EXAMEN EN COMMISSION

La commission à procédé à l'examen de ce projet de loi lors de sa séance du 11 juin 2008.

A l'issue de la présentation de M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis, un débat s'est engagé au sein de la commission.

M. Hubert Haenel a souligné la différence de nature et de portée entre les résolutions adoptées sur le fondement de l'article 12, qui n'emportent aucune conséquence juridique, et les résolutions adoptées sur le fondement des articles 88-4 et 88-5 qui prennent position sur des projets d'actes des institutions européennes.

Il a déclaré partager l'analyse du rapporteur pour avis sur la procédure de ratification des traités d'adhésion, qualifiant le dispositif adopté à l'Assemblée nationale de « bricolage » de la loi fondamentale.

Il a souligné les effets désastreux de la position française, notamment au niveau économique. Il a considéré qu'il ne fallait pas faire du débat constitutionnel un débat sur l'adhésion de la Turquie.

Evoquant l'évolution de l'appellation de la délégation pour l'Union européenne, il s'est félicité de la reconnaissance, dans le titre XV de la Constitution, d'une instance chargée des affaires européennes et jouant un rôle d'alerte pour les assemblées et leurs commissions permanentes. Il a indiqué qu'il avait été satisfait par les propositions formulées au Gouvernement par le comité Balladur. Il a souligné que le changement d'appellation de commission en « comité » ne devait pas se traduire par un retour en arrière et un amoindrissement de la place et du rôle de l'organe chargé des affaires européennes. Il est convenu que l'appellation de « comité » permettrait d'éviter les confusions, en souhaitant que ce soit le seul objet de l'amendement, les questions européennes devant avoir leur juste place au sein des assemblées.

M. Didier Boulaud s'est félicité du repli opéré, à l'article 8, sur la répartition des compétences entre le Premier ministre et le Président de la République, faisant part de son inquiétude de voir renforcé encore le rôle du chef de l'Etat, alors même que les dispositions prévues par la commission du Livre blanc contribueraient à cette hypertrophie. Il a considéré que l'article 13 ne représentait qu'une avancée très limitée par rapport à l'existant, souhaitant que l'information nécessaire du Parlement sur les opérations extérieures intervienne le plus tôt possible et soit soumise à un vote dès l'engagement des troupes. Il a noté que le projet de loi constitutionnelle ne comportait aucune disposition sur les accords de défense alors que le Président de la République avait pris l'engagement de les publier. Il a annoncé des amendements en ce sens.

M. Louis Mermaz a souligné la différence entre la décision politique d'intervention et l'engagement effectif des troupes, notant qu'après quatre mois, les opérations pourraient être terminées. Il s'est étonné que le texte se borne à une simple information du Parlement, alors que l'annonce du retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l'OTAN laisse présager une primeur des informations aux militaires américains avant même le Parlement français. Il a regretté l'absence d'un Livre blanc européen de la défense, seul à même de traiter réellement des rapports entre la PESD et l'OTAN. A cet égard, il a estimé que le Livre blanc était trop franco-français et anticipait, par bien des côtés, la réforme constitutionnelle. Evoquant la procédure de ratification des traités d'adhésion retenue par l'Assemblée nationale, il a souligné que, pour la première fois, la Constitution viserait un peuple et un pays en particulier.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a déclaré partager l'appréciation du rapporteur pour avis sur la Turquie. Elle a considéré que le recours au référendum n'était pas toujours souhaitable dans ce type de situation et que la légitimité du Parlement, singulièrement à la majorité des trois cinquièmes, était équivalente, voire supérieure, à celle d'un référendum détourné de son objet. Evoquant l'élection de députés des Français de l'étranger, au sujet de laquelle elle a rappelé avoir déposé une proposition de loi, elle a souligné deux difficultés tenant à la limitation du nombre de députés, qui conduira mécaniquement à des suppressions en France, et à l'organisation à l'étranger d'un scrutin uninominal à deux tours.

M. Jean-Pierre Fourcade a exprimé sa réticence à l'égard du délai de trois jours suivant le début de l'intervention d'une opération extérieure, qui ferait souvent passer l'information du Parlement après celle des médias. Il a fait part de sa préférence pour la mention « dans les meilleurs délais ».

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis, a souligné qu'il fallait certainement distinguer le cas d'une opération comme l'EUFOR de celles qui nécessitent une discrétion particulière. Il a considéré qu'un délai de trois jours ménageait la discrétion nécessaire en laissant à une opération le temps de se mettre en place.

M. Jean-Pierre Fourcade s'est interrogé sur l'opportunité de distinguer les résolutions « nationales » des résolutions européennes. S'agissant de la procédure de ratification des traités d'adhésion, il a approuvé la suppression du dispositif prévu par l'Assemblée nationale.

M. Jacques Blanc a souligné, à propos de la procédure de ratification des traités d'adhésion, que le débat portait sur le respect de l'esprit des institutions de la Ve République, conduisant à laisser au Président de la République la possibilité de choisir entre le référendum ou le Congrès. Il a considéré que la majorité des trois cinquièmes apportait une sécurité réelle en constituant une dérogation aux règles habituelles d'approbation des traités. Evoquant la dénomination de la délégation pour l'Union européenne, il a souligné la portée du terme de « commission », considérant qu'il ne serait pas source d'ambiguïté par rapport aux commissions permanentes. Evoquant enfin le plafonnement du nombre de députés, pour tenir compte de l'introduction de députés représentant les Français de l'étranger à l'Assemblée nationale, il a souhaité que la règle des deux députés par département ne soit pas remise en cause.

M. Robert Bret a exprimé sa satisfaction sur la solution retenue à l'article 8, qui préserve le statu quo institutionnel entre le Premier ministre et le Président de la République. Il a rappelé que la France est l'une des rares démocraties parlementaires où la décision de faire intervenir des forces armées à l'étranger est prise par le seul Président de la République. Il a toutefois considéré que le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale restait insuffisant. Il a souligné que le type d'information fournie n'était pas précisé et a annoncé le dépôt d'un amendement prévoyant un vote du Parlement sur les moyens accordés. A l'article 33, il a considéré que la position adoptée par l'Assemblée nationale était inacceptable, singulièrement dans le contexte de la présidence français de l'Union européenne et le projet d'Union pour la Méditerranée.

M. Charles Pasqua a rappelé l'attachement des gaullistes au référendum, tout en considérant comme une priorité de ne pas introduire dans la Constitution des éléments qui y sont étrangers. Soulignant qu'à titre personnel il n'était pas favorable à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, il a estimé que la règle de 5 % était inacceptable. Il s'est déclaré favorable à l'amendement proposé par le rapporteur pour avis sur les conditions dans lesquelles le Parlement est informé sur les opérations militaires, rappelant que le Président de la République de l'époque n'avait sollicité l'avis de personne pour déployer les troupes françaises lors de la première guerre du Golfe, le vote du Parlement étant intervenu postérieurement.

M. Jean-Pierre Raffarin a déclaré partager les analyses du rapporteur pour avis sur la question de l'élargissement. Il a souligné combien la France est un pays difficile à gouverner. Le Parlement doit être capable de se renforcer et de se moderniser pour exercer les pouvoirs qui lui sont confiés. Il a toutefois indiqué que l'efficacité du Gouvernement lui semblait menacée par certaines dispositions du texte. Il a fait le pari d'un meilleur équilibre des pouvoirs tout en appelant à une grande vigilance. Il a souligné qu'un vote préalable du Parlement sur les opérations conduirait à la paralysie, dans la mesure où les nouvelles formes de la guerre, marquées par la technologie, imposent une rapidité d'action et de décision.

M. Robert del Picchia a souligné l'importance de la rapidité et de la discrétion dans les situations d'urgence qui conduisent à décider d'engager une opération extérieure, en particulier lorsqu'il s'agit de protéger et d'évacuer des ressortissants français dans des situations de crise. Il a indiqué, s'agissant de la ratification des traités d'adhésion, que le peuple turc se sentait insulté par la position de la France. Il a rappelé les délais de la négociation d'adhésion de ce pays, qui ne permettaient pas de dire si, dans 10 ou 15 ans, les autorités turques souhaiteront une adhésion pleine et entière. Il s'est déclaré favorable, pour la ratification des traités d'adhésion, à un retour à la procédure ordinaire de ratification des textes internationaux. Il a exprimé son soutien à la création de députés représentant les Français de l'étranger, dont les modalités d'élection devront être définies ultérieurement.

M. Jean-Louis Carrère a exprimé son accord avec les solutions retenues aux articles 8 et 12. Il a considéré, en revanche, qu'à l'article 13, la solution proposée n'était pas cohérente dans la mesure où elle ne permet au Parlement de se prononcer qu'après un délai de quatre mois. Il a souligné que, dans des cas aussi graves, le Parlement pouvait faire preuve de responsabilité. Il a appelé à trouver les modalités d'un vote consensuel sur le projet de loi. A l'article 32, il a considéré que le débat n'était pas uniquement sémantique et que le terme de « comité » avait une connotation qui risquait de marginaliser cette instance. A l'article 33, il s'est félicité de la proposition d'abandonner la référence aux 5 %.

M. André Dulait a approuvé les analyses du rapporteur pour avis. Il a exprimé sa préférence pour la convocation d'une session extraordinaire pour assurer l'information du Parlement au sujet d'une opération extérieure, dans l'hypothèse où il ne serait pas en session.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il lui semblait inimaginable qu'en cas de conflit grave, une session extraordinaire ne soit pas convoquée, tout en soulignant qu'en cas d'urgence, il fallait laisser au Gouvernement le soin d'agir.

M. Didier Boulaud a indiqué qu'il ne fallait pas confondre opération extérieure et évacuation de ressortissants.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis, a considéré que le Gouvernement devrait préciser en séance publique sa définition des interventions extérieures. Il a toutefois estimé qu'au Liban, l'opération BALISTE d'évacuation des ressortissants français était une véritable OPEX.

M. Roger Romani a considéré que les deux millions de Français à l'étranger pouvaient être exposés à des conflits régionaux et que, devant l'importance prise par les nouvelles technologies, la question du secret devenait primordiale. Il s'est déclaré choqué par l'amendement adopté à l'Assemblée nationale sur l'adhésion de la Turquie qu'il a qualifié « d'incongruité ». Il a souhaité que l'unanimité puisse être obtenue sur l'amendement proposé par le rapporteur pour avis.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga a souhaité que la protection des Français de l'étranger ne serve pas d'alibi à des interventions militaires dictées par des considérations politiques. Si l'on ne pouvait qu'approuver, au Tchad, l'opération d'évacuation des ressortissants, le soutien militaire apporté au Président Déby relève d'un autre débat.

M. Josselin de Rohan, rapporteur pour avis, a souligné que dans un contexte où les frontières entre guerre et paix n'étaient plus si claires, il convenait de concilier l'information légitime du Parlement avec l'efficacité gouvernementale tenant à la rapidité et à la discrétion.

Il a indiqué que, de l'aveu même des autorités allemandes, le régime d'autorisation préalable qui prévaut dans ce pays affecte considérablement ses capacités d'intervention extérieure. Il a souligné qu'une telle autorisation n'existait pas au Royaume-Uni où des propositions sont actuellement faites par le Premier ministre. Celles-ci excluent les opérations impliquant les forces spéciales, et limitent à une fois l'approbation parlementaire. Elles confient au Premier ministre britannique le soin de déterminer à la fois le degré de précision des informations et le moment où elles sont transmises. Il a noté que le délai de quatre mois prévu par le projet de loi correspondait au délai dans lequel interviennent la plupart des relèves militaires. Il a considéré que, s'agissant de l'organe chargé des questions européennes, le terme de « commission » pouvait prêter à confusion, tout en rendant hommage au souci d'assurer une coordination constante avec les commissions permanentes, exprimé par l'actuel président de la délégation pour l'Union européenne. Il a souligné que cet organe se verrait reconnaître une place éminente et singulière en étant le seul à être consacré en tant que tel dans la Constitution. Il a souligné la différence de nature entre les différents types de résolutions, les résolutions européennes portant sur des textes européens et pouvant être adoptées en dehors des sessions. Il a constaté qu'une unanimité se dessinait sur la procédure de ratification des traités d'adhésion. Il a indiqué qu'en tant que gaulliste, il croyait à la vertu du référendum, mais qu'en tant que gaulliste également, il souhaitait laisser une marge de manoeuvre au Président de la République. Il a jugé urgent de rétablir le contact avec la Turquie, avec laquelle les relations se sont gravement détériorées. Il convient de montrer que la considération des Français n'est pas altérée à l'égard de ce peuple ami avec lequel les liens traditionnels doivent être préservés et développés. Il a annoncé qu'il envisageait de conduire une délégation de la commission auprès de la Grande Assemblée pour marquer la considération du Sénat à ce peuple illustre.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles.

A l'article 2 (vote de résolutions), la commission a adopté, le groupe communiste républicain et citoyen et le groupe socialiste s'abstenant, un amendement visant à rétablir la possibilité pour les assemblées de voter des résolutions, supprimée par l'Assemblée nationale. Toutefois, afin d'encadrer plus strictement cette procédure, la commission a estimé que les conditions devraient être fixées non seulement par le règlement des assemblées, mais aussi par une loi organique, et que toute proposition de résolution mettant en cause, directement ou indirectement, la responsabilité du Gouvernement, devrait être déclarée irrecevable.

A l'article 13 (information et vote d'autorisation du Parlement sur les interventions des forces armées à l'étranger) la commission a adopté, le groupe communiste, républicain et citoyen et le groupe socialiste votant contre, deux amendements, le premier visant à préciser le point de départ du délai de trois jours pour l'information du Parlement, le deuxième visant à inscrire dans la Constitution que la prolongation de l'intervention au-delà de quatre mois est autorisée en vertu d'une loi, le droit d'amendement n'ayant toutefois pas vocation à s'appliquer.

A l'article 32 (contrôle du Parlement sur les affaires européennes), la commission a adopté, le groupe socialiste, le groupe communiste, républicain et citoyen, ainsi que MM. Hubert Haenel et Jacques Blanc s'abstenant, un amendement visant, d'une part, à insérer le mot « européennes » pour désigner les résolutions adoptées au titre de l'article 88-4 de la Constitution, afin de les distinguer des résolutions prévues à l'article 12 du projet de loi, et, d'autre part, à revenir à l'appellation de « comité chargé des affaires européennes », qui avait été retenue dans la version initiale du projet de loi.

A l'article 33 (procédure d'autorisation de ratification des traités d'adhésion à l'Union européenne), la commission a adopté à l'unanimité un amendement visant à supprimer le dispositif proposé par l'Assemblée nationale, prévoyant un referendum obligatoire pour l'adhésion d'un pays représentant plus de 5 % de la population de l'Union européenne, et à rétablir la procédure prévue par le texte initial du projet de loi, le Président de la République étant libre de choisir entre la voie référendaire et la voie du Congrès pour les futures adhésions à l'Union européenne.

En conséquence, la commission a adopté un amendement à l'article 35 (dispositions finales) rétablissant l'exception prévue pour le cas de la Croatie.

La commission a ensuite émis un avis favorable, le groupe communiste républicain et citoyen et le groupe socialiste votant contre, sur l'ensemble du projet de loi modifié par ces amendements.

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