2. Une situation du logement problématique en outre-mer, particulièrement pour le logement social

Les élus ultramarins, mais pas seulement eux 32 ( * ) , attirent l'attention de l'Etat depuis déjà de nombreuses années sur la persistance outre-mer de conditions de logement encore trop souvent dégradées. Votre rapporteur pour avis consacrait déjà son avis sur le budget 2006 à la politique du logement, qui doit, selon lui, faire face à des difficultés spécifiques :

- l'insuffisance de l'offre, en particulier dans le secteur du logement social et très social, qui reste inadaptée à l'augmentation continue de la demande résultant de la croissance démographique, de la « décohabitation » et de la pression migratoire ;

- l'importance de l'habitat insalubre 33 ( * ) et la prolifération de l'habitat spontané ;

- les risques sismiques et climatiques ;

- la rareté et la cherté du foncier, dues à des contraintes physiques 34 ( * ) mais aussi aux effets pervers de la défiscalisation.

Cette réalité, si elle est facilement explicable, appelle aujourd'hui une plus grande mobilisation de l'Etat pour combler l'important retard accumulé en matière de construction et de rénovation de logements. Votre rapporteur pour avis souligne que ces besoins ne sauraient être satisfaits sans volontarisme de la part de l'Etat, en raison notamment d'un niveau de revenu par habitant en outre-mer inférieur à la moyenne métropolitaine.

Plus grave encore est la situation du logement social outre-mer. La mission d'audit de modernisation sur la politique du logement social outre-mer mandatée par le ministère de l'économie et des finances l'année dernière, estimait, en se fondant sur le taux de logements sociaux par habitant 35 ( * ) , qu'il faudrait, pour atteindre le même ratio dans les DOM (où il est actuellement environ d'environ 6.000/100.000), accroître le parc de 27.000 logements, sachant que ce chiffre est inférieur aux besoins, en raison de la forte proportion de la population des DOM pouvant prétendre à un logement social. En comparaison, le rythme annuel moyen de production a été, sur les six dernières années, d'environ 4.200 logements autorisés.

LES LOGEMENTS PRÉCAIRES EN OUTRE-MER COMPARAISON AVEC L'ILE-DE-FRANCE

Territoire

Nombre de logements potentiellement précaires en 1998

Proportion par rapport aux résidences principales

Proportion par rapport à la population

Ile-de-France

226 743

4,87 %

2,08 %

Guadeloupe

50 000

34,48 %

11,85 %

Martinique

13 750

10,50 %

3,60 %

Guyane

15 000

32,47 %

9,55 %

Réunion

53 500

24,88 %

7,59 %

Mayotte

17 974

50,50 %

13,69 %

Total Métropole

1 958 964

7,92 %

3,25 %

Total DOM + Mayotte

150 224

26,23 %

8,36 %

Source : Ministère de l'outre-mer (Rapport Torre).

La mission d'audit de modernisation sur la politique du logement social outre-mer soulignait aussi que les opérations de défiscalisation créaient un effet d'éviction majeur à l'égard des opérations de logement social en contribuant à la raréfaction du foncier et à son renchérissement, et en mobilisant les entreprises du BTP, qui ne répondent plus que difficilement aux appels d'offres des opérateurs sociaux. Votre rapporteur pour avis entend attirer l'attention du Gouvernement dans le cadre du projet de loi de programme pour l'outre-mer qui sera prochainement présenté au Parlement.

A cet égard, la réorientation des dispositifs de défiscalisation vers le logement social qui devrait être envisagée, doit selon lui être discutée avec les acteurs locaux, puisqu'il est presque certain que les montages financiers qu'il faudra réaliser mettront à contribution des collectivités territoriales déjà très impliquées budgétairement dans ce dossier.

Par ailleurs, votre rapporteur pour avis tient à rappeler que l'Etat a accumulé, en matière de logement social, une importante dette à l'égard des opérateurs. Lors de la conférence nationale du logement outre-mer, le 27 février 2007, sous la responsabilité des ministres chargés de l'outre-mer et du logement, l'engagement avait été pris de solder la dette exigible (évaluée à 56 millions d'euros au 31 décembre 2006) au 31 mars 2007 grâce à un transfert de crédits de paiement au profit de la mission « Outre-mer ». Mais la dette devrait malheureusement se reconstituer au titre de l'exercice 2007 : à la fin de cette année, l'Etat sera sans doute à nouveau débiteur.

Dès lors, l'augmentation de 13,8 % des crédits de paiement de la mission ne saurait être analysée comme un réel progrès, puisque cette augmentation sera vraisemblablement absorbée par l'endettement contracté en 2007 . Votre rapporteur pour avis regrette à cet égard que l'on se retrouve dans une situation où, pour réduire chaque année le stock de dettes, il faille puiser dans les crédits destinés normalement aux actions nouvelles.

Votre rapporteur pour avis s'inquiète aussi des difficultés que crée cette dette aux entreprises du BTP -en particulier les entreprises artisanales- qui oeuvrent dans le domaine de la réhabilitation de logements et celui de la construction de logements sociaux, notamment les logements évolutifs sociaux (LES). Il souhaite donc que le Gouvernement informe le plus rapidement possible le Parlement sur les mesures qu'il entend mettre en oeuvre pour la résorber.

* 32 Notre collègue Henri Torre soulignait déjà la crise sans précédent que traverse le logement en outre-mer dans son excellent rapport «Le logement social en outre-mer : passer du discours à la réalité », fait au nom de la commission des finances (2006-2007, n° 88).

* 33 Dans les départements d'outre-mer et à Mayotte, les logements précaires ou dépourvus d'éléments de confort représentent 25 % du parc total et les logements insalubres 15 %.

* 34 L'environnement naturel limite les disponibilités foncières.

* 35 Résultant en métropole de l'application du plan de cohésion sociale, soit environ 7.500 logements locatifs sociaux pour 100.000 habitants.

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