2. Les enjeux de la dévolution des monuments historiques de l'État

Lors de l'examen du PLF pour 2010, votre rapporteur avait consacré un développement aux enjeux de l'article 52 qui prévoyait de relancer la dévolution sans aucun bilan de la première vague de transferts opérée en application de la loi du 13 août 2004. Cet article ayant été censuré par le Conseil constitutionnel comme cavalier budgétaire, notre commission a mis en place un groupe de travail, à l'initiative de son président Jacques Legendre, pour étudier les missions du Centre des monuments nationaux (CMN) et analyser les enjeux de cet établissement dans le cadre d'une relance de la dévolution.

Les conclusions du rapport n° 599 de notre collègue Françoise Férat, adoptées à l'unanimité par notre commission, ont été reprises dans une proposition de loi déposée le 27 octobre 2010 par l'auteure du rapport et M. Jacques Legendre. Elles s'articulent autour de trois objectifs : réactiver le principe de « transférabilité » des monuments appartenant à l'État, identifier les monuments ayant une vocation culturelle, et enfin encadrer la procédure de transfert des monuments de l'État aux collectivités territoriales .

La méthode proposée prévoit une analyse systématique du patrimoine monumental au regard de la mission de service public culturel, pour en déterminer les conditions d'utilisation et de transfert ; mais elle n'interdit rien a priori . Comme la « commission Rémond » en 2003, elle est respectueuse de l'organisation décentralisée de la France, tout en encadrant les modalités de transfert de précautions qui reposent sur une appréciation historique, scientifique et économique du patrimoine national. Les dispositions s'articulent autour de quatre chapitres.

- Le premier chapitre, relatif à l'utilisation du patrimoine monumental de l'État, prévoit tout d'abord la création d'un Haut conseil du patrimoine . Cette instance, inspirée de la « commission Rémond » instaurée en 2003, a pour mission d'apprécier le caractère transférable des monuments historiques, inscrits ou classés, appartenant à l'État. La liste des monuments transférables est évolutive et s'enrichit à mesure que sont examinés les monuments, soit à l'initiative du Haut conseil lui-même, soit à la demande du ministre chargé des monuments historiques. En outre, le Haut conseil du patrimoine se prononce sur l'opportunité des transferts à titre gratuit envisagés, identifie les monuments ayant une vocation culturelle et formule les prescriptions relatives à leur utilisation culturelle, et enfin se prononce sur les projets de déclassement du domaine public, en vue d'une revente, des monuments transférés à titre gratuit.

L'article 2 de la proposition de loi prévoit que le Haut conseil du patrimoine, après avoir identifié des monuments susceptibles d'avoir une utilisation culturelle, formule pour chacun d'eux des prescriptions, notamment en matière d'ouverture au public et de diffusion de l'information relative au monument. Ce sont autant d'obligations qui s'imposent au propriétaire quel qu'il soit ou au gestionnaire. Cette disposition constitue une garantie contre les utilisations qui ne respecteraient pas le caractère symbolique ou historique d'un monument particulièrement important pour le patrimoine national ; elle vise à éviter des polémiques telles que celle de l'Hôtel de la Marine.

- Le deuxième chapitre, relatif au Centre des monuments nationaux introduit, dans le code du patrimoine, la notion de péréquation qui se définit comme une juste répartition, entre les monuments, des moyens de fonctionnement. L'introduction de cette notion, qui fonde l'identité et la raison d'être du Centre des monuments nationaux depuis sa création, reprend l'une des récentes recommandations de la Cour des comptes.

- Le troisième chapitre définit les modalités de la relance de dévolution du patrimoine monumental de l'État aux collectivités territoriales. Le transfert de propriété des monuments historiques est encadré de la façon suivante :


• le transfert ne concerne que les monuments jugés « transférables » par le Haut conseil du patrimoine. Il ne peut y avoir de transfert partiel. Les transferts accompagnés d'un projet culturel se font à titre gratuit, sinon ils se font à titre onéreux ;


• la procédure de candidature et de décision du transfert réaffirme le rôle du ministre chargé des monuments historiques ;


• le ministère chargé des monuments historiques et celui chargé du domaine assurent gratuitement pendant l'année qui suit le transfert effectif, chacun dans leur domaine de compétence, un suivi et une mission d'assistance technique pour accompagner les collectivités bénéficiaires. Les commissions parlementaires chargées de la culture doivent recevoir, tous les trois ans, un bilan d'application de la loi transmis par le Gouvernement, et un bilan du transfert transmis par les collectivités concernées. En outre, ces dernières doivent prévenir le préfet de région en cas d'évolution significative relative au monument transféré ;


• enfin, l'avis du Haut conseil du patrimoine est nécessaire pour autoriser le déclassement du domaine public en vue de la revente d'un monument cédé gratuitement par l'État à une collectivité.

- Le quatrième et dernier chapitre comprend des dispositions diverses, dont un gage pour compenser la perte de recettes résultant pour l'État par une taxe additionnelle sur les jeux en ligne, dont le prélèvement bénéficie déjà en partie au Centre des monuments nationaux. Une telle proposition s'inscrit dans l'esprit des propositions du rapport d'information n° 38 du 24 octobre 2006 de MM. Philippe Richert et Philippe Nachbar intitulé « Monuments historiques : une urgence pour aujourd'hui, un atout pour demain ».

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