N° 103

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2005-2006

Annexe au procès-verbal de la séance du 24 novembre 2005

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances pour 2006 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VI

SOLIDARITÉ ET INTÉGRATION

Par M. Paul BLANC,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Nicolas About, président ; MM. Alain Gournac, Louis Souvet, Gérard Dériot, Jean-Pierre Godefroy, Mmes Claire-Lise Campion, Valérie Létard, MM. Roland Muzeau, Bernard Seillier, vice-présidents ; MM. François Autain, Paul Blanc, Jean-Marc Juilhard, Mmes Anne-Marie Payet, Gisèle Printz, secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, MM. Jean-Paul Amoudry, Gilbert Barbier, Daniel Bernardet, Mme Brigitte Bout, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Mmes Isabelle Debré, Christiane Demontès, Sylvie Desmarescaux, M. Claude Domeizel, Mme Bernadette Dupont, MM. Michel Esneu, Jean-Claude Etienne, Guy Fischer, Jacques Gillot, Francis Giraud, Mmes Françoise Henneron, Marie-Thérèse Hermange, Gélita Hoarau, Christiane Kammermann, MM. Serge Larcher, André Lardeux, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Mme Raymonde Le Texier, MM. Roger Madec, Jean-Pierre Michel, Alain Milon, Georges Mouly, Mmes Catherine Procaccia, Janine Rozier, Michèle San Vicente, Patricia Schillinger, M. Jacques Siffre, Mme Esther Sittler, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, François Vendasi, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 12 ème législ.) : 2540 , 2568 à 2573 et T.A. 499

Sénat : 98 et 99 (annexe n° 29 ) (2005-2006)

Lois de finances .

Les crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006

Programmes

Crédits de paiement (en euros)

Variation 2006/2005 (en %)

Politiques en faveur de l'inclusion sociale

1.010.720.000

+ 16,3

Prévention de l'exclusion

60.008.274

+ 1,7

Actions en faveur des plus vulnérables

740.863.460

+ 3,8

Conduite et animation de la politique de lutte contre l'exclusion

32.048.266

- 3,5

Rapatriés

177.800.000

+ 179,6

Accueil des étrangers et intégration

560.962.727

- 1,0

Population et participation à la régulation des migrations

12.255.619

+ 61,5

Prise en charge sociale des demandeurs d'asile

318.758.052

- 4,4

Intégration

219.249.056

+ 2,1

Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

10.700.000

0,0

Actions en faveur des familles vulnérables

1.102.900.000

+ 4,0

Accompagnement des familles dans leur rôle de parents

23.053.149

- 3,3

Soutien en faveur des familles monoparentales

875.000.000

+ 1,4

Protection des enfants et des familles

204.846.851

+ 17,7

Handicap et dépendance

7.848.490.305

+ 6,4

Évaluation et orientation personnalisée des personnes handicapées

13.824.470

0,0

Incitation à l'activité professionnelle

2.229.570.000

+ 6,2

Ressources d'existence

5.491.495.153

+ 6,7

Compensation des conséquences du handicap

91.049.235

- 0,4

Personnes âgées

16.975.378

- 3,2

Pilotage du programme

5.576.069

- 10,3

Protection maladie

607.013.150

- 32,1

Accès à la protection maladie complémentaire

323.533.150

- 51,0

Aide médicale de l'Etat

233.480.000

0,0

Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante

50.000.000

-

Égalité entre les hommes et les femmes

27.442.180

+ 2,1

Accès des femmes aux responsabilités et à la prise de décision

881.164

0,0

Égalité professionnelle

5.000.294

0,0

Égalité en droit et en dignité

10.915.221

- 0,1

Articulation des temps de vie

203.321

0,0

Soutien du programme égalité entre les hommes et les femmes

10.442.180

+ 5,8

Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales

1.065.662.797

+ 4,9

État-major de l'administration sanitaire et sociale

64.720.252

+ 39,7

Statistiques, études et recherche

40.295.002

+ 77,4

Gestion des politiques sociales

251.890.049

+ 2,1

Gestion des politiques sanitaires

288.868.598

+ 29,9

Pilotage de la sécurité sociale

42.655.242

- 19,6

Soutien de l'administration sanitaire et sociale

377.233.654

- 11,1

Total mission « Solidarité et intégration »

12.223.191.159

+ 3,5

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006 s'élèvent à 12,2 milliards d'euros, y compris les dépenses de personnel. En application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001, ils sont répartis en sept programmes, eux-mêmes subdivisés en trente et une actions.

Toutefois, ces crédits sont loin de représenter l'intégralité de l'effort de la Nation dans le domaine de la solidarité. S'agissant des personnes handicapées, l'assurance maladie, les départements et la nouvelle caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) portent la dépense publique mobilisée en leur faveur à 43 millions d'euros.

Pour 2006, outre le financement des minima sociaux, les crédits doivent permettre de financer deux priorités : la mise en oeuvre du plan de cohésion sociale et l'application de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Conformément à l'esprit de la nouvelle loi organique qui prévoit une justification des dépenses au premier euro, c'est à la lumière de ces deux priorités qu'il convient d'apprécier la progression des crédits qui s'établit à 3,5 % par rapport à 2005.

Conformément aux objectifs fixés par le plan de cohésion sociale, le projet de budget pour 2006 honore d'abord les engagements de l'Etat en faveur de l'inclusion sociale. Ses actions s'ordonnent autour de trois priorités : améliorer l'accueil des publics fragiles, créer les conditions d'un égal accès aux soins pour tous et favoriser l'accueil et l'intégration des étrangers.

2006 sera la première année de mise en oeuvre de la prestation de compensation du handicap décidée dans le cadre de la loi du 11 février 2005 : elle constitue le coeur du dispositif permettant désormais aux personnes handicapés de décider librement de leur choix de vie.

C'est la raison pour laquelle votre commission, qui a inspiré la création de cette prestation, sera particulièrement attentive aux conditions de sa mise en oeuvre, ainsi qu'à l'installation des maisons départementales des personnes handicapées, guichet unique qui devrait permettre d'améliorer l'accès aux droits des personnes handicapées.

Même si la loi ne prévoit pas son intervention directe dans le financement de la prestation de compensation, votre commission regrette que l'Etat reste en retrait sur cette problématique de la compensation du handicap. Son engagement dans la nouvelle architecture institutionnelle demeure en effet timide et elle craint que son manque de mobilisation ne vienne décourager les efforts des autres financeurs extralégaux.

L'engagement de l'Etat ne se dément toutefois pas dans deux domaines : celui de la scolarisation des enfants handicapés, qui connaît une progression enfin soutenue, et celui du développement de l'emploi des personnes handicapées.

2006 marque en effet un tournant, puisque pour la première fois les employeurs publics qui ne respectent pas leur obligation d'emploi seront assujettis à une contribution au nouveau fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées dans la fonction publique. Votre commission regrette pourtant les incertitudes qui entourent sa mise en place et les tentatives de certaines administrations - notamment l'éducation nationale - de contourner leur obligation d'emploi.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité et intégration » pour 2006.

I. UN BUDGET À LA HAUTEUR DES DÉFIS DU PLAN DE COHÉSION SOCIALE

Les mesures destinées à faciliter l'inclusion sociale recouvrent des actions financées dans plusieurs programmes de la mission « Solidarité et intégration » :

- le programme « politiques en faveur de l'inclusion sociale » (1,01 milliard d'euros), qui vise à mettre en oeuvre les politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale, en développant des actions de prévention, en favorisant l'accès à l'hébergement d'urgence ou d'insertion et en permettant un accompagnement individualisé des personnes les plus en difficulté. Il prévoit également un plan de reconnaissance en faveur des rapatriés ;

- le programme « accueil des étrangers et intégration » (561 millions d'euros), qui regroupe les actions en faveur des immigrants, telles que l'hébergement et la prise en charge sociale des demandeurs d'asile et les mesures en faveur de l'intégration des personnes immigrées ;

- le programme « égalité entre les hommes et les femmes » (27 millions d'euros), qui vise à réduire les inégalités professionnelles, économiques et sociales constatées entre les hommes et les femmes ;

- le programme « protection maladie » (607 millions d'euros), qui rassemble les dispositifs contribuant à garantir l'accès aux soins à l'ensemble de la population (couverture maladie universelle complémentaire [CMU-C], aide médicale de l'Etat [AME]) et à la couvrir de préjudices non pris en compte par le système de protection sociale actuel (l'indemnisation des victimes de l'amiante).

A. UNE PRIORITÉ : AMÉLIORER L'ACCUEIL DES PUBLICS EN DIFFICULTÉ

1. L'augmentation des capacités d'accueil en hébergement d'urgence et d'insertion

La loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, et plus spécifiquement, son programme 14 intitulé « résoudre la crise du logement par le renforcement de l'accueil et de l'hébergement d'urgence », prévoit d'ici à 2009 la création de 1.800 places dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et de 7.000 places dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada), dont respectivement 500 et 2.000 par transformation de places d'urgence. Il envisage également de créer 4.000 places en maisons relais et d'accorder la priorité pour l'accès aux logements sociaux aux personnes sortant d'un dispositif d'hébergement temporaire ou d'urgence.

a) Des dispositifs d'urgence pérennisés

Le dispositif d'urgence sociale repose sur la mise en place de plates-formes d'accueil et d'orientation (numéro vert 115, équipes mobiles, ...), pour que les personnes sans domicile puissent accéder à un hébergement et à des services de premiers secours. Il est complété par les centres d'hébergement d'urgence (environ 12.000 places) ou le financement de nuitées d'hôtel durant la période hivernale (près de 9.600 places), qui permettent un hébergement immédiat et de courte durée.

L'allocation logement temporaire (ALT) contribue largement au financement des dispositifs d'urgence sociale, grâce aux aides forfaitaires qui sont versées aux organismes sociaux ou aux communes disposant d'aires d'accueil pour les gens du voyage.

Pour 2006, les moyens affectés aux dispositifs d'urgence et à l'ALT représentent plus de 190 millions d'euros.

b) L'augmentation nécessaire des capacités d'accueil des centres d'hébergement et de réinsertion sociale

Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) constituent des dispositifs temporaires d'hébergement et d'insertion à destination des personnes ou familles ayant de graves difficultés financières et ayant la faculté de retrouver à terme leur autonomie sociale. La loi de cohésion sociale prévoit une augmentation significative et rapide de leur capacité d'accueil d'ici à 2007.

En 2005, 800 places nouvelles ont déjà été créées, nécessitant un abondement supplémentaire de 70 millions d'euros par rapport à l'enveloppe initiale. Pour 2006, la dotation budgétaire des CHRS, en hausse de 4,8 % par rapport à la loi de finances pour 2005, permet le financement de 31.507 places dans 735 structures, dont 500 places nouvelles , pour un coût moyen annuel d'environ 15.000 euros. Pourtant, malgré cette augmentation, il est à craindre que les crédits prévus pour 2006 ne soient insuffisants, ceux-ci étant déjà inférieurs à l'exécution des années 2004 et 2005.

Sur les 21,67 millions d'euros de crédits supplémentaires accordés pour 2006, 10,27 millions d'euros sont consacrés à la revalorisation des salaires des personnels, 6 millions d'euros financent le rebasage budgétaire partiel des CHRS, les crédits affectés à la création des 500 nouvelles places ne représentant qu'un quart de l'augmentation de la dotation.

Evolution des crédits d'aide sociale consacrés aux CHRS depuis 2000

(en euros)

Années

Taux d'évolution

LFI

Dont actualisation

Dont mesures nouvelles

Places nouvelles

2000

2,90 %

390.795.433

4.786.709

6.400.000

500

2001

3,24 %

403.451.426

6.255.993

6.400.000

500

2002 (1)

3,57 %

417.457.858

6.086.432

7.920.000

530

2003

2,59 %

428.385.988

4.528.130

6.400.000

500

2004 (2)

2,08 %

437.310.000

8.924.011

-

0

2005 (3)

3,15 %

451.070.000

7.460.000

6.300.000

800

2006

4,85 %

472.740.000

6.000.000

5.400.000

500

(1) Y compris les crédits s'élevant à 1,52 million d'euros pour la création du lieu d'accueil et d'orientation pour mineurs étrangers à Taverny de 30 places.

(2)Pour la LFI 2004, le « rebasage » budgétaire a été privilégié par rapport à la création de places nouvelles.

(3) 800 places dont 500 par transformation de places d'hébergement d'urgence .

Votre commission déplore que les moyens affectés au rebasage budgétaire des CHRS soient insuffisants au regard des besoins financiers réels des établissements. La mission d'inspection conjointe conduite en 2005 par l'Igas et l'IGF préconise en effet un rebasage à hauteur de 12 millions d'euros, sans pour autant prendre en compte la suppression dans certains départements des aides au logement versées aux personnes hébergées dans ces centres. On peut en effet craindre que la remise en cause du versement des aides par les caisses d'allocations familiales accentue le manque de solvabilité des personnes accueillies et ne produise des déficits importants et une augmentation des contentieux.

Enfin, votre commission s'inquiète d'une double dérive :

- l'allongement significatif de la durée moyenne de prise en charge dans les centres, comprise actuellement entre un an et deux ans. L'indicateur proposé par le projet annuel de performance prévoit un taux cible de sorties des personnes hébergées en CHRS de 50 % en 2007 , ce qui correspond à une durée moyenne de séjour de six mois . Cet allongement de la durée moyenne d'hébergement crée un véritable engorgement des dispositifs d'accueil temporaires, qui s'explique en partie par la difficulté actuelle de trouver un logement dans le parc social ;

- l'augmentation du nombre des demandeurs d'asile parmi les personnes hébergées, les centres d'accueil qui leur sont réservés ne disposant pas d'une capacité d'hébergement suffisante. La part croissante qu'ils représentent par rapport à l'ensemble des personnes hébergées dans les CHRS est estimée à 15 % ou 25 %, ce qui contribue à modifier peu à peu le profil des personnes accueillies.

L'allongement de la durée moyenne de séjour et l'accueil de plus en plus fréquent des demandeurs d'asile ont ainsi éloigné les CHRS de leur mission principale de réinsertion. C'est pourquoi, votre commission souhaite un recentrage des CHRS sur leurs missions essentielles, en réservant la priorité de l'accueil aux personnes auxquelles ils étaient originellement destinés.

Toutefois, des mesures ont été prises pour accroître l'offre de logements sociaux et la capacité d'accueil des Cada. Elles devraient permettre aux CHRS de se recentrer sur leurs missions initiales et améliorer la fluidité entre les dispositifs temporaires d'hébergement et le parc social.

c) Les maisons relais, un dispositif d'avenir

Conçues comme de véritables pensions de famille, elles constituent un logement durable et adapté, destiné à la prise en charge des personnes ou familles en situation de grande exclusion, qui ne peuvent accéder à un logement autonome. En 2004, 111 maisons relais ont été ouvertes, permettant la création de 1.800 places dans soixante départements. En 2005, les 13 millions d'euros affectés à ce type d'hébergement ont permis notamment le financement de 1.000 places nouvelles. A la fin de 2007, l'objectif fixé par le plan de cohésion sociale est d'assurer une couverture homogène sur l'ensemble du territoire national pour atteindre 4.000 places.

Pour 2006, ce dispositif est doté d'une enveloppe globale de 24,3 millions d'euros, le projet de loi de finances assurant ainsi la création de 1.500 places nouvelles, dont le tarif journalier a été porté de 8 à 12 euros par personne hébergée.

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