2. La poursuite de l'engagement en faveur de la compensation collective

Malgré les efforts engagés depuis 1999, force est de constater qu'un nombre toujours important de demandeurs reste dépourvu de solution de prise en charge. Pourtant, la loi du 11 février 2005 a reconnu que l'accès à un établissement adapté pouvait être une modalité d'exercice du droit à compensation. C'est la raison pour laquelle les créations de places en établissements demeurent une priorité des pouvoirs publics et bénéficient désormais de l'intervention de la CNSA.

a) Un effort toujours soutenu en faveur des créations de places en établissements

Comme chaque année, votre commission regrette que le système statistique ne permette pas de connaître avec précision le nombre de places réellement installées et pourvues, de sorte que la programmation des créations de places ne s'appuie pas sur des données fiables. Elle doit se borner à procéder à une estimation sur la base des places installées en 1998 et des chiffres partiels concernant les créations de places financées depuis cette date.

• Un accroissement sans précédent du volume des places créées

Les plans qui se sont succédé depuis 1999 ont comporté des objectifs quantitatifs pour deux types d'établissements :

- un doublement de la capacité d'accueil en maisons d'accueil spécialisées (Mas) et en foyers d'accueil médicalisés (Fam), par rapport aux places existantes en 1998 ;

- une augmentation d'un quart des places ouvertes en centres d'aide par le travail (CAT).

Programmation des créations de places depuis 1999

MAS / FAM

CAT

Plan pluriannuel 1999-2003

1999

1.100

2.000

2000

1.100

2.000

2001

1.100

1.500

2002

1.100

1.500

2003 *

2.200

3.000

2004 **

2.200

3.000

Programme pluriannuel 2005-2007

2005

2.900 ***

3.000

2006

2.500

2.500

2007

2.100

2.500

Total

18.500

21.000

* Doublement de l'annuité 2003 par rapport à la programmation initiale
** Prolongation d'un an du plan pluriannuel 1999-2003
*** Accélération des créations de places dans le cadre du plan « Un élan pour l'autisme »

Au 30 avril 2005, le nombre de places installées en Mas et en Fam s'élevait à 23.513, soit une progression d'un tiers par rapport à 1998. En tenant compte des places programmées, pour lesquelles le financement existe mais qui ne sont pas encore opérationnelles, ce chiffre passe à 29.207 places, soit une progression de deux tiers par rapport à 1998 et un taux de réalisation de 94 % par rapport aux objectifs fixés par les différents plans.

La différence entre le nombre de places réellement financées et les objectifs fixés initialement s'explique toutefois par le fait que la programmation était établie sur la base du coût moyen des places : comme l'assurance maladie finance intégralement les Mas et seulement partiellement les Fam, le nombre de places réellement créées dépend de la nature des projets retenus par les Ddass.

S'agissant des CAT, le bilan réalisé au 30 avril 2005 fait état de 104.985 places installées ou programmées, alors que la dotation budgétaire correspond à un nombre de places théoriques de 107.811, cet écart s'expliquant par une sous-estimation du coût moyen des places.

• Un effort important de prise en compte des personnes les plus lourdement handicapées

Les objectifs quantitatifs de création de places se sont doublés d'une volonté de rééquilibrer l'offre de places au profit de pathologies particulièrement mal dotées. C'est le cas du plan 2001-2003 en faveur des enfants, adolescents et adultes lourdement handicapés : 40 % des crédits ouverts dans le cadre de ce plan étaient destinés à la création de places pour enfants et adultes autistes, 30 % pour des places réservées aux personnes traumatisées crâniennes et 20 % pour des places destinées aux enfants et adultes polyhandicapés. A ce jour, ce plan a permis de financer 2.609 places nouvelles, pour un montant de 71 millions d'euros.

Cet effort en faveur des personnes les plus lourdement handicapées ne s'est pas démenti en 2004, malgré l'arrivée à échéance du plan précité puisque 16 millions d'euros ont été prévus dans le cadre de l'Ondam pour la poursuite des créations de places pour enfants autistes et polyhandicapés. Le nouveau plan 2005-2007 prévoit la création de 1.290 nouvelles places en faveur des enfants lourdement handicapés.

b) Une répartition des charges plus équilibrée entre l'assurance maladie et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

Dans la mesure où l'accès à une prise en charge en établissement relève du droit à compensation, la compétence de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) a été étendue au financement des établissements. Elle n'a toutefois pas vocation à se substituer aux financeurs de droit commun que sont l'Etat et l'assurance maladie : son intervention doit en principe être complémentaire de la leur et permettre une accentuation de l'effort de toute façon consenti par ces derniers.

Ce principe n'a toutefois pas été respecté en 2005 puisque la majeure partie de la charge des créations de places de cet exercice a été reportée sur la CNSA : ces créations ont en effet été financées pour un montant de 199 millions d'euros par la caisse, alors que l'assurance maladie n'y consacrait que 64 millions d'euros. Dans le même temps, l'effort de l'Etat était nul.

L'article 131 de la loi de finances pour 2005 a ainsi transféré à la CNSA le financement de l'intégralité des mesures nouvelles concernant les CAT pour cet exercice, c'est-à-dire l'extension en année pleine des 3.000 places créées en 2004 et le financement intégral des 3.000 places créées en 2005. Ces crédits ont été mis à la disposition de l'Etat par le biais d'un fonds de concours d'un montant de 49 millions d'euros.

L'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 avait également prévu une contribution de la CNSA, d'un montant de 150 millions d'euros, aux dépenses de fonctionnement des établissements à la charge de l'assurance maladie. Cette enveloppe a permis le financement de 70 % des créations de places en Mas et en établissements pour enfants handicapés en 2005.

Votre commission est heureuse de constater que le partage du financement de l'effort de création de places a été rééquilibré en 2006 :

- le financement des 2.500 places nouvelles en CAT de cette année incombe à nouveau entièrement à l'Etat, qui reprend également à sa charge les places créées l'an passé sur le budget de la CNSA. Cette situation est donc conforme au statut de la caisse qui ne lui permet plus désormais de financer les CAT ;

- le coût des 1.800 places nouvelles en établissements et services pour enfants handicapés, des 4.000 places nouvelles en établissements et services pour adultes handicapés et des 750 créations de places en services pour personnes handicapées psychiques prévues pour 2006, d'un montant de 407 millions d'euros, est partagé entre l'assurance maladie et la CNSA, qui assument respectivement 44 % et 56 % de ce total.

L'innovation de l'exercice 2006 réside, en outre, dans le fait que la CNSA se voie désormais confier la gestion de l'enveloppe médico-sociale de l'Ondam : ces crédits, complétés par une partie des ressources tirées de la journée de solidarité, constituent l'objectif de dépenses de la CNSA en matière de financement des établissements. Elle est dorénavant également responsable de leur juste répartition sur le territoire.

Votre commission sera particulièrement attentive au déroulement de cette première année de gestion de l'enveloppe déléguée de l'Ondam. Elle en espère une amélioration de la planification des ouvertures de places, même si elle est consciente que celle-ci est conditionnée par une rénovation de l'appareil statistique permettant de mieux évaluer les besoins locaux.

c) L'insuffisante prise en compte du coût des conventions collectives

Au-delà de l'effort consenti pour les créations de places, se pose la question de la revalorisation des dotations attribuées aux établissements, dans un secteur entièrement dépendant des financements publics.

Le taux de progression de la masse salariale est un bon indicateur du besoin de financement des établissements, dans la mesure où les charges de personnel représentent plus de 70 % de leurs budgets. Il s'établit à 2,7 % en 2005, alors que la loi de finances tablait sur une progression de 1,3 %, répartie entre une provision de 0,5 %, au titre des mesures générales prises pour la fonction publique et qui s'appliquent, par voie de convention collective, dans la plupart des établissements du secteur, et une provision de 0,8 % au titre du « glissement vieillesse technicité » (GVT).

• Une prise en compte toujours partielle des conséquences des accords collectifs agréés

Le dynamisme de la masse salariale est moins dû à une progression des effectifs qu'à une forte reprise de la croissance des salaires, en application des conventions collectives du secteur. Le coût des accords agréés en 2004 s'est élevé à 61 millions d'euros et leur montée en charge a encore un impact de 7 millions d'euros en 2005.

Les hypothèses retenues pour 2006 pour la fixation des dotations relatives au financement des établissements, tant au niveau du budget de l'Etat que dans le cadre de l'Ondam, tiennent compte de la revalorisation de 1,8 % du point fonction publique intervenue en 2005 et d'un GVT de 0,8 %. Mais elles ignorent, comme tous les ans, l'impact des accords collectifs qui doivent entrer en vigueur au cours de l'année 2006 et qui ont pourtant été agréés par les autorités de tutelle.

Or, plusieurs de ces accords pourraient venir accélérer la progression de la masse salariale :

- un accord important concernant la formation tout au long de la vie et à la politique de professionnalisation de la branche a été signé le 7 janvier 2005. Désormais agréé, cet accord a un coût de 19 millions d'euros ;

- plusieurs accords catégoriels ont également été agréés, concernant notamment la rémunération des médecins spécialistes intervenant en établissements et le travail de nuit de certaines catégories de personnel. Leur coût s'élève à 3,1 millions d'euros.

Votre commission ne peut que constater à nouveau les incohérences du dispositif d'agrément des conventions collectives du secteur médico-social, puisque les établissements ne parviennent pas à obtenir de leurs autorités de tutelle le financement intégral des conséquences des accords qu'elles ont pourtant agréés. Elle estime que le système actuel est doublement pervers :

- il n'incite pas les partenaires sociaux à prendre leurs responsabilités et à tenir compte des enveloppes de crédits réellement disponibles dans leur négociation, puisqu'ils savent que les autorités de tutelle viendront contrôler a posteriori le caractère finançable ou non des mesures proposées ;

- l'opposabilité des agréments laisse à désirer puisque l'on constate chaque année une prise en compte très partielle des accords agréés dans la définition des dotations, aussi bien en loi de finances qu'en loi de financement de la sécurité sociale.

Votre commission estime donc qu'un choix doit être fait entre une responsabilisation pleine et entière des partenaires sociaux, la procédure d'agrément étant alors supprimée, ou la mise en place d'un agrément effectivement opposable aux financeurs.

• L'imbroglio de la sortie des aides Aubry

Par ailleurs, les établissements médico-sociaux se heurtent à un problème spécifique de financement lié à la fin des aides Aubry I et II versées dans le cadre des accords de réduction du temps de travail : la loi du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi, a en effet substitué à compter du 1 er juillet 2003 un nouveau régime d'allégements de charges sociales, moins favorable, à celui lié à la mise en oeuvre des trente-cinq heures. Elle a également interdit, à compter du 1 er avril 2004, le cumul de l'aide forfaitaire versée aux entreprises ayant anticipé le passage aux trente-cinq heures dans le cadre de la loi Aubry I et des allégements de charges Fillon, considérant que les entreprises devaient désormais être capables d'autofinancer le coût des embauches supplémentaires liées à la réduction du temps de travail.

Or, les établissements médico-sociaux, déjà mis en difficulté lors du passage initial aux trente-cinq heures, du fait de leurs possibilités très faibles de gains de productivité, ne sont pas plus capables aujourd'hui qu'hier d'autofinancer entièrement les embauches rendues nécessaires pour assurer, autant que possible, le maintien de la qualité de l'accompagnement des personnes handicapées accueillies.

La Fédération nationale des associations de parents et amis employeurs et gestionnaires d'établissements et de services pour personnes handicapées mentales (Fegapei) estime à 259 millions d'euros le coût pour 2005 de la sortie des aides Aubry I et II pour les établissements du secteur médico-social, ce qui représente 2,6 % de la masse budgétaire de ces établissements.

Conscient de ce problème, le Gouvernement a mis en place un dispositif de soutien aux établissements connaissant des difficultés financières susceptibles de menacer la pérennité de leur activité. Les établissements concernés se verront ainsi proposer un plan pluriannuel de redressement et de retour à l'équilibre. L'enveloppe prévue pour le financement de ce dispositif de soutien, d'un montant de 50 millions d'euros, reste toutefois très en deçà des besoins.

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