II. UNE REFORME « EN TROMPE L'oeIL » DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE

A. LE RÉSEAU CULTUREL FRANÇAIS À L'ÉTRANGER

Avec plusieurs centaines d'établissements implantés à travers le monde, la France dispose du plus vaste réseau culturel à l'étranger . L'originalité du réseau culturel français tient cependant à la très grande variété des acteurs en charge de notre rayonnement culturel et linguistique.

Notre réseau culturel à l'étranger se compose de :

- 164 ambassades dotées d'un service de coopération et d'action culturelle (SCAC) ;

- 142 instituts et centres culturels et 27 centres de recherche ;

- 1085 Alliances françaises.

1. Les services de coopération et d'action culturelle des ambassades

Le premier intervenant en matière d'action culturelle extérieure est l'attaché ou le conseiller culturel de l'ambassade , qui intervient directement auprès de l'ambassadeur pour :

- assurer la direction et la coordination de l'ensemble des services et établissements culturels placés sous son autorité ;

- définir et répartir les moyens nécessaires à la conduite de leurs actions respectives.

Le conseiller ou l'attaché culturel, qui peut être un diplomate ou bien un fonctionnaire détaché par une autre administration (comme l'éducation nationale ou le ministère de la culture) peut être seul dans un poste à l'étranger ou bien diriger un service de coopération et d'action culturelle (SCAC) constitué d'une équipe de plusieurs agents. 164 ambassades sont dotées d'un service de coopération et d'action culturelle.

L'encouragement apporté par le ministère des Affaires étrangères et européennes à la création d'établissements à autonomie financière ou d'alliances françaises tend cependant à modifier le rôle du conseiller culturel qui est amené à coordonner plutôt qu'à diriger l'action culturelle dans le pays.

2. Les instituts et centres culturels

Les instituts et centres culturels français sont des établissements à autonomie financière (EAF) ne disposant pas de la personnalité morale et dépendant du ministère des Affaires étrangères mais bénéficiant d'une autonomie de gestion.

Placés sous l'autorité d'un directeur, ils s'appuient principalement sur des recrutés locaux. Ils emploient environ 4 700 agents. Leur direction est parfois assurée directement par le conseiller culturel de l'ambassade.

On dénombre actuellement 144 centres et instituts culturels , auxquels il convient d'ajouter 27 instituts de recherche à l'étranger .

Les établissements culturels remplissent traditionnellement trois principales missions :

- l'enseignement de la langue française ;

- la diffusion et la programmation culturelles ;

- la fourniture de documentation et d'informations sur la France.

En 2009, les centres et instituts culturels ont bénéficié de 60 millions d'euros de subventions, ainsi que de la mise à disposition de 380 personnels expatriés pour un coût de 37,5 millions d'euros. Ils s'autofinancent à près de 47 % en moyenne mondiale, mais ce taux atteint 61 % hors personnels expatriés. Ils emploient environ 3 100 recrutés locaux.

Le cas des Instituts de recherche à l'étranger mérite un examen particulier.

Les Instituts français de recherche à l'étranger ( IFRE)

La France dispose d'un réseau de 27 instituts français de recherche à l'étranger, actuellement sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères et européennes (dont 26 établissements à autonomie financière), répartis, avec leurs antennes, dans 35 grandes villes du monde. Il ne s'agit pas d'un réseau totalement homogène dans la mesure où au moins trois instituts se consacrent exclusivement soit à l'archéologie (à Kaboul, la Délégation archéologique française en Afghanistan et, à Khartoum, la Section française de la direction des Antiquités du Soudan), soit à l'histoire médiévale (à Göttingen, la Mission historique française en Allemagne). Tous les autres ont des activités tournées vers les sciences humaines contemporaines, mais varient considérablement en termes de capacité et de moyens. L'une des missions des IFRE est la formation (expérience de terrain) et la valorisation des jeunes chercheurs, par l'aide à la publication, la participation au débat public, etc . En ce sens, ils participent bien à la promotion des idées françaises et à la politique d'influence. Les chercheurs travaillant dans le champ des relations internationales représentent pour la diplomatie, nos ambassades en premier lieu, un vivier d'expertise appréciable et qui pourrait être mieux exploité.

Si quelques-uns de nos instituts sont anciens, voire historiques, (la Maison franco-japonaise inaugurée par Paul Claudel en 1922 ; l'école française de droit au Caire, devenue le Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales ; l'Institut français d'études arabes à Damas, ancêtre de l'actuel Institut français du Proche-Orient établi à Damas, Beyrouth et Amman), plusieurs autres sont nés après 1990 : l'Institut français de recherche en Afrique à Ibadan (1990), l'Institut français d'études sur l'Asie centrale à Tachkent et l'Institut de recherche sur le Maghreb contemporain à Tunis (1992), l'Institut français d'Afrique du Sud à Johannesburg (1995), le Centre Jacques Berque pour les études en sciences sociales et humaines à Rabat (1999), l'Institut de recherche sur l'Asie du Sud-Est contemporaine à Bangkok (2001).

Cette phase dynamique n'a pas été accompagnée pour autant d'une stratégie garantissant pour notre diplomatie les dividendes qu'elle était en droit d'en attendre. L'expertise produite par nos chercheurs restait peu connue et peu utilisée par nos diplomates en poste dans la même ville. Elle l'était encore moins à Paris. Les publications restaient confidentielles, sur des sujets et des thématiques pourtant directement en lien avec l'analyse diplomatique. Depuis 2003, le ministère des Affaires étrangères a pris l'initiative de valoriser cette recherche. Participant au processus de nomination des directeurs des IFRE, il n'a cessé de plaider pour que l'investissement financier consenti soit plus en phase avec ses besoins d'expertise. Ce sont aujourd'hui des économistes confirmés qui dirigent par exemple le Centre d'études français sur la Chine contemporaine de Hong Kong, le Centre de sciences humaines de New Delhi ou la MFJ de Tokyo. Une revue (Transcontinentales) a été créée pour mieux diffuser la production des IFRE, et une cellule de valorisation a été mise en place pour tenter de rapprocher recherche et diplomatie.

Les IFRE souffrent actuellement de sérieuses difficultés de financement, de moyens, et dès lors de recrutement (manque d'attractivité). L'européanisation est parfois évoquée comme solution (des chercheurs européens peuvent déjà être recrutés, mais pas des directeurs d'instituts) ou encore le renforcement des liens entre les IFRE et le CNRS. Un accord cadre avec le CNRS a ainsi été conclu le 20 avril 2007.

Le personnel scientifique des IFR comprend plus de 200 chercheurs, dont 81 financés par le ministère des Affaires étrangères et européennes et 62 chercheurs affectés, mis à disposition ou en délégation par le CNRS. S'y ajoutent environ 288 recrutés locaux, financés sur le budget des centres. Le montant total des subventions de fonctionnement versées par le ministère des Affaires étrangères et européennes en 2009 s'établit à 6,1 millions d'euros, en diminution de 8 % par rapport à 2008.

3. Le réseau des Alliances françaises

La principale originalité du modèle français tient au réseau des Alliances françaises.

Créée en 1883, sous l'impulsion de savants, d'ingénieurs d'écrivains et de diplomates, comme Ferdinand de Lesseps, Louis Pasteur, Ernest Renan, Jules Verne ou Paul Cambon, l'Alliance française s'est donné pour mission de favoriser la diffusion de notre langue et de notre culture en s'appuyant sur les amis de la France dans le monde.

Les 1 085 Alliances françaises, de taille et d'importance très variables, présentes dans 134 pays, relèvent de l'initiative de la société civile et sont des associations de droit local administrées de façon bénévole par des citoyens du pays d'accueil.

Sans qu'elle entretienne de lien juridique avec elles, l'Alliance française de Paris , dont les statuts ont été modifiés récemment passant d'une association régie par la loi de 1901 à une fondation reconnue d'utilité publique depuis le 1 er janvier 2008, vise à animer le réseau des Alliances françaises.

Une partie d'entre elles (486) a toutefois passé une convention avec l'ambassade française de leur pays d'implantation. Ces alliances conventionnées peuvent recevoir une aide des pouvoirs publics français, notamment à travers la mise à disposition de directeurs expatriés.

Les missions des Alliances françaises ne sont pas différentes de celles des centres et instituts culturels (cours de français, activités et échanges artistiques, documentation). En 2008, les Alliances françaises ont assuré des cours de français à plus de 670 000 étudiants étrangers.

Le budget additionné des Alliances françaises s'élève à 238 millions d'euros en 2008, dont 80 % proviennent de l'autofinancement (75 % en tenant compte des 226 agents expatriés mis à disposition du ministère des affaires étrangères) , principalement des cours de langue, de fonds privés ou de dons et legs . Les Alliances françaises sont administrées par 8 500 administrateurs bénévoles et emploient environ 12 000 salariés, dont 9 000 professeurs de langue recrutés localement. La subvention du ministère des Affaires étrangères est de près de 10 millions d'euros en 2009.

4. L'opérateur CulturesFrance

CulturesFrance est un opérateur commun au ministère des affaires étrangères et européennes et au ministère de la culture et de la communication chargé de la promotion des échanges artistiques internationaux et de la coopération culturelle internationale. Il est issu de la fusion, opérée le 22 juin 2006, de deux associations : l'Association française d'action artistique (AFAA) et l'Association pour la diffusion de la pensée française (ADPF), créées respectivement en 1922 et 1946.

Il s'agit d'une association régie par la loi du 1 er juillet 1901, dont les statuts ont été publiés par arrêté du 1 er juin 2007. Elle est dirigée par un conseil d'administration de 22 membres, composé de sept représentants du ministère des affaires étrangères et européennes, de trois représentants du ministère de la culture et de la communication et de douze personnalités qualifiées. Un contrat d'objectifs et de moyens, signé le 2 mai 2007 entre l'opérateur et l'Etat et couvrant la période 2007-2009, fixe les priorités assignées à CulturesFrance.

L'action de CulturesFrance s'effectue selon trois axes principaux :

- la promotion à l'étranger de la création contemporaine française dans le domaine des arts visuels, des arts de la scène, de l'architecture et du patrimoine, y compris cinématographique, de l'écrit et de l'ingénierie culturelle ;

- l'organisation de saisons culturelles en France et à l'étranger ;

- la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement dans les secteurs de la culture au travers des actions de formation, des échanges avec les cultures du monde et de l'accueil des artistes et des auteurs.

En outre, CulturesFrance a vu son périmètre élargi en 2009 avec le transfert de compétences en matière de cinéma auparavant assurées par la direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères et européennes.

Le budget de CulturesFrance de 33 millions d'euros repose sur une subvention du ministère des affaires étrangères et européennes de l'ordre de 20 millions d'euros et du ministère de la culture, à hauteur de 2 millions d'euros, le reste de ses ressources consistant en des financements obtenus auprès des collectivités territoriales et de partenaires privés.

CulturesFrance emploie une centaine de personnes en France.

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