B. LA COORDINATION DES MOYENS DE SECOURS

Le programme 128 concrétise la mission de l'Etat telle que l'a fixée la loi de modernisation du 13 août 2004 : garant de la cohérence de la sécurité civile au plan national et chargé d'en définir la doctrine et les moyens.

Le directeur de la sécurité civile tire à cet égard deux enseignements majeurs des deux grandes catastrophes naturelles survenues depuis le début de cette année 2010, la tempête Xynthia (27 et 28 février) et les inondations dans le Var (15 juin) :

1. « Sans transmission opérationnelle assurant l'interconnexion des acteurs, il ne peut y avoir de gestion de crise efficace . » 6 ( * )

D'où l'importance du programme ANTARES et du projet SAIP (système d'alerte et d'information des populations) dont le déploiement est poursuivi dans le cadre du programme 128.

2. Il souligne « le rôle essentiel de la coordination de l'échelon zonal dans la gestion de crise » 7 ( * ) et rappelle, à cet égard, la création des conseillers techniques zonaux par le décret du 4 mars 2010 relatif aux pouvoirs des préfets de zone de défense et de sécurité.

La mission d'information créée par le Sénat, le 30 mars 2010, sur les conséquences de la tempête Xynthia a pointé l'importance de la coordination des secours dans la survenance des catastrophes. Elle a tiré les conséquences des dysfonctionnements intervenus dans la gestion de cet événement en proposant diverses pistes d'amélioration de cette fonction éminente : au-delà de la généralisation programmée du passage des SDIS au réseau ANTARES, le rapporteur de la mission, notre collègue Alain Anziani, formule plusieurs préconisations 8 ( * ) dont :

« - dédier une ou deux fréquences aéronautiques nationales aux secours ;

- rendre les moyens de communication compatibles entre les SDIS, les services de la gendarmerie et les personnels militaires ;

- établir et structurer une coopération entre les services déconcentrés de l'Etat et les gestionnaires de réseaux et entre les opérateurs de téléphonie mobile, France Telecom et ERDF pour rétablir le plus rapidement possible les communications en cas de catastrophe naturelle . »

Rappelons que la tempête Xynthia a provoqué de graves perturbations des moyens de communication dont le réseau de téléphonie fixe et mobile, handicapant les moyens engagés : la mission relève ainsi que « pendant douze heures, les services de secours de Vendée n'ont disposé que d'une seule ligne fixe. »

Les crédits affectés au programme 128 s'élèvent à 200,17 millions € en AE (contre 180,55 millions € en 2010, soit + 11,25 %) et à 170,73 millions € en CP (contre 195,94 millions €, soit - 13,22 %).

2011 sera marquée par le lancement des travaux du projet SAIP (système d'alerte et d'information des populations).

Numéro
et intitulé de l'action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

PLF 2010

PLF 2011

Evolution %

PLF 2010

PLF 2011

Evolution %

01

Préparation et gestion des crises

9 835 495

53 585 495

+ 444,82

11 940 495

9.664 130

- 19,06

02

Coordination des acteurs de la sécurité sociale

123 108 725

132 602 760

+ 7,71

136 045 907

146 234 794

+ 7,49

03

Soutien à la politique de sécurité civile

13 693 269

13 984 602

+ 2,13

13 893 269

14 134 602

+ 1,74

Total

146 637 489

200 172 857

+ 36,51

161 879 671

170 033 526

+ 5,04

1. Préparation et gestion des crises

C'est au titre de l'action 1 que sont inscrits les crédits finançant les colonnes de renfort mises à disposition des préfets de zone de défense en cas de catastrophe majeure : ces détachements sont composés de sapeurs-pompiers des SDIS et sont remboursés par l'Etat.

- la dotation de 3,26 millions d'euros en AE et CP correspond à 12.062 hommes-jours au coût unitaire de 270 €. Elle permettra de prendre en charge :

- les dépenses de personnels calculées sur la base de vacations versées aux sapeurs-pompiers volontaires ;

- les dépenses liées aux trajets effectués par les colonnes de renfort.

En 2009-2010, les colonnes de renfort ont été engagées :

- en Guyane (septembre 2009 - mars 2010) ;

- en Haïti (janvier-février 2010) ;

- dans l'ouest à la suite de la tempête Xynthia ;

- dans le Var lors des inondations du 15 juin ;

- dans la campagne feux de forêts avec un renfort de 6.300 hommes-jours dont 4.400 hommes-jours pour les seuls renforts prévisionnels (destinés aux opérations de quadrillage) en 2009, et 9.900 hommes-jours (5.800 hommes-jours prévisionnels) au 15 septembre 2010. Le crédit inscrit pour 2011 sera-t-il suffisant ?

Notons une enveloppe de 0,36 million d'euros en AE et CP destinés à apporter des secours d'extrême urgence aux victimes de calamités publiques .

Le renforcement des moyens d'intervention en matériels et équipements spécialisés dans la lutte contre la menace NRBC est financé à hauteur de 2,32 millions d'euros en AE et CP ; il a été programmé dans le cadre de la LOPPSI.

Les crédits inscrits en loi de finances permettront notamment de poursuivre le renforcement de la couverture du territoire en moyens mobiles de décontamination par l'achat, en 2011, de sept chaînes de décontamination mobiles destinées respectivement aux formations militaires de la sécurité civile, à la BSPP (brigade de sapeurs-pompiers de Paris) et aux SDIS des Alpes maritimes, de Gironde, du Nord, du Rhône et de la Seine-Maritime. Ce déploiement se poursuivra jusqu'en 2013 (4 unités programmées en 2012 et 30 en 2013).

Le budget attribue 0,83 million d'euros à l'entretien du réseau national d'alerte , dans l'attente de la mise en place du nouveau système d'alerte et d'information des populations.

Le SAIP (Système d'Alerte et d'Information des Populations)

Deux fonctions sont assignées à ce nouveau système destiné à être déclenché lors de la survenance de tous types de risques majeurs, comme le prévoit le livre blanc sur la défense et la sécurité nationale :

- l'alerte traditionnelle (assurée aujourd'hui par le réseau national d'alerte (RNA) ;

- l'information des populations pour préciser les consignes de sécurité et donner des indications sur l'évolution de l'événement.

A cette fin, le projet prévoit, d'une part, la mise en réseau des sirènes de l'Etat, des collectivités locales et des entreprises soumises à PPI (plan particulier d'intervention) et, d'autre part, l'utilisation de moyens d'alerte et d'information individuel (SMS, GSM...). Précisons que le partenariat entre l'Etat et le service public Radio France et France Télévision sera maintenu.

Un recensement national des moyens d'alerte et d'information effectué durant le premier semestre 2010 a fait apparaître un parc de 10.306 sirènes, plus de 500 automates d'appels et 3.213 panneaux à messages variables urbains.

L'état du projet

D'après les renseignements recueillis par votre rapporteur, les travaux en cours visent à la mise en place d'une infrastructure technique permettant la mise en réseau des moyens existants, le raccordement de nouveaux vecteurs de diffusion des messages sur la base des besoins exprimés dans chaque département au regard des risques identifiés.

Un appel d'offre devrait être lancé au 1 er semestre 2011.

Notons que le dispositif d'alerte spécifique aux tsunamis -le Centre national d'alerte aux tsunamis qui doit être implanté sur le site du CEA (Commissariat à l'énergie atomique) de Bruyères-le-Châtel dans l'Essonne devrait être opérationnel mi-2012 d'après la précision apportée à votre rapporteur par le ministère de l'intérieur. Il s'appuiera sur le SAIP.

L'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques suit ce dossier dans lequel notre collègue Roland Courteau est particulièrement impliqué. A son initiative et celle de l'ancien sénateur Jean-Claude Etienne, l'office a organisé le 7 juillet 2010 une audition publique réunissant les différentes parties à ce dossier, pour mesurer le degré de préparation de notre pays à la survenance d'un tremblement de terre, associé le cas échéant à un tsunami 9 ( * ) .

Votre rapporteur regrette, cependant, la disparition, à l'issue des arbitrages budgétaires, de la participation pour 2011 du ministère de l'intérieur au projet de CRATANEM (1,2 million d'euros en AE et 1,7 million d'euros en CP). Ses conséquences sont, aujourd'hui, difficiles à évaluer.

2. Un dossier préoccupant : l'école nationale supérieure des officiers des sapeurs-pompiers

La dotation inscrite au titre de l'action 2: coordination des acteurs de la sécurité civile comprend notamment la subvention de l'Etat au budget de fonctionnement de l'école nationale supérieure des officiers de sapeurs-pompiers (ENSOSP).

Quel avenir pour l'ENSOSP ?

En premier lieu, la question immobilière semble réglée et offrir à l'établissement les fonctionnalités nécessaires aux formations dispensées :

- le plateau technique de Vitrolles fonctionne depuis septembre 2008 ;

- le pôle pédagogique d'Aix-en-Provence, achevé en décembre 2009, est entré en service au début du mois de février 2010.

- un simulateur d'urgence est opérationnel depuis la fin de l'année 2009 ; l'école est équipée de simulateurs sur le plateau technique (accidents), sur le pôle pédagogique et d'un simulateur d'urgence extrahospitalière pour la formation des médecins et des infirmiers, tous opérationnels.

- à la fin de l'année 2011, un bâtiment de 70 chambres devrait être réhabilité.

5 missions ont été fixées à l'établissement :

1. la formation initiale et continue des officiers de sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ;

2. des formations destinées aux élus, cadres des entreprises, experts français et étrangers ;

3. l'animation du réseau des écoles de sapeurs-pompiers ;

4. la recherche, les études, l'évaluation, la prospective, la veille technologique et la diffusion de l'information ;

5. le développement d'actions de coopération internationale.

Pour l'instant, seule la première d'entre elles est entièrement assurée ; les quatre autres sont « en veilleuse », les deux dernières étant, cependant, amorcées. L'école a déjà conclu une quinzaine de conventions bilatérales et développé des liens particuliers avec certains pays dont l'Espagne et l'Algérie. Le cadre européen est jugé prioritaire car l'école a vocation à être un des leaders pour les modules de formation communautaires.

Elle s'inscrit dans la volonté affichée de mettre en place un institut européen de formation « hors murs » auquel chaque pays apporterait sa compétence : pour sa part, l'ENSOSP peut transmettre son expertise en matière de lutte contre les feux de forêts, de menace NRBC, de séismes, de gestion opérationnelle.

Le corps enseignant est constitué par un vivier de 1 200 intervenants.

Votre rapporteur note le renforcement de la coopération entre l'ENSOSP et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) qui se concrétise par des missions de soutien pédagogique ou d'évaluation du dispositif de formation pour les officiers professionnels.

La coopération n'est pas à sens unique puisque des intervenants de l'ENSOSP sont mis à disposition du CNFPT.

L'activité de l'école monte en puissance avec un total de 70.367 journées stagiaires en 2009 et 88.175 jours stagiaires projetés en 2010.

Le contrat d'établissement est en cours d'élaboration. Il devrait être signé au 1 er semestre 2011 par l'Etat, le CNFPT et l'ENSOSP. Il devra fixer, sur une base triennale, les objectifs de l'école et présenter les moyens nécessaires à son fonctionnement pour la période 2011-2013.

Le budget de l'école pour 2010 s'élève à 27,15 millions € dont 26,48 millions € en fonctionnement.

Le budget de l'école est alimenté par :

1. Les facturations de prestation aux SDIS (10 millions €)

2. La dotation CNFPT comprenant la cotisation et la surcotisation prélevées sur la masse salariale des SDIS (10 millions €)

3. La subvention de l'Etat (4 millions €)

4. Ressources propres

La subvention de fonctionnement de l'Etat est encore inscrite dans le budget 2011 pour un montant de 3,48 millions d'euros en AE et CP.

101,14 millions € ont été consacrés à la construction de l'école (terrains, constructions, véhicules, mobilier informatique).

Mais votre rapporteur manifeste son extrême inquiétude pour l'avenir de l'école puisque le Gouvernement a annoncé qu'au regard de la nature juridique de cet établissement qui ne sera plus considéré à compter de 2011 comme un opérateur de l'Etat, celui-ci cessera totalement de le subventionner à partir de 2013.

En effet, il fait valoir que l'un des trois critères d'attribution de la qualité d'opérateur de l'Etat 10 ( * ) n'est pas rempli : la participation financière de l'Etat n'est pas majoritaire dans le budget de l'école.

Votre rapporteur rappelle, cependant, que l'ENSOSP est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministre chargé de la sécurité civile 11 ( * ) .

Quel sera alors la pérennité de cet établissement et la qualité de ses formations ? Pourtant, le projet d'établissement de l'ENSOSP affirme que « les orientations stratégiques du projet, validées par le Conseil d'administration de l'ENSOSP le 26 juin 2009 et déclinées dans ce document, scellent une volonté commune de l'Etat, du CNFPT et de l'Ecole de concourir à la réalisation de ces missions dans les meilleurs conditions . »

Alors que veut l'Etat ?

C'est la formation de l'encadrement du secours en France qui est en jeu et partant la sécurité du territoire et des populations.

L'Etat doit informer la représentation nationale de ses projets concernant l'avenir de cette école d'autant que, par la voix du ministre de l'Intérieur, il a ouvert le chantier des parcours professionnels des officiers supérieurs qui, a-t-il précisé, « se construit dès la scolarité à l'ENSOSP » 12 ( * ) .

L'une des voies qui s'ouvre à l'établissement pour assurer sa position d'école de référence doit être son ouverture à l'international. Elle suppose que l'école soit en mesure d'assurer la qualité de ses enseignements et le volume correspondant aux demandes. La même observation peut être formulée pour sa mission de formation des experts et des cadres d'entreprise.

3. Le fonds d'aide à l'investissement des SDIS (FAI) : le réservoir financier d'ANTARES

Ce fonds a été créé par la loi de finances pour 2003 en remplacement de la majoration exceptionnelle de la dotation globale d'équipement des SDIS pour soutenir ces services dans leurs efforts d'investissement en équipements et matériels.

Le fonds est réparti entre les zones de défense en fonction de la population DGF des départements sur décision du préfet de zone après avis d'une commission composée notamment des présidents des SDIS de la zone. Une circulaire annuelle invite les préfets de zone à orienter des décisions des commissions vers des investissements lourds et/ou structurants ou vers des opérations d'intérêt interdépartemental ou national comme la migration vers l'infrastructure ANTARES (en 2010, 80,67 % des crédits des FAI ont été attribués aux transmissions et à l'informatique, dont 88,30 % pour le financement des équipements complémentaires à ANTARES).

Cette année, encore, la dotation inscrite en loi de finances (action 2 du programme 128) diminue, confirmant l'évolution amorcée en 2007.

Année

AE (en millions d'euros)

CP (en millions d'euros)

2003

45

45

2004

54

45

2005

61,45

65

2006

67

64,85

2007

37,5

37,5

2008

27,65

27,65

2009

23,37

23,37

2010

21,36

21,36

Le Gouvernement prélève une fraction du fonds pour financer les infrastructures du projet ANTARES (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) (pylones). Le concours arrêté pour 2011 s'élève à 11,55 millions d'euros (contre 7,5 millions d'euros en 2009 et 4,6 millions d'euros en 2010) soit 54,07 % de la dotation 2011.

En conséquence, le montant résiduel pour les autres équipements lourds et/ou structurants apparaît très contraignant pour l'investissement des SDIS. Il serait, alors, regrettable que les projets soient bloqués en raison d'un financement insuffisant de la part de l'Etat.

Soulignons qu'à la suite de discussions conduites entre le ministère de l'intérieur et les départements, les frais de fonctionnement du réseau ANTARES devraient être répartis entre les services de police pour les deux-tiers et les SDIS pour le 1/3 restant.

ANTARES

Réseau de radiocommunications numériques mis en place par l'Etat pour permettre l'interopérabilité des réseaux de communication des services publics participant aux missions de sécurité civile.

Il doit couvrir l'ensemble du territoire national à l'horizon 2014.

A ce jour, un tiers des sapeurs-pompiers ont migré vers le numérique en 2010.

Le parc de postes radio des sapeurs-pompiers utilisant ANTARES est de 44 %.

D'après les estimations, il sera équipé ou en cours d'équipement à plus de 60 % en 2011 et couvrira alors 80 % de la population.

ANTARES améliore l'intervention des secours par sa rapidité de transmission et la coordination des intervenants par leur mise en réseau, la géolocalisation des véhicules.

Rappelons que par l'adoption d'un amendement de votre commission des lois, sur la proposition de son rapporteur, notre collègue Jean-Pierre Vial, à la loi du 26 octobre 2009 transférant aux départements les parcs de l'équipement, ces collectivités ont la faculté de raccorder leur service des routes à ANTARES et ainsi de mieux coordonner les interventions en cas d'accidents.


* 6 Cf. projet annuel de performance 2011, p. 155.

* 7 Cf. projet annuel de performance 2011, p. 155.

* 8 Cf. rapport d'information n° 647 (2009-2010)- Xynthia : une culture du risque pour éviter de nouveaux drames.

* 9 Cf. rapport n° 653 (2009-2010) de MM. Jean-Claude Etienne et Roland Courteau.

* 10 Les trois critères sont : une activité de service public, un financement assuré majoritairement par l'Etat, un contrôle direct assuré par celui-ci.

* 11 Cf. décret n° 2004-502 du 7 juin 2004.

* 12 Cf intervention de M. Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales devant le congrès de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (Angoulême, 25 septembre 2010).

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