B. INCITER À L'AUGMENTATION DU TEMPS DE TRAVAIL EN RÉDUISANT LE COÛT DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

1. Des heures supplémentaires moins coûteuses pour l'entreprise

Le projet de loi vise à rendre le recours aux heures supplémentaires financièrement intéressant pour l'employeur. A cette fin, il prévoit deux mesures dont l'effet direct est de réduire le coût du travail :

- une déduction forfaitaire des charges sociales patronales de 1,5 euro pour les entreprises d'au plus vingt salariés et de 0,5 euro pour les autres employeurs ;

- une modification apportée au calcul de l'allégement « Fillon » sur les bas salaires afin de neutraliser l'impact des heures supplémentaires, dont la prise en compte conduit aujourd'hui à minorer le montant d'allégement dont peut bénéficier l'employeur.


• Les entreprises comptant au plus vingt salariés.
Ces entreprises posent une difficulté particulière. Elles sont en effet actuellement régies par un régime dérogatoire, prévu par le I de la loi du 31 mars 2005 portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, qui fixe, jusqu'au 31 décembre 2008, le taux de majoration des heures supplémentaires à seulement 10 % et prévoit un décompte des heures supplémentaires au-delà de la 36 e heure de travail.

Or, le projet de loi propose d' abroger ce régime dérogatoire , afin de garantir que les heures supplémentaires effectuées par chaque salarié seront réellement rémunératrices, ce qui conduit naturellement à renchérir le coût des cinq premières heures supplémentaires effectuées dans la semaine pour ces entreprises

Toutefois, selon les calculs de l'Acoss, cette augmentation sera compensée grâce à la déduction forfaitaire et l'aménagement de l'allégement « Fillon » pour un salarié rémunéré jusqu'à 1,27 Smic , quel que soit le nombre d'heures effectuées. En deçà de ce seuil, le coût du travail sera minoré par rapport au droit existant ; il sera majoré au-delà.

Variation de la rémunération totale pour un salarié travaillant
entre 36 heures et 39 heures dans une entreprise de vingt salariés au plus
n'ayant pas passé d'accord de réduction de temps de travail

Source : Acoss

A titre d'exemple, pour un salarié au Smic travaillant trente-neuf heures dans une entreprise de vingt salariés ou moins, la rémunération totale (y compris les cotisations patronales) baisserait de 0,7 % par rapport à la situation au 1 er juillet 2007.

Par ailleurs, si l'on prend en compte le relèvement de 26 % à 28,1 % du taux maximum de l'allégement « Fillon », mesure entrée en vigueur au 1 er juillet 2007, qui ne figure pas dans le présent projet de loi mais a été adoptée dans le cadre de la dernière loi de finances, le seuil à partir duquel le coût du travail est alourdi, par rapport à la situation prévalant avant le 1 er juillet, passe à 1,45 Smic , comme le montrent les calculs de la direction de la sécurité sociale. Au-delà de ce seuil, le dispositif proposé par le Gouvernement augmente le coût de l'heure supplémentaire pour l'entreprise.

Cas d'une entreprise de vingt salariés ou moins (1)


• pour 188 heures supplémentaires (HS) au cours de l'année :

(Impact mensuel en euros)

Salaire en nombre de Smic

Mesure proposée

Majoration « Fillon » LFI 2007

Neutralisation de la majoration des HS dans le calcul de la réduction « Fillon »

Déduction forfaitaire de charges sociales patronales

Relèvement de la majoration salariale

Total

1,0

28,7

9

23,5

- 23,9

37,3

1,1

23,7

9

23,5

- 27,6

28,5

1,2

18,6

9

23,5

- 31,3

19,7

1,3

13,5

9

23,5

- 35,1

10,9

1,4

8,5

9

23,5

- 38,8

2,2

1,5

3,4

9

23,5

- 42,5

- 6,6

1,6

0,0

0

23,5

- 46,0

- 22,5

1,7

0,0

0

23,5

- 48,9

- 25,4


• pour 55 heures supplémentaires (HS) au cours de l'année :

(Impact mensuel en euros)

Salaire en nombre de Smic

Mesure proposée

Majoration « Fillon » LFI 2007

Neutralisation de la majoration des HS dans le calcul de la réduction « Fillon »

Déduction forfaitaire de charges sociales patronales

Relèvement de la majoration salariale

Total

1,0

26,5

2,9

7,6

- 7,7

29,3

1,1

21,8

2,9

7,6

- 8,9

23,4

1,2

17,2

2,9

7,6

- 10,1

17,5

1,3

12,5

2,9

7,6

- 11,4

11,7

1,4

7,8

2,9

7,6

- 12,6

5,8

1,5

3,2

2,9

7,6

- 13,8

- 0,1

1,6

0,0

0,0

7,6

- 14,9

- 7,3

1,7

0,0

0,0

7,6

- 15,8

- 8,2

Source : Direction de la sécurité sociale
Calcul sur la base du Smic horaire au 1 er juillet 2007 à 8,44 euros.

(1) Subissant le relèvement du seuil ainsi que la majoration salariale des heures supplémentaires et bénéficiant de la déduction forfaitaire au taux majoré.

En tout état de cause, le régime dérogatoire de la loi du 31 mars 2005 aurait pris fin au plus tard au 31 décembre 2008. C'est donc avec la situation qui aurait prévalu à l'issue de la période dérogatoire qu'il convient d'effectuer des comparaisons pour mesurer l'impact de la mesure proposée.

En neutralisant l'effet du relèvement de la majoration salariale pour heure supplémentaire, on constate que l'employeur effectue bien un gain, quel que soit le niveau de rémunération de ses salariés .


Les entreprises de plus de vingt salariés, celles qui étaient passées aux trente-cinq heures et qui ont recours habituellement à des heures supplémentaires verraient la rémunération totale (y compris les cotisations patronales) baisser, dans tous les cas de figure par rapport à la situation actuelle, dans la mesure où elles versent déjà 25 % de majoration pour la rémunération des heures supplémentaires.

La variation à la baisse de la rémunération totale versée aux salariés effectuant des heures supplémentaires sera fonction de leur degré de prise en charge par l'allégement « Fillon » , puisque la déduction horaire de 0,5 euro des cotisations patronales est identique pour toutes. On estime que l'impact de la mesure sera maximal pour les entreprises employant des salariés au Smic et tendra vers zéro à partir de 1,6 Smic, point où l'allégement « Fillon » ne produit plus d'effet.

Variation de la rémunération totale pour un salarié travaillant
entre 36 heures et 39 heures dans une entreprise de plus de vingt salariés
ayant passé un accord de réduction de temps de travail

Source : Acoss

Les tableaux ci-après confirment ce calcul qui favorise les plus bas salaires.

Cas d'une entreprise de plus de vingt salariés


• pour 188 heures supplémentaires (HS) au cours de l'année :

(Impact mensuel en euros)

Salaire en nombre de Smic

Mesure proposée

Majoration « Fillon » LFI 2007

Neutralisation de la majoration des HS dans le calcul de la réduction « Fillon »

Déduction forfaitaire de charges sociales patronales

Relèvement de la majoration salariale

Total

1,0

0

22,5

7,8

0

30,3

1,1

0

22,5

7,8

0

30,3

1,2

0

22,5

7,8

0

30,3

1,3

0

22,5

7,8

0

30,3

1,4

0

22,5

7,8

0

30,3

1,5

0

22,5

7,8

0

30,3

1,6

0

0

7,8

0

7,8

1,7

0

0

7,8

0

7,8


• pour 55 heures supplémentaires (HS) au cours de l'année :

(Impact mensuel en euros)

Salaire en nombre de Smic

Mesure proposée

Majoration « Fillon » LFI 2007

Neutralisation de la majoration des HS dans le calcul de la réduction « Fillon »

Déduction forfaitaire de charges sociales patronales

Relèvement de la majoration salariale

Total

1,0

0

7,3

2,5

0

9,8

1,1

0

7,3

2,5

0

9,8

1,2

0

7,3

2,5

0

9,8

1,3

0

7,3

2,5

0

9,8

1,4

0

7,3

2,5

0

9,8

1,5

0

7,3

2,5

0

9,8

1,6

0

0

2,5

0

2,5

1,7

0

0

2,5

0

2,5

Source : Direction de la sécurité sociale
Calcul sur la base du Smic horaire au 1 er juillet 2007 à 8,44 euros.

2. Un gain accru pour le salarié

Le projet de loi entend également rendre les heures supplémentaires plus rémunératrices pour le salarié. Il ne remet pas en cause la législation sur les heures supplémentaires, qui seront toujours décidées par le seul chef d'entreprise, mais accroît le gain qui sera retiré par le salarié de chaque heure supplémentaire.

Trois dispositions permettent d'atteindre cet objectif :

- l'exonération d'impôt sur le revenu pour les salaires perçus à ce titre ; cette exonération est d'application très générale puisqu'elle concernera tous les salariés du secteur privé comme les agents publics ;

- l'exonération des cotisations salariales ; de ce seul fait, la rémunération nette de l'heure de travail progressera de 21,46 % ;

- pour les salariés des entreprises comptant au plus vingt salariés, la majoration des heures supplémentaires passera, on l'a vu, à 25 %.

Le bénéfice que le salarié retirera de ces dispositions sera significatif, même pour un nombre d'heures supplémentaires limité. L'évaluation précise de son gain dépend de multiples paramètres que les cas types suivants, élaborés par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, permettent d'illustrer.

I. Salarié célibataire à 1 Smic dans une entreprise d'au plus vingt salariés
portant sa durée hebdomadaire de travail de 35 à 39 heures

Base

Taux horaire

Montant mensuel

Heures normales

151,67

8,27 €

1254,28 €

Heures supplémentaires (augmentation de la majoration de 10 % à 25 %)

17,33

Avant réforme

Après réforme

Avant réforme

Après réforme

9,10 €

10,34 €

157,68 €

179,18  €

Avant la réforme

Après la réforme

Salaire brut mensuel

1 411,96 €

1 433,47 €

1 164,32 €

13 971,84 €

Net à payer

Net annuel à payer

1 108,96 €

13 307,52 €

Gain salarial et social

664,72 €

Net mensuel imposable

1 148,68 €

1 025,45 €

179,18 €

12 305 €

36 €

535 €

499 €

Montant mensuel exonéré

0 €

Net annuel imposable

13 784 €

Impôt dû

Prime pour l'emploi

Montant restituable

300 €

664 €

364 €

Gain fiscal

135 €

Gain annuel total

799,72 €

Source : Direction de la législation fiscale.

II. Salarié célibataire à 1,6 Smic dans une entreprise d'au plus vingt salariés
portant sa durée hebdomadaire de travail de 35 à 39 heures

Base

Taux horaire

Montant mensuel

Heures normales

151,67

13,23 €

2 006,85 €

Heures supplémentaires (augmentation de la majoration de 10 % à 25 %)

17,33

Avant réforme

Après réforme

Avant réforme

Après réforme

14,55 €

16,54 €

252,15 €

286,69  €

Avant la réforme

Après la réforme

Salaire brut mensuel

2 259 €

2 293,54 €

1 862,87 €

22 354,44 €

Net à payer

Net annuel à payer

1 774,22 €

21 290,64 €

Gain salarial et social

1 063,80 €

Net mensuel imposable

1 837,76 €

1 640,69 €

286,69 €

19 688 €

1 220 €

Montant mensuel exonéré

0 €

Net annuel imposable

22 053 €

Impôt dû

1 518 €

Gain fiscal

298 €

Gain annuel total

1 361,80 €

Source : Direction de la législation fiscale.

III. Salarié célibataire à 1 Smic dans une entreprise de plus de vingt salariés
portant sa durée hebdomadaire de travail de 35 à 39 heures

Base

Taux horaire

Montant

Heures normales

151,67

8,27 €

1 254,28 €

Heures supplémentaires (majoration de 25 %)

17,33

10,34 €

179,19 €

Avant la réforme

Après la réforme

Salaire brut mensuel

1 433,47 €

1 433,47 €

1 164,32 €

13 971,60 €

Net à payer

Net annuel à payer

1 125,85 €

13 510,20 €

Gain social

461,40 €

Net mensuel imposable

1 166,17 €

1 025,43 €

179,19 €

12 305 €

36 €

Net mensuel exonéré

0 €

Net annuel imposable

13 994 €

Impôt dû

340 €

PPE (sur RFR)

624 €

535 €

Montant restituable

284 €

499 €

Gain fiscal

215 €

Gain annuel total

676,40 € €

Source : Direction de la législation fiscale.

IV. Salarié célibataire à 1,6 Smic dans une entreprise de plus de vingt salariés
portant sa durée hebdomadaire de travail de 35 à 39 heures

Base

Taux horaire

Montant

Heures normales

151,67

13,23 €

2 006,85 €

Heures supplémentaires (majoration de 25 %)

17,33

16,54 €

286,69 €

Avantage pour le salarié

Avant la réforme

Après la réforme

Salaire brut mensuel

2 293,55 €

2 293,55 €

1 862,88 €

22 354,56 €

Montant net à payer

Net annuel à payer

1 801,35  €

21 616,20 €

Gain social

738,36 €

Net mensuel imposable

1 865,87 €

1 640,70 €

286,69  €

19 688 €

1 220 €

Net mensuel exonéré

0 €

Net annuel imposable

22 390 €

Impôt dû

1 561 €

Gain fiscal

341 €

Gain annuel total

1 079,36 €

Source : Direction de la législation fiscale.

3. Un coût élevé pour les finances sociales

a) Evaluation du coût

Le coût global du dispositif est évalué à environ 6 milliards d'euros en année pleine. Les exonérations de cotisations sociales représentent entre 4,5 milliards d'euros et 5 milliards d'euros , soit 75 % à 80 % du total :

- selon l'Acoss, la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale représenterait entre 2,7 milliards d'euros et 3 milliards d'euros , en fonction de la rémunération retenue pour les heures supplémentaires. Le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi parvient à une évaluation pratiquement identique, à 3 milliards d'euros, doit la contraction de 3,18 milliards d'euros de moindres rentrées de cotisations au titre de la réduction instituée par l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale et de 150 millions d'euros de plus-values liées aux cotisations supplémentaires provenant du relèvement à 25 % du taux de majoration des heures supplémentaires dans les entreprises de vingt salariés et moins n'ayant pas passé d'accord de réduction du temps de travail 4 ( * ) ;

- l'Acoss évalue à environ 1 milliard d'euros le coût de la réduction forfaitaire de cotisations patronales , les trois quarts revenant aux entreprises de moins de vingt salariés. Ce montant est pratiquement confirmé par le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi qui l'estime à 950 millions d'euros en année pleine ;

- enfin, selon l'Acoss, le passage généralisé de la majoration des heures supplémentaires au taux de 25 % ferait baisser, à droit inchangé, le montant des allégements généraux de 300 millions d'euros. Cependant, l'opération de neutralisation des effets résultant du coût majoré des heures supplémentaires dans le calcul des allégements généraux engendrerait, en sens inverse, un total de 1,2 milliard d'euros d'allégements en plus. Globalement, les allégements « Fillon » sur les bas salaires seraient ainsi majorés de 900 millions d'euros .

Sur ce dernier point, il existe une légère divergence avec les évaluations du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi : celui-ci estime à 1 milliard d'euros (au lieu d'1,2 milliard pour l'Acoss) la neutralisation des effets du taux majoré applicable aux heures supplémentaires dans le calcul de l'allégement « Fillon ». Par ailleurs, le ministère a fait une évaluation exhaustive des rentrées additionnelles de cotisations patronales entraînées par le passage de 10 % à 25 % du taux de la majoration des heures supplémentaires : cette évaluation combine à la fois le gain procuré pour les finances sociales par la diminution mécanique du taux moyen de l'allégement « Fillon » (que l'Acoss évalue à 300 millions d'euros), mais aussi l'effet sur l'assiette des cotisations (que l'Acoss n'a pas mesuré) pour toutes les entreprises de vingt salariés et moins, aussi bien celles qui bénéficient de l'allégement « Fillon » que celles qui n'en bénéficient pas. Le montant de ces rentrées additionnelles s'élèverait ainsi à 500 millions d'euros en tout.

Selon le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, la montée en puissance du dispositif serait étalée sur deux ans avec 1,115 milliard d'euros de moindres rentrées de cotisations sociales au titre de 2007 5 ( * ) et 3,365 milliards d'euros de surcoût en 2008, s'ajoutant aux moindres rentrées de l'année précédente (ce qui porterait le coût total de la mesure à près de 4,5 milliards d'euros dès 2008 pour les finances sociales).

L'Acoss retient de fait la même hypothèse pour 2007, évaluant le coût de trésorerie imputable sur les mois de novembre et décembre à un sixième de l'ensemble de la mesure 6 ( * ) , soit un peu plus de 800 millions d'euros 7 ( * ) .

La portée de ces évaluations financières doit cependant être précisée :

- celles-ci ont été effectuées à partir d'estimations faisant état d'un montant global annuel de volume d'heures supplémentaires d'environ 900 millions d'heures dans le secteur privé 8 ( * ) ;

- aucun chiffrage n'existe pour les salariés de la fonction publique, faute de données disponibles portant sur cette catégorie ;

- enfin, et surtout, aucune hypothèse n'a été faite sur le développement des heures supplémentaires dans les années à venir ; le chiffrage suppose implicitement que le volume d'heures supplémentaires reste globalement stable par rapport à ce qui a été observé sur les années passées.

Or, plusieurs éléments laissent à penser que le volume d'heures supplémentaires devrait augmenter ces prochaines années . D'abord, parce que c'est l'objectif même de la mesure d'exonération des charges fiscales et sociales. Ensuite, parce que le dispositif devrait permettre de faire apparaître des heures supplémentaires d'ores et déjà effectuées, mais non déclarées comme telles (travail dissimulé). Enfin, parce qu'il est également possible qu'il conduise à une diminution du nombre d'heures supplémentaires acquittées sous la forme d'un repos compensateur de remplacement, donc à une augmentation du nombre d'heures supplémentaires effectivement payées et concernées par le dispositif proposé.

b) La compensation du coût du dispositif pour les organismes de protection sociale

L'exposé des motifs du projet de loi précise qu' « en application de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale 9 ( * ) , l'Etat compensera les exonérations de cotisations de sécurité sociale aux régimes concernés » . Cet engagement a été formellement réitéré par Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, à l'Assemblée nationale et devant les deux commissions des finances et des affaires sociales du Sénat, lors de son audition 10 ( * ) .

La ministre a toutefois renvoyé aux discussions de l'automne sur le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 la définition exacte des modalités de la compensation. Elle n'a pas précisé, à ce stade, s'il s'agirait d'une dotation budgétaire de l'Etat ou si la contrepartie de la réduction des cotisations salariales et de la déduction des cotisations patronales serait garantie par une majoration du panier de recettes fiscales qui a pour vocation, depuis 2006 11 ( * ) , de compenser le coût des allégements généraux, notamment de l'exonération « Fillon » sur les bas salaires. Une autre solution pourrait encore être la création d'une taxe affectée.

En tout état de cause, les deux mesures de réduction des cotisations salariales et de déduction des cotisations patronales auront au minimum un impact en trésorerie pour l'Acoss sur les deux derniers mois de 2007 12 ( * ) , dans la mesure où la compensation promise ne sera versée, au mieux, qu'en janvier 2008, après l'entrée en vigueur des deux lois financières.

Par ailleurs, le volet social de la mesure relative aux heures supplémentaires comporte, on l'a vu, une aggravation du coût de l'allégement « Fillon » sur les bas salaires pour un montant évalué à 1,2 milliard d'euros en année pleine par l'Acoss (un milliard pour le ministère de l'économie, des finances et de l'emploi).

Or, pour sa deuxième année de mise en oeuvre, la technique du panier de recettes fiscales censé compenser le coût des allégements généraux n'est pas convaincante . Alors que le système avait été estimé comme devant être excédentaire en 2006 et 2007, à hauteur de respectivement 350 millions et 230 millions d'euros, il s'est révélé tout juste équilibré en 2006 (- 5 millions d'euros) et il devrait être lourdement déficitaire en 2007. La commission des comptes de la sécurité sociale, qui s'est réunie le 4 juillet dernier, évalue en l'état à 850 millions d'euros l'insuffisance des recettes du « panier » par rapport au coût des mesures d'allégement à compenser, essentiellement du fait d'une très forte dynamique des exonérations (11 % en 2007) que ne parvient pas à rattraper le taux de progression pourtant non négligeable des ressources fiscales affectées (5,2 %).

De surcroît, ces projections de la commission des comptes de la sécurité sociale ne tiennent bien sûr compte ni de l'aggravation du coût, dès les deux derniers mois de 2007, de l'allégement « Fillon » sur les bas salaires qui résultera des dispositions de l'article premier du projet de loi, ni de l'éventuel ajout des deux régimes d'exonération créés par cet article à la liste des allégements généraux compensés par le panier de recettes fiscales de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, si cette solution est finalement celle retenue par le Gouvernement.

En fait, la mise en oeuvre du volet social du dispositif en faveur des heures supplémentaires contenu dans l'article premier sert de révélateur et d'accélérateur à deux graves faiblesses affectant aujourd'hui le financement de la sécurité sociale :

- elle fragilise un peu plus la situation de l'Acoss pour laquelle la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a autorisé un plafond de découvert, déjà considérable, de 28 milliards d'euros. Or, ce plafond risque d'être atteint et dépassé d'ici la fin de l'exercice, non seulement du fait des dérapages des comptes sociaux 13 ( * ) , mais aussi en raison du coût en trésorerie des mesures de l'article premier, évalué, on l'a vu, à 800 millions d'euros sur les deux derniers mois de l'année , et évidemment non anticipé lors de l'élaboration de la loi de financement de la sécurité sociale ;

- elle accentue gravement le déséquilibre qui affecte déjà le mécanisme de compensation du coût des allégements généraux par le panier de recettes fiscales et elle l'accentuera plus encore si le Gouvernement propose de faire entrer dans ce mécanisme la réduction de cotisations salariales de sécurité sociale et la déduction forfaitaire de cotisations patronales. Or, la logique voudrait que ces deux régimes institués par l'article premier se coulent dans le droit commun des allégements généraux, dont ils relèvent par leur portée précisément « générale », et qu'ils bénéficient de ce mode de compensation par des recettes affectées.

Sur la question du risque de dépassement du plafond de trésorerie de l'Acoss, votre commission des affaires sociales a pris bonne note des déclarations du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, Eric Woerth, devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, selon lesquelles l'Etat s'acquitterait à l'automne de la dette cumulée de 5 milliards d'euros à l'égard du régime général. Ceci devrait suffire à maintenir, au 31 décembre 2007, les comptes de l'Acoss sous le plafond voté en loi de financement.

L'ampleur de la dérive constatée incite en revanche à lancer au Gouvernement un appel pour qu'il accélère les échéances et apporte, au plus vite , une réponse à la situation déficitaire du mécanisme de compensation des allégements généraux. En l'état actuel des textes, l'Etat ne garantit plus une compensation à l'euro près, en cas de déficit du système 14 ( * ) : pour le manque à gagner qui devrait être constaté en 2007, le Gouvernement remettra, en 2008 seulement, selon les termes de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, un rapport au Parlement. Si l'écart entre les ressources du panier fiscal et la perte de recettes liée aux mesures d'allégements de cotisations sociales est supérieur à 2 % 15 ( * ) , ce rapport sera également transmis par le Gouvernement à une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes, désigné par le Premier président de la Cour, et comportant des membres de l'Assemblée nationale, du Sénat, des représentants des ministères en charge de la sécurité sociale et du budget, ainsi que des personnalités qualifiées qui devront donner un avis sur d'éventuelles mesures d'ajustement.

En tout état de cause, rien n'obligera le Gouvernement à mettre en oeuvre ces mesures ni, d'ailleurs, à en proposer d'autres.

La situation appelle pourtant des mesures rapides de redressement, qui devront impérativement être prises avant la fin de l'année.

*

* *

Votre commission approuve le dispositif proposé, sous réserve de lui apporter des modifications rédactionnelles et de précisions relatives au seuil de déclenchement des exonérations, dans certaines hypothèses, ainsi qu'à la lutte contre les abus liés au travail à temps partiel.

* 4 Le chiffrage proposé par l'Acoss, à la différence de celui du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi, n'intègre pas le coût de la réduction de cotisations de sécurité sociale pour les salariés au forfait (dont l'impact économique est faible) et surtout pour les salariés à temps partiel effectuant des heures complémentaires (qui entrent, eux, pour 10 % à 15 % dans le coût total de la mesure de réduction des cotisations salariales telle qu'évaluée par le ministère) ; une estimation de ce coût est, selon l'Acoss, très délicate en raison de la mauvaise connaissance statistique des heures complémentaires et des hypothèses forcément conventionnelles à retenir ; sans doute faudrait-il donc rajouter quelques centaines de millions d'euros aux données chiffrées de l'agence.

* 5 En droits constatés.

* 6 En fait, un peu moins d'un sixième de 5 milliards d'euros, l'impact sur les entreprises de moins de dix salariés n'ayant lieu qu'en janvier.

* 7 Le chiffre de 800 millions d'euros en trésorerie pour la fin 2007 est compatible avec celui de 1,115 milliard d'euros donné par le ministère : ce dernier, on l'a vu, est établi en droits constatés, ce qui signifie qu'il inclut le coût des exonérations du mois de décembre qui ne sera déterminé qu'en janvier 2008 et ne produira un décaissement qu'à cette date.

* 8 Ce montant tient compte des heures supplémentaires structurelles pour les entreprises de vingt salariés et moins qui n'avaient pas réduit leur temps de travail lorsque la durée légale est passée à trente-cinq heures. Les heures supplémentaires pour ces entreprises représenteraient la part la plus importante du volume total. Pour les autres entreprises, l'estimation repose sur les enquêtes effectuées par la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail d'où il ressort que, pour un temps complet, le volume annuel d'heures supplémentaires pour un salarié qui en effectue est de cinquante-cinq heures.

* 9 L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale est issu de la loi « Veil » du 25 juillet 1994 et prévoit la compensation automatique de toute mesure de réduction ou d'exonération de cotisations de sécurité sociale.

* 10 Cf. page 87.

* 11 Depuis le 1 er janvier 2006, en application de l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale, les allégements généraux de cotisations sociales sont financés par l'affectation aux organismes bénéficiaires de nouvelles recettes fiscales, dont la principale est la taxe sur les salaires.

* 12 Ces mesures s'appliqueront en effet au 1 er octobre 2007 et les cotisations d'octobre seront versées en novembre.

* 13 Alors que le déficit des quatre branches du régime général était censé redescendre à 8 milliards d'euros d'après la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, il devrait s'établir à 12 milliards d'euros, selon la commission des comptes de la sécurité sociale.

* 14 Il ne l'a garantie que la première année, en 2006, au titre de laquelle il devra combler le déficit (minime) constaté de 5 millions d'euros.

* 15 Selon toute vraisemblance, tel sera le cas.

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