B. LES LIMITES DE LA SIMPLIFICATION

1. La politique de simplification : des initiatives tous azimuts au cours des dernières années

La simplification a été placée au coeur de la politique de réforme de l'État à partir du début des années 2000 . Elle a ainsi été mise en avant le 3 juillet 2002 par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, lors de son discours de politique générale.

Outre un programme législatif de simplification que votre rapporteur pour avis évoquera par la suite, ainsi que des initiatives en matière de simplification des formalités administratives, cette politique est marquée par deux volets importants :

- la création d'organismes à qui sont confiées des missions de simplification ;

- la relance du processus de codification.

a) Des organismes chargés d'orienter la simplification.

L'article 1 er de la loi du 2 juillet 2003 14 ( * ) a institué le Conseil d'orientation de la simplification administrative (COSA) .

Cette instance avait pour objectif de permettre des échanges de vue sur les mesures à prendre en matière de simplification. Composé d'élus et de personnalités qualifiées 15 ( * ) , le COSA « formule toute proposition pour simplifier la législation et la réglementation ainsi que les procédures, structures et le langage administratifs » 16 ( * ) . Les compétences et l'organisation de cet organisme ont été précisées par le décret n° 2003-1099 du 20 novembre 2003.

Compétences et organisation du COSA
(décret du 20 novembre 2003)

L'article 1 er précise les modalités de nomination des membres du COSA :

- les six parlementaires sont désignés par le président de leur assemblée respective ;

- les élus locaux sont désignés par les présidents des associations d'élus (Association des régions de France, Assemblée des départements de France, Association des maires de France) ;

- les personnalités qualifiées sont proposées par le ministre chargé de la réforme de l'État et le ministre chargé des petites et moyennes entreprises.

L'article 5 définit les missions du Conseil :

- il est saisi pour avis du programme annuel de simplification des formalités et des procédures administratives ;

- il donne un avis au Premier ministre sur le rapport adressé par le Gouvernement au Parlement portant sur les mesures de simplification ;

- il peut être saisi par les ministres de toute mesure de simplification envisagée et plus particulièrement des projets de loi, d'ordonnance ou de décret comportant des dispositions de simplification administrative.

L'article 6 prévoit qu'il adresse chaque année un rapport du Premier ministre formulant notamment des propositions de simplification.

Votre rapporteur pour avis relève cependant que le COSA n'a remis qu'un rapport en 2006. Ses membres ont été nommés en janvier 2004 pour cinq ans mais n'ont pas été renouvelés en janvier 2009.

Le 6 ° du I de l'article 33 de la présente proposition de loi prévoit d'ailleurs la suppression du COSA.

Outre le COSA, un décret du 12 février 2003 a mis en place une délégation aux usagers et aux simplifications administratives (DUSA), chargée de susciter et de coordonner les initiatives en faveur de la simplification du droit, des procédures et des formalités administratives.

Des circulaires du Premier ministre des 26 août et 30 septembre 2003 ont fait de la simplification un objectif de gestion de l'action publique . Pour veiller à la maîtrise de l'inflation normative et améliorer la qualité de la réglementation, chaque ministère a été invité à se doter d'une charte de qualité et à désigner un haut fonctionnaire chargé de la qualité de la réglementation.

Ces initiatives se sont poursuivies plus récemment, notamment avec la création en 2006 de la Direction générale de la modernisation de l'État (DGME) née de la fusion de quatre organismes dédiés à la réforme de l'État : la DUSA, la délégation à la modernisation de la gestion publique et des structures de l'État (DMGPSE), l'agence pour le développement de l'administration électronique (ADAE) et la direction de la réforme budgétaire (DRB).

La création d'instances consultatives mais également de structures spécifiques au sein des services de l'État chargés de la simplification illustre l'intégration de cette problématique au sein de l'action de l'État depuis le début des années 2000.

b) La codification, véritable vecteur de simplification

La codification constitue un pan essentiel de la simplification du droit . Elle est reconnue par tous comme une grande avancée en matière de simplification.

Comme l'a souligné notre collègue député Jean-Luc Warsmann, il s'agit d'un « facteur de plus grande lisibilité et d'accessibilité de notre droit » 17 ( * ) . Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, M. Pierre Delvolvé, professeur de droit, sceptique sur la portée des lois de simplification a estimé que la codification à droit constant constituait la véritable simplification : elle permet en effet, en unifiant le droit d'une matière dans un ensemble homogène, d'améliorer l'accessibilité et l'intelligibilité du droit .

Relancée en 1989 avec la création de la Commission supérieure de codification 18 ( * ) , la politique de codification s'est concrétisée par un large recours à la législation par voie d'ordonnance dans le cadre des lois de simplification de 1999, de 2003 et 2004.

Un travail gigantesque a été accompli en la matière : près d'une soixantaine de codes sont aujourd'hui accessibles sur le site Internet « Legifrance ». Jean-Luc Warsmann notait en décembre 2008 que les lois de simplification de 2003 et 2004 ont conduit à refondre 33 codes et à en créer près d'une vingtaine, saluant « un outil d'amélioration de l'accès et de la lisibilité de la réglementation car [la codification] permet de regrouper des textes épars tout en les clarifiant, par l'actualisation de leur terminologie, et en les reclassant conformément à la hiérarchie des normes » 19 ( * ) .

L'oeuvre de codification, « le progrès majeur des années 1990 sur l'accessibilité du droit » 20 ( * ) , n'est cependant pas encore achevée. Certains codes sont en cours de préparation, à l'exemple du code des transports et du code de l'énergie. L'article 15 du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité, en cours de discussion au Parlement, prévoit d'ailleurs une prorogation de six mois de l'habilitation du Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance la partie législative de ces codes. D'autres codes pourraient utilement être créés, à l'exemple d'un code général de la commande publique, comme l'a indiqué lors de son audition M. Pierre Delvolvé. Jean-Luc Warsmann a évoqué quant à lui la nécessaire refonte du code général des impôts, aujourd'hui largement illisible 21 ( * ) .

2. Tout peut-il être simplifié ? De la nécessité d'une certaine complexité du droit.

La doctrine se montre sceptique - voire franchement critique - à l'égard de la simplification du droit , évoquant une « illusion dangereuse » ou encore le « dernier credo des crédules » 22 ( * ) .

Soucieux que notre droit ne pèche pas par excès de complexité, votre rapporteur pour avis estime cependant que celle-ci est en partie inévitable voire nécessaire comme l'a confirmé Jean-Marie Pontier, professeur de droit public, lors de son audition.

Notre société étant de plus en plus complexe, il n'est pas anormal que le droit, qui cherche à prendre au mieux en compte la réalité, soit lui-même complexe. Comme l'indique Amicie Maucour-Isabelle, « le droit est (...) intrinsèquement complexe. Sa finalité consiste à répondre aux attentes sociales nouvelles et il doit sans cesse s'adapter à l'évolution de la société en trouvant des réponses nouvelles et appropriées à ces transformations » 23 ( * ) . Bertrand Sellier a même quant à lui souligné qu' » on ne peut vouloir plus de garanties, de protections et inversement réclamer des textes intelligibles au commun des mortels » 24 ( * ) .

En conséquence, la doctrine est sceptique vis-à-vis de la notion de simplification, évoquant « une croyance un peu naïve en la possibilité de simplifier » 25 ( * ) . Le Conseil d'État relève quant à lui que « l'effort de simplification du droit ne conduit pas, dans l'immense majorité des cas, à une réduction du nombre d'articles ou de dispositions applicables, voire entraîne, au contraire, un alourdissement de certains textes, ce qui ne peut que rendre plus incertaine l'apport concret pour les citoyens de telles mesures » 26 ( * ) .

Certains jugent même que la simplification présente des risques, à l'exemple de Jean-Marie Pontier qui estime que « il peut être dangereux de vouloir simplifier à tout prix. La diversité du vocabulaire est l'expression de la recherche d'une plus grande précision. Les mots ne sont pas, nous le savons, substituables les uns aux autres » 27 ( * ) . Il affirme que « en matière juridique, simplifier peut aussi entraîner des complications supplémentaires lorsqu'il va s'agir d'appliquer la règle » 28 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis est sensible à ces arguments. Pour autant, il juge qu'un effort de simplification doit être mené. Il estime cependant qu'une attention toute particulière doit être portée à la complexité formelle du droit , qui rend souvent ce dernier illisible et inaccessible à beaucoup de nos concitoyens.


* 14 Loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.

* 15 L'article 1 er de la loi du 2 juillet 2003 indique que le Conseil est composé de : trois députés, trois sénateurs, un conseiller régional, un conseiller général, un maire et six personnalités qualifiées.

* 16 Les compétences et l'organisation du COSA sont précisés par le décret n° 2003-1099 du 20 novembre 2003.

* 17 Rapport sur la qualité et la simplification du droit, Jean-Luc Warsmann, parlementaire en mission auprès du Premier ministre, décembre 2008, p. 99.

* 18 Décret n° 89-647 du 12 septembre 1989 relatif à la composition et au fonctionnement de la commission supérieure de codification.

* 19 Ibid., p. 99.

* 20 Conseil d'État, Ibid., p. 329.

* 21 Rapport sur la qualité et la simplification du droit, Ibid., p. 101.

* 22 Pierre -Yves Monjal, « Simplifiez, simplifiez, il en restera toujours quelque chose... » , in : Revue du droit de l'Union européenne, n° 2, 2003, p. 343.

* 23 Amicie Maucour-Isabelle « La simplification du droit : des réformes sans définition matérielle », AJDA, 2005, p. 303.

* 24 Bertrand Sellier, « Les limites de la simplification », Petites Affiches, 24 mai 2007 n° 104, p. 28.

* 25 Bertrand Sellier, Ibid., p. 28.

* 26 Conseil d'État, Ibid., p. 49.

* 27 Jean-Marie Pontier, « Brèves remarques sur la simplification du droit » , in : « La simplification du droit » , p. 10.

* 28 Jean-Marie Pontier, Ibid., p. 11.

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