B. 2006, UN BUDGET SANS PRÉCÉDENT QUI PRÉVOIT D'AFFECTER PLUS DE 12 MILLIARDS D'EUROS AU DÉSENDETTEMENT DIRECT DE L'ÉTAT

Le budget pour 2006 apparaît doublement atypique : d'une part, il affiche une très forte hausse des recettes de privatisation (a) et d'autre part, il en affecte l'essentiel au désendettement de l'Etat (b).

a) Le budget 2006 prévoit 14 milliards d'euros de recettes, soit un montant jamais enregistré

Le montant des recettes prévues pour 2006 s'élève à 14 milliards d'euros, soit le montant le plus élevé jamais atteint, et plus d'un doublement par rapport aux années précédentes 22 ( * ) .

PRODUITS DES CESSIONS DE PARTICIPATIONS

Source : Rapport relatif à l'Etat actionnaire, annexe au PLF 2006.

Les 14 milliards d'euros prévus pour 2006 se répartissent comme suit :

- 12 à 13 milliards 23 ( * ) provenant d'euros de la cession intégrale des participations de l'Etat dans les sociétés d'autoroutes 24 ( * ) ;

- 1 milliard d'euros tirés de la cession des titres EDF par offre réservée aux salariés ;

- moins d'1 milliard de produits de cession de titres d'Aéroports de Paris (ADP) à l'occasion de l'ouverture de son capital.

S'y ajouteraient 30 millions d'autres recettes provenant essentiellement de remboursements de créances.

b) Pour la première fois depuis près de 20 ans, la dépense principale sera le désendettement direct de l'Etat

Les 14 millions de dépenses inscrits au compte des participations financières de l'Etat pour 2006 se décomposeront comme suit :

- 11,95 milliards d'euros affectés au « désendettement de l'Etat ou d'établissements publics de l'Etat » (action n° 1), dont 10 milliards bénéficiant directement à dette de l'Etat 25 ( * ) et 1,95 milliard abondant deux structures d'apurement des dettes : l'EPFR et Charbonnages de France.

- 1,9 milliard d'euros consacrés à l'action « augmentation de capital et dotation en fonds propres » (action n° 2).

Si l'effort de désendettement des structures d'apurement est très voisin de celui consenti les années précédentes (autour de 2 milliards depuis 2002), en revanche le budget 2006 se distingue par la priorité donnée au désendettement direct de l'Etat, sans égal dans le passé.

Ce projet appelle plusieurs observations.

c) Votre commission approuve les différents aspects de la politique volontariste prévue pour 2006
(1) S'agissant de l'affectation à la dette de l'Etat

Votre commission est très favorable à ce que les recettes des privatisations ne soient pas affectées aux dépenses courantes mais plutôt à des dépenses « structurelles », telles que les investissements orientés vers la croissance (recherche, infrastructure) ou le remboursement de la dette publique qui a mobilisé en moyenne 60 % des recettes de privatisation depuis 20 ans. Cette dernière utilisation se justifie pleinement par la situation de la dette, qui croît de 4 % par an et dépasse d'ores et déjà le chiffre de 1.000 milliards d'euros 26 ( * ) .

Par rapport à ce dernier chiffre, les 8 milliards de recettes de privatisation supplémentaires prévus pour 2006 peuvent paraître très modestes. En fait, il est économiquement plus opportun que cet effort sur 2006 soit comparé, non pas au stock de la dette, mais au chemin à parcourir pour satisfaire l'exigence européenne d'une dette publique limitée à 60 % du PIB contre 65 % aujourd'hui. Pour répondre complètement à la norme européenne, la dette publique devrait diminuer de 79 milliards d'euros par rapport auxquels les 8 milliards de recettes de privatisations supplémentaires prévues en 2006 représentent plus de 10 %.

Votre rapporteur pour avis estime que la question de savoir si l'affectation des recettes doit se faire prioritairement vers les structures d'apurement des dettes (l'EFPR, l'ERAP, CDC et l'EMC) ou directement vers la dette de l'Etat doit être relativisée dans la mesure où il s'agit, dans les deux cas, de dettes publiques, y compris au sens du Traité Maastricht. En revanche, il regrette de n'être pas suffisamment informé sur l'activité des deux structures d'apurement les plus importantes -l'EPFR et l'ERAP- qui ne figurent pas dans les documents transmis 27 ( * ) . La carence d'information sur la gestion de ces entités (les cessions d'actifs réalisées, les coûts de fonctionnement, etc...) pourrait s'avérer particulièrement problématique si nous avions à nous prononcer sur un budget qui leur affecterait l'essentiel du produit des privatisations, comme c'était le cas depuis plusieurs années.

Si la limitation de la dette publique doit constituer une priorité, en revanche l'adage « qui paye ses dettes s'enrichit » ne se vérifie pas toujours. Encore faut-il en effet que cet effort ne soit pas fait au prix de cessions réalisées dans de mauvaises conditions. Sur ce point, la polémique traditionnelle sur le « bradage » du patrimoine public a trouvé un nouvel écho cette année au sujet des sociétés d'autoroutes.

(2) S'agissant des privatisations prévues

Il convient tout d'abord de rappeler qu'à l'instar des recettes fiscales, les recettes de privatisation ne sont qu'évaluatives et que, conformément à la logique du compte d'affectation spéciale, le niveau des dépenses dépend de celui des recettes 28 ( * ) .

L'écart entre les recettes prévues et réalisées peut résulter de deux choses :

- soit d'une modification de la politique du Gouvernement par rapport aux opérations annoncées dans le budget 29 ( * ) . C'est ainsi que pour l'exercice 2005, les recettes s'élèveront sans doute à 5,9 milliards d'euros contre 4,57 inscrits en loi de finances, la différence tenant à l'ouverture du capital de Gaz de France ;

- soit de l'aléa inévitable lié à la détermination du prix que les acheteurs offriront effectivement au moment de la cession. Comme il est de coutume, les chiffres avancés dans le projet de loi de finances prennent l'hypothèse de ventes « aux meilleures conditions possibles ».

Or, c'est précisément sur ce point que le montant des recettes inscrites au budget pour 2006 a fait débat quant à une possible sous-évaluation des sociétés d'autoroutes.

En fait, les interrogations ont porté sur le taux d'actualisation retenu pour déterminer le montant qui équivaudrait aujourd'hui aux 35-40 milliards de revenus que l'Etat aurait vraisemblablement perçu sur les 28-32 ans 30 ( * ) à venir s'il avait conservé ses participations.

Or, il en ressort que rien ne permet de mettre en doute la volonté de l'Etat d'optimiser la valorisation de son patrimoine .

D'ailleurs, il convient de rappeler que le processus engagé par le Gouvernement est un appel d'offres, la mise en concurrence des candidats à la reprise des participations publiques devant conduire à un prix « de marché » représentatif de l'évaluation, par le secteur privé, de la valeur actuelle des sociétés concessionnaires d'autoroutes. En tout état de cause, la commission des participations et des transferts déterminera un prix « plancher » en deçà l'opération serait contraire à l'intérêt patrimonial de l'Etat.

La polémique née autour du « bradage » des participations de l'Etat apparaît donc déplacée.

Quant à l'opération EDF qui vient en second dans les prévisions de recettes pour 2006, il convient de rappeler que l'objectif principal de l'ouverture du capital n'est pas le financement du budget de l'Etat, mais bien le développement de l'entreprise par le renforcement de ses fonds propres, 87,5 % des produits de l'ouverture du capital étant affectés à cette deuxième utilisation.

Cet exemple est très illustratif du fait que la bonne valorisation du patrimoine financier de l'Etat ne se réduit pas à la question du prix de ventes des actions lors des privatisations. Elle procède en fait d'une problématique économique plus large : la gestion et le développement des entreprises concernées.

* 22 Cf. annexe II.

* 23 Le chiffre de 13 à 14 milliards est souvent avancé dans la presse car il ajoute 950 millions de dividendes qui seront versés à l'Etat par ADF et alimenteront (comme tous les dividendes) le budget général et non le compte des participations financières de l'Etat.

* 24 8 milliards pour les parts détenues directement et 4 milliards pour celles détenus via l'établissement public Autoroutes de France dans les trois sociétés concernées : Autoroutes Paris Rhin Rhône (APRR), Autoroutes du Sud de la France (ASF) et la Société des autoroutes du nord et de l'est de la France (SANEF).

* 25 C'est-à-dire la caisse de la dette publique (CDP).

* 26 Dont 879 milliards négociables d'euros pour la dette de l'Etat prévue au 31/12/2005 et 919,9 milliards d'euros au 31/12/2006 (Source : agence France Trésor).

* 27 Notamment pas dans le rapport sur l'Etat actionnaire, alors que l'EPFR et l'ERAP sont pourtant bien des entités détenues par l'Etat.

* 28 Une intervention du budget général en cas de manque à gagner sur les recettes étant juridiquement possible mais politiquement peu probable.

* 29 Ces écarts sont soumis au Parlement par la loi de finances rectificative.

* 30 Durée de la concession restante selon les sociétés.

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