Article additionnel après l'article 2
(art. 25-2 [nouveau] de la loi n° 95-7 du 21 janvier 1995)
Encadrement de l'usage des armes à feu par les compagnies républicaines de sécurité pour le maintien de l'ordre

L'article 2 du projet de loi tendait à ne plus appliquer à la gendarmerie nationale, et en particulier aux gendarmes mobiles, le système de réquisition de la force armée pour les besoins du maintien de l'ordre. Toutefois, estimant qu'un minimum de formalisme devait être maintenu, votre commission a adopté à cet article un amendement instaurant une procédure d'autorisation dans deux cas :

- l'usage des armes à feu ;

- le recours à des moyens militaires spécifiques.

Cette nouvelle procédure d'autorisation se justifiant par la nature des moyens utilisés et non par la qualité de leur utilisateur, il apparaît cohérent d'étendre cette procédure au maintien de l'ordre par les forces de la police nationale. Actuellement, les compagnies républicaines de sécurité peuvent employer la force pour disperser un attroupement public sans autorisation écrite.

Votre commission vous soumet par conséquent un amendement tendant à insérer un nouvel article 25-2 dans la loi n° 95-7 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. Il étend cette procédure d'autorisation à la police nationale lorsque les besoins du maintien de l'ordre nécessitent le recours aux armes à feu 29 ( * ) . Comme pour la gendarmerie nationale, cette procédure ne jouerait pas dans les deux cas visés au dernier alinéa de l'article 413-3 du code pénal qui permettent le recours direct à la force, sans sommation (violences ou voies de fait contre la force publique, impossibilité de défendre autrement le terrain qu'elle occupe).

Votre commission vous propose d'adopter un article additionnel après l'article 2 ainsi rédigé .

Article 3 (art. 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, art. L. 6112-2, L. 6212-3, L. 6312-3 et L. 6412-2 du code général des collectivités territoriales, art. 2 de la loi n° 2004-193 du 27 février 2004, art. 120 de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003) Autorité des préfets sur les commandants de groupement de la gendarmerie

Le présent article tend à placer sans ambiguïté les commandants de groupement de la gendarmerie nationale sous l'autorité des préfets de département.

I. Le droit en vigueur

Le ministère de la défense, et par voie de conséquence la gendarmerie nationale, n'entre pas dans le champ d'application de la loi n° 92-125 du 6 février 1992 relative à l'administration territoriale de la République, qui a déconcentré les services des administrations civiles de l'Etat . Les commandants des formations territoriales de la gendarmerie - en pratique, le commandant de groupement au niveau départemental - ne sont donc pas des chefs de services déconcentrés de l'Etat, lesquels sont normalement placés sous l'autorité directe des préfets.

Toutefois, compte tenu du rôle du préfet en matière de sécurité intérieure, plusieurs dispositions législatives lui fournissent les moyens de diriger et de coordonner l'action des unités de la gendarmerie nationale dans son département 30 ( * ) .

Ainsi, le paragraphe III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions définit les compétences et les pouvoirs des préfets de département en matière de sécurité intérieure.

Tout d'abord, il dispose que, sous réserve des dispositions du code de procédure pénale relatives à l'exercice de la mission de police judiciaire, le représentant de l'Etat dans le département, et, à Paris, le préfet de police, anime et coordonne la prévention de la délinquance 31 ( * ) et l'ensemble du dispositif de sécurité intérieure.

Avant la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, ce paragraphe disposait en outre que « [...] sans préjudice des textes relatifs à la gendarmerie nationale , il [le préfet] fixe les missions et veille à la coordination des actions, en matière de sécurité publique, des différents services et forces dont dispose l'Etat. Les responsables locaux de ces services et forces lui rendent compte de l'exécution des missions qui leur sont ainsi fixées . »

En 2003, le Parlement a souhaité renforcer les pouvoirs du préfet en matière de sécurité. L'article 2 de la loi du 18 mars 2003 a donc modifié l'article 34 de la loi du 2 mars 1982 afin d'accorder au préfet un véritable rôle de direction de l'action des services de la police et de la gendarmerie nationales en matière d'ordre public et de police administrative.

La loi du 2 mars 1982 précise également que les pouvoirs du préfet s'exercent « sans préjudice des missions de la gendarmerie nationale relevant de la défense nationale ». En dehors du domaine proprement militaire, ses pouvoirs ne sont donc plus limités par le respect « des textes relatifs à la gendarmerie nationale ».

Le préfet dirige ainsi de la même manière l'action de la police et celle de la gendarmerie en matière d'ordre public et de police administrative .

Ces évolutions législatives de 2003 étaient déjà porteuses d'une atténuation de deux principes fondamentaux régissant la gendarmerie :

- le principe de l'obéissance hiérarchique à son supérieur ;

- le principe de la non-ingérence des autorités administratives dans son organisation intérieure posé par l'article 66 du décret du 20 mai 1903 .

Elles ne sont toutefois que la traduction au plan local du décret du 15 mai 2002 qui attribue au ministère de l'intérieur la responsabilité de l'emploi de la gendarmerie nationale 32 ( * ) .

II. Le projet de loi

Le présent article tend à tirer les conséquences de l'article 1 er du projet de loi qui rattache organiquement la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur. Il décline ce rattachement au niveau local en disposant que « les responsables locaux des unités (de la gendarmerie nationale) sont placés sous l'autorité » des préfets de département en matière d'ordre public et de police administrative 33 ( * ) .

Cet article fait écho au discours du Président de la République du 29 novembre 2007 dans lequel il déclarait qu'il était nécessaire que « les commandants des formations territoriales (de la gendarmerie) soient placés, formellement, sous l'autorité des préfets ».

Sur un plan juridique, cette nouvelle modification s'inscrit dans le prolongement de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure qui avait déjà renforcé très sensiblement l'autorité des préfets sur la gendarmerie. Il n'est d'ailleurs pas interdit de s'interroger sur sa réelle plus-value juridique dans la mesure où le droit positif dispose déjà que les préfets dirigent l'action de la gendarmerie nationale et que ses responsables locaux doivent lui rendre compte de l'exécution de leurs missions.

Toutefois, sur un plan symbolique et politique, l'affirmation très claire et directe de l'autorité du préfet sur les commandants des formations territoriales est importante et doit mettre fin à des débats sur la portée exacte du droit positif.

III. La position de votre commission des lois

Votre commission approuve le présent article qui ne fait que tirer les conséquences d'une évolution amorcée depuis le décret du 15 mai 2002. Lors de son audition par les commissions, Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, des collectivités territoriales et de l'outre-mer, a d'ailleurs indiqué que cet article ne modifierait pas les relations entre le préfet et les commandants de groupement.

Votre commission vous soumet néanmoins un amendement afin :

- de simplifier la rédaction ;

- de circonscrire sans ambiguïtés le champ d'application de ces dispositions au maintien de l'ordre public et à la police administrative, la police judiciaire relevant de l'autorité judiciaire ;

- de préserver le respect du principe hiérarchique, élément fondamental du caractère militaire de la gendarmerie nationale.

Ce dernier point est le plus important. Une force armée n'existe que si le principe de l'obéissance hiérarchique y est respecté 34 ( * ) . A défaut, l'unité du commandement devient évanescente.

Or, en disposant que « les responsables locaux des services de la police nationale et des unités de la gendarmerie nationale sont placés sous l'autorité (du préfet) », le projet de loi laisse la porte ouverte à des interprétations divergentes quant au niveau hiérarchique exact sur lequel s'exerce cette autorité.

L'expression de « responsables locaux des services et unités » est interprétée très largement comme désignant, pour la police nationale, le directeur départemental de la sécurité publique et, pour la gendarmerie nationale, le commandant de groupement. Mme Bernadette Malgorn, secrétaire général du ministère de l'intérieur, a confirmé cette lecture du droit positif.

Toutefois, pour un lecteur non averti, un commandant de brigades territoriales peut être également considéré, au sens littéral, comme un responsable local d'une unité de la gendarmerie nationale - une brigade étant une unité.

Si une telle lecture devait être un jour retenue, elle permettrait aux préfets de s'adresser directement aux commandants de brigades sans respecter la chaîne hiérarchique.

Afin de prévenir tout risque de dérives, votre commission vous propose de substituer à l'expression « responsables locaux » celle de « responsables départementaux » 35 ( * ) .

Votre commission vous propose d'adopter l'article 3 ainsi modifié .

* 29 L'utilisation de moyens militaires spécifiques ne concerne pas la police nationale qui n'en dispose pas.

* 30 Les directions départementales de la sécurité publique sont les services déconcentrés de la police nationale. Le directeur départemental de la sécurité publique coordonne l'action des circonscriptions de sécurité publique du département - un commissariat de police étant installé dans chaque circonscription.

* 31 La loi n°  2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a confié au maire, sur le territoire de sa commune, la mission d'animer et de coordonner la mise en oeuvre de la politique de prévention de la délinquance. A Paris, cette politique est désormais co-animée et mise en oeuvre par le préfet de police et le maire. Toutefois, l'article 34 de la loi du 2 mars 1982 n'a pas été modifié pour tenir compte de ces évolutions législatives. En conséquence, votre commission vous propose de saisir l'occasion de ce projet de loi pour y remédier en insérant un article additionnel après l'article 3.

* 32 Ce décret précise que le ministre de l'intérieur, en concertation avec le ministre de la défense, définit les missions des services de la gendarmerie nationale, autres que celles relatives à l'exercice de la police judiciaire, détermine les conditions d'accomplissement de ces missions et les modalités d'organisation qui en résultent.

* 33 Les paragraphes II, III et IV du présent article étendent sans adaptation ces dispositions à Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Polynésie française, Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie.

* 34 « Art. L. 4122-1 du code de la défense : Les militaires doivent obéissance aux ordres de leurs supérieurs et sont responsables de l'exécution des missions qui leur sont confiées.

« Toutefois, il ne peut leur être ordonné et ils ne peuvent accomplir des actes qui sont contraires aux lois, aux coutumes de la guerre et aux conventions internationales.

« La responsabilité propre des subordonnés ne dégage leurs supérieurs d'aucune de leurs responsabilités. »

* 35 Il faut souligner que, placée en facteur commun, cette réserve protège aussi bien la chaîne hiérarchique de la gendarmerie que l'autorité du directeur départemental de la sécurité publique sur les circonscriptions de sécurité publique.

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