b) Encourager la poursuite d'études sans sacrifier le BEP : la question du baccalauréat en 3 ans

De manière semblable, votre rapporteure juge prématurée la décision de généraliser le baccalauréat professionnel en trois ans. Le ministère de l'éducation nationale estime pour sa part qu'il s'agit là d'un alignement bienvenu de l'enseignement professionnel sur les rythmes des filières générales et technologiques, qui contribuerait à répandre l'image d'une voie professionnelle aussi digne que les autres.

Au-delà de cette seule question, la généralisation du baccalauréat professionnel en trois ans doit surtout être envisagée du point de vue de la poursuite d'études : cet alignement peut-il réduire le nombre de sorties du système éducatif au niveau du BEP ou du CAP ? Certains des interlocuteurs rencontrés par votre rapporteure lors de ses auditions le croient. Cela permettrait en effet d'inciter à la poursuite d'études des élèves souvent plus âgés que la moyenne de ceux qui fréquentent les lycées généraux et technologiques, qui peuvent être tentés de rejoindre plus vite le monde du travail.

Par ailleurs, cela permettrait d'inciter à poursuivre vers le baccalauréat professionnel des élèves qui étudient dans des filières où le BEP ou le CAP ne permettent plus une insertion professionnelle rapide : c'est le cas en matière de comptabilité par exemple.

Dans cette hypothèse, votre rapporteure estime qu'un baccalauréat professionnel en trois ans est parfaitement justifié. Mais dans d'autres spécialités, le BEP ou le CAP ont encore une valeur réelle sur le marché du travail et il apparaît quelque peu hasardeux de vouloir en minorer l'importance.

Cela est d'autant plus vrai que, quelle que soit la filière, ces deux diplômes représentent un premier palier, une première reconnaissance qui est source de motivation pour des élèves souvent entrés au lycée en situation d'échec . Le caractère propédeutique du BEP doit donc aussi s'apprécier du point de vue de la remédiation : tous les professionnels auditionnés par votre rapporteure lui ont confirmé l'importance du palier symbolique que constitue le BEP ou le CAP .

Dans ces conditions, il apparaît peu pertinent à votre rapporteure de vouloir généraliser le baccalauréat professionnel en trois ans. Il serait plus pertinent de proposer ce cursus dans les filières où il se justifie, sans chercher à l'imposer dans des voies où le BEP et le CAP ont toute leur place.

Par ailleurs, votre rapporteure n'a pas eu le sentiment au cours de ses auditions que le ministère de l'éducation nationale était en mesure d'opérer rapidement cette généralisation, dès lors que la question de la certification intermédiaire qui pourrait être proposée en cours de scolarité, afin de remplacer le palier que constituait en particulier le BEP n'est manifestement pas encore réglée.

A ce stade, la généralisation hâtive du baccalauréat en trois ans fait courir le risque de l'impréparation , avec les conséquences qui l'accompagnent naturellement. Votre rapporteure juge donc nécessaire de prendre le temps de la réflexion à ce sujet et de se déprendre de l'idée qu'il serait nécessaire d'appliquer le même traitement à toutes les filières. Les progrès futurs de l'enseignement professionnel se mesureront bien au contraire dans sa capacité à prendre en compte les besoins singuliers des élèves, sans chercher à leur imposer un rythme d'études en particulier, qui pourrait ne pas leur convenir.

Au surplus, votre rapporteure tient à attirer l'attention du ministère de l'éducation nationale sur le caractère peu concluant des expérimentations menées jusqu'ici. Au-delà de l'enthousiasme quelque peu mystérieux manifesté par l'audit de modernisation précité, qui indique que « lorsque les conditions de réussite sont réunies, le baccalauréat professionnel [en trois ans] est une réussite » , ce qui relève au mieux de la tautologie, au pire du paralogisme, les informations communiquées à votre rapporteure par le ministère de l'éducation nationale par voie de réponse aux questionnaires budgétaires permettent d'affirmer que « le baccalauréat professionnel en trois ans n'améliore pas l'attractivité des spécialités peu prisées. L'engouement pour le baccalauréat professionnel en 3 ans se porte principalement sur les spécialités les plus demandées des cursus standard. Pour les spécialités à grand flux, il peut offrir une réelle alternative. La coexistence sur même bassin de cursus de durées différentes (1,3 ou 4 ans) est viable et permet de gérer positivement l'orientation ou la réorientation des élèves selon leur profil. Pour les formations à petit flux, cette coexistence est souvent impossible, notamment dans les spécialités qui éprouvent des difficultés de recrutement. »

Par ailleurs, il apparaît également que « l'érosion sur le cycle est forte (22 %). L'érosion varie notablement selon la spécialité et semble globalement plus forte dans les formations les moins attractives. Très variable selon les établissements, elle illustre les disparités relatives aux modalités locales de recrutement, de suivi et de formation des équipes, voire aux modalités académiques d'orientation des élèves ou d'encadrement des équipes ; élément inquiétant, 77 % de ceux qui abandonnent n'ont pas le BEP ».

Au vu de tous ces éléments, votre rapporteure juge pertinent de proposer le baccalauréat en trois ans dans les formations les plus demandées , tout en maintenant une offre de rythme différenciée . Il lui apparaît cependant peu judicieux de vouloir étendre cette formule à toutes les filières, sauf à aboutir à une situation où non seulement nombreux seraient les jeunes à arrêter en cours de scolarité, mais où en plus ceux-ci sortiraient du système scolaire sans même un BEP ou un CAP .

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