, qui sert de base à l'évolution des loyers. De ce fait, la part consacrée au logement représente aujourd'hui plus de 20 % du budget des ménages.

Elle s'est réjouie que ce projet de loi, attendu depuis plus de deux ans, ait été déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat. Il s'insère dans le cadre plus large du « Pacte national pour le logement » qui a pour ambition d'amplifier le mouvement impulsé par le programme national de rénovation urbaine et le volet logement du plan de cohésion sociale. Leurs objectifs cumulés portent sur la réhabilitation de 400.000 logements, le remplacement de 250.000 habitations dégradées par de nouvelles constructions, la réalisation de 500.000 nouveaux logements locatifs sociaux, la remise sur le marché de 100.000 logements vacants, l'augmentation du nombre de places d'hébergement, le conventionnement de 200.000 locations à loyer maîtrisé et le développement de l'accession à la propriété grâce à l'extension du prêt à 0 %.

Plus de 130 projets ont déjà été engagés, portant sur 112.000 réhabilitations, 58.700 constructions et 61.700 démolitions, mais il convient d'accélérer le rythme des réalisations, en levant les obstacles à la mise en oeuvre des projets en attente.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis , a ensuite présenté les deux volets du projet de loi : le premier est consacré à la mobilisation des ressources foncières, afin d'accélérer les chantiers de construction de logements ; le second, pour lequel la commission a souhaité se saisir pour avis, vise à accroître l'offre de logements sociaux ou conventionnés, afin de favoriser l'accès au logement des ménages disposant de revenus modestes ou intermédiaires.

Les mesures proposées dans cette seconde partie s'articulent autour de deux priorités : faciliter l'accès au logement pour les ménages les plus modestes et développer le parc locatif privé à loyer maîtrisé.

Cinq mesures découlent de cette première priorité : la création, par voie d'ordonnance, des offices publics de l'habitat (OPH) ; la réforme du système d'attribution des logements locatifs sociaux, pour améliorer la gestion des demandes prioritaires ; la réforme du régime des surloyers, par l'application d'un barème national applicable lorsque le locataire dispose de revenus supérieurs de 20 % aux plafonds de ressources fixés pour l'accès au parc locatif social ; l'application du taux réduit de TVA de 5,5 % à l'achat d'un logement neuf implanté en zone urbaine sensible (Zus) pour les ménages modestes ; l'interdiction des coupures d'eau, d'électricité et de gaz pendant la période hivernale allant du 1 er novembre au 15 mars. Cette dernière disposition fera d'ailleurs l'objet d'un amendement visant à mieux encadrer ses conditions d'application.

Puis Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis , a exposé les mesures destinées à développer le parc locatif privé à loyer maîtrisé : la première concerne l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (Anah), dont les missions sont élargies au développement et à l'amélioration de l'habitat privé et qui devient l'Agence nationale de l'habitat. Elle a d'ailleurs indiqué qu'elle proposera un amendement pour confier à l'Anah une mission complémentaire d'étude du parc privé existant.

Une deuxième mesure prévoit la création d'un dispositif de « conventionnement sans travaux » de logements à loyer maîtrisé par l'Anah pour les personnes ne dépassant pas un certain plafond de ressources, afin de redynamiser l'offre de logements conventionnés. Ce dispositif devrait être renforcé par l'exonération de la contribution annuelle sur les revenus locatifs pour les propriétaires bailleurs de logements conventionnés. A cet égard, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis , s'est inquiétée que le projet de loi de finances pour 2006 prévoie la suppression de cette contribution et qu'aucun dispositif alternatif de compensation ne soit à ce jour proposé.

Elle a ensuite annoncé la présentation probable, par le Gouvernement, de deux amendements de nature fiscale lors de la discussion du texte au Sénat : le réaménagement de l'actuel dispositif « Robien », qui serait recentré sur les zones où le marché immobilier est particulièrement tendu, et la création d'un nouveau dispositif en faveur de l'investissement locatif à destination des locataires à revenus modestes ou intermédiaires.

Enfin, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis , a annoncé qu'elle proposera un amendement visant à inciter les communes concernées par l'application de l'article 55 de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) à produire davantage de logements très sociaux à destination des ménages les plus défavorisés grâce à l'attribution d'un coefficient de 1,5 pour le décompte des logements sociaux locatifs de la commune.

Pour conclure, elle a appelé de ses voeux la vigilance et la mobilisation pleine et entière des acteurs du logement, des associations d'insertion et des élus, afin que l'application de ce texte apporte une véritable réponse aux problèmes de logements rencontrés sur le terrain.

M. Nicolas About, président, a demandé si ce dernier amendement prévoit que les hébergements d'urgence bénéficient eux aussi de l'application de ce coefficient majoré. Il s'est également prononcé en faveur d'un développement de l'accession sociale à la propriété qui demeure encore trop rare dans notre pays.

Mme Sylvie Desmarescaux a indiqué que les logements sociaux acquis par leurs locataires ne sont plus comptabilisés dans les 20 % exigés par l'article 55 de la loi SRU, ce qui ramène certaines communes en deçà de ce seuil et les décourage d'offrir à la vente les logements sociaux. Elle a annoncé qu'elle déposerait un amendement visant à maintenir ces logements dans le décompte annuel pour une période déterminée. Elle s'est en outre inquiétée de la perte de solvabilité des ménages les plus défavorisés du fait des effets conjugués de l'augmentation des prix de l'immobilier et de la revalorisation insuffisante des aides au logement. Elle a, à cet égard, renouvelé son souhait que soient versées les aides au logement, même lorsque leur montant mensuel est inférieur à 24 euros.

Mme Bernadette Dupont a évoqué le problème que pose la réhabilitation des immeubles anciens classés, notamment lorsqu'ils sont occupés par des personnes âgées ou handicapées qui ne peuvent procéder aux aménagements techniques nécessaires à leur maintien dans les lieux. Elle a indiqué qu'elle déposerait un amendement visant à lever cet obstacle.

M. Alain Vasselle s'est montré réservé sur le projet de loi présenté, craignant qu'à bien des égards, il ne soit défavorable aux familles les plus défavorisées et compromette la mixité sociale des quartiers. Il a souhaité que soient appliqués de façon symétrique, pour le parc privé, les avantages de financement offerts au parc social, en ce qui concerne la durée d'amortissement et le taux des prêts. Puis il a évoqué la possibilité pour un propriétaire privé d'accorder à un bailleur social l'usufruit de son logement pour une durée déterminée afin d'augmenter le taux d'occupation des logements vacants dans le parc privé et de développer l'offre de logements en faveur des ménages défavorisés.

Il s'est inquiété de l'importance des pouvoirs accordés aux préfets concernant l'attribution des logements, souhaitant que le maire y soit davantage associé. Il a proposé que la commission adopte un amendement visant à imposer respectivement à l'Etat et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), délégataires de la compétence logement, la charge financière des impayés de loyers pour les logements qu'ils auraient attribués sur leur droit de réservation, malgré le refus motivé de l'organisme bailleur.

M. Louis Souvet a confirmé que l'application obligatoire d'un barème national de surloyer dès le dépassement de 20 % du plafond de ressources fixé pour l'accès au parc social sera de nature à remettre en cause la mixité sociale. Il s'est dit favorable à des mesures allant dans le sens d'un assouplissement du dispositif.

M. Gilbert Barbier a demandé des précisions relatives à la réforme des offices publics d'habitation à loyer modéré (OPHLM) et des offices publics d'aménagement et de construction (Opac) que le Gouvernement souhaite prendre par ordonnance, en vertu de l'article 38 de la Constitution. Il a par ailleurs soulevé le problème de la faible réalisation de logements sociaux dans les communes de moins de 3.500 habitants, qui ne sont pas assujetties à l'obligation prévue à l'article 55 de la loi SRU.

Mme Christiane Demontes s'est réjouie que le texte apporte quelques réponses à la crise du logement. Toutefois, elle a déploré que ne soit pas abordé le problème de la solvabilité d'un nombre croissant de ménages et de jeunes adultes. Elle s'est montrée favorable à l'application de sanctions plus lourdes pour les maires qui refusent de construire des logements sociaux et s'est interrogée sur les voies à explorer pour aider davantage les ménages qui accèdent à la propriété.

M. Nicolas About, président, a proposé à la commission d'adopter un amendement visant à conditionner la délivrance des permis de construire, dans les communes n'ayant pas atteint le quota requis de 20 % de logements sociaux, à la présence de 20 % de logements à caractère social dans les projets de construction ou de réhabilitation.

M. Bernard Seillier a approuvé cet amendement, indiquant qu'il est conforme, dans l'esprit, aux propositions faites par le Premier ministre lors de son discours devant le Conseil national de lutte contre les exclusions (CNLE) du 16 septembre dernier. Il a préconisé en effet de réserver une part de logements sociaux dans chaque construction nouvelle.

M. Alain Vasselle s'est interrogé sur la définition précise du logement social retenue par l'article 55 de la loi SRU ainsi que sur l'opportunité d'en modifier le périmètre. Il a également déploré que l'absence de compensation des exonérations de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) n'incite les communes à favoriser la construction de logements privés, dont les loyers seront plus élevés pour les locataires, plutôt que des logements sociaux.

M. Guy Fischer a reconnu la nécessité d'accroître la mobilité du parc social pour faire face au nombre croissant de demandes mais s'est dit réservé sur l'application systématique des surloyers qui pourrait se traduire, à terme, par une « ghettoïsation » des quartiers, notamment ceux qui ont réussi jusqu'alors à préserver la mixité sociale.

M. Jean-Paul Amoudry s'est félicité des mesures relatives à la mobilisation des terrains appartenant à l'Etat et à ses établissements publics, tout en exprimant le souhait qu'elles permettent véritablement aux communes d'accélérer la réalisation de leurs projets de construction. Il s'est également déclaré favorable à une mise en oeuvre territorialisée des surloyers et s'est inquiété de l'interdiction généralisée des coupures d'énergie et d'eau pendant la période hivernale.

Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a précisé que les publics visés par cette interdiction sont uniquement ceux qui bénéficient, ou ont bénéficié, d'une aide du fonds de solidarité logement (FSL) dans les douze derniers mois, ce qui permet de limiter les effets d'aubaine. Elle a ensuite indiqué que la définition des logements locatifs sociaux fait l'objet d'une énumération détaillée dans l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation, et qui comprend essentiellement les logements locatifs et les centres d'hébergement temporaire ou d'urgence ; en revanche, les logements sociaux acquis par les locataires en sont exclus.

Concernant la réforme des OPHLM et des Opac, elle a rappelé que le projet d'ordonnance prévoit la transformation de 291 organismes en établissement public industriel et commercial (Epic), ce qui leur donnera une autonomie financière et une souplesse de gestion plus grandes. La concertation menée depuis 2001 avec la fédération nationale des offices publics d'HLM et l'ensemble des acteurs concernés a permis d'aboutir à un consensus qui devrait garantir le succès de cette réforme.

En réponse aux inquiétudes relatives à la réforme des surloyers, Mme Valérie Létard, rapporteur pour avis, a précisé que ce dispositif continuera de ne pas s'appliquer dans les zones urbaines sensibles (Zus) et dans les zones de redynamisation urbaine (ZRU). Elle a proposé un amendement permettant une adaptation du barème national dans le cadre des programmes locaux d'habitat (PLH) afin de prendre en compte les réalités du marché local et le respect de la mixité sociale. Enfin, elle a rappelé que les plafonds de ressources pour accéder aux logements sociaux ont été relevés de 5,4 % au 1 er janvier 2005, ce qui rehausse d'autant le seuil de déclenchement des surloyers.

Puis la commission a examiné les articles et les amendements présentés par le rapporteur pour avis.

Avant l'article 5 , la commission a adopté un amendement, tendant à insérer un article additionnel prévoyant la compensation par l'Etat des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) accordées aux bailleurs sociaux réalisant des logements locatifs financés à compter du 1 er janvier 2006 par un prêt locatif aidé d'intégration ou d'une subvention de l'Anah dans le cadre des programmes sociaux thématiques.

Elle a ensuite adopté sans modification l'article 5 (TVA à taux réduit pour l'accession à la propriété en Zus).

A l'article 6 (élargissement des missions de l'Agence nationale de l'habitat), elle a adopté un amendement visant à étendre les missions de l'Anah à la connaissance du parc de logements privés et aux conditions de son occupation.

Elle a ensuite adopté sans modification les articles 7 (exonération de la contribution annuelle sur les revenus locatifs des logements conventionnés) et 8 (habilitation du Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance des mesures de modernisation des offices d'HLM).

Avant l'article 9 , la commission a adopté trois amendements portant articles additionnels : le premier vise à renforcer le contenu des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD) ; le deuxième a pour objet d'affecter un coefficient de 1,5 aux logements très sociaux nouvellement réalisés ; le dernier prévoit que tout nouveau projet de construction ou de réhabilitation de vingt logements ou plus doit comporter obligatoirement 20 % de logements sociaux, dans le cas où les communes ne respectent pas l'obligation fixée par l'article 55 de la loi SRU.

A l'article 9 (attributions de logements sociaux), elle a adopté un amendement qui vise à imposer à l'Etat ou à l'EPCI délégataire, la charge financière des impayés de loyers pour les logements qu'ils attribueront sur leurs droits de réservation, malgré le refus de l'organisme bailleur d'obtempérer.

A l'article 10 (supplément de loyer de solidarité), elle a adopté un amendement qui prévoit que des dispositions relatives aux barèmes des surloyers peuvent figurer dans le programme local d'habitat (PLH) et qu'elles prévalent, au même titre que les conventions globales de patrimoine, sur le barème national.

Avant l'article 11 , la commission a adopté deux amendements portant articles additionnels : le premier prévoit que les allocations de logement font l'objet d'un versement trimestriel lorsque leur montant est inférieur au montant minimal fixé par décret ; le second supprime le délai de carence d'un mois applicable au versement des aides au logement.

A l'article 11 (sursis aux coupures d'eau, gaz et électricité pendant la période hivernale), elle a adopté un amendement qui précise le champ d'application de la mesure proposée et qui ajoute des garanties supplémentaires relatives à l'information des consommateurs et des services sociaux.

Après l'article 11 , elle a adopté un amendement visant à introduire un article additionnel qui prévoit un remboursement prioritaire des créances relatives aux fournitures d'eau, d'électricité, de gaz et de chauffage.

La commission a enfin donné un avis favorable à l'adoption des dispositions du texte ainsi modifiées.

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