II. UNE OPPOSABILITÉ RÉCLAMÉE ET REDOUTÉE

Actuellement, seuls les occupants d'un immeuble faisant l'objet d'un arrêté d'insalubrité ou de péril disposent d'un droit à l'hébergement temporaire puis au relogement définitif.

Le projet de loi prévoit de rendre le droit au logement opposable, au même titre que le droit à la santé et le droit à la scolarité. Cela implique d'instituer une obligation de résultat à la collectivité publique et d'ouvrir aux citoyens une possibilité de recours juridictionnel pour en assurer le respect.

Si une certaine précipitation a présidé à son élaboration, le Gouvernement a néanmoins pu s'appuyer sur les nombreux travaux du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées et du Conseil économique et social.

A. LES PRÉMICES

1. Les travaux du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées

En 2002, le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées avait, dans son huitième rapport, préconisé la mise en oeuvre d'un droit au logement opposable. Dans son neuvième rapport public, en décembre 2003, il avait précisé les modalités de cette opposabilité. Le 12 décembre 2005, il avait remis au Président de la République une proposition de plan en six ans.

Le 12 mai 2006, le Premier ministre, M. Dominique de Villepin, a annoncé sa volonté d'ouvrir aux collectivités territoriales volontaires la possibilité d' expérimenter la mise en oeuvre locale du droit au logement opposable . Le 14 juin, il a confié au président du Haut comité la mission d'étudier avec les représentants des associations d'élus locaux les conditions de mise en oeuvre d'une telle réforme.

Cette étude a débouché sur un rapport rendu public au début de l'année 2007, dans lequel le Haut comité souligne, d'une part, que : « le droit au logement est aujourd'hui dépendant de l'heureuse convergence de l'action de tous les niveaux de la puissance publique, et une défaillance à un seul de ces niveaux suffit à le tenir en échec », d'autre part, que : « se ule l'organisation de la responsabilité publique autour d'un droit au logement devenu contraignant peut permettre au citoyen en difficulté d'obtenir sa mise en oeuvre effective . »

Il relève à juste titre que : « L'instauration de l'opposabilité auprès de collectivités territoriales suscite cependant des craintes parmi les élus locaux. L'Etat est parfois suspecté d'y trouver l'occasion de son désengagement. Les collectivités territoriales qui sont les plus impliquées dans une politique de logement social craignent d'être mises d'autant plus à contribution, tandis que d'autres resteraient confortablement à l'écart. C'est pourquoi élus et partenaires attendent de l'Etat qu'il assume le coût de la solidarité nationale et exerce son rôle d'arbitre . »

Il propose que la « responsabilité de première ligne » soit assumée : hors Ile-de-France , par les établissements publics de coopération intercommunale et les départements délégataires des aides à la pierre et, à défaut, par l'Etat ; en Ile-de-France , par un « syndicat du logement d'Ile-de-France » (SLIF) qui serait créé pour assurer le pilotage de la politique régionale de l'habitat. Le SLIF pourrait procéder à des subdélégations de responsabilité à certaines collectivités territoriales. Les collectivités et établissements publics délégataires devraient bénéficier de compétences renforcées .

L'Etat devrait ainsi accorder à la collectivité ou à l'établissement public participant à l'expérimentation : la délégation des aides à la pierre et des crédits relatifs au traitement du saturnisme et de l'insalubrité ; la délégation de prérogatives de l'Etat en matière d'attribution des logements sociaux, de réquisition, d'urbanisme, de lutte contre l'habitat indigne ; un soutien spécifique en matière d'ingénierie et un soutien financier à la mise en place des outils de pilotage.

Il devrait s'engager auprès de la collectivité ou de l'établissement public participant à l'expérimentation à apporter des moyens en matière de veille sociale et d'hébergement et à exercer ses prérogatives pour faire appliquer par toutes les collectivités concernées les dispositions arrêtées dans le document de programmation de référence.

L'autorité responsable de première ligne devrait s'efforcer d' associer l'ensemble des collectivités publiques , ainsi que les différents acteurs concernés , à l'élaboration et au suivi de la politique qu'elle animerait. En cas d'échec du partenariat, elle pourrait faire appel à l'intervention de l'Etat, à charge pour lui d'utiliser les prérogatives d'autorité qu'il détient.

L'ouverture au citoyen du recours juridictionnel devrait intervenir à une échéance fixée par avance dans la loi. Elle pourrait conduire le tribunal à prononcer une injonction de loger à l'égard de l'autorité responsable. En amont de cette échéance, il conviendrait d'organiser sans attendre le traitement des demandes d'aide et le recours amiable, en s'appuyant chaque fois que possible sur les instances existantes.

« Prenant en compte à la fois l'urgence des situations, le temps nécessaire à l'élaboration et à la mise en oeuvre des politiques de l'habitat, et les échéances des mandats électoraux dans lesquels la responsabilité politique doit s'inscrire », le calendrier proposé par le Haut comité comporte les échéances suivantes :

- avant la fin de l'année 2008, l'obligation de proposer au moins un hébergement digne à toute personne en situation d'urgence,

- à la fin du prochain mandat présidentiel, soit en mai 2012, l'ouverture des voies de recours pour les familles avec enfants,

- à la fin du prochain mandat municipal, soit en mars 2014, l'ouverture des voies de recours pour tous.

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