B. CONSTRUIRE UNE ÉVALUATION SUR LE LONG TERME

Face à la complexité du phénomène des drogues, l'évaluation des mesures prises mais aussi, plus généralement, des politiques menées, doit être la plus approfondie possible. Ceci suppose de choisir le bon indicateur de performance et de mener des évaluations sur le long terme.

1. Choisir le bon indicateur de performance

Les drogues sont porteuses d'un double risque, individuel et social. Aux problèmes de santé et de désocialisation que rencontre un usager de drogue, s'ajoute le trouble qu'il fait subir à son entourage, voire à l'ordre public. Il convient cependant de se défier des approches trop simples et des indicateurs uniques. La sinistralité routière offre ainsi la possibilité d'une mesure simple et rigoureuse des effets des comportements à risque. Elle aboutit cependant à centrer l'attention des pouvoirs publics sur le seul conducteur au détriment d'une politique adressée à tous. Ce n'est pas parce que le conducteur ne boit, ni ne consomme de substances illicites que ses passagers doivent se sentir libres de le faire. L'action des préfectures, et plus particulièrement des chefs de projets départementaux « Drogue et Toxicomanie », qui sont généralement les sous-préfets exerçant la fonction de directeur de cabinet, doit être revue pour éviter tout prisme statistique qui aboutirait à négliger des parts importantes de populations à risque.

Il en est de même pour l'objectif de réduction du nombre d'usagers de drogue. Le but est évidemment d'agir sur les causes de la consommation mais, ici encore, les mesures prises doivent être adaptées à la complexité du phénomène. Nous avons pu noter le caractère cyclique de la consommation de drogue et le retour de pratiques dangereuses redécouvertes par de nouveaux usagers peu conscients des risques. Les efforts doivent donc agir sur le tissu social lui-même pour éviter que les générations d'usagers se succèdent. Ceci suppose d'évaluer l'image des drogues, les conditions de leur utilisation et l'évolution des tendances.

2. Les insuffisances d'une évaluation ponctuelle

Le plan gouvernemental de lutte contre les drogues comporte cent quatre-vingt-treize mesures réunies en quarante-quatre objectifs. Cette profusion est nécessaire pour prendre en compte l'ensemble des aspects du problème et il appartient déjà la Mildt d'assurer la cohérence de l'ensemble. Demeure cependant le risque que le plan se réduise à un simple catalogue si une évaluation approfondie n'est pas menée. Une vision d'ensemble est nécessaire. Or, l'objectif assigné à la Mildt par le projet annuel de performance est uniquement lié à la prise de mesures : le Parlement est ainsi informé, chaque année, du nombre de mesures prises, ce qui nous indique qu'en 2010, le plan sera normalement réalisé presque aux deux tiers. Il convient cependant d'être modeste et réaliste sur l'efficacité de ce plan. Quand bien même le nombre d'usagers aurait baissé en 2011, année d'achèvement du plan gouvernemental, on ne pourra être sûr qu'il s'agit là de la conséquence des mesures prises depuis 2008. Trois ans ne peuvent suffire à inverser une tendance inquiétante.

Il faut donc une évaluation de fond, inscrite dans la durée, afin de saisir les tendances sociales en matière de consommation de drogues et, surtout, leurs déterminants. Obliger à respecter la loi est nécessaire, mais il est important aussi de savoir pourquoi elle ne s'impose pas d'elle-même. Ce devrait être le travail de l'OFDT qui a mené l'évaluation du plan 1999-2002 mais n'a plus été sollicité depuis. Il apparaît en fait que les évaluations conduites entre deux plans sont insuffisantes face à l'ampleur du phénomène des drogues. Une véritable théorie de l'action publique doit être développée et reposer sur des indicateurs intermédiaires plutôt que sur un indicateur final unique.

La détermination des indicateurs sociaux permettant de mesurer de manière pérenne l'efficacité de la politique publique devrait donc être confiée à l'observatoire et donner lieu à une publication annuelle. Nous disposons à l'heure actuelle d'un indicateur budgétaire se résumant au nombre de mesures prises, fourni par la Mildt, et d'une description précise de la situation des drogues en France, présentée par l'OFDT, mais sans lien avec l'efficacité potentielle de la législation. Si la France souhaite réellement s'engager dans une politique de lutte efficace contre les drogues, ce sont des instruments de synthèse et d'évaluation qui doivent être mis en place. Si cette approche s'avère fructueuse, elle ne manquera pas de se développer dans le reste de l'Europe.

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Au vu des observations formulées dans le présent avis, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du gouvernement » pour l'année 2010 pour ce qui concerne l'action « Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ».

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