2. La commission de vérification des fonds spéciaux : une réponse trop partielle

La réforme des fonds spéciaux engagée en 2001 eut pour conséquence inattendue l'instauration, par la voie d'un amendement gouvernemental devenu l'article 154 de la loi de finances pour 2002, d'une commission de vérification des dépenses réalisées à partir des fonds spéciaux .

Cette commission, qui s'est substituée à une commission spéciale de vérification composée de hauts magistrats de la Cour des comptes et du Conseil d'Etat, est à dominante parlementaire , puisqu'elle compte deux députés, parmi lesquels est désigné le président, deux sénateurs et deux membres de la Cour des comptes.

L'usage des fonds spéciaux étant désormais exclusivement réservé aux services de renseignement et de sécurité, principalement la DGSE, cette commission de vérification examine des dossiers liés aux activités de ces services. Pour autant, cette vérification ne concerne que les activités en rapport avec les fonds spéciaux et ne porte pas sur les questions plus générales de la politique des services et des moyens humains et techniques dont ils disposent.

Dans une note remise au Président de la République et au Premier ministre qu'il a reproduite dans un ouvrage récent 6 ( * ) , le président de la commission de vérification des fonds spéciaux, M. René Galy-Dejean, expose les enseignements tirés des travaux de la commission . Il souligne notamment que « le contrôle de l'emploi des fonds spéciaux a, pour la première fois, donné à des parlementaires la possibilité d'acquérir une connaissance précise et concrète de l'action de renseignement ». Il précise notamment que « les membres de la commission ont pu suivre dans le détail l'exécution des dépenses sur fonds spéciaux de la DGSE en procédant dans les locaux de sa direction de l'administration à des contrôles sur pièces, y compris lorsque les actions financées faisaient l'objet de procédures de confidentialité renforcées. Les membres de la commission ont pu se rendre également dans des postes et centres techniques de la DGSE à l'étranger ».

Estimant que « l'une des difficultés majeures du contrôle parlementaire des services de renseignement tient aux nécessités de la protection des informations couvertes par le secret de la défense nationale », il décrit comme suit la pratique de contrôle inaugurée par la commission : « la commission s'est naturellement abstenue de manière naturelle de toute recherche d'information sur des données relatives à l'identité des personnes. Elle n'a pas non plus demandé d'informations à caractère opérationnel lorsque ces informations n'étaient pas strictement nécessaires à la justification des dépenses qu'elle avait pour mission de contrôler. Dès lors que la gestion de ressources publiques dérogatoires était en cause, elle a cependant demandé l'accès à des informations secrètes. Elle a ainsi tenue à être informée de la gestion du patrimoine privé de la DGSE ».

La commission de vérification des fonds spéciaux

Instituée par l'article 154 de la loi de finances pour 2002, la commission de vérification des fonds spéciaux est chargée de s'assurer que ces crédits « sont utilisés conformément à la destination qui leur a été assignée par la loi de finances ».

Depuis la réforme engagée en 2001, les fonds spéciaux sont quasi-exclusivement destinés à des actions relevant des services de renseignement . Ils s'élèvent à 37,1 millions d'euros dans la loi de finances pour 2007, des crédits supplémentaires pouvant être ouverts en cours d'année par des décrets de répartition non publiés au Journal officiel. Les fonds spéciaux sont essentiellement destinés à la DGSE (36 millions d'euros), le restant se répartissant entre le Groupement interministériel de contrôle en charge des interceptions de sécurité (0,6 million d'euros), la DST, la DRM et la DPSD.

La commission de vérification se compose :
- de deux députés , dont le président de la commission, désignés par le président de l'Assemblée nationale ;
- de deux sénateurs , désignés par le président du Sénat ;
- de deux membres de la Cour des comptes nommés par décret.

La commission « prend connaissance de tous les documents, pièces et rapports susceptibles de justifier les dépenses considérées et l'emploi des fonds correspondants ». Elle se fait notamment représenter « toutes pièces justificatives propres à l'éclairer au cours de ses travaux de vérification ». Ces travaux ne peuvent toutefois porter sur des dépenses se rattachant à des opérations en cours, en application de la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 2001.

Les membres de la commission de vérification des fonds spéciaux sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance à raison de leur mandat. Les travaux de la commission sont secrets.

La commission établit un rapport annuel sur les conditions d'emploi des crédits provenant des fonds spéciaux. Il est remis par le président de la commission au Président de la République, au Premier ministre et aux présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances des deux assemblées.

La commission dresse également un procès-verbal dans lequel elle constate que les dépenses réalisées sur les crédits concernés sont couvertes par des pièces justificatives pour un montant égal. Ce procès-verbal est remis par le président de la commission de vérification au Premier ministre et au ministre chargé du budget qui le transmet à la Cour des comptes.

M. René Galy-Dejean indique également qu'en accomplissant sa fonction de contrôle, la commission avait constaté que les services de renseignement jugeaient ses travaux utiles et profitables à leur propre action. Il souligne que « les mécanismes de contrôle parlementaire des services de renseignement paraissent ainsi de nature à renforcer l'efficacité de ces services et à améliorer la prise en compte de leur action dans la politique de sécurité de l'Etat ».

Dans le même ouvrage, M. René Galy-Dejean conclut qu'avec la commission de vérification des fonds spéciaux « la France a entamé le processus qui lui permettra de rejoindre la plupart des démocraties occidentales en matière de contrôle parlementaire des services secrets », cette première étape devant nécessairement être complétée par la création d'une délégation parlementaire pour le renseignement, telle que prévue dans le projet de loi déposé en mars 2006.

On peut en effet tirer un bilan positif des quatre années de fonctionnement de la commission de vérification des fonds spéciaux , votre rapporteur pour avis ayant constaté, lors des auditions préparatoires à l'examen du présent projet de loi, que son rôle donnait satisfaction tant aux parlementaires qui y siègent qu'aux responsables des services entrant dans le champ du contrôle.

Bien qu'ayant pu, par le biais du contrôle des fonds spéciaux, appréhender de nombreux aspects du fonctionnement d'un service comme la DGSE, une telle commission reste limitée dans son domaine d'intervention et l'objet de sa mission est principalement d'ordre comptable et financier. Elle ne répond donc que partiellement à la question de l'information du Parlement dans le domaine du renseignement.

* 6 René Galy-Dejean - Circonstances et convictions - Editions Numéris 2007.

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