INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de finances pour 2006 est le premier budget à être examiné et voté selon les règles de la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2001 (LOLF).

Organisée autour de politiques publiques, la LOLF doit permettre de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats et d'efficacité de la dépense publique.

Appliquée à la sécurité, la LOLF parachève les efforts entrepris dans le cadre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) pour :

- rapprocher et coordonner l'action de la police et de la gendarmerie nationales ;

- développer une culture du résultat et de l'efficacité ;

En effet, grâce à l'action conjointe des deux assemblées, le Gouvernement a modifié son projet de nomenclature budgétaire en créant une mission interministérielle « Sécurité » comportant deux programmes, l'un pour la police nationale et l'autre pour la gendarmerie nationale.

Les crédits de la mission « Sécurité » tels qu'ils apparaissent dans le bleu budgétaire atteindraient 15,372 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une hausse de 8,67 %, et 14,668 milliards d'euros en crédits de paiements, soit une hausse de 3,25 %. Toutefois, compte tenu du passage à la LOLF, il est complexe de chiffrer les évolutions, le périmètre des crédits ayant changé.

Des changements sont d'ailleurs encore à attendre. Ainsi, l'Assemblée nationale a, sur l'initiative du gouvernement, adopté un amendement pour transférer des crédits importants concourant à l'action de la gendarmerie nationale 1 ( * ) et relevant de la mission « Défense » (602,3 millions d'euros) vers la mission « Sécurité ». Une analyse d'ensemble de ces questions de périmètre reste encore à mener. Toutefois, une stabilisation rapide des périmètres internes et externes des programmes est souhaitable afin de faciliter, pour l'avenir, les comparaisons dans le temps.

MISSION « Sécurité  »

Programme
« Police nationale  »

Programme
« Gendarmerie nationale »


Actions :

- Ordre public et protection de la souveraineté

- Sécurité et paix publiques

- Sécurité routière

- Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

- Police judiciaire et concours à la justice

- Commandement, ressources humaines et logistique


Actions
:

- Ordre et sécurité publics

- Sécurité routière

- Police judiciaire et concours à la justice

- Commandement, ressources humaines et logistique

- Exercice des missions militaires

Concernant plus spécifiquement le programme « Police nationale », les autorisations d'engagement s'élèveraient à 8.611,9 millions d'euros et les crédits de paiement à 7.999,5 millions d'euros , en progression respectivement de 8,4 % et de 0,8 %. En masse, l'évolution des crédits de paiement s'élève à 60,1 millions d'euros .

Pour sa part, le programme « Gendarmerie nationale » comporterait 6.760,6 millions d'euros en autorisations d'engagement et 6.669 millions d'euros de crédits de paiement, en progression respectivement de 9 % et de 6,4 %. En masse, l'évolution des crédits de paiement s'élève à 401,9 millions d'euros .

En réalité, les crédits consacrés à la gendarmerie nationale sont bien supérieurs, comme l'illustre l'amendement du Gouvernement précité. Selon le « bleu budgétaire » lui-même, ces crédits après ventilation entre programmes différents s'élèveraient à 7.485,8 millions d'euros de crédits de paiement.

Au cours de son audition sur les crédits de la mission « Sécurité », M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, entendu en remplacement de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a déclaré que cette hausse importante des moyens de la gendarmerie devrait notamment permettre de rattraper le retard enregistré en 2005 par rapport aux prévisions d'exécution de la LOPSI.

2.000 emplois supplémentaires seront ainsi créés dans la gendarmerie nationale correspondant à 1.000 ETPT, c'est-à-dire compte tenu d'une date moyenne de recrutement fixée au 1 er juillet 2006 2 ( * ) .

Pour la police, la mise en oeuvre de la LOPSI se poursuit également avec 1.300 recrutements, dont 1.200 dans les « corps actifs » et 100 dans les corps administratifs, techniques et scientifiques, correspondant à un accroissement net de 647 ETPT.

Au total, le taux de réalisation des objectifs de la LOPSI en matière d'effectifs devrait s'établir pour la police et la gendarmerie respectivement à 80 % et 73 % à l'issue de la quatrième année d'exécution.

L'ensemble des grandes orientations de la politique de sécurité sont poursuivies, voire approfondies. Il en va de la même façon pour les programmes d'équipement lancés les années précédentes, qu'il s'agisse du déploiement du réseau de communication Acropol, de l'armement ou du nouvel uniforme.

Rarement une loi de programmation aura été aussi bien respectée. A cet égard, cet effort financier considérable dans un contexte budgétaire général contraint témoigne de la priorité fixée pour la sécurité publique et appelle en retour une attention particulière sur l'efficacité de la dépense.

Cette année encore, les chiffres de la délinquance sont globalement très bons. Au cours de l'année 2004, le nombre de crimes et délits a diminué en nombre de 149 252 faits et en pourcentage de 3,76 % (2,71 % pour la police nationale et 6,34 % pour la gendarmerie nationale). Ce résultat conforte l'inversion de tendance de l'évolution de la délinquance enregistrée depuis le second semestre de 2002. En trois ans, la délinquance globale a donc diminué de 8,5 %.

Au premier semestre 2005 , avec 1 884 311 crimes et délits constatés par les services de police et les unités de gendarmerie en France métropolitaine, la délinquance a baissé de 2,20 % par rapport au premier semestre 2004. Seuls les crimes et délits contre les personnes continuent de progresser de manière inquiétante. La hausse de la catégorie « Autres infractions dont stupéfiants » doit être interprétée avec prudence car elle concerne principalement des crimes et délits révélés par l'action des services.

TYPES D'INFRACTIONS

1 er Semestre 2004

1 er Semestre 2005

Variations
1ers semestres
2004/2005

1. Vols (y compris recels)

1 128 839

1 071 933

- 5,04 %

2. Infractions économiques et financières

163 945

159 186

- 2,90 %

3. Crimes et délits contre les personnes

169 950

175 565

+ 3,30 %

4. Autres infractions dont stupéfiants

463 999

477 627

+ 2,94 %

Ensemble des crimes et délits constatés

1 926 733

1 884 311

- 2,20 %

D'autres indicateurs démontrent l'efficacité des services. Les taux d'élucidation s'améliorent quelle que soit la catégorie d'infraction et le nombre d'infractions révélées par l'action des services augmente encore fortement démontrant ainsi leur démarche volontaire 3 ( * ) .

Cette exigence de résultat est d'autant plus forte que le terme de la LOPSI se rapproche. Les crédits supplémentaires consentis depuis 2002 l'ont été pour remettre à niveau les moyens de nos forces de police et de gendarmerie. A l'avenir, elles seront contraintes de faire aussi bien et même mieux avec des moyens progressant moins vite. La LOLF prendra alors tout son sens.

Votre rapporteur s'attachera à étudier les principales missions des forces de sécurité intérieure. La présentation retenue s'inspire de celle de chaque programme, c'est-à-dire par action, à chacune correspondant des objectifs et des indicateurs de performance.

Avant de poursuivre, il convient de témoigner notre soutien aux forces de police et de gendarmerie qui, dans des conditions difficiles, se dévouent au péril de leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. En 2004, quatre policiers et gendarmes sont décédés et 4 418 ont été blessés au cours d'opérations de police. Qu'il soit permis à votre commission de leur rendre un hommage particulier.

Programme « Police nationale » - Crédits de paiement par action

(en millions d'euros)

Actions

Avant ventilation

Après ventilation

Crédits de paiement pour 2006

Part
dans le
programme

Crédits de paiement pour 2006

Part
dans le
programme

1 - Ordre public et protection de la souveraineté

922,0

11,5 %

1.135,9

13,8 %

2 - Sécurité et paix publiques

2.649,3

33,1 %

3.288,3

40,0 %

3 - Sécurité routière

550,8

6,9 %

683,7

8,3 %

4 - Police des étrangers et sûreté des transports
internationaux

534,7

6,7 %

642,5

7,8 %

5 - Police judiciaire et concours à la justice

1.998,8

25,0 %

2.470,5

30,1 %

6 - Commandement, ressources humaines
et logistiques

1.349,9

16,8 %

0,0

0,0 %

Ensemble

7.999,5

100 %

8.220,9

100 %

Programme « Gendarmerie nationale » - Crédits de paiement par action

(en millions d'euros)

Actions

Avant ventilation

Après ventilation

Crédits de paiement pour 2006

Part
dans le
programme

Crédits de paiement pour 2006

Part
dans le
programme

1 - Ordre et sécurité publics

2.734,8

41,0 %

4.140,4

55,3 %

2 - Sécurité routière

689,2

10,3 %

1.047,6

14,0 %

3 - Police judiciaire et concours à la justice

1.384,4

20,8 %

2.099,9

28,1 %

4 - Commandement, ressources humaines
et logistique

1.739,2

26,1 %

0,0

0,0 %

5 - Exercice des missions militaires

121,4

1,8 %

197,9

2,6 %

Ensemble

6.669,0

100 %

7.485,8

100 %

I. L'ORDRE PUBLIC ET LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

L'approche retenue par chacun des deux programmes de la mission « Sécurité » dans les domaines de l'ordre public et de la sécurité publique est différente malgré des efforts d'harmonisation incontestables, notamment pour le choix des indicateurs de performance.

Le programme « police nationale » distingue deux actions :

- l'action « ordre public et protection de la souveraineté », qui regroupe les missions de maintien de l'ordre (police des manifestations et des rassemblements, protection des autorités et des personnalités, protection des sites sensibles) et de renseignement (lutte anti-terroriste, surveillance des violences urbaines), compte trois indicateurs ;

- l'action « sécurité et paix publiques », qui regroupe les missions de sauvegarde des personnes et des biens (assistance en cas de catastrophe ou d'accident), de sécurité générale et de prévention (surveillance générale de la voie publique, intervention sur appels), de police administrative (hors police des étrangers et sécurité routière) et d'accueil des victimes et du public, compte quatre indicateurs.

En revanche, le programme « gendarmerie nationale » regroupe dans une seule action « ordre et sécurité publics » l'ensemble de ces tâches. Sept indicateurs mesurent la performance et sont identiques à ceux retenus pour la police nationale, à une exception près qui devrait disparaître dès l'année prochaine 4 ( * ) .

Ce découpage différent des actions semble difficile à justifier. Toutefois, ce défaut d'harmonisation n'est pas trop gênant, les objectifs et les indicateurs retenus étant identiques. Ces hésitations peuvent également s'expliquer par les débats actuels sur l'emploi des forces mobiles à des fins de sécurité publique.

A. L'ORDRE PUBLIC : UNE ACTION EN MUTATION

1. Un objectif : optimiser l'emploi des forces mobiles

Les deux programmes assignent un seul objectif aux forces mobiles : optimiser leur emploi . Trois indicateurs en rendent compte.

Le premier mesure le taux d'emploi des forces mobiles (CRS et gendarmes mobiles) en ordre public et doit évoluer à la baisse. Le second mesure le taux d'emploi en sécurité publique et doit évoluer à la hausse.

Ils reflètent la nouvelle doctrine d'emploi des forces mobiles mise en oeuvre depuis l'instruction commune du 30 octobre 2002. L'emploi des forces mobiles est désormais déconcentré au niveau des zones de défense. Ces forces peuvent concourir aux missions de sécurité générale en appuyant les services territoriaux de la police et de la gendarmerie de leur zone d'implantation dans la mesure où la mission du maintien de l'ordre le permet. Les évaluations indiquent une baisse plus marquée de la délinquance dans les secteurs ayant bénéficié de la présence de renforts mobiles. Par ailleurs, le dispositif semble apprécié des responsables locaux et des personnels.

Au cours du premier semestre 2005, l'équivalent de 19,20 EGM/jour 5 ( * ) et de 20,12 unités/jour 6 ( * ) ont été employées au profit de la lutte contre la délinquance. Ces premiers résultats montrent une stabilisation après les fortes progressions en 2003 et 2004 de la part des effectifs affectés à des missions de sécurisation.

Un point d'équilibre a peut-être été atteint compte tenu de l'organisation actuelle des forces mobiles, des nombreuses missions qui leur échoient (opérations extérieures pour les gendarmes mobiles, hausse importante de la durée annuelle de formation continue, charges dites « indues » telles que les gardes statiques ou les transfèrements de détenus) et des contraintes de gestion (récupérations, congés).

Toutefois, le second semestre et plus particulièrement les événements de novembre pourraient modifier à nouveau ces résultats et engager une réflexion nouvelle. Dès avant le début des violences urbaines à Clichy-sous-Bois le 27 octobre 2005, le ministre de l'intérieur avait ainsi décidé d'affecter de façon permanente un minimum de 17 compagnies républicaines de sécurité et de 7 EGM dans les agglomérations connaissant des violences urbaines. Elles travailleraient en rotation mais sur des périodes longues en renfort de la sécurité publique.

Depuis, le ministre a confirmé cette orientation. Les forces mobiles s'avèrent en effet très bien adaptées aux violences urbaines. Au cours des événements de novembre, les unités déployées ont su mettre en pratique de nouvelles tactiques pour procéder aux interpellations grâce à de petits groupes d'hommes très mobiles et coordonnés.

L'adaptabilité et la disponibilité des forces mobiles est un atout à préserver dans la lutte contre ce type de délinquance. La frontière ainsi que le débat entre ordre public et sécurité publique doivent sans doute pouvoir être dépassés, la gestion des violences urbaines relevant des deux à la fois.

Le débat concomitant sur le format des forces mobiles et sur la réduction éventuelle des effectifs totaux au profit de ceux des services traditionnellement en charge de la sécurité publique doit tenir compte de l'apport spécifique des forces mobiles à la sécurisation. Il n'est pas nécessairement équivalent à celui d'un même nombre d'agents de la sécurité publique. Le rapport coût-efficacité reste à déterminer. Sans doute y a-t-il là un levier fort d'amélioration de la performance dans les années à venir.

2. Des indicateurs perfectibles

Les deux indicateurs précités de l'action des forces mobiles rendent compte du taux d'emploi de ces forces soit en ordre public, soit en sécurité publique.

Ces deux indicateurs sont en réalité le reflet des priorités assignées aux forces mobiles, l'emploi en ordre public devant baisser au profit de l'emploi en sécurité publique. Ils ne mesurent pas à proprement parler leur performance. En outre, comme l'indique le projet annuel de performance du programme « gendarmerie nationale », les prévisions relatives à ces indicateurs sont délicates en raison du caractère généralement imprévisible de l'activité de la gendarmerie mobile. L'interprétation de ces deux indicateurs risque donc d'être difficile.

Le troisième indicateur retenu n'est pas le même pour chaque programme. La police nationale mesure un « indice de disponibilité des forces de maintien de l'ordre », soit un ratio entre le nombre de fonctionnaires réellement disponibles et l'effectif théorique de la compagnie : l'objectif est de passer de 61 % en 2005 à 62 % en 2007.

En dessous de 60 %, la capacité opérationnelle d'une compagnie n'est pas assurée. De son côté, la gendarmerie nationale évalue le nombre moyen de jours de déplacement par EGM. Selon le « bleu » budgétaire, la prévision de 180 jours en 2005 devrait évoluer à la baisse, pour parvenir à un « point moyen entre le seuil opérationnel acceptable et la formation collective nécessaire ». Cette approche distincte s'expliquerait par des différences d'organisations des CRS et des EGM.

Votre rapporteur tient à souligner que l'indicateur de la gendarmerie ne pourra servir de référence puisque le « bleu budgétaire » indique que, dès l'année prochaine, cet indicateur devrait être abandonné au profit de celui choisi par la police nationale. Ce choix apparaît en effet plus judicieux, l'indicateur de la gendarmerie ne mesurant aucunement une performance ou l'efficacité. Il ne fait que retracer l'activité des gendarmes mobiles.

L'indice de disponibilité retenu par la police est en effet plus intéressant, bien que complexe à calculer. En outre, s'agissant d'un taux moyen, il n'indique pas le nombre de compagnies de CRS se situant en dessous.

La réflexion doit donc être poursuivie sur le choix des indicateurs. Cette exigence doit toutefois se concilier avec une relative stabilité des indicateurs afin de permettre une analyse dans le temps des performances. La mise en oeuvre de la LOLF semble devoir s'étaler sur quelques années avant que tous ses fruits puissent être récoltés.

B. LA SÉCURITÉ PUBLIQUE : REDÉPLOYER LES AGENTS SUR LE TERRAIN

Les deux programmes ont retenu des objectifs et indicateurs identiques. La sécurité publique est la partie de l'action des forces de sécurité intérieure la plus visible. Exercée au plus près des citoyens, cette mission contribue directement à forger le sentiment de sécurité. Préventive et dissuasive, la sécurité publique doit également faire preuve d'une capacité d'intervention et d'interpellation.

1. Premier objectif : adapter la présence policière sur la voie publique aux besoins de la population et à la délinquance

Le premier indicateur de cet objectif est l'évolution de la délinquance de voie publique. Depuis 2002, la baisse du nombre de crimes et délits constatés est chaque année très importante et cette année encore, elle devrait avoisiner les 5 % en zone police et en zone gendarmerie 7 ( * ) .

Si les facteurs à l'origine de ce résultat sont multiples, il n'en reste pas moins que l'activité consacrée à la surveillance générale est prépondérante.

Pour diminuer la délinquance de voie publique, une solution consiste à augmenter les effectifs de sécurité publique . L'emploi des forces mobiles pour des missions de sécurité publique (voir supra ) a été l'un des leviers utilisés.

Un autre a été la réduction des charges indues .

La LOPSI a ainsi permis le recrutement de nombreux agents administratifs et techniques afin de remplir des fonctions trop souvent assumées par des fonctionnaires dits « actifs ». Toutefois, pour 2006, sur les 1300 recrutements prévus, seuls 100 concerneraient des personnels administratifs, techniques et scientifiques, dont 71 scientifiques.

Votre rapporteur tient à souligner que, dans une logique « lolfienne », il convient de privilégier la substitution de personnels administratifs à des fonctionnaires dits « actifs », ces derniers coûtant environ 30 % plus chers. Le ralentissement des recrutements observé pour 2006 est-il le signe d'une pause délibérée ou de l'incapacité à identifier des postes purement administratifs ? Des marges de progression sont certainement possibles, la police française restant notoirement sous-administrée par rapport aux polices des autres pays européens en dépit des efforts importants réalisés ces dernières années.

Des progrès ont également été réalisés en matière de gardes statiques, notamment à Paris, grâce à une nouvelle organisation. Toutefois, là encore, certaines limites semblent avoir été atteintes. C'est particulièrement le cas avec le problème des transfèrements et extractions de détenus qui continuent à augmenter.

Aucune solution à moyen terme ne semble devoir être trouvée, l'administration pénitentiaire n'ayant pas les moyens d'assumer cette charge. L'éparpillement géographique de cette mission interdit de la confier à un service spécialisé, le coût de « réseau » étant prohibitif. Une piste plus crédible est le développement de la visioconférence afin de limiter le nombre d'extractions. Des progrès sont attendus au cours de l'année 2006.

Un troisième levier consiste évidemment à accroître les effectifs. Cette logique de moyens a été au coeur de la LOPSI à un moment, l'année 2002, où les forces de sécurité intérieure requéraient une remise à niveau urgente. Une part importante des recrutements nouveaux a été affectée à des missions de sécurité publique.

Toutefois, cette hausse des effectifs a été contrebalancée par la baisse du nombre d'adjoints de sécurité (ADS) depuis 2003. On notera que pour 2006 la baisse se poursuit (-320 ETPT) alors qu'il y a un an le ministère de l'intérieur estimait que l'effectif budgétaire pour 2005 constituait l'effectif de référence pour les années à venir.

Les bons résultats obtenus en matière de délinquance de voie publique s'expliquent également par l'efficacité accrue de la surveillance générale de la voie publique .

Cette performance, c'est avec l'indicateur « Evolution de l'efficacité de la surveillance générale sur la délinquance de voie publique » qu'il revient de la mesurer. La méthodologie choisie pour le calculer doit éviter le biais statistique induit par une augmentation des effectifs. Bien que complexe à calculer, il devrait rendre réellement compte de l'efficacité des services et de leur capacité à dissuader les actes délictueux 8 ( * ) . Il est regrettable toutefois que la police ne soit pas encore en mesure de calculer cet indicateur. Il ne serait disponible qu'en 2006.

Dans la gendarmerie, la création des communautés de brigade en mutualisant les moyens des brigades territoriales les plus petites a permis, à effectif constant, de dégager des marges de manoeuvre très importantes, notamment pour mettre en place des patrouilles de nuit.

Dans la police nationale, le principal gisement pour améliorer l'efficacité réside dans l'adaptation de la présence policière sur la voie publique aux fluctuations journalières de la délinquance . L'effort doit bien évidemment porter sur les heures en soirée et de nuit. Des progrès ont été accomplis, mais la hausse des effectifs employés de nuit sur la voie publique a été moins rapide en 2005 que la hausse des effectifs employés en journée.

En pratique, l'accroissement des effectifs de nuit se heurte essentiellement au degré de volontariat des personnels concernés : les mesures d'incitation actuellement en place ne semblent pas suffisamment attrayantes au regard de la pénibilité de ce type de service et de ses inconvénients sur la vie familiale du fonctionnaire. L'incitation financière n'est probablement pas suffisante.

Ainsi, entre 21h et 6h, les personnels actifs dépendant de la direction centrale de la sécurité publique en service cyclique de nuit bénéficient d'une double indemnisation, calculée sur la base du service effectivement fait : une indemnisation financière de 0,80 euros par heure au titre de la prime de majoration spéciale intensive, une indemnisation en nature au travers d'un repos de pénibilité spécifique crédités sur la base de 6 minutes par heure, sauf le dimanche où ce taux est porté à 24 minutes par heure.

Outre l'adaptation des horaires à la délinquance, il convient également d'adapter la répartition géographique des forces de sécurité . Le redéploiement entre les zones gendarmerie et police est pratiquement achevé. Des progrès sont en revanche encore possibles pour concentrer les moyens sur les zones très sensibles, notamment celles en proie à des violences urbaines importantes et récurrentes. La police est la principale concernée. En Seine-Saint-Denis par exemple, il a été remarqué qu'il n'y avait pas de commissariat à Clichy-sous-Bois. L'implantation des commissariats est sans doute perfectible.

Plus généralement, le plan de redéploiement des effectifs vers les zones dites très sensibles, qui couvrent les 26 départements les plus urbanisés, ne fait pas apparaître une progression des effectifs en pourcentage plus rapide dans ces zones que sur le reste du territoire.

Pour compléter l'évaluation de l'efficacité de la surveillance de voie publique, il pourrait être intéressant d'introduire dans le « bleu budgétaire » un indicateur mesurant l'efficacité de la lutte contre les violences urbaines .

2. Deuxième objectif : assurer et garantir un même niveau de sécurité dans tous les espaces

A titre liminaire, on remarquera que cet objectif recoupe partiellement le premier. Il serait peut-être plus judicieux de le recadrer, notamment vers un objectif d'amélioration de l'accueil du public et des victimes.

Deux indicateurs doivent rendre compte de cet objectif.

Le premier mesure le taux d'interventions réalisées dans un délai supérieur à deux fois le délai moyen. Pour l'année 2005, ce taux ne peut être calculé que pour les interventions nocturnes de la gendarmerie nationale 9 ( * ) . Les autres taux (interventions diurnes de la gendarmerie, interventions de la police) ne sont pas encore renseignés.

Une intervention rapide est un gage d'efficacité de la lutte contre la délinquance. C'est aussi, pour la victime, la marque de la considération accordée à son préjudice moral, physique ou matériel. La question de l'accueil des victimes est évidemment beaucoup plus complexe et intéresse l'ensemble de la chaîne pénale. Mais la rapidité des réponses apportées aux atteintes subies détermine en grande partie l'impression que se font les victimes et le public de l'efficacité des forces de sécurité.

Le second indicateur mesure la part de l'activité réalisée à l'extérieur des locaux de l'unité. Intéressant, cet indicateur est néanmoins discutable. Il est partiellement redondant avec le précédent, puisqu'une présence accrue à l'extérieur des locaux peut contribuer à l'amélioration des délais d'intervention. En outre, l'évolution de la délinquance de voie publique rend compte également indirectement d'une présence accrue sur la voie publique.

Il pourrait donc être plus intéressant de remplacer cet indicateur par un indicateur mesurant la qualité de l'accueil du public ou la perception par celui-ci de la qualité du service rendu. Une piste de réflexion consisterait, par exemple, à mesurer la part des crimes et délits que les victimes ne signalent pas à la police ou à la gendarmerie.

Le plus souvent, les petits délits ne sont pas déclarés soit parce que les victimes ne croient pas en l'efficacité des services de police et de gendarmerie, soit parce que l'accueil qui leur est réservé (temps d'attente, qualité de l'écoute...) les en dissuade. Ce chiffre noir de la délinquance peut être approché grâce aux enquêtes de victimation. Il pourrait revenir à l'Observatoire national de la délinquance de mettre au point un indicateur de ce type. Des enquêtes de satisfaction pourraient également faire office d'indicateur.

Rappelons que l'annexe 1 de la loi du 29 août 2002 d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure déclare que « l'accueil, l'information et l'aide aux victimes sont pour les services de sécurité intérieure une priorité ». Dans le même sens, la loi du 19 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a renforcé le devoir d'information des officiers et des agents de police judiciaire, puisqu'ils doivent, dès le début d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire, aviser la victime de ses droits (bénéficier de l'assistance d'une association d'aide aux victimes ou d'un service relevant d'une collectivité publique, se constituer partie civile et selon quelles modalités, être assistée d'un avocat de son choix ou désigné par le bâtonnier de l'ordre des avocats, saisir le cas échéant la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI)).

Notre excellent collègue François Zocchetto dans son rapport d'information sur les procédures accélérées de jugement 10 ( * ) préconisait la création dans chaque commissariat de police et brigade de gendarmerie un « référent victimes » afin d'améliorer l'accueil et l'information des victimes. Votre rapporteur ne peut que souscrire à cette idée à son tour.

3. Une préoccupation transversale : encadrer et former les agents

Cette exigence d'encadrement et de formation ne concerne évidemment pas que les missions de sécurité publique. Toutefois, en raison de l'importance des effectifs employés pour ces missions et de la confrontation à la délinquance quotidienne, la qualité de l'encadrement et de la formation revêt une importance particulière.

Par rapport au premier objectif visant à adapter la présence policière sur la voie publique à la délinquance, la formation et l'encadrement sont primordiaux. L'affectation de jeunes policiers ou gendarmes dans des quartiers difficiles n'est possible qu'à la condition qu'ils soient encadrés et bien formés. Or, plusieurs syndicats de police entendus ont regretté que des policiers sortis de l'école soient affectés dans ces quartiers sans être entourés de tuteurs.

Cette remarque fait écho à une autre des observations de la mission d'information de la commission des Lois sur les procédures accélérées de jugement. Il y rapportait l'inquiétude des magistrats face à la dégradation de la qualité des procédures résultant, à leur sens, d'un défaut d'encadrement de la part des officiers de police 11 ( * ) .

En effet, le parquet s'appuie largement sur les officiers de police judiciaire (OPJ) dont le rôle stratégique dans le déroulement de la procédure est reconnu par les magistrats. Les constatations initiales des services enquêteurs sont à la source de la décision, le parquet ordonnant peu de compléments d'enquête dans la suite de la procédure. Sous l'impulsion du traitement en temps réel, la réactivité et la qualité de l'expression orale des OPJ deviennent essentielles car c'est sur la base de leur compte rendu téléphonique que les magistrats du parquet décident de la suite à donner.

La fiabilité de l'enquêteur , interlocuteur privilégié du parquet, conditionne donc fortement la réussite de la procédure. Or, une dégradation de la qualité des procédures a parfois été constatée par le corps judiciaire.

Plusieurs facteurs expliqueraient cette situation :

- les enquêtes sont de plus en plus souvent confiées à des agents de police judiciaire (APJ), moins gradés que les OPJ et dont le niveau de qualification n'est pas toujours suffisant ;

- de nombreux magistrats se plaignent de ne pas être suffisamment en contact avec les OPJ les plus gradés de la police (commissaires et officiers) comme de la gendarmerie (officiers), bien qu'ils estiment que ces derniers ont un rôle important à jouer dans la conduite des enquêtes en supervisant l'activité des enquêteurs, en hiérarchisant les affaires selon leur importance et leur complexité et en opérant un travail de tri pour déterminer l'orientation des affaires.

Ainsi, le contact s'établit bien souvent directement entre le représentant du parquet et l'APJ sans que la procédure ait fait au préalable l'objet d'un contrôle de l'échelon supérieur .

A cet égard, la réforme des corps et carrières de la police nationale mise en oeuvre depuis juin 2004 qui prévoit une réduction du nombre d'officiers 12 ( * ) présente certains risques au cours de la phase de transition.

La formation juridique mériterait sans doute d'être améliorée . Les concours de recrutement des gardiens de la paix devraient accorder une place plus importante à la procédure pénale. De même, la formation continue dispensée à ces professionnels devrait mettre encore davantage l'accent sur le perfectionnement et l'actualisation des connaissances juridiques 13 ( * ) .

Ces difficultés sont exacerbées en Ile-de-France. Cette région qui concentre 30 % des effectifs de la police nationale souffre, d'une part, d'un taux d'encadrement des gardiens de la paix très faible -13 % contre 20 % au plan national-, et d'autre part, d'une rotation des effectifs très élevée. Le flux de demandes de départs de l'Ile-de-France vers la province déstabilise l'organisation des services et ne permet pas de tirer profit de l'expérience acquise par les personnels. Seulement 20 % des policiers sont originaires de l'Ile-de-France. La quasi-totalité des promotions sortant des écoles de police y est affectée pour compenser ces départs.

A la suite de la réforme des corps et carrières engagée dans la police depuis un an, il est désormais imposé statutairement aux personnels des corps actifs une obligation de séjour dans la première région administrative d'affectation dans les premiers grades.

Ainsi, pour les officiers de police, la durée de séjour obligatoire dans la première région administrative d'affectation sera de 5 ans pour les lieutenants et de 3 ans pour les capitaines. Pour les gardiens de la paix, les brigadiers et les brigadiers-chefs, cette durée de séjour sera respectivement de 5 ans, 3 ans et 2 ans. Il conviendra d'évaluer dans les prochaines années les effets de ce dispositif.

La formation et l'encadrement sont également fondamentaux en matière de respect de la déontologie .

La déontologie doit s'entendre au sens large. La mission d'accueil du public et des victimes évoquée précédemment en relève sans aucun doute. Elle devrait occuper une place grandissante dans les années à venir.

Le respect de la déontologie devrait être considéré comme l'un des aspects de la performance des forces de sécurité. A ce titre, il pourrait être créé un indicateur comme le nombre de policiers et gendarmes mis en cause à l'occasion de faits intervenus dans l'exercice de leurs fonctions.

Maîtriser le recours à la force pour rétablir l'ordre est une ligne de conduite dont chaque agent ne doit pas s'écarter. A cet égard, les événements de novembre 2005 sont exemplaires. Face à des violences très graves, les forces de l'ordre ont su contenir l'utilisation de la force, aucune bavure n'ayant été constatée, tout en parvenant à interpeller près de 4000 personnes. Cette maîtrise et ce discernement sont remarquables.

C'est en s'attachant à cette exigence d'exemplarité que policiers et gendarmes seront respectés, voire admirés.

* 1 Il s'agit principalement des crédits de loyers, d'infrastructure immobilière et d'informatique.

* 2 La LOPSI a fixé les objectifs en nombre d'emplois créés, tandis que, dans l'optique de la LOLF, entièrement applicable à compter de l'exercice 2006, les évaluations sont désormais mesurées en équivalents temps plein travaillés (ETPT). Un emploi ne correspond à un ETPT que s'il est occupé du 1 er janvier au 31 décembre et ce, pour un temps plein.

* 3 Votre rapporteur, qui souligne depuis plusieurs années l'intérêt de cet indicateur, estime qu'il pourrait être utilement ajouté aux indicateurs de performance des programmes « police nationale » et « gendarmerie nationale ».

* 4 En effet, un indicateur de la gendarmerie relatif à la disponibilité des forces mobiles est différent de celui retenu pour la police. Toutefois, dès l'année prochaine, cet indicateur devrait être analogue à celui de la police.

* 5 EGM : escadron de gendarmerie mobile.

* 6 Une unité de CRS équivaut pratiquement à une compagnie républicaine de sécurité. Seules quelques compagnies comptent en effet pour 1,5 unité.

* 7 L'indicateur de performance « taux de criminalité de voie publique » retenu également pour cet objectif apparaît redondant avec ce premier indicateur. L'évolution du nombre de faits constatés de délinquance de voie publique pour 1000 habitants apporte peu d'informations complémentaires.

* 8 D'autres facteurs sont à prendre en compte nécessairement. La vidéosurveillance, que le projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme prochainement examiné au Sénat doit encore développer, peut jouer un rôle dissuasif lorsqu'elle est visible ou signalée.

* 9 Il s'élève à 3,41 % en 2005 contre 3,73 % en 2004.

* 10 Rapport n° 17 (2005-2006) de la mission d'information de la commission des Lois relative aux procédures accélérées de jugement, présidée par M. Laurent Béteille. Voir pages 90 et 91.

* 11 Voir pages 70 à 73 du rapport précité.

* 12 Aux termes du repyramidage hiérarchique prévu par la réforme statutaire, les effectifs du corps de commandement qui regroupe les officiers qui s'établissent actuellement à 15.000, devraient accuser une forte baisse pour se situer à 9.000 d'ici 2012.

* 13 Cette priorité a d'ailleurs été inscrite dans la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure n° 2002-1094 du 29 août 2002.

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