ARTICLE 16 - Création d'une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances

Commentaire : le présent article propose d'instituer une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, qui se substituerait au Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), dont elle reprendrait l'essentiel des missions.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE FONDS D'ACTION ET DE SOUTIEN POUR L'INTÉGRATION ET LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS (FASILD)

1. Les missions du FASILD

Le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD) a succédé, en 2001, au Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FASTIF).

L'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles définit son champ de compétences de manière très générale : il dispose ainsi que ce fonds « met en oeuvre des actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration résidant en France et concourt à la lutte contre les discriminations dont elles pourraient être victimes ».

Il est également précisé qu'à ce titre, le FASILD participe au service public de l'accueil assuré par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations.

L'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM)

Créée par la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) est un établissement public administratif de l'Etat, qui découle du regroupement des missions et moyens de l'Office des migrations internationales (OMI) et de l'association « Service social d'aide aux émigrants » (SSAE). Son activité se rattache en totalité au programme « Accueil des étrangers et intégration » de la mission « Solidarité et intégration ».

Elle est chargée, sur l'ensemble du territoire, du service public de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner durablement en France. Elle a également pour mission de participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales relatives à l'entrée et au séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois des étrangers ; à l'accueil des demandeurs d'asile ; à l'introduction en France, au titre du regroupement familial ou en vue d'y effectuer un travail salarié, d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne ; au contrôle médical des étrangers admis à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois ; au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine ; enfin, à l'emploi des Français à l'étranger.

Son budget s'élève à 60,8 millions d'euros en 2005. La dotation de l'Etat à cette agence atteint près de 16,5 millions d'euros en 2006.

2. Son organisation et son budget

En application de l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles, le FASILD est un établissement public administratif de l'Etat qui peut, pour l'exercice de ses missions, recruter des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée.

Le FASILD s'appuyait ainsi en 2004 sur 287 agents : 120 affectés au siège et 167 répartis les différentes directions régionales.

Ses ressources proviennent essentiellement d'une dotation versée par l'Etat, à partir du programme « Accueil des étrangers et intégration » de la mission « Solidarité et intégration ». Cette dotation s'élève ainsi à 177,16 millions d'euros dans le cadre de la loi de finances pour 2006, à laquelle il convient d'ajouter 6 millions d'euros ouverts dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2005. L'établissement reçoit également une contribution du Fonds social européen.

Le tableau qui suit retrace l'utilisation des crédits en 2005.

Il doit être relevé que l'action du FASILD passe essentiellement par l'attribution de subventions (à 5.151 associations ou organismes en 2003 puis à 4.474 en 2004). Ces subventions sont bien souvent d'importance modeste, puisque 61 % d'entre elles étaient inférieures ou égal à 8.000 euros en 2004, tandis qu'1 % de ces subventions était supérieur à 153.000 euros. On relève, en outre, une tendance à la diminution du montant moyen des subventions accordées, passé de 15.855 euros en 2001 à 13.306 euros en 2004.

B. L'ANALYSE DE LA COUR DES COMPTES SUR LE POSITIONNEMENT DU FASILD

Dans son rapport public particulier de novembre 2004 relatif à l'accueil des immigrants et à l'intégration des populations issues de l'immigration, la Cour des comptes a notamment consacré de nombreux développements au fonctionnement du FASILD et à son positionnement par rapport aux autres structures administratives, compte tenu des réorganisations en cours à cette date.

Relevant plusieurs recoupements de compétences, elle y concluait que « des réponses qui seront apportées aux chevauchements de compétences qui viennent d'être décrits dépendent les perspectives de réorganisation concernant le FASILD :

« - dans le domaine de la lutte contre les discriminations , il faut trancher de manière à ne laisser qu'un seul opérateur à la fois de la promotion de l'égalité et de la lutte contre les discriminations individuelles , qui sera inévitablement amené à détenir certains pouvoirs d'intervention et notamment celui de subventionner le secteur associatif ; si le choix, comme cela paraît maintenant probable, se porte sur la future autorité indépendante en ce qui concerne la lutte contre les discriminations individuelles, la mission dévolue au FASILD ne pourra qu'être abandonnée ;

« - dans le domaine de l'accueil , il est clair que le FASILD doit être déchargé des missions relevant du CAI [contrat d'accueil et d'intégration] , ne serait-ce que pour assurer la cohérence de la responsabilité de l'OMI sur toutes les actions d'accueil en relevant ;

« - dans le domaine de l'intégration en revanche, la question est de savoir si cette problématique peut être portée par les services de l'Etat aussi bien centraux que déconcentrés, qui devront l'assumer en accordant des subventions aux acteurs de terrain . En cas de réponse positive, le réseau des directions régionales du FASILD pourrait être fusionné avec les services déconcentrés, ce qui peut être facilité par les possibilités de détachement de ses agents non titulaires ;

« - il resterait alors à redéployer les subventions actuellement versées par le FASILD aux associations entre la DPM qui deviendrait le dispensateur de subventions de droit commun, les autres ministères amenés à prendre leurs responsabilités dans les domaines de leur compétence, et l'autorité indépendante qui traiterait directement avec les associations prestataires de service dans le domaine de la lutte contre les discriminations , en veillant naturellement à l'absence de cofinancements et à la cohérence de l'ensemble ».

Ces réflexions apparaissent ainsi fort utiles pour analyser les dispositions du présent article.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article tend à substituer au FASILD une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (ANCSEC). A cette fin, il remplace les articles L. 121-14 et L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles par une nouvelle section intitulée « Cohésion sociale » et composée de cinq articles.

Les raisons ayant conduit le gouvernement à proposer la création de cette nouvelle agence

Interrogé par votre rapporteur pour avis, le gouvernement a justifié ainsi la création de cette agence :

« Les évènements de novembre 2005 dans les quartiers ont incité le Gouvernement à tout mettre en oeuvre pour que les politiques publiques dédiées aux quartiers et à leurs habitants soient plus efficaces. Ceci a conduit à réfléchir à une meilleure synergie des moyens et structures existants travaillant sur les questions mises en exergue à l'occasion des émeutes. C'est cette réflexion qui a abouti à la proposition d'une agence nationale dédiée.

« En outre, la mise en oeuvre de la politique de la ville est complexe : le porteur de projet (commune, association ou bailleur) est confronté à la nécessité de solliciter de multiples guichets, et ce quelle que soit l'ampleur de l'action.

« Une simplification notable a été apportée avec la création de l'ANRU sur le volet urbain mais le besoin de simplification demeure, sur le volet « social » de la politique de la ville. Il apparaît d'autant plus prioritaire que les porteurs de projet sont ici, pour l'essentiel, de petites associations de quartiers, très dépendantes des financements publics.

« Les étrangers régulièrement installés en France et les populations issues de l'immigration bénéficient des politiques publiques de droit commun. Ils connaissent des difficultés comparables à celles des Français appartenant aux mêmes catégories socio-professionnelles, mais qui sont souvent aggravées par des problèmes de langue, de culture ou d'accès aux droits et par des discriminations à l'emploi et au logement. Cela justifie le maintien d'une politique d'intégration.

« Si ces deux politiques obéissent à des logiques différentes, elles s'adressent en partie aux mêmes publics et sont partiellement mises en oeuvre par les mêmes acteurs (associatifs notamment) ».

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur pour avis

A. LES MISSIONS DE LA NOUVELLE AGENCE NATIONALE POUR LA COHÉSION SOCIALE ET L'ÉGALITÉ DES CHANCES

Le nouvel L. 121-14 du code de l'action sociale et de familles, tel que réécrit par le présent article, définit les missions de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, qui aurait le statut d'établissement public national à caractère administratif.

Le champ d'action de cette nouvelle agence serait double :

- d'une part, elle serait chargée de « contribuer à la mise en oeuvre d'actions en faveur des habitants résidant dans les zones urbaines sensibles et dans les quartiers qui présentent des caractéristiques sociales et économiques analogues ». Ce premier volet de compétences serait donc territorialement borné . La notion de quartiers présentant des caractéristiques sociales et économiques analogues aux zones urbaines sensibles est floue, mais est déjà présente dans l'article 6 de la loi n° 2003-710 du 1 er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui définit le champ du programme national de rénovation urbaine ;

- d'autre part, elle contribuerait « à la lutte contre l'illettrisme, à la mise en oeuvre d'actions sur l'ensemble du territoire national en faveur de personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle et concourt à la lutte contre les discriminations dont elles peuvent être victimes ». A contraire du premier volet de compétences, l'agence interviendrait cette fois sur l'ensemble du territoire national . En outre, il est précisé que ces actions visent notamment à l'intégration des populations immigrées résidant en France.

Les interventions de l'agence pourraient emprunter deux voies :

- l'octroi, dans le cadre de conventions pluriannuelles, de concours financiers aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale compétents et aux organismes publics ou privés qui conduisent des opérations concourant aux objectifs définis précédemment;

- des actions directes de nature à favoriser la cohésion sociale et l'égalité des chances , ce qui ouvre un spectre d'action très large.

B. L'ORGANISATION DE L'AGENCE

Les nouveaux articles L. 121-15, L. 121-16 et L. 121-18 du code de l'action sociale et des familles définissent l'organisation de l'ANCSEC.

Le premier alinéa de l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles, tel que réécrit par le présent article, définit l'organisation nationale de l'ANCSEC.

Il est ainsi prévu que celle-ci serait administrée par un conseil d'administration et un directeur général .

Le conseil d'administration serait nommé par l'Etat et divisé en deux collèges d'importance égale :

- une moitié de représentants de l'Etat ;

- une moitié de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au plan national, de représentants des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale compétents, des départements, des régions, des caisses nationales de sécurité sociale ainsi que de personnalités qualifiées.

Il est précisé que le président du conseil d'administration serait désigné par l'Etat parmi les personnalités qualifiées.

Le deuxième alinéa de l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles précise l'organisation territoriale de l'ANCSEC.

Il prévoit ainsi que l'agence s'appuierait sur des délégués départementaux, qui seraient les préfets des départements. Ceux-ci seraient chargés :

- d'une part, de signer les conventions pour le compte de l'agence;

- d'autre part, de concourir à la mise en oeuvre et au suivi local des conventions passées avec les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale compétents ou les organismes publics et privés qui assurent la maîtrise d'ouvrage des opérations menées par l'ANCSEC.

Le nouvel article L. 121-16 du code de l'action sociale et des familles reprend les dispositions qui prévalaient aujourd'hui pour le FASILD, en permettant à l'ANCSEC de recruter, pour l'exercice de ses missions, des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée .

Le nouvel article L. 121-18 du code de l'action sociale et des familles prévoit que les règles d'organisation et de fonctionnement de l'ANCSEC sont fixées par décret en Conseil d'Etat .

C. LES RESSOURCES DE L'AGENCE

L'article L. 121-17 du code de l'action sociale et des familles définit, de manière non limitative, les ressources de l'agence, qui comprendraient :

- des subventions de l'Etat ;

- des concours des fonds structurels de la Communauté européenne ;

- des subventions de la Caisse des dépôts et consignations ;

- des produits divers, dons et legs.

Ces ressources correspondent à des modes de financements existant aujourd'hui au profit du FASILD et/ou de la politique de la ville.

En outre, il est précisé que l'agence peut recevoir, dans le cadre de conventions, des contributions de divers établissements : Caisse nationale d'allocations familiales, Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, ainsi que « d'autres établissements publics », sans autre précision.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, ces conventions « concernent des programmes locaux dans lesquels interviennent des cofinancements des organismes de sécurité sociale ou d'autres établissements publics. Pour simplifier la mise en oeuvre de ces programmes, l'idée est que l'agence puisse intervenir collectivement pour l'ensemble des co-financeurs, dans le cadre de conventions signées au préalable avec eux ». Les sommes en jeu seraient d'ampleur limitée.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Dans le cadre de la procédure d'engagement de sa responsabilité devant l'Assemblée nationale en application du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution, le gouvernement décidé de retenir quatre amendements au présent article présentés par notre collègue député Laurent Hénart, rapporteur du présent projet de loi au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, ainsi qu'un sous-amendement présenté par nos collègues députés Martine Billard, Yves Cochet et Noël Mamère.

A. LES MODIFICATIONS APPORTÉES À LA DÉFINITION DES MISSIONS DE L'AGENCE

Les missions de l'ANCSEC ont, tout d'abord, été redéfinies.

Le texte de l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles prévoit désormais que cette agence :

- « dans des objectifs de cohésion sociale et d'égalité des chances », contribue sur le territoire national à des actions en faveur de personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle ;

- participe à des opérations en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville , notion plus large que celle définie dans le texte initial du présent projet de loi ;

- met en oeuvre des actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration (ce que ne précisait pas le texte initial) résidant en France ;

- concourt à la lutte contre les discriminations dont les personnes concernées sont ou peuvent être victimes ;

- contribue à la lutte contre l'illettrisme ;

- contribue à la mise en oeuvre du service civil volontaire, institué par l'article 28 du présent projet de loi.

Le texte transmis au Sénat diffère également du projet de loi initial s'agissant du mode d'intervention de l'agence. Il prévoit ainsi que celle-ci « mène directement des actions ou accorde des concours financiers, notamment dans le cadre d'engagements pluriannuels , aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale compétents et aux organismes publics ou privés, notamment les associations , qui conduisent des opérations concourant à ses objectifs ».

Deux changements sont donc intervenus : d'une part, les associations sont explicitement incluses dans la listes des bénéficiaires potentiels des concours financiers de l'agence, mais il s'agit là d'une modification de pure forme dans la mesure où elles étaient déjà comprises dans la notion d'organismes publics ou privés ; d'autre part, les engagements pluriannuels encadrant l'octroi de concours financiers apparaissent désormais comme une faculté, alors qu'ils étaient imposés dans le texte initial du présent projet de loi.

B. LES MODIFICATIONS APPORTÉES À L'ORGANISATION DE L'AGENCE

Le gouvernement a retenu deux amendements de notre collègue député Laurent Hénart, rapporteur du présent projet de loi au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, tendant à :

- préciser que c'est le directeur général de l'agence, et non le conseil d'administration comme dans la version initiale, qui est nommé par l'Etat, ce qui justifie la mention de cette fonction dans la loi ;

- inclure des représentants des organismes régis par le code de la mutualité et des chambres consulaires dans le champ du deuxième collège du conseil d'administration de l'agence.

C. LES MODIFICATIONS APPORTÉES AU RÔLE DES DÉLÉGUÉS DÉPARTEMENTAUX DE L'AGENCE

Le gouvernement a retenu un amendement essentiellement rédactionnel de notre collègue député Laurent Hénart, rapporteur du présent projet de loi au nom de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales.

Le texte transmis au Sénat précise que le préfet du département, délégué départemental de l'agence, signe les conventions passées pour son compte et concourt à leur mise en oeuvre, à leur évaluation (ce que ne précisait pas le texte initial) et à leur suivi.

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES MISSIONS QUI DOIVENT ÊTRE CLARIFIÉES

1. Des objectifs satisfaisants

Votre rapporteur pour avis observe tout d'abord que les objectifs affichés par le gouvernement pour justifier la création de cette agence sont satisfaisants, puisqu'ils visent à :

- mobiliser de manière plus efficace l'ensemble des politiques concourant à l'amélioration des conditions de vie dans les quartiers les plus en difficulté et à l'intégration des populations issues de l'immigration ;

- renforcer les synergies entre politique de la ville et politique d'intégration ;

- simplifier le financement des projets concernés et conforter le tissu associatif local.

Il n'en demeure pas moins que le positionnement de l'agence et son rôle exact méritent d'être précisés.

2. La question du rattachement budégtaire de l'agence, illustration des incertitudes entourant le rôle de l'agence

S'agissant du positionnement de l'agence, il n'apparaît pas aujourd'hui clairement si l'agence est considérée plutôt comme un instrument de politique de la ville ou comme un instrument de cohésion sociale . Cette ambiguïté apparaît dans la définition des missions, les unes s'appliquant dans certaines zones seulement tandis que d'autres sont valables sur l'ensemble du territoire (lutte contre l'illettrisme et les discriminations notamment).

Le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a ainsi précisé à votre rapporteur pour avis que l'ANCSEC interviendrait « essentiellement dans le cadre des nouveaux « contrats territoriaux de cohésion sociale » qui prendront la suite des actuels contrats de ville, ou par l'intermédiaire de conventions passées avec des associations sur des programmes entrant dans le cadre de ses missions ; elle pourra aussi, à l'occasion, lancer des appels à projets sur des thèmes spécifiques ».

Ce positionnement délicat se retrouve lorsque l'on examine le rattachement budgétaire de l'agence aux missions du budget général de l'Etat. En effet, les crédits du FASILD sont aujourd'hui inscrits sur la mission « Solidarité et intégration », tandis que les crédits relatifs à la politique de la ville sont inscrits sur la mission « Ville et logement ».

Le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a indiqué à votre rapporteur pour avis que la question du rattachement budgétaire à l'une ou l'autre des deux missions serait « précisée dans le cadre de la préparation du budget 2007 en prévoyant le maintien de plusieurs programmes afin de pouvoir préserver les comparaisons d'une année sur l'autre ».

Votre rapporteur pour avis estime que la nouvelle agence devra être rattachée à une seule mission, mais également à un seul programme, afin de donner tout son sens à la portée de l'autorisation parlementaire. De manière générale, les financements d'un opérateur à partir de plusieurs programmes ne constituent pas une solution satisfaisante et nuisent à la lisibilité. Cette solution se justifie d'autant moins en l'espèce que les programmes concernés aujourd'hui par les actions menées par l'ANCSEC relèvent d'un seul ministre, celui de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

Il estime ainsi que, compte tenu des missions dévolues à cette agence et des finalités assignées au programme, les crédits de l'ANCSEC devraient être inscrits sur le programme 147 « Equité sociale et territoriale et soutien » de la mission « Ville et logement ».

2. Une rédaction à préciser sur deux points

S'agissant de la rédaction même des missions de l'agence, votre rapporteur pour avis estime que certaines modifications sont nécessaires.

a) La notion d'aide aux personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle

D'une part, le texte du présent article prévoit que « dans des objectifs de cohésion sociale et d'égalité des chances », l'agence « contribue sur le territoire national à des actions en faveur de personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle ».

Le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a précisé à votre rapporteur pour avis que « l'objet de la mention des « personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle » est de mieux spécifier le cadre dans lequel s'inscrivent les types d'interventions détaillées ensuite (habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, intégration des populations immigrées ou issues de l'immigration, lutte contre les discriminations) ».

Dès lors, cette phrase n'aurait pas, dans l'esprit du ministère, d'effet utile, mais serait une forme de chapeau introductif. Or la rédaction retenue est tellement vague et large qu' elle pourrait ouvrir de manière très importante le champ d'intervention de l'agence , ce qui n'apparaît souhaitable, et qu'elle soulève un problème de définition de son rôle par rapport à d'autres dispositifs généraux d'aide aux personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle.

b) La notion de quartiers prioritaires de la politique de la ville

En second lieu, le texte du présent article prévoit que l'ANCSEC « participe à des opérations en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville » ;

Cette notion de « quartiers prioritaires de la politique de la ville » est floue, de même que la notion « d'opérations » est imprécise.

Aussi votre rapporteur pour avis vous proposera-t-il, compte tenu des réponses qui lui ont été apportées par le ministère, de redéfinir les missions de l'agence en les clarifiant et en précisant les territoires concernés par son action.

B. LES LIENS ENTRE LA NOUVELLE AGENCE ET LES STRUCTURES EXISTANTES

La création de cette nouvelle agence amène également à considérer les rapprochements possibles entre les différentes structures existantes.

1. Certaines structures sont clairement appelées à être intégrées dans l'agence

Il apparaît tout d'abord clair, selon les termes mêmes du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, que « la nouvelle agence fédèrera les moyens actuellement consacrés aux politiques de la ville (via notamment le FIV et des fonds structurels européens) et aux politiques d'intégration (via le FASILD), à l'exception de ceux consacrés à l'accueil des primo-arrivants qui iront à l'ANAEM ».

La nouvelle répartition des compétences entre l'ANAEM et l'ANCSEC apparaît satisfaisante, dans la mesure où elle permet d'établir clairement la distinction entre l'accueil des personnes immigrées proprement dit et les actions à mener une fois les personnes installées sur le territoire national, ce que recommandait la Cour des comptes dans son rapport public particulier de novembre 2004 précité.

La question qui se pose s'agissant des moyens consacrés à la politique de la ville est celle du maintien, ou plutôt du nouveau périmètre de la délégation interministérielle à la ville, dont une partie des personnels paraît appelée à être transférée à la nouvelle agence si l'on veut éviter des doublons .

En lien avec ce dernier point, votre rapporteur pour avis est également conduit à s'interroger sur la réorganisation de l'administration centrale du ministère.

2. Vers une refonte de la structure de l'administration centrale du ministère en charge de l'emploi, du logement et de la cohésion sociale

En réponse au questionnaire adressé par votre apporteur pour avis, le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a indiqué que « l'ANCSEC a vocation à être un maître d'oeuvre financier pour les programmes d'action entrant dans son champ de compétences. Elle sera placée sous la tutelle d'une direction d'administration centrale chargée, sous l'autorité directe du ministre, d'élaborer les orientations politiques. Dans ce cadre, une réflexion est engagée sur les évolutions éventuelles que pourrait connaître l'administration centrale pour organiser cette tutelle ».

A ce stade, votre rapporteur pour avis ne dispose pas d'informations concernant les réflexions du ministère et il souhaite que l'examen du présent projet de loi en séance publique puisse lui permettre de préciser ses intentions .

A la lumière des observations formulées par la Cour des comptes dans son rapport public particulier de novembre 2004 sur l'accueil des immigrants et l'intégration des populations issues de l'immigration, il apparaît que la répartition des compétences respectives de la direction interministérielle à la ville - qui devraient de toute manière évoluer compte tenu de la création de la nouvelle agence - et de la direction des populations et des migrations doit être réexaminée.

L'analyse de la Cour des comptes concernant les rapprochements possibles entre la délégation interministérielle à la ville (DIV) et la direction de la population et des migrations (DPM)

L'examen de la situation de la DPM pourrait accessoirement soulever la question des actuelles difficultés de positionnement de la délégation interministérielle à la ville. Cette délégation a récemment perdu la responsabilité de la gestion des problèmes d'urbanisme, confiée à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) ; il lui revient essentiellement de conduire des actions sociales et d'intégration à destination de populations qui sont très largement issues de l'immigration. On est désormais fondé à se demander si la politique de l'intégration et la politique de la ville ainsi nouvellement définies ne constituent pas une seule et unique mission, dès lors que l'action d'accueil des immigrants et les initiatives de lutte contre les discriminations sont pour l'essentiel territorialisées.

La mission commune Conseil d'Etat - inspections générales avait, sur ce sujet aussi, recommandé en 1997 un rapprochement entre la sous-direction actuellement dénommée sous-direction de l'accueil et de l'intégration et la délégation interministérielle dont les attributions se recouvrent partiellement. La première regroupe trois bureaux et une mission logement, qui sont notamment chargés des actions du ministère en ce qui concerne la lutte contre les discriminations, l'accueil et l'hébergement des demandeurs d'asile, des réfugiés et des personnes accueillies à titre humanitaire en France, mais aussi l'intégration des populations d'origine étrangère et le suivi des questions relatives au logement des populations immigrées.

La Cour estime que si le rapprochement entre ces objectifs qui paraissent se recouper est vérifié, la fusion DIV-DPM donnerait plus de force, de simplicité et d'efficacité à la coordination interministérielle et à l'action publique, d'autant que le récent rattachement du logement au ministère du travail, de l'emploi et de la cohésion sociale ne peut laisser deux structures voisines y coexister sans risques de redondance des moyens ou de contradiction des actions Cette fusion ne devrait pas conduire à faire disparaître la spécificité de la politique de la ville, qui concerne des territoires particuliers.

Source : Extrait du rapport public particulier relatif à l'accueil des immigrants et à l'intégration des populations issues de l'immigration

3. Les liens entre l'ANCSEC et l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU) restent flous

L'exposé des motifs du présent projet de loi indique que la création de l'ANCSEC « répond à la volonté d'accroître la présence de l'Etat dans les quartiers sensibles, aux côtés de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, pour être l'interlocuteur des maires sur les questions relatives aux quartiers sensibles ».

Votre rapporteur pour avis n'a pas obtenu de précisions sur l'articulation entre l'ANCSEC et l'ANRU de la part du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Celui-ci lui a simplement fait savoir que « la vocation de l'ANRU est le financement des projets de rénovation urbaine, dont la principale composante est une action forte sur le bâti et les infrastructures. L'ANCSEC s'intéresse elle aux populations et traitera dans ce cas l'aspect social de ces opérations. Il est important que la coordination entre les deux modes d'intervention soit la plus étroite possible, et ait donné lieu à toutes les anticipations nécessaires ».

Votre rapporteur pour avis souhaite donc que le gouvernement puisse, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi en séance publique, préciser les relations entre ces deux agences. Il estime que les préfets, qui seront les délégués des deux agences dans les départements, auront un rôle essentiel à jouer en la matière.

4. La compétence de lutte contre l'illettrisme et la question du maintien de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI)

Le présent article confie à l'ANCSEC la mission de contribuer à la lutte contre l'illettrisme.

On observera qu'une Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI), créée sous la forme d'un groupement d'intérêt public par un arrêté en date du 17 octobre 2000, existe déjà et a pour objet « dans le cadre de la lutte contre les exclusions définie par le Gouvernement, de fédérer et d'optimiser les moyens affectés par l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises à la lutte contre l'illettrisme ».

L'avant-projet de loi pour l'égalité des chances prévoyait la suppression de l'ANLCI , solution qui ne figure plus dans le présent projet de loi, ce qui n'est au demeurant pas nécessaire dans la mesure où la création de cette agence est intervenue par voie réglementaire.

Votre rapporteur pour avis a donc souhaité connaître les intentions du gouvernement, qui lui a apporté la réponse suivante : « Quant à l'ANLCI, qui a le statut d'un GIP, et dont la fonction est plutôt de veille, de conseils et de coordination, son rôle sera maintenu . L'agence interviendra par contre en finançant des programmes d'action en la matière ».

La formulation des missions de l'ANLCI telle qu'elle ressort de l'arrêté précité du 17 octobre 2000 étant plus large et ambiguë que la réponse apportée par le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, votre rapporteur pour avis souhaite attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité de coordonner efficacement l'action de ces deux agences.

Si tel n'était pas le cas, ce maintien de l'ANLCI aux côtés de l'ANCSEC - dont la compétence de lutte contre l'illettrisme est valable sur l'ensemble du territoire national et non restreinte à certaines zones prioritaires de la politique de la ville - n'apparaîtrait pas optimal et il pourrait être envisagé, afin de rationaliser le dispositif de lutte contre l'illettrisme :

- soit de maintenir l'ANLCI et de lui confier clairement la compétence « de fédérer et d'optimiser » les moyens affecté à la lutte contre l'illettrisme, en supprimant alors des missions de l'ANCSEC la compétence de lutte contre l'illettrisme ;

- soit de maintenir la compétence dévolue à l'ANCSEC en la matière, en supprimant alors l'ANLCI, cette compétence relevant du pouvoir réglementaire.

5. Les rapports entre l'ANCSEC et la HALDE

Le présent article confie à l'ANCSEC la mission de concourir à la lutte contre les discriminations dont les personnes concernées sont ou peuvent être victimes.

Dans son rapport de novembre 2004 précité, la Cour des comptes préconisait de confier l'ensemble de la compétence de lutte contre les discriminations à une structure unique, qui aurait en l'occurrence pu être la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), ce qui n'a pas été la solution retenue.

Le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement a justifié ce choix en faisant valoir que « la HALDE est une autorité indépendante, dont la vocation est de recevoir et d'examiner les demandes des citoyens s'estimant victimes de discriminations, d'aider ces personnes, éventuellement de transmettre au parquet les faits délictueux dont elle aurait eu à connaître, et d'élaborer des recommandations notamment de bonnes pratiques. Le projet de loi propose de lui attribuer en outre un pouvoir de sanction administrative. Ses missions sont ainsi très différentes de celles de l'ANCSEC, qui en la matière n'interviendra pas sur des cas individuels, mais financera des actions visant à développer l'égalité des chances . »

Si l'analyse est globalement juste, il convient toutefois de relever que l'article 15 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité confie à la HALDE trois types de missions qui peuvent présenter des doublons avec les missions confiées à l'ANCSEC :

- mener des actions de communication et d'information propres à assurer la promotion de l'égalité et favoriser la mise en oeuvre de programmes de formation ;

- conduire et coordonner des travaux d'études et de recherches relevant de sa compétence et susciter et soutenir les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne l'élaboration et l'adoption d'engagements visant à la promotion de l'égalité ;

- identifier et promouvoir toute bonne pratique en matière d'égalité des chances et de traitement.

Dans ces trois cas, il importe que le gouvernement porte une attention particulière aux relations et aux coopérations entre l'ANCSEC et la HALDE, afin de parvenir à une efficacité maximale des actions de lutte contre les discriminations.

C. L'INSTALLATION DE L'AGENCE : QUELLE TRANSITION EN 2006 ET QUEL BUDGET À TERME ?

La création de cette nouvelle agence amène à s'interroger sur la transition qui s'opèrera au cours de l'exercice 2006 et sur le budget dont disposera l'agence, qui devrait être installée vers la mi-2006.

D'après les éléments recueillis auprès de Mme Patricia Sitruk, directrice générale du FASILD, celui-ci devrait, à ce stade, poursuivre normalement son action en direction des associations.

S'agissant du budget de l'agence à l'avenir, votre rapporteur pour avis ne dispose pas d'éléments précis. Mme Patricia Sitruk lui a toutefois indiqué qu'elle devrait mobiliser environ 400 à 500 millions d'euros. A l'exception d'une cinquantaine de millions d'euros destinés à financer le contrat d'accueil et d'intégration, qui serait transférée à l'ANAEM, l'ensemble des crédits attribués au FASILD dans le cadre de la loi de finances pour 2006 serait transféré à l'ANCSEC, conformément aux dispositions de l'article 17 du présent projet de loi. Les personnels du FASILD transférés à l'ANAEM devraient être peu nombreux.

Le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement n'a pas fourni d'informations plus précises à votre rapporteur pour avis, lui indiquant que les personnels « de l'actuel FASILD rejoindront l'ANCSEC, à l'exception de certains qui, sur la base du volontariat, rejoindront l'ANAEM pour contribuer aux missions qui lui seront transférées. La répartition précise des crédits, et des effectifs, n'est pas disponible à cette heure. Une mission de préfiguration de l'agence va être mise en place auprès des ministres concernés (...) ; c'est elle qui proposera les clés de répartition ».

D. L'ORGANISATION TERRITORIALE DE L'AGENCE : DES PRÉCISIONS NÉCESSAIRES

Si la mission de préfiguration doit permettre de clarifier la transition entre les structures actuelles et la nouvelle agence, votre rapporteur pour avis s'interroge toutefois sur l'organisation territoriale de l'agence.

En effet, le présent article prévoit que le préfet est le délégué de l'agence dans le département et qu'il chargé, à ce titre, de signer les conventions pour son compte et de concourir à leur mise en oeuvre, à leur évaluation et à leur suivi.

Ce choix paraît très cohérent , dans la mesure où, ainsi qu'il a été dit précédemment, le préfet est également le délégué territorial de l'ANRU et devrait donc favoriser l'existence de liens étroits entre ces deux agences.

En revanche, il conduit à s'interroger sur le devenir d'une partie des équipes actuelles du FASILD , qui est organisé en délégations régionales, et non départementales, rassemblant l'essentiel des personnels (167 sur 287). D'après les éléments recueillis par votre rapporteur pour avis au cours des auditions auxquelles il a procédé, le gouvernement envisagerait, au moins dans un premier temps, de maintenir un échelon régional correspondant aux actuelles équipes du FASILD, ce qui n'apparaît pas cohérent avec la nouvelle structure retenue par le présent article, ni avec les préconisations de la Cour des comptes.

Votre rapporteur pour avis souhaite donc que l'examen du présent projet de loi en séance publique permette au gouvernement d'apporter des précisions sur ce point.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'émettre un avis favorable sur cet article ainsi modifié.

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