III. DONNER À L'AGENCE FRANCE-PRESSE LES MOYENS DE SES AMBITIONS

Votre commission s'est engagée, de très longue date, dans une réflexion approfondie sur les moyens de garantir un développement optimal et durable de l'Agence France-Presse dans un environnement international fortement concurrentiel et profondément bouleversé par l'évolution des technologies de l'information et de la communication.

Dès l'année 2000 , elle s'est préoccupée de la capacité de l'Agence à financer des projets de développement ambitieux afin de ne pas manquer le rendez-vous du multimédia et de se maintenir parmi les trois principales agences mondiales d'information, aux côtés de Associated Press et Thomson-Reuters . À l'occasion de l'examen de la proposition de loi relative à l'Agence France-Presse de notre ancien collègue, M. Louis de Broissia, votre commission avait élaboré un texte conférant à l'AFP de nouvelles marges de manoeuvre, notamment sur le plan financier, sans pour autant remettre en cause l'économie du statut fondateur de 1957 .

Ce texte prévoyait, en particulier, d'ouvrir la faculté pour l'AFP de prendre des participations dans des sociétés françaises ou étrangères constituées ou à constituer, et de préciser les conditions dans lesquelles elle peut recourir à l'emprunt, via notamment l'émission de titres participatifs et d'obligations. Il visait également à porter le mandat du président-directeur général de trois à cinq ans, dans une logique de renforcement de la stabilité de son exécutif et de continuité de ses projets de développement.

Toutefois, ce texte n'a jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat. Dès lors, votre rapporteur pour avis a reposé la question de la capacité de financement de l'AFP et de la clarification, au regard du droit communautaire, de ses relations avec la puissance publique, lors de l'examen des crédits de la presse dans le projet de loi de finances pour 2010.

À la demande de votre rapporteur pour avis, votre commission a organisé une table ronde consacrée à l'avenir de l'AFP , au mois de janvier 2010 et dont les conclusions ont conforté les observations de votre rapporteur :

- l'avantage compétitif de l'AFP réside dans une réputation solidement ancrée, au niveau international, de respect scrupuleux de l'indépendance et du pluralisme de l'information. Cette identité génétique de l'Agence est inscrite dans les articles 1 er et 2 de la loi de 1957 ; modifier ces dispositions reviendrait à remettre en cause la crédibilité de l'Agence et donc la confiance que lui accordent ses clients ;

- l'AFP est un organisme sui generis qui, sans être une société dotée d'un capital, obéit aux règles commerciales. Au-delà de ses activités commerciales auprès de clients privés qui constituent désormais près de 60 % de son revenu, l'Agence assume également des missions d'intérêt général qui trouvent leur fondement dans les articles 1 er et 2 de son statut. Celles-ci ouvrent le droit à une compensation financière de la part de l'État dans des conditions déterminées par un contrat d'objectifs et de moyens. Toutefois, cet aspect n'est pas suffisamment explicite aux yeux du droit communautaire et donne lieu, en conséquence, à une forme d' insécurité juridique . Il convient donc de clarifier sans délai les relations de l'AFP avec la puissance publique afin de sécuriser la part de son financement public justifié par l'accomplissement de missions d'intérêt général qui lui incombent en vertu de la loi ;

- les difficultés rencontrées par l'AFP sont principalement d'ordre financier : elle ne dispose plus, en effet, d'une marge de manoeuvre suffisante pour assurer son développement et demeurer compétitive dans un environnement international de plus en plus concurrentiel. Or, la perspective de doter l'AFP d'un capital, que celui-ci repose ou non entièrement sur des capitaux publics, est de nature à susciter des soupçons quant à l'indépendance de l'Agence vis-à-vis d'intérêts aussi bien étatiques que privés ;

- la configuration du conseil d'administration de l'AFP et ses principes de gouvernance semblent désormais obsolètes . La surreprésentation de la presse française, qui ne constitue plus le premier client de l'Agence, au sein du conseil d'administration ne se justifie plus. Au contraire, elle soulève des interrogations quant aux risques de conflits d'intérêt qui pèseraient sur la gestion de l'Agence, dès lors qu'un certain nombre de clients sont à même de déterminer, en conseil d'administration, des tarifs qu'ils sont prêts à remettre en cause par la suite.

Après avoir entendu les représentants de l'intersyndicale de l'AFP et s'être entretenu avec son nouveau président-directeur général, votre rapporteur pour avis a souhaité réexaminer les observations précédentes à la lumière des orientations définies par la nouvelle direction, et étudier les aménagements qu'il conviendrait d'apporter au statut de 1957 afin de garantir un développement ambitieux et responsable de l'Agence.

Votre rapporteur pour avis se félicite, en particulier, que le nouveau président-directeur général ait écarté toute transformation de l'AFP en une société dotée d'un capital. M. Emmanuel Hoog a déclaré, en effet, préférer travailler à la réforme de la gouvernance de l'Agence et à la diversification de ses sources de financement dans le respect du statut actuel.

Les articles 1 er , 2 et 14 de la loi de 1957, qui constituent l'ADN de l'Agence, ne doivent donc pas être modifiés.

Toutefois, votre rapporteur pour avis relève les inquiétudes des organisations syndications qui disent regretter le manque d'information et l'absence de consultation sur les projets, aussi bien stratégiques que statutaires, envisagés par la direction . Dans une logique de responsabilité, et vu le passif hérité du débat passé sur la réforme du statut, la transparence et la concertation sur l'avenir de l'AFP sont des nécessités absolues. Pour rappel, le statut de 1957 avait fait l'objet d'un très large consensus tant au sein du Parlement qu'entre les organisations syndicales concernées. Toute modification de la loi de 1957 perdrait alors en légitimité si ces conditions n'étaient pas de nouveau réunies.

A. LES PRIORITÉS STRATÉGIQUES DE DÉVELOPPEMENT

Le nouveau président-directeur général de l'AFP a dégagé cinq priorités stratégiques de développement, qui nécessiteraient un investissement total évalué à 55 millions d'euros :

- le développement de la vidéo . L'AFP bénéficie déjà d'un soutien de l'État, à hauteur de 20 millions d'euros sur la période 2009-2013, dans la mise en place d'un système de rédaction unique de production multimédia (texte, photo, vidéo, infographie), dans le cadre du projet intitulé « Agence multimédia/4XML ». Les 10 millions d'euros restants nécessaires devront être apportés par l'Agence sur son exploitation. Toutefois, au-delà de ce projet, des montants supplémentaires devront nécessairement être investis à l'avenir dans le développement de la capacité vidéo de l'AFP car celle-ci a vocation à constituer son coeur de métier ;

- le développement du fil arabe de l'Agence ;

- la numérisation des archives de l'Agence , le projet « 4XML » pouvant constituer un outil utile dans ce domaine. Un partenariat avec la Réunion des musées nationaux pourrait être envisagé pour développer les archives sur le support photo ;

- faire de l'AFP une agence incontournable dans la couverture de l'information sportive , qui constitue un service potentiellement très rémunérateur. À terme, compte tenu de son expérience et de son excellente réputation en la matière, il convient de garantir à l'AFP le leadership de l'information sportive internationale, à l'image de la position dominante dont jouit Reuters dans le domaine de l'information financière ;

- développer la présence de l'AFP sur les interfaces mobiles . À cet égard, l'AFP doit se mettre au niveau de ses concurrents, AP et Reuters .

Les projets de développement de l'outil vidéo et la numérisation des archives sont susceptibles de bénéficier d'un soutien financier dans le cadre du grand emprunt qui pourrait constituer un effet de levier opportun. Le fonds stratégique d'investissement pourrait également être sollicité pour accompagner le financement des autres projets de développement de l'Agence, dans une logique de co-investissement et de financements croisés avec des organismes publics et privés divers.

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