N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2010

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (1) sur le projet de loi de finances pour 2011 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME VI

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Par MM. Michel HOUEL et Daniel RAOUL,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Paul Emorine , président ; MM. Gérard César, Gérard Cornu, Pierre Hérisson, Daniel Raoul, Mme Odette Herviaux, MM. Marcel Deneux, Daniel Marsin, Gérard Le Cam , vice-présidents ; M. Dominique Braye, Mme Élisabeth Lamure, MM. Bruno Sido, Thierry Repentin, Paul Raoult, Daniel Soulage, Bruno Retailleau , secrétaires ; MM. Pierre André, Serge Andreoni, Gérard Bailly, Michel Bécot, Joël Billard, Claude Biwer, Jean Bizet, Yannick Botrel, Martial Bourquin, Jean Boyer, Jean-Pierre Caffet, Yves Chastan, Alain Chatillon, Roland Courteau, Jean-Claude Danglot, Philippe Darniche, Marc Daunis, Denis Detcheverry, Mme Évelyne Didier, MM. Michel Doublet, Daniel Dubois, Alain Fauconnier, Alain Fouché, Serge Godard, Francis Grignon, Didier Guillaume, Michel Houel, Alain Houpert, Mme Christiane Hummel, M. Benoît Huré, Mme Bariza Khiari, MM. Daniel Laurent, Jean-François Le Grand, Philippe Leroy, Claude Lise, Roger Madec, Michel Magras, Hervé Maurey, Jean-François Mayet, Jean-Claude Merceron, Jean-Jacques Mirassou, Jacques Muller, Robert Navarro, Louis Nègre, Mmes Renée Nicoux, Jacqueline Panis, MM. Jean-Marc Pastor, Georges Patient, François Patriat, Jackie Pierre, Rémy Pointereau, Ladislas Poniatowski, Marcel Rainaud, Charles Revet, Roland Ries, Mmes Mireille Schurch, Esther Sittler, Odette Terrade, MM. Michel Teston, Robert Tropeano, Raymond Vall, René Vestri.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 13 ème législ.) : 2824, 2857, 2859 à 2865 et T.A. 555

Sénat : 110 et 111 (annexe n° 22 ) (2010-2011)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Cette année comme les trois précédentes, et conformément aux engagements pris par le Président de la République pour la période 2007-2012 , les crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche constituent une priorité budgétaire du Gouvernement . Neuf milliards d'euros supplémentaires auront ainsi été mobilisés sur la période pour ce secteur stratégique en vue de retrouver une croissance conséquente et durable.

Ainsi, les moyens de la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (MIRES), dont on rappelle qu'elle concerne pas moins de six ministères 1 ( * ) et compte dix programmes 2 ( * ) , sont à nouveau en progression, de 468 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2011. Il en va de même pour ceux d'entre eux plus spécifiquement consacrés à la recherche, qui augmentent de 268 millions d'euros .

Mais ces dotations budgétaires ne résument pas l'intégralité des moyens affectés à la recherche. Il faut en effet leur adjoindre, pour rendre compte de l'effort global consacré à celle-ci, l'ensemble des crédits ouverts à son profit par la loi de finances rectificative du 9 mars 2010 au titre du « grand emprunt » . Soit 21,9 milliards d'euros sur une enveloppe totale de 35 milliards d'euros, qui font de la MIRES la principale mission bénéficiaire de cet ambitieux plan destiné à financer les investissements propres à accroître le potentiel de croissance de notre économie.

Il convient par ailleurs de réserver une place spécifique , au sein des dépenses consacrées à la recherche, à celles alimentant le mécanisme du crédit d'impôt recherche (CIR). Estimées à 4,8 milliards d'euros en 2010 , et attendues à 4,95 milliards d'euros en 2011 si le régime du crédit d'impôt reste inchangé, elles en font la première dépense fiscale de l'État . Un statut qui a incité pas moins de quatre institutions différentes, dont chacune des assemblées parlementaires, à se pencher cette année sur ce dispositif et rendre un rapport en dressant les avantages, mais aussi les limites.

C'est ainsi qu'après avoir procédé à une présentation générale de l'évolution des crédits de la MIRES pour l'exercice 2011, et plus spécifiquement de ceux de ses crédits consacrés à la recherche , le présent rapport pour avis se propose de concentrer son analyse sur la situation du programme d'investissement d'avenir un an après son adoption, puis de revenir sur l' évolution du CIR à travers les différentes études qui l'ont abordé récemment.

I. LES MOYENS BUDGÉTAIRES ALLOUÉS À LA RECHERCHE PUBLIQUE

A. QUELQUES ÉLÉMENTS DE CONTEXTE

Ce projet de budget pour 2011 intervient, en matière de recherche comme de façon plus générale, dans un contexte difficile lié à la crise économique et à ses effets négatifs sur l'incitation à l'investissement.

Cet environnement particulièrement contraint pèse à la fois sur les dépenses de recherche et développement (R & D) des entreprises françaises, mais également européennes, ce qui a justifié la publication par les institutions communautaires d'un récent plan en faveur de l'innovation.

1. Des dépenses de R & D des entreprises françaises à la traîne

Dans sa note de veille du mois d'avril, le Conseil d'analyse stratégique (CAS) présente une comparaison des investissements en recherche et développement (R & D) aux États-Unis et en France. Les premiers se sont élevés en 2008 à 272 milliards d'euros, contre « seulement » 39 milliards d'euros pour les seconds. Si cet écart est bien évidemment dû à une différence d'échelle entre les deux pays, il s'explique également par d'autres facteurs plus inquiétants.

Rapporté au PIB, l'investissement global en R & D varie en France autour de 2 % - contre 2,8 % aux États-Unis - , loin de l'objectif de 3 % fixé par la stratégie de Lisbonne en vue de mettre en place une véritable « économie de la connaissance ». En outre, sur les quinze dernières années, la position de la France s'est fragilisée : les dépenses en R & D de ses entreprises ont progressé à un rythme annuel en volume près de deux fois inférieur à celui des États-Unis.

Selon le CAS, ces mauvais résultats s'expliquent avant tout par un positionnement sectoriel inadapté . Sur un échantillon regroupant les 1 350 plus gros budgets mondiaux de R & D, 6 % des entreprises françaises sont des sociétés de forte intensité technologique (technologie, télécommunications, santé ...), contre 25 % des entreprises américaines.

La faible intensité en R & D des entreprises de taille intermédiaire (ETI) 3 ( * ) constitue un autre handicap pour l'innovation française. Dans le secteur manufacturier, cette intensité est, pour les petites et moyennes entreprises (PME) de plus de 50 salariés et les ETI, de 40 % à 50 % inférieure à leurs homologues américaines.

Afin de remédier à cette situation, le CAS préconise un meilleur ciblage des aides publiques , en particulier du CIR, sur la R & D des entreprises de taille moyenne et intermédiaire.

2. Un recul des dépenses de R & D des entreprises européennes motivant la publication d'un plan européen pour l'innovation

Crise oblige, les dépenses en R & D des grandes entreprises européennes ont chuté de 2,6 % en 2009 4 ( * ) . Cette baisse, si elle est non négligeable, reste cependant bien inférieure à celle qu'ont connue les États-Unis, où la chute a été de 5,1 %. Elle est toutefois supérieure à la moyenne mondiale, dont le recul est de 1,9 %, et à la stabilité enregistrée au Japon. Elle fait par ailleurs suite à une tendance positive marquée, les quatre années précédentes, par une croissance dépassant nettement les 5 % chaque année.

Des différences notables peuvent être relevées d'un secteur à l'autre . Ainsi, les investissements en R & D ont continué d'augmenter dans les secteurs des énergies alternatives (+ 28,7 %) et pharmaceutique (+ 5,3 %), là où ils diminuaient considérablement dans les secteurs des véhicules et pièces détachées automobiles (- 11,6 %) et des technologies, du matériel électronique et de l'équipement informatique (- 6,4 %).

Ce déficit global de dépenses en R & D préoccupe les autorités européennes . Selon une étude publiée par la Commission européenne, porter les investissements en R & D à 3 % du PIB - objectif inscrit dans la stratégie de croissance « Europe 2020 » - pourrait créer 3,7 millions d'emplois et augmenter le PIB annuel de 795 milliards d'euros d'ici 2025.

Estimant à cet égard que l'Europe était confrontée à « une situation d'urgence en matière d'innovation », la commissaire européenne à la recherche, l'innovation et la science, Mme Máire Geoghegan-Quinn, a présenté le 6 octobre dernier sa nouvelle stratégie intitulée « l'Union de l'innovation » , dont les orientations devraient être débattues lors du Conseil européen de décembre.

Attendu de longue date, ce texte propose d'aider les États membres à puiser dans les 86 milliards d'euros destinés à la recherche et l'innovation, d'orienter les fonds structurels et les marchés publics vers l'innovation, de créer un nouveau régime transfrontalier de capital-risque, d'étendre le mécanisme de financement avec partage des risques de la Banque européenne d'investissement (BEI), et d'inciter les gouvernements à prévoir des budgets dédiés à l'achat de produits et de services innovants.


* 1 En charge respectivement de l'enseignement supérieur et de la recherche ; de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer ; de l'économie, de l'industrie et de l'emploi ; de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche ; de la défense ; et de la culture et de la communication.

* 2 Voir infra .

* 3 Catégorie intermédiaire entre les petites et moyennes entreprises (PME) et les grandes entreprises, les ETI ont entre 250 et 4 999 salariés, et soit un chiffre d'affaires n'excédant pas 1,5 milliard d'euros, soit un total de bilan n'excédant pas 2 milliards d'euros.

* 4 Les chiffres suivants sont issus du tableau de bord sur les investissements en R & D industrielle, publié chaque année par le Centre commun de recherche de la Commission européenne. Il fournit des informations sur les investissements en R & D des 1 400 principales entreprises mondiales.

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