2. Un financement des opérations extérieures (OPEX) toujours problématique

Dans le cas des opérations extérieures (OPEX), le présent projet de loi prévoit :

- d'en évaluer de manière plus réaliste les surcoûts en loi de finances initiale ;

- de financer les éventuels dérapages par rapport à ces estimations « par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».

a) Une estimation désormais plus réaliste, mais qui devrait fréquemment être dépassée

Selon le présent projet de loi, « le montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, porté à 510 millions d'euros en 2009, sera augmenté de 60 millions d'euros en 2010 puis de 60 millions d'euros en 2011 ».

Il est vraisemblable que ce montant sera fréquemment dépassé, comme le suggère le tableau ci-après.

Il faut souligner à cet égard que le niveau actuel de dépenses n'a rien d'exceptionnel par rapport à celui observé depuis la fin de la Guerre Froide, comme le montre le graphique ci-après.

Ainsi, selon le CIRPES, depuis 1991 le coût annuel moyen des OPEX a été de plus de 760 millions d'euros de 2008 (contre une budgétisation prévue par le présent projet de loi de 630 millions d'euros).

b) Un financement des « dérapages » par rapport à la programmation qui demeure problématique

En 2003-2008, le supplément de surcoût des OPEX par rapport aux montants inscrits en loi de finances initiales a été financé sous « enveloppe LPM », essentiellement par annulation de crédits d'équipement. Selon les estimations du ministère de la défense, ce phénomène a réduit d'environ 1 milliard d'euros les moyens prévus pour l'équipement.

Pour éviter qu'un tel phénomène se reproduise, le présent projet de loi prévoit qu' « en gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle ».

Si l'on s'en tient à la lettre du présent projet de loi, on peut s'interroger sur l'effectivité de ce mécanisme.

La réserve à laquelle il est fait allusion est la réserve de précaution prévue par l'article 51 de la LOLF. L'article 51 précité prévoit que « sont joints au projet de loi de finances de l'année (...) une présentation des mesures envisagées pour assurer en exécution le respect du plafond global des dépenses du budget général voté par le Parlement, indiquant en particulier, pour les programmes dotés de crédits limitatifs, le taux de mise en réserve prévu pour les crédits ouverts sur le titre des dépenses de personnel et celui prévu pour les crédits ouverts sur les autres titres ». Concrètement, la réserve de précaution sert essentiellement à « gager » les crédits ouverts en décret d'avances.

La réserve de précaution n'est pas une « cagnotte » qui « n'appartiendrait à personne » et serait destinée à abonder telle ou telle mission, mais correspond à des mises en réserve réalisées au sein de chaque mission. Généralement cette réserve de précaution est de l'ordre de 0,5 % des crédits du titre 2 et environ 5 % des crédits des autres titres, soit de l'ordre de 5 milliards d'euros pour l'ensemble du budget de l'Etat, et 1 milliard d'euros pour la mission « Défense », dont environ la moitié sur le seul programme « équipement des forces ». Il n'existe donc pas de réserve de précaution « interministérielle » : ce sont bien les différentes missions qui sont mises à contribution.

Le présent projet de loi a en fait pour objet de systématiser ce qui a été fait pour financer le supplément de surcoût des OPEX en 2008. On rappelle que ce supplément est financé chaque année, à l'automne, par décret d'avances, « gagé » par des annulations de crédits, notamment de réserve de précaution. En 2008, sur les 221 millions d'euros d'annulations de crédits (hors titre 2) destinés à financer le surcoût des OPEX, plus de 40 millions d'euros ont été financés par les ministères civils.

Le financement du surcoût supplémentaire des OPEX en 2008

Contrairement aux années précédentes, en 2008 les annulations ont peu porté sur les programmes d'armement.

En effet, si l'on se limite aux 221,2 millions d'euros (hors titre 2) d'augmentations d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement correspondant aux OPEX, la répartition a été la suivante.

Le financement du coût supplémentaire des OPEX (hors dépenses de titre 2)

(crédits de paiement et autorisations d'engagement, en millions d'euros)

Annulations brutes

Ouvertures brutes

Ministère de la défense

-178,7

221,2

Mission « Défense »

-172,4

221,2

Environnement et prospective de la politique de défense

144

-4

Préparation et emploi des forces

178

221,2

Soutien de la politique de la défense

212

-9,4

Équipement des forces

146

-159

Mission « Anciens combattants »

-1,3

Mission « Recherche »

-5

Ministères civils

-42,5

TOTAL

-221,2

221,2

Source : d'après le ministère de la défense (contrôle trimestriel de l'exécution du budget de la défense, 19 novembre 2008)

Ainsi, selon le ministère de la défense, sur les 221,2 millions d'euros d'annulations :

- seulement 178,7 millions d'euros ont été supportées par le ministère de la défense, dont 172,4 millions d'euros par la mission « Défense », les 42,5 millions d'euros restants ayant été supportés par les ministères civils ;

- parmi les 159 millions d'euros d'annulations de crédits du programme 146 « Equipement des forces », une centaine correspondent au programme du deuxième porte-avions, qui a été « suspendu » jusqu'en 2011, et n'ont donc pas de conséquence concrète.

Cependant, deux problèmes se posent :

- tout d'abord, la réserve de précaution n'a pas un montant infini , et on peut imaginer des cas de figure où elle serait « épuisée » avant financement du surcoût des OPEX ;

- ensuite, du fait de l'inexistence d'une « réserve de précaution interministérielle », la mission « Défense » risque de financer sur sa propre réserve de précaution l'essentiel du supplément de surcoût des OPEX, comme cela a été le cas en 2008.

Au total, si l'on s'en tient à la lettre du présent projet de loi, il ne serait donc pas impossible que les OPEX continuent d'être en partie financées, pour plusieurs centaines de millions d'euros par an, par des crédits de la mission « Défense » qui n'étaient pas prévus pour cela. En évaluant, par convention, ce montant à 100 millions d'euros par an, cela correspondrait à plus de 500 millions d'euros d'ici 2014. Les rapporteurs pour avis jugent nécessaire qu'un tel cas de figure ne se produise pas.

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