E. LA PROBLÉMATIQUE DES AUDIENCES DÉLOCALISÉES ET DU RECOURS À LA VISIO-CONFÉRENCE

Le développement du recours aux audiences délocalisées et à la visioconférence vise à réduire les coûts en ressources humaines et financières liés aux nombreuses escortes nécessaires entre les zones d'attente ou les centres de rétention et les juridictions.

Actuellement, en ce qui concerne les centres de rétention administrative, seuls les sites de Coquelles (depuis 2008) et du Canet (depuis le 1er mars 2009) permettent la tenue d'audiences délocalisées. Ce sont ainsi en 2009 environ 3600 audiences qui se sont tenues dans des salles à proximité de ces deux CRA, et environ 1800 au premier semestre 2010 .

Il n'existe par ailleurs qu'une salle d'audience délocalisée en zone d'attente, au sein de la zone d'attente de l'aéroport Roissy Charles de Gaulle. Construite en 2001, elle n'a jamais été utilisée du fait de l'opposition des magistrats du TGI de Bobigny . Un projet d'aménagement complémentaire a été étudié par les ministères de la justice, de l'intérieur et de l'immigration au cours du premier semestre 2010 afin de répondre à certaines demandes des magistrats. Il pourrait permettre l'utilisation effective de cette salle. Une décision relative à ce projet sera prise au deuxième semestre 2010.

Concernant la visioconférence, sur l'ensemble des centres de rétention administrative métropolitains actuellement gérés par la police aux frontières, quatre sont équipés pour la visioconférence : Lille Lesquin 2, Plaisir, Lyon Saint-Exupéry et Toulouse Cornebarrieu. Les systèmes sont installés dans divers lieux publics (salle de visite, salle d'attente) situés dans l'enceinte du site. Toutefois, aucun n'a recours à la visioconférence pour la tenue des audiences devant le juge des libertés et de la détention .

Cette utilisation très modérée des audiences délocalisées et cette absence de mise en oeuvre de la visioconférence au sein des centres de rétention administrative est la conséquence de trois arrêts de la Cour de Cassation rendus le 16 avril 2008 relatifs à des demandes de prolongation de rétention. Celle-ci a en effet considéré que si l'article L. 552-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) permet au juge des libertés et de la détention de statuer dans une salle d'audience aménagée à proximité immédiate du lieu de rétention, « la proximité immédiate exigée par l'article L. 552-1 du CESEDA est exclusive de l'aménagement spécial d'une salle d'audience dans l'enceinte d'un centre de rétention ».

En outre, dans une réponse ministérielle du 22 juin 2010, la ministre de la Justice a précisé qu'en l'état des dispositions de l'article L. 552-12 du CESEDA et d'une décision du Conseil constitutionnel en date du 20 novembre 2003 sur la loi du 26 novembre 2003, la décision du juge, prise sur une proposition de l'autorité administrative, de tenir l'audience en visioconférence n'est possible qu'à la seule condition que l'étranger, dûment informé dans une langue qu'il comprend, ne soit pas opposé à cette mesure . La ministre indique également que « la réflexion sur le développement de l'utilisation de la visioconférence dans ce domaine doit s'inscrire au regard des principes que le Conseil constitutionnel a eu l'occasion de rappeler et des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, rappelées par la Cour européenne par une décision en date du 5 octobre 2006 ».

Ainsi, deux salles d'audiences situées dans l'enceinte des centres de rétention de Marseille et Toulouse sont inutilisées. La salle d'audience du CRA de Nîmes, configurée au sein du centre, n'a pas été mise en service.

Toutefois, à la suite d'un amendement parlementaire, le texte de la LOPPSI, en cours d'examen en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, comporte un article 36B prévoyant une modification de l'article L. 552-1 du CESEDA afin de permettre la tenue d'audiences au sein même des centres de rétention . En revanche, le Sénat n'a pas accepté la tenue d'audiences dans ces salles par visioconférence sans le consentement de l'étranger, comme le prévoyait le 2° de l'article. Notre collègue Jean-Patrick Courtois, rapporteur, a en effet estimé que « la suppression de la faculté, pour l'étranger, de s'opposer à la tenue d'une audience par des moyens de communication audiovisuelle, risque fortement d'être invalidée par le Conseil constitutionnel, qui a estimé que cette faculté comptait parmi les éléments permettant de conclure à l'absence d'atteinte au procès équitable ». Cette modification a été validée par la commission des lois de l'Assemblée nationale en seconde lecture.

En tout état de cause, dans le cadre de la construction de deux nouveaux centres de rétention au Mesnil-Amelot (Seine et Marne), en application des dispositions de l'article L. 552-1 du CESEDA, l'utilisation d'une salle d'audience à proximité permettra au juge des libertés et de la détention de statuer, le ministère de la justice et des libertés ayant donné son accord à cette réalisation.

Il convient par ailleurs de noter que si la visioconférence n'est pas utilisée pour les audiences devant le JLD, elle est cependant utilisée à Lyon Saint-Exupéry, dans un autre cadre, celui des entretiens OFPRA faisant suite à une demande d'asile . L'installation fonctionne depuis le 14 février 2008. A l'issue de travaux d'isolation phonique du bâtiment modulaire utilisé et après formation des officiers de l'OFPRA, le procédé a été totalement accepté et a pris sa pleine mesure courant mai 2008.

La Police aux frontières évalue à 1,3 million d'euros par an le coût de la présentation des étrangers retenus devant le juge, dont environ 850 000 euros pour les escortes des centres de rétention aux juridictions administratives ou judiciaires, mais aucune étude précise n'a été pour le moment réalisée sur l'économie qui pourrait être réalisée par une extension des audiences délocalisées et des recours à la visioconférence. En tout état de cause, il est nécessaire que soient levées certaines incertitudes, parmi lesquelles l'adoption définitive de la LOPPSI et de la disposition autorisant la tenue d'audiences au sein des CRA et l'engagement du personnel de justice d'utiliser les salles d'audience et le matériel de visio-conférence.

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