III. LA LUTTE CONTRE LES DÉLAIS DE JUGEMENT EXCESSIFS, UN OBJECTIF INÉGALEMENT ATTEINT PAR LES JURIDICTIONS JUDICIAIRES

Les moyens humains et matériels supplémentaires qui ont été mis à la disposition de la justice depuis 2002, même s'ils demeurent insuffisants, commencent à produire des effets positifs dans les tribunaux. De nombreux indicateurs de performance sont déclinés autour de cet objectif en matière pénale comme en matière civile, le projet annuel de performance reprenant largement les objectifs de la LOPJ.

A. DES DÉLAIS DE JUGEMENT DEVANT LES JURIDICTIONS CIVILES PLUS RAISONNABLES

La situation des juridictions judicaires en matière civile au mieux s'améliore progressivement (tribunaux de grande instance, cours d'appel) ou reste stable (tribunaux d'instance). Il reste que l'objectif ambitieux d'une réduction de la durée de traitement des affaires à 12 mois pour les cours d'appel, 6 mois pour les tribunaux de grande instance et 3 mois pour les tribunaux d'instance inscrit dans la loi du 9 septembre 2002, n'est toujours pas atteint.

En 2004, le ministère de la justice a accompli un effort significatif pour collecter un plus grand nombre de données significatives de l'activité des juridictions civiles afin de donner une image plus fiable de l'état de la justice civile. La prise en compte de nouvelles procédures qui n'étaient pas jusque-là comptabilisées implique d'importantes ruptures de séries. Ainsi, ce changement d'approche a permis d'affiner le calcul des durées moyennes de traitement en y incluant désormais l'ensemble des procédures en référé et non plus seulement les affaires jugées au fond. Ces bouleversements rendent difficile les comparaisons avec l'année 2003 principalement s'agissant des tribunaux de grande instance. Cependant, il s'agit d'une difficulté ponctuelle appelée à s'atténuer l'année prochaine.

Votre commission des lois se réjouit des progrès accomplis en matière statistique qui permettront dès l'année prochaine de mesurer le plus fidèlement possible l'activité des tribunaux civils. Une telle évolution paraissait nécessaire compte tenu de l'entrée en vigueur de la LOLF qui implique une meilleure connaissance de chacune des actions conduites par le ministère de justice. A cet égard, le recensement de tous les actes de greffes 84 ( * ) dans les juridictions civiles qui constituent une part non négligeable de leur activité constitue un progrès.

1. Un délai moyen de jugement des tribunaux d'instance en voie d'être maîtrisé

En 2004, le flux d'affaires nouvelles portées devant les tribunaux d'instance , en voie de stabilisation les années précédentes, se caractérise par une croissance notable (603.8396 affaires nouvelles, + 6,1 %) dont 529.938 affaires au fond -en hausse de 6,3 % par rapport à 2003- et 74.000 référés -en augmentation de 4,4 % par rapport à 2003. Cette évolution est principalement imputable au rythme de progression des affaires de protection des personnes (tutelle ou curatelle des majeurs, incapacité des mineurs) (+ 4 %) à la forte hausse des injonctions de payer et du contentieux en matière de baux d'habitation hors loyers impayés.

Dans le même temps, le nombre d'affaires réglées par les tribunaux d'instance, en accroissement, (574.389 dossiers contre 560.378 en 2003) poursuit la tendance observée depuis 2000. Toutefois, cette proportion a été moindre que la pression des affaires nouvelles. Ce déséquilibre a donc entraîné mécaniquement un surcroît d'affaires en stock (+ 29.500 affaires). Cette évolution n'a pas altéré la durée moyenne de traitement qui comme en 2003 s'élève à 4,7 mois .

L'impact de la création des juges de proximité ne s'est pas encore répercuté dans le volume d'affaires portées devant les tribunaux d'instance. Le ministère de la justice ne dispose pas encore de données fiables sur l'activité des juridictions de proximité mises en place depuis 2003 et se fonde sur des estimations.

La réforme de la justice de proximité : bilan et perspectives

Les premiers juges de proximité (32) ont été installés en septembre 2003 85 ( * ) . La montée en puissance des juridictions de proximité -nouvel échelon judiciaire créé par la loi du 9 septembre 2002- s'effectue progressivement 86 ( * ) . Au 15 septembre 2005, on dénombrait 471 juges de proximité affectés dans 322 juridictions de proximité . Ces effectifs devraient s'élever à 500 au début de l'année prochaine mais demeurent largement inférieurs aux prévisions du ministère de la justice. Le rapport annuel sur l'exécution de la loi d'orientation et de programmation pour la justice pour l'année 2004 a souligné qu'« il paraît d'ores et déjà impossible de recruter 2.800 juges de proximité d'ici la fin de l'année 2007. En outre, le faible nombre de candidatures utiles, qui devrait résulter de leur baisse sensible et de la sélection opérée par le Conseil supérieur de la magistrature, rendent ce résultat improbable. ». Un juge de proximité rencontré par votre rapporteur pour avis au tribunal d'instance d'Aubervilliers a fait état d'une difficulté particulière de nature à décourager les candidatures liée à l'absence de remboursement des frais de déplacement entre le domicile et la juridiction de proximité. En effet, l'interdiction faite aux juges de proximité issus de certaines professions juridiques et judicaires (avocats, notaires et huissiers en activité ou ayant cessé leur activité depuis moins de cinq ans) d'exercer leur fonction dans le tribunal dans le ressort duquel est situé leur domicile professionnel peut constituer une trop lourde charge financière, notamment en province, pour les candidats à ces fonctions.

En 2004, saisies de 21.919 affaires nouvelles, les juridictions de proximité ont jugé 18.231 dossiers. La durée moyenne de traitement devant ces tribunaux s'est établie à 3,9 mois . Ces données ne reflètent pas seulement l'activité des juges de proximité mais comprennent également celle des juges d'instance qui assument l'intérim des fonctions de juge de proximité dans l'attente de la nomination de ces juges. Le ministère de la justice a estimé à 5 % la part du contentieux civil relevant désormais des juridictions de proximité. Cette réforme a suscité une grande inquiétude chez les magistrats, notamment les juges d'instance. Ces derniers militaient en effet pour un renforcement substantiel de leurs effectifs et auraient souhaité le maintien des attributions transférées aux juridictions de proximité. Toutefois, les différentes enquêtes menées auprès des juges de proximité et des juges d'instance montrent que dans 80% des cas les relations entre eux sont bonnes, voire très bonnes. L'activité de ces juridictions devrait néanmoins significativement évoluer, compte tenu de la nouvelle répartition des compétences entre les juridictions de première instance entrée en vigueur en mai dernier en vertu de la loi du 26 janvier 2005 précitée. En effet, cette réforme a notablement élargi la compétence des juridictions de proximité. Leur seuil de compétence a été significativement relevé (de 1.500 à 4.000 euros) et leur saisine élargie aux personnes morales (associations, plaideurs institutionnels). Ainsi, près de 20 % du contentieux porté devant les tribunaux d'instance devraient leur être transférés.

* 84 En 2004, 217.757 actes de greffes (inscription au répertoire civil, vérifications des dépens, renonciation à succession...) ont été accomplis par les tribunaux de grande instance et 1.519.182 actes de greffes (déclarations de nationalité, déclaration de PACS, dissolution de PACS, actes de notoriété...) par les tribunaux d'instance.

* 85 Le statut et les conditions de recrutement résultent de la loi organique n° 2003-153 du 26 février 2003 relative aux juges de proximité complétée par le décret en Conseil d'Etat n° 2003-438 du 15 mai 2003 et une circulaire du 12 septembre 2003.

* 86 Le montant des rémunérations versées sous forme de vacations aux juges de proximité en fonction s'est élevé en 2004 à 772. 656 euros et jusqu'au 30 mai 2005 à 887. 441 euros. Aucune estimation n'a malheureusement pu être fournie à votre rapporteur pour avis pour 2006.

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