B. DES AVANCÉES IMPORTANTES EN MATIÈRE DE VIDÉOSURVEILLANCE

Comme votre rapporteur en a fait le constat dans son rapport d'information 6 ( * ) , coécrit avec M. Charles Gautier, l'Etat se tenait encore récemment en retrait vis-à-vis du développement de la vidéosurveillance, se contentant de fixer le cadre juridique tandis que les collectivités locales et les personnes privées déterminaient elles-mêmes leurs propres besoins en la matière. Cependant, à l'été 2007 a été lancé un plan national de développement de la « vidéoprotection » sous l'impulsion de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, avec comme objectif de passer de 20.000 à 60.000 caméras surveillant la voie publique en deux ans. L'Etat a ainsi choisi de participer de manière volontariste à l'extension des systèmes de vidéosurveillance.

Il s'appuie désormais notamment sur les résultats d'une étude de l'IGA/IGPN/IGN de juillet 2009 qui montre une certaine corrélation entre l'installation de la vidéosurveillance et la baisse de la délinquance, sans néanmoins que cette étude permette nettement d'isoler le facteur vidéosurveillance des autres facteurs susceptibles d'avoir également une influence. Le Président de la République a ainsi accéléré en 2009 la mise en place du plan national de la vidéoprotection .

Le nombre de caméras autorisées par les préfets pour visionner la voie publique était, au 31 décembre 2009, de 33 374. Si l'on exclut les caméras visionnant les abords immédiats d'un bâtiment, dont le nombre précis est difficile à établir, on peut considérer que le nombre de caméras utilisées à des fins de surveillance de la voie publique est d'environ 25 000.

Par ailleurs, la livraison de la plateforme d'exploitation visant à permettre aux services d'enquête de stocker et d'analyser des données vidéo devrait intervenir progressivement à partir de la fin de l'année 2011. Le déploiement de moyens de vidéoprotection dits « nomades » a débuté en 2010 avec la livraison d'un véhicule capable de retransmettre des images sur de longues distances ; un deuxième véhicule sera acquis en 2011. De plus, pour protéger et sécuriser les interventions des fonctionnaires de police, 2813 micro-dispositifs individuels seront déployés en 2011 (pour environ 1 million d'euros) ainsi que 1 000 dispositifs embarqués sur les véhicules (pour 1,4 millions d'euros).

Surtout, le marché de partenariat public-privé pour la vidéoprotection de Paris a été notifié en juillet 2010 . Les premières caméras seront mises en service à l'été 2011, en plus des 34 caméras déployées en 2010. Le premier loyer correspondant ne sera versé qu'en 2012; en 2011, 600 000 euros de crédits de paiement sont inscrits au titre du plan de vidéoprotection « junior » de 34 caméras mises en place en 2010.

1. La nécessaire mise à jour juridique effectuée par la LOPPSI

Les modifications proposées par le projet de loi, en cours d'examen en seconde lecture par l'Assemblée nationale au moment de l'élaboration du présent avis, concernent le régime de la vidéosurveillance de la voie publique et non celui des lieux et établissements ouverts au public. Elles consistent d'abord dans le fait d'autoriser les personnes morales autres que les autorités publiques à mettre en place un système de vidéosurveillance de la voie publique pour protéger les abords (et non plus les « abords immédiats ») de leurs bâtiments et installations dans les lieux particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol (et non plus seulement les lieux exposés à un risque terroriste) .

Ces deux objectifs relèvent de la prévention des atteintes à l'ordre public et de la recherche des auteurs d'infractions, qui sont, selon le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 94-352 du 18 janvier 1995 relative à la loi LOPS, nécessaires à la sauvegarde de principes et droits à valeur constitutionnelle. Ces objectifs justifient ainsi, selon le Conseil constitutionnel, l'atteinte portée par la vidéosurveillance à l'exercice des libertés publiques constitutionnellement garanties que sont la liberté individuelle (dont le respect de la vie privée fait partie, selon la décision précitée), la liberté d'aller et de venir ainsi que l'inviolabilité du domicile.

En outre, la LOPPSI devrait permettre que des images prises par un système de vidéosurveillance relevant d'une autorité publique soient visionnées par des agents de droit privé (seules les images visionnées en direct sont visées, et non les enregistrements). Concrètement, il s'agit de rendre possible la création de centres de supervision des images communs à plusieurs personnes publiques ou privées, avec un contrat passé entre ces autorités et des prestataires extérieurs pour l'exploitation de systèmes de vidéosurveillance, et ainsi de diminuer le coût du développement de la vidéosurveillance. Cette création de centres de supervision communs suppose ainsi que des agents qui ne relèvent pas de l'autorité ayant obtenu l'autorisation d'installer un système de vidéosurveillance puissent visionner les images.

La LOPPSI prévoit un certain nombre de garanties lorsqu'a lieu une délégation du visionnage d'images de la voie publique :

- la convention passée par l'autorité publique avec l'opérateur chargé du visionnage est agréée par le Préfet ;

- cette convention doit être conforme à une convention-type fixée par voie réglementaire après avis de la commission nationale de la vidéosurveillance ;

- les salariés et agents visionnant les images sont agréés par le Préfet.

Considérant qu'il était nécessaire de sécuriser davantage ce dispositif de délégation, le Sénat a adopté en première lecture, sur proposition de votre rapporteur, un amendement prévoyant que les activités privées de vidéosurveillance seront soumises aux dispositions de la loi du 12 juillet 1983 sur les activités privées de sécurité .

2. Un renforcement attendu du contrôle de la vidéosurveillance

Le rapport précité de votre rapporteur et de notre collègue Charles Gautier a souligné que la récente évolution du rôle de l'Etat vis-à-vis de la vidéosurveillance risquait de susciter une inquiétude, dans la mesure où il serait à la fois le principal utilisateur et bénéficiaire de cette technologie et, à travers les préfets, son autorité régulatrice.

Certes, la police étant une mission exercée en majeure partie par l'Etat, le contrôle et la régulation de tous les moyens mis en oeuvre pour accomplir cette mission doivent être exercés par l'administration. Toutefois, dans la mesure où la vidéosurveillance est susceptible de mettre fin à l'anonymat des allées et venues de tous les citoyens dans l'espace public et ainsi de porter atteinte aux libertés individuelles, il semble raisonnable que son contrôle présente une certaine indépendance par rapport à son principal promoteur.

Ce constat, doublé de celui de l'insuffisance du contrôle exercé par les commissions départementales de vidéosurveillance, avait amené les auteurs du rapport à préconiser de confier à la Commission nationale de l'informatique et des libertés une compétence générale d'autorisation et de contrôle de la vidéosurveillance .

Cependant, il est apparu au cours des auditions menées par votre rapporteur dans le cadre des travaux préparatoires à la LOPPSI que ce transfert intégral des compétences en matière de vidéosurveillance sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public à la CNIL ne serait pas satisfaisant, et qu'il convenait de distinguer entre l'autorisation et le contrôle . En effet :

-le régime actuel d'autorisation par le préfet reste protecteur des libertés individuelles du fait de la précision des dispositions législatives et réglementaires qui encadrent ce régime. Le sérieux de la procédure d'autorisation explique ainsi en partie le faible nombre des plaintes enregistrées à propos des systèmes de vidéosurveillance ;

-l'autorisation préfectorale décentralisée est un gage d'adaptation à la réalité locale, qu'une autorité unique et centralisée ne serait pas à même de prendre en compte de manière aussi efficace. Enfin, la notion de donnée à caractère personnel, qui constitue le fondement de la compétence de la CNIL telle que définie par la loi Informatique et libertés, ne constituerait pas un fondement solide pour une compétence générale de la CNIL en matière de vidéosurveillance dans la mesure où, pour le moment, les systèmes installés, qui ne sont pas combinés avec d'autres traitements de données, ne permettent pas d'identifier automatiquement les personnes filmées.

En revanche, l'intervention de la CNIL dans le contrôle de la vidéosurveillance présenterait de nombreux avantages.

D'abord, la technicité de la matière requiert des contrôleurs professionnels, crédibles face aux responsables des systèmes, aux collectivités et aux entreprises. La CNIL dispose de la compétence et de l'expérience nécessaire pour avoir cette crédibilité. En outre, elle jouit d'une certaine notoriété et sa visibilité est susceptible d'inciter les personnes constatant des abus à les signaler davantage. La commission est d'ailleurs déjà souvent saisie de demandes émanant de personnes qui ne savent pas nécessairement que le contrôle de la vidéosurveillance varie selon les lieux, ouverts au public ou bien privés, dans lesquels les systèmes sont installés, et selon la technologie mise en oeuvre.

Cette option préserverait également les deniers publics. En effet, la CNIL pourrait, lors d'une même opération de contrôle et sans augmentation significative de ses coûts de fonctionnement, vérifier la licéité des traitements de données à caractère personnel et contrôler la conformité des systèmes de vidéosurveillance aux arrêtés préfectoraux les autorisant.

Sur la base de cette analyse, un nouvel équilibre a pu être défini au cours des débats au Sénat , afin de remédier à l'insuffisance du contrôle des dispositifs de vidéosurveillance au regard des atteintes possibles aux libertés individuelles tout en évitant une remise en cause de l'architecture générale du régime en vigueur, et notamment du régime d'autorisation. Cet équilibre, validé, en deuxième lecture, par la commission des lois de l'Assemblée nationale, devrait être préservé jusqu'au vote définitif du texte .

Le contrôle effectué a posteriori par les commissions départementales de la vidéosurveillance sera ainsi renforcé par la possibilité, pour celles-ci, de faire appel en tant que de besoin à la CNIL, qui interviendra alors pour vérifier la conformité des systèmes installés à leur autorisation. Par ailleurs, les contrôles et les sanctions associées concerneront non seulement les systèmes ne respectant pas les conditions fixées par l'arrêté d'autorisation, mais également les systèmes non autorisés. Enfin, la CNIL pourra également contrôler des systèmes de sa propre initiative.


* 6 Rapport d'information consultable à l'adresse suivante : http://intranet.senat.fr/rap/r08-131/r08-131.html

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