PREMIÈRE PARTIE : LA MISSION « SÉCURITÉ »

Le projet de loi de finances pour 2008 est un budget de transition. Il survient au terme de l'exécution très satisfaisante de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (LOPSI) du 29 août 2002 et avant l'adoption de la future loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure dite LOPPSI 2. Son ossature a été transmise au président de la République et au premier ministre le 18 octobre dernier.

C'est aussi sans doute le dernier budget de la gendarmerie nationale à être placé sous la responsabilité du ministre de la défense. Déjà, le décret du 31 mai 2007 a confié conjointement au ministre de l'intérieur et au ministre de la défense la définition et le suivi des moyens budgétaires attribués à la gendarmerie. Dès 2009, le budget de la gendarmerie devrait être rattaché au ministère de l'intérieur, dans le respect du statut militaire des gendarmes.

Les crédits de la mission « Sécurité » tels qu'ils apparaissent dans le projet annuel de performance atteignent 16,26 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit une quasi-stabilité, et 15,91 milliards d'euros en crédits de paiements, soit une hausse de 1,8 % par rapport à 2007. Le périmètre des crédits est légèrement modifié en raison de la création de la mission « Immigration, asile et intégration » qui reçoit certains crédits relatifs à l'éloignement et au maintien en rétention des étrangers.

Concernant plus spécifiquement le programme « Police nationale », les autorisations d'engagement s'élèvent à 8,553 milliard d'euros et les crédits de paiement à 8,445 milliards d'euros , respectivement en hausse de 1,7 % et de 2,3 %. En masse, l'évolution des crédits de paiement s'élève à 319,4 millions d'euros .

Les dépenses de personnels représenteront 7,354 milliards d'euros en 2008, soit 87 % des crédits. Elles absorbent la quasi-totalité de la hausse des crédits de paiement. Plus que jamais, il s'agit d'un budget de main d'oeuvre. En revanche, le plafond d'autorisation d'emplois s'établit à 148.565 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) en 2008 (-1.253 ETPT par rapport à 2007). La réduction du plafond d'emploi porte essentiellement sur les adjoints de sécurité ; elle entérine les difficultés chroniques pour recruter cette catégorie de personnels. Plusieurs mouvements inverses expliquent cette évolution du plafond d'emploi :

- 517 ETPT nouveaux résultent de l'extension en année pleine des créations d'emploi prévues par la LOPSI au titre de l'année 2007 ;

- un ajustement technique de 825 ETPT, sans incidence sur les crédits, est opéré ;

- 945 ETPT sont supprimés en application de la décision de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux (dont 920 adjoints de sécurité ) ;

- 147 ETPT sont en réalité transférés à l'école nationale supérieure de police (ENSP) qui est un opérateur du programme.

Pour sa part, le programme « Gendarmerie nationale » comporte 7,709 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 7,465 milliards d'euros de crédits de paiement, en baisse respectivement de 2,52 % et de 0,58 %. En masse, la baisse des crédits de paiement s'élève à 44 millions d'euros .

Les dépenses de personnel représenteront 6,107 milliards d'euros en 2008, soit 81,8 % du budget total de la gendarmerie. Au total, le plafond d'emplois autorisés est de 101.136 ETPT, soit une baisse de 965 emplois par rapport à 2007.

Cette diminution globale recouvre plusieurs évolutions inverses :

- la création de 475 ETPT, correspondant à l'extension en année pleine des 950 créations d'emploi réalisées en 2007 au titre de la LOPSI ;

- la réduction de 512 ETPT, dont 475 au titre du non renouvellement d'un départ à la retraite sur deux ;

- le transfert de 29 ETPT vers des programmes de la mission « Défense » ;

- un ajustement technique de plafond de 900 ETPT, sans incidence sur les crédits. Ils réduisent néanmoins la marge de manoeuvre du programme « Gendarmerie nationale » en gestion.

Budget de transition, le budget pour 2008 est aussi un budget de consolidation de la LOPSI. Il prolonge la plupart des grandes orientations de la politique de sécurité. Il en va de même pour les programmes d'équipement lancés les années précédentes, qu'il s'agisse du déploiement du réseau de communication Acropol, du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) ou du programme immobilier.

Dans un contexte budgétaire désormais contraint, y compris pour les forces de sécurité intérieure, ce budget donne à la police et à la gendarmerie les moyens d'assumer leurs missions. Il les invite également, plus encore que par le passé, à faire mieux à moyens constants.

La révision générale des politiques publiques, lancée lors du Conseil des ministres du 20 juillet 2007, devrait permettre de dégager de nouvelles pistes de réformes, visant à renforcer l'efficacité des forces de sécurité. Toutefois, votre rapporteur attire l'attention sur la nécessité de fixer rapidement un cap et de clarifier les principales réformes envisagées. Les syndicats entendus par votre rapporteur ont indiqué que les personnels étaient déstabilisés par les rumeurs circulant en permanence. Les policiers, les gendarmes ainsi que les personnels de soutien administratif et technique sont prêts à accepter de nombreuses réformes à la condition de ne pas rester dans une incertitude prolongée.

Ce budget, ainsi que ces réformes annoncées dans le cadre de la future LOPPSI 2, devrait permettre de poursuivre la baisse de la délinquance pour la sixième année consécutive.

Cette année encore, les chiffres de la délinquance sont globalement bons. Avec 3.725.588 faits constatés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie, l'année 2006 enregistre un recul de la criminalité et de la délinquance qui s'établit à - 1,33 %, soit 50.250 faits de moins qu'en 2005. Cette baisse est équivalente en zone police et en zone gendarmerie.

Ce résultat conforte l'inversion de tendance de l'évolution de la délinquance enregistrée depuis le second semestre de 2002. En cinq ans, la délinquance générale a diminué de 9,6 % après avoir augmenté de 17,76 % entre 1997 et 2002.

Au premier semestre 2007, avec 1.825.268 faits constatés par l'ensemble des services de police et des unités de gendarmerie, la baisse de la criminalité et de la délinquance s'établit à - 2,53 %, par rapport au premier semestre 2006.

Au cours de son audition par la commission, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, s'est fixé deux objectifs ambitieux : parvenir en deux ans à un recul supplémentaire de 5 % de la délinquance générale et de 10 % de la délinquance de voie publique.

Après un tour d'horizon des principaux enjeux budgétaires et de la politique de sécurité intérieure pour 2008, le rapport apportera un éclairage particulier sur l'avenir des forces mobiles.

Avant de poursuivre, il convient de témoigner notre soutien aux forces de police et de gendarmerie qui, dans des conditions difficiles, se dévouent au péril de leur vie pour assurer la sécurité de nos concitoyens. En 2006, vingt deux policiers et gendarmes sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions. Qu'il soit permis à votre commission de leur rendre un hommage particulier.

Présentation des crédits par programme

( en millions d'euros)

Crédits de paiement

Fonds de concours attendus en 2008
(3)

Total 2008
(2) + (3)

Numéro et intitulé de programme

Ouverts en LFI 2007
(1)

Demandés pour 2008 (2)

Variation 2008/2007 (2)/(1)

176 Police nationale

dont titre 2 : dépenses de personnel

8 126,3

7 054,1

8 445,7

7 354,5

3,9 %

4,3 %

20,2

0,0

8 465,9

7 354,5

152 Gendarmerie nationale

dont titre 2 : dépenses de personnel

7 509,3

6 058,0

7 465,3

6 107,2

- 0,6 %

0,8 %

4,8

0,0

7 470,1

6 107,2

Mission « Sécurité »
dont titre 2 : dépenses de personnel

15 635,6

13 112,1

15 611,0

13 461,7

1,8 %

2,7 %

25,0

2,7 %

15 936,0

13 461,7

Source : projet annuel de performances pour 2008.

Crédits de paiement par actions du programme « Police nationale »

(en millions d'euros)

Actions

Avant ventilation

Après ventilation de l'action 6

Crédits de paiement pour 2008

Part
dans le programme

Crédits de paiement pour 2008

Part
dans le programme

1 - Ordre public et protection de la souveraineté

998,1

11,8 %

1 223,0

14,1 %

2 - Sécurité et paix publiques

2.674,6

31,6 %

3 326,8

38,3 %

3 - Sécurité routière

574,2

6,8 %

723,3

8,3 %

4 - Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

613,4

7,2 %

759,9

8,7 %

5 - Police judiciaire et concours à la justice

2 155,1

25,5 %

2 658,1

30,6 %

6 - Commandement, ressources humaines et logistique

1 450,5

17,1 %

0,0

0,0 %

Ensemble

8 465,9

100,0

8 691,1

100,0

Source : projet annuel de performances pour 2008.

Crédits de paiement par actions du programme « Gendarmerie nationale »

(en millions d'euros)

Actions

Avant ventilation

Après ventilation de l'action 4

Crédits de paiement pour 2007

Part dans le programme

Crédits de paiement pour 2007

Part dans le programme

1 - Ordre et sécurité publics

2 718,5

36,3 %

4 142,5

53,9 %

2 - Sécurité routière

735,4

9,8 %

1 098,6

14,3 %

3 - Police judiciaire et concours à la justice

1 519,3

20,3 %

2 245,4

29,2 %

4 - Commandement, ressources humaines et logistique

2 389,0

31,9 %

0,0

0,0 %

5 - Exercice des missions militaires

127,6

1,7 %

204,7

2,7 %

Ensemble

7 489,8

100 %

7 691,2

100 %

Source : projet annuel de performances pour 2008.

+ 209,5 millions d'euros*

Crédits en provenance de la mission « Défense » :

- programme « Préparation et emploi des forces » : 10,7 millions d'euros

- programme « Soutien de la politique de la défense » : 198,8 millions d'euros

I. UN BUDGET DE TRANSITION

A. LA CONSOLIDATION DE LA LOPSI

1. L'exécution satisfaisante de la LOPSI

Le rapport relatif à la LOPSI présentant l'exécution 2006 et un premier bilan 2 ( * ) permet de dresser un constat positif du niveau d'achèvement de la programmation.

Dans la police nationale

En matière d'effectifs, le taux de réalisation de la LOPSI a été atteint à 95,4 % pour la police nationale avec 6.200 emplois créés, dont 4.200 emplois de fonctionnaires actifs.

En matière d'équipement et de fonctionnement, le taux de réalisation atteint 163 %. Ce résultat exceptionnel est toutefois trompeur. En effet, l'abondement de ces crédits en raison de dépenses nouvelles non prévues initialement par la LOPSI s'est fait au détriment des dépenses d'investissement dont le taux de réalisation n'est que de 80 %.

Malgré tout, la plupart des grands programmes d'équipement et d'investissement ont été lancés et achevés.

Dans la gendarmerie nationale

La programmation budgétaire 2003-2007 destinée à la gendarmerie nationale avait été particulièrement ambitieuse, notamment pour tenir compte des retards accumulés les années précédentes. Compte tenu de l'effort à réaliser, la programmation n'aura pas pu être respectée de façon aussi intégrale que dans la police nationale.

La LOPSI avait ainsi prévu la création de 7.000 postes. Le taux de réalisation finale est de 86,4 % avec 6.050 effectifs supplémentaires.

En matière d'investissement, le taux de réalisation en crédit de paiement atteint 70,7 %. La cible de 1.020 millions d'euros ne sera pas atteinte : 292 millions d'euros manqueront au total. En autorisation d'engagement, le taux de réalisation est de 86,4 %. A l'issue de l'année 2008, le taux de réalisation devrait donc s'améliorer. Ainsi, la commande de 92 véhicules blindés de maintien de l'ordre (VBG) devrait avoir lieu cette année.

2. La poursuite des grands programmes en 2008

Le projet de loi de finances pour 2008 est dans la continuité des précédents, même s'il cesse d'augmenter dans les mêmes proportions, en particulier pour le programme « gendarmerie nationale ».

Sur le plan des personnels, la réforme des corps et carrières dans la police nationale se poursuit. Une enveloppe de 39,2 millions d'euros est prévue pour les mesures catégorielles et indemnitaires. A cet égard, 10 millions d'euros sont prévus pour accompagner le passage des officiers de police à un régime de cadre (apurement partiel du stock d'heures supplémentaires et revalorisation de 5 % du montant de la prime de commandement).

La prime de résultats créée en 2004 est également revalorisée. 25 millions d'euros sont inscrits à ce titre contre 20 millions en 2007.

Enfin, pour renforcer la fidélisation des fonctionnaires en Île-de-France, 500 nouveaux logements seront réservés et 100 places de crèches créées.

Dans la gendarmerie, le budget 2008 permet de financer la quatrième annuité du Plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées (PAGRE). Il s'agit du pendant de la réforme des corps et carrières dans la police nationale. 500 postes de sous-officiers seront transformés en officiers de gendarmerie, faisant passer à 3.000 le nombre de postes d'officiers créés depuis le début de la mise en oeuvre du plan. Le coût de cette annuité du PAGRE s'élève à 8,4 millions d'euros en 2008, auxquels s'ajoutent 3 millions d'euros au titre de la prime pour résultats exceptionnels.

Sur le plan des investissements, le projet de loi de finances prévoit 50,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et 118,5 millions d'euros en crédits de paiement au titre du réseau ACROPOL de radiocommunication numérique de la police nationale.

Un million d'euros en autorisations d'engagement et 4 millions d'euros en crédits de paiement sont prévus pour la mise en service de l'application ARIANE (application de rapprochements, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs), commune à la gendarmerie et à la police nationales, qui remplacera les applications STIC et JUDEX. Les 100.000 fonctionnaires concernés par cette application feront l'objet d'une formation en 2008.

En revanche dans la gendarmerie, les dépenses d'investissement sont en diminution, avec un montant de 397,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (- 30 %) et de 447,2 millions d'euros en crédits de paiement (- 21 %). Ces crédits seront consacrés au renouvellement d'une partie des matériels atteignant les critères de réforme et au maintien opérationnel des programmes prioritaires. Cette baisse survient après le pic d'investissement de 2007, dernière année d'application de la LOPSI. Une nouvelle fois, on peut regretter que les arbitrages favorisent les dépenses de fonctionnement sur les dépenses d'investissement.

3. Deux chantiers nouveaux en 2008

Un premier chantier concerne la fusion des services de renseignement. Il fait partie des quatre premiers chantiers de la révision générale des politiques publiques, lancée lors du Conseil des ministres du 20 juillet 2007. Cette fusion a été précédée par le regroupement sur un site commun, situé à Levallois-Perret, de la direction centrale des renseignements généraux (DCRG), de la direction de la surveillance du territoire (DST), ainsi que de la sous-direction anti-terroriste (SDAT) de la direction centrale de la police judiciaire, jusqu'alors éclatées sur cinq sites.

Les grandes orientations présidant à la fusion ont été précisées. La DCRG et la DST seront regroupées au sein d'une nouvelle structure, la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).

Certaines activités exercées par la direction centrale des renseignements généraux ne seront pas intégrées au sein de la DCRI. La direction centrale de la police judiciaire accueillera ainsi les « courses et jeux » et la direction centrale de la sécurité publique intégrera les effectifs issus des renseignements généraux chargés de l'information locale (prévision, suivi et compte-rendu des manifestations de voie publique et des événements sportifs) et du renseignement de terrain en matière de délinquance (violences urbaines, hooliganisme). Environ 20 % des effectifs de la DCRG ne rejoindront pas la future DCRI.

Un second chantier concerne le développement de la vidéosurveillance. Lors de son audition par la commission, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, a annoncé l'intention du Gouvernement de tripler le nombre de caméras de vidéosurveillance d'ici 2009.

Le nombre de caméras de vidéosurveillance autorisées est estimé à 340 000 (soit + 15 % par rapport à la fin de l'année 2005). Elles sont pour la plupart déployées dans des lieux et établissements ouverts au public (74 % du total), suivis des transports publics (18 %) et de la surveillance de la voie publique (8 %).

Au 1 er juillet 2007, 230 villes situées en zone de compétence police étaient dotées d'un dispositif de vidéosurveillance, mais 53 seulement ont prévu un déport d'images vers un commissariat de police ou un centre d'information et de commandement.

En conséquence, un programme de raccordement des centres de supervision urbains gérés par les communes, visant à renforcer ces transferts d'images vers les services de police et de gendarmerie, a été présenté. L'État prendra intégralement à sa charge le coût de ces raccordements, au travers du Fonds interministériel de prévention de la délinquance. 21 communes ont déjà annoncé leur accord et une enveloppe complémentaire d'un million d'euros a été confiée aux préfets concernés pour opérer ces raccordements 3 ( * ) .

* 2 Publié au mois d'août 2007 et réalisé par l'inspection générale de l'administration et le contrôle général des armées.

* 3 La loi n° 2006-64 du 23 janvier 2006 relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers a modifié l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995. Elle dispose que l'autorisation d'installer un système de vidéosurveillance peut prescrire que les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie nationales sont destinataires des images et enregistrements. Elle précise alors les modalités de transmission des images et d'accès aux enregistrements ainsi que la durée de conservation des images, dans la limite d'un mois à compter de cette transmission ou de cet accès, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale.

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