II. LA LOI DE SIMPLIFICATION, UN OUTIL ADÉQUAT OU « INDIGNE DU PARLEMENT » ?

Après s'être intéressé à la démarche de simplification du droit elle-même, votre rapporteur pour avis s'est interrogé sur l'intérêt des lois générales de simplification du droit.

Depuis le début des années 2000, ces textes sont en effet devenus l'élément moteur du processus de simplification en France. Or on peut s'interroger sur la pertinence de cet outil, certains allant jusqu'à juger ces textes « indignes du Parlement » 29 ( * ) . Votre rapporteur pour avis estime que d'autres méthodes de simplification pourraient utilement leur être préférées.

A. L'oeUVRE DE SIMPLIFICATION DANS L'HISTOIRE PARLEMENTAIRE RÉCENTE

1. Quatre textes de simplification promulgués depuis 2003

Depuis le début des années 2000, quatre lois de simplification ont été votées par le Parlement :

- la loi n° 2003-591 du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit ;

- la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit ;

- la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit ;

- la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures.

Dans le cadre de la « démarche permanente » 30 ( * ) que constitue la simplification du droit, la loi joue donc un rôle essentiel, chacun des quatre textes cités constituant « une étape nouvelle sur un long chemin qui en comprendra d'autres » 31 ( * ) .

Outre les dispositions de simplification contenues dans ces textes, ces derniers ont donné lieu à un déluge de textes d'application .

Les lois de 2003 et 2004 comptaient en effet de très nombreuses habilitations du Parlement au Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance. Le Parlement s'est ainsi dessaisi d'une large partie du travail législatif de simplification et de codification .

L'impressionnante liste des ordonnances, portant sur un éventail très large de sujets, prises sur le fondement de la loi de 2004 est de ce point de vue révélatrice : elle montre que le Parlement s'est tenu à l'écart d'une large partie du processus de simplification.

Ordonnances prises sur le fondement
de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit

- ordonnance n° 2004-1382 du 20 décembre 2004 portant adaptation de dispositions législatives relatives à la comptabilité des entreprises aux dispositions communautaires dans le domaine de la réglementation comptable ;

-ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur ;

- ordonnance n° 2005-171 du 24 février 2005 simplifiant les procédures de constitution et de réalisation des contrats de garantie financière ;

- ordonnance n° 2005-174 du 24 février 2005 relative à l'organisation et à la vente de voyages et de séjours ;

- ordonnance n° 2005-303 du 31 mars 2005 portant simplification des règles de transfert de propriété des instruments financiers admis aux opérations d'un dépositaire central ou livrés dans un système de règlement et de livraison ;

- ordonnance n° 2005-389 du 28 avril 2005 relative au transfert d'une partie du personnel de la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines à la Caisse des dépôts et consignations ;

- ordonnance n° 2005-395 du 28 avril 2005 relative au service public du changement d'adresse ;

- ordonnance n° 2005-406 du 2 mai 2005 simplifiant le régime juridique des établissements de santé ;

- ordonnance n° 2005-429 du 6 mai 2005 modifiant le code monétaire et financier (Partie législative) ;

- ordonnance n° 2005-461 du 13 mai 2005 relative aux Français établis hors de France ;

- ordonnance n° 2005-554 du 26 mai 2005 relative à diverses mesures de simplification dans le domaine agricole ;

- ordonnance n° 2005-645 du 6 juin 2005 relative aux procédures de passation des marchés publics des collectivités territoriales ;

- ordonnance n° 2005-647 du 6 juin 2005 modifiant le code des juridictions financières ;

- ordonnance n° 2005-648 du 6 juin 2005 relative à la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs ;

- ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics ;

- ordonnance n° 2005-650 du 6 juin 2005 relative à la liberté d'accès aux documents administratifs et à la réutilisation des informations publiques ;

- ordonnance n° 2005-651 du 6 juin 2005 relative à la garantie des droits des cotisants dans leurs relations avec les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales ;

- ordonnance n° 2005-652 du 6 juin 2005 relative au registre public de la cinématographie et de l'audiovisuel et créant un registre des options ;

- ordonnance n° 2005-654 du 8 juin 2005 portant allègement des procédures d'adoption et de révision des schémas de services collectifs et suppression des schémas multimodaux de services collectifs de transport ;

- ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 relative au logement et à la construction ;

- ordonnance n° 2005-656 du 8 juin 2005 relative aux règles de fonctionnement des juridictions de l'incapacité ;

- ordonnance n° 2005-657 du 8 juin 2005 relative à la tenue d'audiences à l'aide d'un moyen de communication audiovisuelle et modifiant le code de justice administrative ;

- ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005 portant modification de diverses dispositions relatives à l'obligation d'assurance dans le domaine de la construction et aux géomètres experts ;

- ordonnance n° 2005-659 du 8 juin 2005 simplifiant la procédure de déclassement de biens du réseau ferré national ;

- ordonnance n° 2005-722 du 29 juin 2005 relative à la création de l'établissement public OSEO et à la transformation de l'établissement public Agence nationale de valorisation de la recherche en société anonyme ;

- ordonnance n° 2005-727 du 30 juin 2005 portant diverses dispositions relatives à la simplification des commissions administratives ;

- ordonnance n° 2005-731 du 30 juin 2005 relative à la simplification et à l'adaptation du droit dans les domaines de la formation professionnelle et de l'emploi ;

- ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation ;

- ordonnance n° 2005-804 du 18 juillet 2005 relative à diverses mesures de simplification en matière de sécurité sociale ;

- ordonnance n° 2005-805 du 18 juillet 2005 portant simplification, harmonisation et adaptation des polices de l'eau et des milieux aquatiques, de la pêche et de l'immersion des déchets ;

- ordonnance n° 2005-855 du 28 juillet 2005 relative aux opérations funéraires ;

- ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 portant simplification du régime des libertés consenties aux associations, fondations et congrégations, de certaines déclarations administratives incombant aux associations, et modification des obligations des associations et fondations relatives à leurs comptes annuels ;

- ordonnance n° 2005-861 du 28 juillet 2005 relative à l'établissement des comptes consolidés des entreprises d'assurance et des établissements de crédit ;

- ordonnance n° 2005-864 du 28 juillet 2005 relative aux secteurs sauvegardés ;

- ordonnance n° 2005-866 du 28 juillet 2005 transformant le groupement d'intérêt public dénommé « Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies » en société anonyme ;

- ordonnance n° 2005-1027 du 26 août 2005 relative à la simplification et à l'amélioration des règles budgétaires et comptables applicables aux collectivités territoriales, à leurs groupements et aux établissements publics locaux qui leur sont rattachés ;

- ordonnance n° 2005-1039 du 26 août 2005 portant modification du régime de reconnaissance de la capacité professionnelle des transporteurs routiers et simplification des procédures d'établissement de contrats types ;

- ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions ;

- ordonnance n° 2005-1044 du 26 août 2005 relative à l'exercice et à l'organisation de la profession d'architecte ;

- ordonnance n° 2005-1086 du 1 er septembre 2005 instaurant un règlement transactionnel pour les contraventions au code de commerce et au code de la consommation et portant adaptation des pouvoirs d'enquête et renforcement de la coopération administrative en matière de protection des consommateurs ;

- ordonnance n° 2005-1087 du 1 er septembre 2005 relative aux établissements publics nationaux à caractère sanitaire et aux contentieux en matière de transfusion sanguine ;

- ordonnance n° 2005-1091 du 1 er septembre 2005 portant simplification des conditions d'exercice de la profession de courtier en vins dit « courtier de campagne » ;

- ordonnance n° 2005-1092 du 1 er septembre 2005 relative au régime de protection des mineurs accueillis hors du domicile parental à l'occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs ;

- ordonnance n° 2005-1127 du 8 septembre 2005 relative à diverses mesures de simplification dans le domaine agricole ;

- ordonnance n° 2005-1129 du 8 septembre 2005 portant simplification en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement et d'élimination des déchets ;

- ordonnance n° 2005-1477 du 1 er décembre 2005 portant diverses dispositions relatives aux procédures d'admission à l'aide sociale et aux établissements et services sociaux et médico-sociaux ;

- ordonnance n° 2005-1478 du 1 er décembre 2005 de simplification du droit dans le domaine des élections aux institutions représentatives du personnel ;

- ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 relative à des mesures de simplification en matière fiscale et à l'harmonisation et l'aménagement du régime des pénalités ;

- ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives ;

- ordonnance n° 2005-1526 du 8 décembre 2005 modifiant la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 relative au permis de construire et aux autorisations d'urbanisme ;

- ordonnance n° 2005-1528 du 8 décembre 2005 relative à la création du régime social des indépendants ;

- ordonnance n° 2005-1529 du 8 décembre 2005 instituant un interlocuteur social unique pour les indépendants ;

- ordonnance n° 2006-594 du 23 mai 2006 portant adaptation de la législation relative aux céréales et modifiant le titre VI du code rural ;

- ordonnance n° 2006-596 du 23 mai 2006 relative à la partie législative du code du sport ;

- ordonnance n° 2006-637 du 1 er juin 2006 portant refonte du code de justice militaire ;

- ordonnance n° 2006-673 du 7 juin 2006 portant refonde du code de l'organisation judiciaire et modifiant le code de commerce, le code rural et le code de procédure pénale (partie législative).

Source : Sénat, Bilan de l'application des lois

La démarche engagée en 2003 et 2004 a cependant été bien perçue, le Conseil d'État estimant ainsi en 2006 que « la relance de la démarche de simplification engagée en 2003 a (...) permis des progrès, dans la logique qui est la sienne de suppression des effets les plus néfastes de la sédimentation des textes » 32 ( * ) .

2. La mobilisation de la commission des Lois de l'Assemblée nationale

Si les lois de simplification de 2003 et 2004 sont issues de projets de loi, celles de 2007 et 2009 sont issues de propositions de loi déposées par notre collègue député Jean-Luc Warsmann.

La commission des lois de l'Assemblée nationale qu'il préside a en effet décidé , dans la droite ligne des deux premières lois de simplification, de faire de la simplification « un de ses chantiers prioritaires » 33 ( * ) .

Dans son rapport sur la présente proposition de loi, notre collègue député Etienne Blanc l'a confirmé : « La commission des Lois a décidé de faire de la simplification du droit l'un des fils conducteurs de son action pour toute la durée de la XIII ème législature. S'appuyant sur le constat largement partagé des effets extrêmement nocifs de la complexité du droit sur l'attractivité de notre pays, sur la compétitivité de nos entreprises et sur la vie quotidienne de nos concitoyens, elle a décidé de travailler activement et de façon pragmatique à l'adoption de mesures concrètes de simplification » 34 ( * ) .

Cet engagement s'est concrétisé par plusieurs initiatives :

- le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann , a été nommé parlementaire en mission auprès du Premier ministre sur la problématique même de la simplification du droit. Cette mission l'a conduit à s'interroger sur le sens et les modalités de la démarche de simplification et à formuler dans son rapport des propositions concrètes de simplification ;

- en outre, Jean-Luc Warsmann a affiché l'ambition de déposer régulièrement des propositions de lois de simplification , reprenant à son compte la position exprimée par Éric Woerth, alors ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui déclarait, lors de l'examen de la loi de 2007 à l'Assemblée nationale que la simplification devait être mise en oeuvre par une voire deux lois spécifiques chaque année 35 ( * ) . La présente proposition de loi est ainsi le troisième texte de simplification déposé en quatre ans par M. Warsmann ;

- des moyens exceptionnels ont été mobilisés par l'Assemblée nationale en faveur de la politique de simplification du droit : en 2007 les députés ont mis en place un site Internet intitulé « Simplifions la loi » 36 ( * ) destiné à faire remonter le ressenti des usagers. Par ailleurs, la présente proposition de loi est issue en partie du travail d'une « équipe de juristes et de scientifiques tendant à identifier les normes désuètes, inappliquées ou contraires à des normes supérieures en matière pénale » 37 ( * ) . Autrement dit, elle a été en partie rédigée par un cabinet privé.


* 29 Expression utilisée par le professeur Pierre Delvolvé lors de son audition par votre rapporteur pour avis. M. Delvolvé juge en effet ces textes « administratifs ».

* 30 Rapport n° 5 (2004-2005) fait au nom de la commission des Lois sur le projet de loi de simplification du droit, Bernard Saugey, p. 13.

* 31 Rapport n° 5 (2004-2005), Ibid., p. 11.

* 32 Conseil d'État, Ibid., p. 275.

* 33 Rapport sur la qualité et la simplification du droit, Ibid., p. 84.

* 34 Rapport n° 2095 (XIII ème législature), Ibid., p. 17.

* 35 Assemblée nationale, séance du 9 octobre 2007.

* 36 http://simplifionslaloi.assemblee-nationale.fr/.

* 37 Rapport n° 2095 (XIII ème législature), Ibid., p. 17.

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