II. GARANTIR L'INDÉPENDANCE DES AGENCES

L'actualité des dernières années en matière sanitaire est malheureusement marquée par une succession de crises liées à l'apparition de virus - chikungunya, grippe aviaire, grippe A (H1N1) - ou aux effets indésirables de produits de santé. Le dispositif de vigilance et de contrôle français est donc particulièrement sollicité. Sa qualité dépend de celle des experts auquel il fait appel, scientifiques et praticiens, qui acceptent de consacrer leur temps à la définition des politiques et des actions publiques. L'expertise publique s'exerce principalement au travers des agences et autorités sanitaires, plus particulièrement de deux d'entre elles : la HAS et l'Afssaps. Elles mènent toutes deux un travail important en manière de gestion des conflits d'intérêt ; celui de la HAS est particulièrement abouti, tandis que des compléments semblent devoir être apportés pour garantir l'Afssaps contre la critique.

A. RENFORCER LA LÉGITIMITÉ ET LA RECONNAISSANCE DE L'EXPERTISE FRANÇAISE

La commission d'enquête sénatoriale sur la gestion de la grippe A (H1N1) a mis en avant la qualité de l'expertise française, mais insisté sur la nécessité de la valoriser et de la préserver de tout soupçon de partialité.

Certains experts sont en effet rémunérés par l'industrie dans le cadre normal du développement des médicaments et des dispositifs médicaux et de leur mise sur le marché. Cette pratique ne pose pas de problème en elle-même, mais suppose un parfait respect des règles de transparence, qui pourraient être renforcées en se fondant sur les normes existant aux Etats-Unis. La question la plus importante est néanmoins celle de l'expertise publique, qui est au coeur de l'action sanitaire de l'Etat et de sa capacité à mener une politique conforme à l'intérêt général. Afin de maintenir son indépendance et son niveau, il est nécessaire de s'attacher à valoriser la fonction d'expert au sein des carrières professionnelles des chercheurs et praticiens, ce qui passe notamment par la mise en place d'une rémunération adéquate.

La commission a formulé plusieurs recommandations à cet effet, et votre rapporteur note avec satisfaction l'engagement à assurer leur suivi que lui a réaffirmé le directeur général de la santé, Didier Houssin. Votre rapporteur souhaite qu'un an après la parution du rapport de la commission sénatoriale d'enquête, un bilan puisse être établi en séance publique sur la mise en oeuvre de ses préconisations.

Recommandations de la commission d'enquête sénatoriale sur la grippe A (H1N1) concernant l'expertise sanitaire française

Renforcement de la qualité de l'expertise sanitaire française

4. Améliorer la capacité française en matière de modélisation mathématique des problématiques sanitaires.

5. Fondre le comité de lutte contre la grippe au sein d'une instance d'expertise compétente pour l'ensemble des maladies infectieuses.

6. Réformer le Haut Conseil de la santé publique :

- en confiant la recommandation des priorités de santé publique et l'évaluation des politiques menées à la Haute Autorité de santé ;

- en confiant, pour renforcer sa fonction de conseil auprès des autorités sanitaires, sa présidence au directeur général de la santé.

7. Assurer la publication de l'ensemble des avis formulés par les experts avec indication du détail des votes.

8. Intégrer des spécialistes de médecine générale aux instances d'expertise pour renforcer la prise en compte des réalités de terrain.

9. Elargir la composition des comités d'expertise aux disciplines non médicales et spécialement aux sciences humaines.

10. Organiser la prise en compte par les pouvoirs publics de l'opinion des scientifiques reconnus qui peuvent comprendre les questions techniques qui se posent, mais dont les carrières se sont déroulées à quelque distance du problème central.

11. Intégrer le plus possible les professionnels de santé de proximité à la mise en oeuvre de la lutte contre la pandémie.

Gestion des conflits d'intérêts

12. Organiser un fichier national des contrats passés entre l'industrie et les médecins tenu par le Conseil national de l'Ordre.

13. Confier l'ensemble du contrôle ainsi que l'application des sanctions à un organisme indépendant et extérieur à la profession médicale. Cet organisme assurerait également la formation des experts sur les liens d'intérêt et sur leurs responsabilités.

14. Renforcer la collaboration entre le comité d'animation du système d'agences et la Haute Autorité de santé pour la définition de normes communes en matière de transparence que ce soit pour les déclarations d'intérêt, le recrutement des experts ou le fonctionnement des instances d'expertise.

15. Confier la présidence de la commission d'autorisation de mise sur le marché de l'Afssaps et de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé, ainsi que des commissions et conseils visés à l'article L. 1451-1 du code de la santé publique, à des personnalités indépendantes sans liens d'intérêt avec l'industrie pharmaceutique.

Valorisation de l'expertise

16. Organiser la place de l'expertise dans une carrière, qu'elle soit publique ou privée.

17. Compenser le temps passé en tant qu'expert, ce qui implique, spécialement pour les experts ayant une activité libérale à plein temps, une augmentation du montant des vacations, voire la mise en place d'une véritable rémunération dans le cas de la participation permanente à un organe.

18. Mettre en place une échelle tarifaire de la participation à l'expertise fondée sur les comparaisons internationales pour assurer l'équité des sommes proposées.

19. Mettre en oeuvre l'obligation d'information systématique des directeurs des établissements publics sur les activités rémunérées effectuées par un médecin hospitalier à temps plein pour l'industrie ou les organismes publics de recherche et d'expertise.

20. Mettre en place, dans chaque CHU, une fondation hospitalo-universitaire de recherche cogérée par l'hôpital et les médecins, afin d'améliorer la transparence des flux financiers entre l'industrie, les établissements et les praticiens.

21. Créer dans chaque service hospitalier un plan d'activité permettant de répartir, pour six mois ou un an, les activités des médecins entre les soins, l'enseignement et la recherche. Ainsi, chaque médecin contribuera de manière équilibrée aux missions de son service.

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