C. UN EFFORT SUBSTANTIEL PORTÉ SUR UNE AMÉLIORATION DE LA PRISE EN CHARGE DES MINEURS DÉLINQUANTS

Le recentrage de la PJJ sur les mineurs délinquants et la fin corrélative des prises en charge au civil ont permis à la PJJ, dans un contexte budgétaire contraint, de redéployer des moyens afin d'améliorer la qualité de la prise en charge des mineurs délinquants. D'après les informations communiquées par la DPJJ, les crédits consacrés à l'action n°1 : « prise en charge des mineurs délinquants » ont augmenté de 27% sur la période 2008-2011 .

1. Une amélioration globale des délais de prise en charge

La réduction des délais d'exécution des mesures judiciaires constitue un objectif essentiel, particulièrement en matière pénale, non seulement parce que la mesure a vocation à mettre fin à un trouble à l'ordre public mais également parce qu'il est indispensable qu'elle soit exécutée dans un temps proche de la commission des faits pour qu'elle ait un sens pour le mineur.

En matière pénale, le délai de prise en charge des mineurs s'améliore dans le secteur public de la PJJ pour chaque fonction éducative entre 2006 et 2009 :

- un placement doit pouvoir être réalisé dans des délais très brefs : ce délai, qui était de presque cinq jours en 2002, a été ramené à moins de deux jours et demi en 2009 ;

- en revanche, une mesure à exécuter en milieu ouvert, comme un travail d'intérêt général ou une réparation pénale par exemple, nécessite un temps de préparation (définition du TIG ou de la réparation à faire réaliser par le mineur, identification de la personne publique ou de l'association où sera exécutée la mesure, etc.) : alors que le délai d'exécution de ces mesures était de 55 jours en 2002 et de 54 jours en 2006, il a été ramené à 40 jours en 2009.

Source : DPJJ

La création de bureaux d'exécution des mesures et des peines pour les mineurs (BEX), en permettant de lier le prononcé de la condamnation à sa mise à exécution, contribue à la prise en charge des mineurs dans de plus brefs délais. Au 31 mai 2010, on recensait 56 BEX, trois projets de mise en place sur le territoire national et 62 missions BEX dans les services de la PJJ 12 ( * ) .

Dans les juridictions qui en sont dotées, les délais de convocation auprès du service éducatif désigné par les juridictions pour mineurs ont été réduits : 68% des délais de prise en charge sont immédiats ou inférieurs à sept jours, 24% des délais sont compris entre sept et quinze jours et 8% des délais sont supérieurs à quinze jours.

S'il y a lieu de saluer et d'encourager cette diminution globale des délais de prise en charge des mineurs délinquants, ce constat doit toutefois être nuancé. Tout d'abord, comme l'a indiqué Mme Catherine Sultan, présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille lors de son audition par votre rapporteur pour avis, un juge des enfants rend rarement une ordonnance de placement avant d'avoir effectivement trouvé une place dans un établissement, ce qui explique le très court délai de prise en charge des mineurs faisant l'objet d'une telle mesure. En outre, les données de la PJJ incluent les renouvellements de mesures, pour lesquels il n'y a pas d'attente, ce qui tend à faire diminuer mécaniquement la moyenne. Enfin, s'agissant des mesures réalisées par les services de milieu ouvert (investigation et mesures de milieu ouvert), les données transmises par la DPJJ ne constituent que des moyennes : or, sur certains territoires à « forte densité pénale », on constate de très longs délais d'exécution, pouvant parfois atteindre jusqu'à un an en Île-de-France 13 ( * ) ou dans la région lyonnaise. Dans ces conditions, il n'est pas rare que, sur ces territoires, un mineur réitère des faits de délinquance alors même que la première mesure prise à son encontre n'a pas encore été exécutée.

2. Une attention particulière portée à la prise en charge des mineurs multirécidivistes ou multiréitérants

Depuis l'entrée en vigueur de la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 (dite « loi Perben I »), la PJJ consacre d'importants moyens budgétaires et humains à la prise en charge de mineurs présentant des parcours très déstructurés et ayant commis des passages à l'acte délinquant graves et/ou répétés. Cette prise en charge renforcée est assurée dans des centres éducatifs fermés (CEF) et dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM).

a) Les centres éducatifs fermés (CEF)

Les centres éducatifs fermés (CEF) ont été créés par la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002. Destinés à accueillir des mineurs multiréitérants ou ayant commis des faits d'une particulière gravité, ils permettent de mettre en oeuvre une action éducative très encadrée et contrôlée, axée sur un réapprentissage des savoirs fondamentaux grâce à un partenariat avec l'Éducation nationale et la mise à disposition d'enseignants spécialisés.

Chaque CEF peut accueillir à l'heure actuelle entre 8 et 12 mineurs de 13 à 18 ans ayant commis des crimes ou des délits, placés sous contrôle judiciaire, condamnés à une peine assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve, dans le cadre d'une libération conditionnelle, ou, depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, dans le cadre d'un placement à l'extérieur 14 ( * ) . Dans les faits, la plupart des jeunes sont accueillis dans le cadre d'un contrôle judiciaire et y restent après leur condamnation assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve.

Le placement en CEF est conçu comme une alternative à l'incarcération, en favorisant l'éducation dans un cadre contraint. Les professionnels développent dans ces structures des projets pédagogiques centrés sur la réinsertion des mineurs dans la vie sociale, scolaire et professionnelle. Ces derniers font l'objet d'une surveillance stricte et d'une prise en charge adaptée à leur personnalité. 24 à 27 agents assurent une prise en charge continue 24 heures sur 24, tout au long de l'année. Les infractions commises par les mineurs sont sanctionnées et peuvent conduire à leur incarcération.

En 2010, 450 places de CEF sont disponibles, réparties au sein de 41 CEF en fonctionnement, 32 relevant du secteur associatif et 9 du secteur public. 2 de ces CEF sont situés dans les départements d'outre-mer 15 ( * ) .

Dans le cadre des orientations nationales, la DPJJ a demandé aux directions interrégionales de la PJJ de porter à douze places plus une place « personne à mobilité réduite » la capacité d'accueil pour chacun des CEF, ce qui devrait conduire à une capacité d'accueil totale de 588 places 16 ( * ) .

En 2009, le coût d'une journée de placement en CEF (secteurs public et associatif habilité confondus) a atteint 600 euros par mineur.

Le centre éducatif fermé (CEF) de Doudeville

Votre rapporteur pour avis a visité le CEF de Doudeville (Seine-Maritime) le lundi 15 novembre 2010, accompagné de notre collègue Alima Boumediene-Thiery, membre de la commission des lois.

Dès son ouverture en avril 2007, le CEF de Doudeville, géré par l'association Les Nids, qui s'est impliquée depuis sa fondation en 1931 dans l'accompagnement des enfants et des familles en difficultés, a fait le choix de n'accueillir que des jeunes filles. Un autre CEF, situé à Saint-Denis le Thiboult et géré par la même association, n'accueille quant à lui que des garçons. Mme Colette Bloch, présidente des Nids, a expliqué que la décision d'impliquer l'association dans la gestion de ces CEF avait suscité de très vifs débats au sein de cette dernière, provoquant même le départ de certains adhérents.

Le CEF accueille 10 à 12 adolescentes âgées de 15 à 18 ans dans le cadre d'un contrôle judiciaire, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'un placement extérieur, pour des placements d'une durée de six mois renouvelable une fois. Depuis son ouverture, le centre a ainsi accueilli une soixantaine de jeunes filles. Du fait du faible nombre de filles faisant l'objet d'une mesure de placement, les mineures accueillies viennent de l'ensemble du territoire national, outre-mer inclus.

25,75 équivalents temps plein sont affectés au CEF de Doudeville, parmi lesquels 11,5 éducateurs, un enseignant spécialisé détaché de l'Education nationale, un professeur de sports, un éducateur technique et une conseillère en insertion professionnelle, ainsi qu'une infirmière à mi-temps et une psychologue à trois-quarts temps. En 2009, le prix de journée était fixé à 531,40 euros.

La plupart des mineures accueillies présentent des profils très chaotiques et instables, marqués par des placements en foyers dans l'enfance et des troubles du comportement souvent à la limite de troubles psychiatriques. Environ la moitié d'entre elles ont commis des faits de nature criminelle (actes de barbarie ou viol, notamment), l'autre moitié des faits délictuels répétés ou d'une particulière gravité (proxénétisme aggravé, vols répétés, dégradations, atteintes aux personnes, etc.).

Beaucoup ont des conduites addictives (alcool, stupéfiants) ainsi que des carences en soins (vaccinations, soins dentaires, etc.). Ce constat a conduit le CEF à travailler en étroite collaboration avec le secteur psychiatrique de Rouen et le pôle santé d'Yvetot, notamment.

Le placement en CEF vise à permettre d'inculquer à ces jeunes filles en manque de repères les savoirs fondamentaux de la vie en société dans un cadre contenant. Votre rapporteur pour avis a par exemple pu constater que les portes des pièces dans lesquelles se trouvaient les mineures étaient systématiquement fermées à clé. Un éducateur est présent en permanence. L'équipe de direction du centre a expliqué que cette méthode permettait d'offrir à ces jeunes filles particulièrement instables un cadre rassurant et sécurisant leur permettant de se reconstruire.

L'objectif du travail éducatif mené est de mettre un terme à la logique d'échec et de rupture dans laquelle celles-ci sont fréquemment enfermées. Un travail sur la nature de l'infraction commise et sur l'empathie avec la victime est mis en place. Le discours tenu par les éducateurs a pour but de faire comprendre à la mineure accueillie « qu'elle compte ». Les anniversaires sont par exemple systématiquement fêtés, ce qui peut s'avérer très déroutant pour certaines jeunes filles.

L'objectif d'un placement en CEF étant la réinsertion du mineur dans les dispositifs de droit commun, l'équipe de direction du centre a développé des outils permettant d'élaborer un projet pour chaque mineure accueillie. Tout d'abord, le CEF dispose d'un restaurant d'application dans lequel les mineures sont amenées, à tour de rôle et sous la supervision d'un éducateur technique, à préparer les repas servis au CEF, ce qui leur permet d'acquérir des compétences en ce domaine. En outre, le centre a développé des partenariats avec une cinquantaine de PME offrant la possibilité de placer les jeunes en « stages de découverte professionnelle » à partir du troisième mois de placement - les deux premiers mois étant consacrés à l'observation du mineur. Une scolarisation à l'extérieur peut également être envisagée : dans ce cas, la mineure est systématiquement accompagnée par un éducateur. Un bâtiment est aménagé en studio afin de préparer les jeunes filles à l'autonomie, lorsque leur projet le permet. Enfin, tous les jeunes bénéficient d'un suivi par les services de la PJJ à l'issue du placement, à l'exception des mineures atteignant la majorité pour lesquelles le placement et la prise en charge prennent fin le jour des 18 ans.

Dans 90% des cas, la famille est impliquée dans la démarche éducative mise en oeuvre. Un travail est effectué pour permettre au mineur de se réapproprier son histoire personnelle et familiale, souvent douloureuse et émaillée de non-dits. Les relations avec la famille sont encouragées et, à partir du troisième mois de placement, le juge des enfants peut autoriser la mineure à retourner au domicile familial pour une période de 48 heures. Un bâtiment du centre, dans lequel il est possible de déjeuner, est par ailleurs dédié à l'accueil des familles. L'éloignement géographique de ces dernières contraint toutefois l'organisation des relations, d'autant que la plupart des jeunes sont issues de milieux défavorisés. Pour cette raison, le service d'accompagnement familial de l'association gestionnaire du CEF propose un hébergement à titre gracieux aux familles venues rendre visite à une mineure. Cette solution permet d'ailleurs, lorsque le juge des enfants s'interroge sur la pertinence d'un retour au domicile des parents, de vérifier, à l'occasion de rencontres accompagnées par un éducateur, le caractère souhaitable ou non d'un tel retour.

Enfin, votre rapporteur pour avis a relevé que, si la capacité d'accueil théorique du centre était de 12 jeunes filles, il existait un « seuil critique » de 10 mineures qu'il ne paraissait pas souhaitable de dépasser, au risque de voir les tensions au sein du groupe croître de façon trop importante et remettre en cause, de ce fait, la qualité du travail éducatif mené.

Après sept ans de fonctionnement, la PJJ dresse le bilan suivant :

- le dispositif des CEF semble faire ses preuves : aujourd'hui, il est fortement sollicité par les magistrats qui trouvent dans la prise en charge en CEF une réponse adaptée à la problématique de certains mineurs délinquants, comme en témoignent le taux d'occupation moyen de 80% de ces structures et l'implication des magistrats dans les instances de suivi de l'activité des CEF et des protocoles de gestion des incidents et des crises ;

- l'état de santé physique des mineurs accueillis présente des carences importantes. En fonction des troubles observés, une prise en charge médicale, voire une hospitalisation, sont mises en oeuvre. Du personnel infirmier est présent dans chaque CEF ;

- certains mineurs placés en CEF présentent des troubles du comportement difficilement contenus par les dispositifs éducatifs classiques.

S'agissant de ce dernier point, cinq CEF ont été dotés, depuis le 1 er janvier 2008, de personnels supplémentaires dans le domaine de la santé mentale (psychiatres, psychologues, infirmiers), afin de mieux prendre en compte les dimensions psychiatriques ou psychopathologiques des troubles comportementaux des mineurs qui y sont placés 17 ( * ) . Selon un premier bilan, ce renfort permet une amélioration, d'une part, du partenariat entre les CEF et les services psychiatriques de secteur, et, d'autre part, de la capacité des personnels à mieux prendre en compte les comportements des mineurs en situation de crise.

En 2009, quatre CEF ont fait l'objet d'une visite du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Sur ses recommandations, quatre sujets font actuellement l'objet de réflexions au sein de la PJJ :

- la nécessité de mieux considérer la santé des mineurs sous divers aspects (addictions, équilibre alimentaire, état de santé général, etc.) ;

-l'amélioration de la cohérence des parcours des mineurs, et notamment la préparation de leur sortie du dispositif ;

- la conclusion de protocoles avec les juridictions du ressort et les services de police ou de gendarmerie afin de gérer les incidents ;

- enfin, la qualification des personnels intervenant en CEF.

Votre rapporteur pour avis regrette que, sept ans après l'ouverture de ces premiers centres, aucune évaluation systématique de l'incidence d'un placement en CEF sur la réinsertion des mineurs n'ait encore été conduite.

b) Un renforcement de la prise en charge éducative des mineurs détenus

Au 1 er juillet 2010, 758 mineurs étaient détenus, pour une capacité d'accueil de 1.087 places :

- 510 mineurs étaient détenus en quartiers pour mineurs, pour une capacité d'accueil de 761 places ;

- 248 mineurs étaient détenus en établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM), pour une capacité d'accueil de 326 places.

Les mineurs détenus représentent 1,2% de la population détenue en France. Au 1 er juillet 2010, 59% d'entre eux étaient des prévenus (contre 78% au 1 er janvier 2000) et 41% des condamnés.

En 2002, la commission d'enquête du Sénat sur la délinquance des mineurs 18 ( * ) avait dénoncé la situation des quartiers pour mineurs des maisons d'arrêt, notamment leur absence d'étanchéité avec les zones occupées par les majeurs 19 ( * ) et leur vétusté, et avait préconisé la création d'établissements pénitentiaires spécifiques.

La loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 a ainsi prévu la création de sept établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) dotés chacun d'une capacité d'accueil de 60 mineurs. Placés sous la responsabilité de l'administration pénitentiaire, les EPM sont conçus pour placer l'éducatif au coeur de la prise en charge des mineurs détenus, en s'appuyant sur un encadrement renforcé.

Six EPM fonctionnent aujourd'hui : les établissements de Lavaur (Tarn) et Meyzieu (Rhône) ont ouvert en juin 2007, celui de Quiévrechain (Nord) en septembre 2007, celui de Marseille (Bouches-du-Rhône) en novembre 2007, celui d'Orvault (Loire-Atlantique) en janvier 2008 et celui de Porcheville (Yvelines) en mars 2008 20 ( * ) .

Chaque EPM comprend sept unités d'hébergement (une unité « arrivants » de six places, une unité « filles » de quatre places, cinq unités « garçons » de dix places chacune), un quartier disciplinaire, un plateau sportif complet, une unité médicale, un secteur scolaire et une zone socioculturelle (salles d'activités, bibliothèque, salle de spectacle). Les bâtiments forment le mur d'enceinte. Il n'y a pas de miradors. La forte présence du personnel constitue un des éléments essentiels de la sécurité pénitentiaire.

Les mineurs détenus en EPM bénéficient d'une prise en charge pluridisciplinaire et individualisée ainsi que d'un fort encadrement. Dans chaque EPM, près de 150 personnels 21 ( * ) travaillent sur des rythmes diversifiés afin de permettre une prise en charge des mineurs sept jours sur sept, sur une amplitude horaire de 13 heures. Chaque unité de vie (10 mineurs maximum) est animée par un binôme composé d'un surveillant et d'un éducateur, référents assurant le lien avec l'équipe pédagogique et les parents. Les surveillants et les éducateurs affectés en EPM bénéficient d'une formation commune. La surveillance de nuit incombe à l'administration pénitentiaire.

Les EPM permettent d'offrir aux mineurs détenus un encadrement éducatif renforcé. Les détenus y bénéficient en moyenne de 18 heures d'activités socio-éducatives par semaine, contre 9 heures en quartiers mineurs. En outre, les mineurs détenus en EPM ont accès à un peu plus de huit heures hebdomadaires d'activités sportives, week-end inclus.

L'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) d'Orvault

Votre rapporteur pour avis a visité l'EPM d'Orvault le vendredi 5 novembre 2010, accompagné de nos collègues Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis des crédits de l'administration pénitentiaire, et Alima Boumediene-Thierry, membre de la commission des lois.

L'EPM d'Orvault a ouvert en février 2008. D'une capacité théorique de 60 places, il n'est actuellement en mesure d'accueillir que 40 mineurs. Le jour de la visite de votre rapporteur pour avis, 23 mineurs étaient détenus à l'EPM d'Orvault. 90 personnels, tous corps confondus (administration pénitentiaire, PJJ, enseignants, personnels médicaux, personnels d'entretien, etc.) travaillent actuellement au sein de l'établissement qui a accueilli 408 détenus depuis son ouverture.

Une prise en charge éducative renforcée

La prise en charge éducative des détenus relève tout d'abord du binôme éducateur - surveillant. A Orvault, six éducateurs et six surveillants sont affectés à chaque unité de vie. Le quotidien est partagé et les repas sont pris en commun entre mineurs répartis en groupes de quatre à cinq détenus, sous la responsabilité d'un binôme, ce qui permet de développer les échanges entre chacun et de privilégier les temps collectifs.

Par ailleurs, chaque détenu bénéficie d'une vingtaine d'heures d'enseignement. Sept enseignants sont affectés à temps plein à l'EPM (quatre professeurs des écoles spécialisés, trois enseignants de l'enseignement secondaire). Des intervenants extérieurs interviennent également à titre ponctuel (en espagnol, histoire-géographie et communication notamment). L'EPM dispose enfin de deux salles informatiques.

Afin de s'adapter aux durées de détention très variables (de trois semaines à trois ans), le travail scolaire est organisé en sessions de quinze jours. Les cours sont dispensés dans de petites salles ne pouvant accueillir que cinq à six élèves au maximum.

L'EPM d'Orvault a fait le choix de privilégier la constitution de groupes de niveaux hétérogènes mais composés de détenus ayant envie de travailler ensemble, selon le principe de la « classe unique ». Sept groupes de détenus ont ainsi été constitués et semblent fonctionner de façon satisfaisante. Cette expérience semble porter ses fruits : en deux ans et demi de fonctionnement, seuls trois détenus ont refusé de suivre les cours proposés par l'EPM.

Si seule une minorité de détenus est illettrée, un grand nombre d'entre eux présentent toutefois des parcours très déstructurés, cumulant difficultés scolaires et déficits cognitifs. Face à de tels parcours, l'équipe enseignante de l'EPM s'efforce de réinscrire chaque jeune dans une dynamique de réussite. Chaque détenu se voit ainsi proposer la possibilité de passer l'attestation scolaire de sécurité routière. Les mineurs sont également préparés aux examens de l'Éducation nationale, le cas échéant en recourant à des cours par correspondance par le biais d'une convention passée avec le CNED.

Une discipline portée par l'ensemble du personnel

S'agissant de la discipline au sein de l'établissement, l'EPM d'Orvault a adopté, dès son ouverture, une démarche consistant à faire de l'ensemble du personnel (et non uniquement de l'administration pénitentiaire) le porteur de la discipline et du respect dû à l'adulte, aux autres et à soi-même. Cette démarche se traduit notamment par un seuil de tolérance très bas face à tout écart de langage ou de comportement, qui donne lieu de façon systématique à la tenue d'une commission de discipline.

Cette stratégie semble efficace. Votre rapporteur pour avis a ainsi pu constater le bon état général des locaux de l'EPM, près de deux ans et demi après son ouverture. Par ailleurs, d'après l'équipe de direction de l'établissement, le nombre d'incidents est, compte-tenu du public difficile accueilli, relativement modéré. Le quartier disciplinaire est très peu utilisé, et aucune décision de mise à l'isolement n'a été prise jusqu'à présent.

Un cahier des charges à adapter

Comme dans les autres EPM, la distribution des locaux de l'établissement s'organise autour d'une cour triangulaire (où se trouve notamment le terrain de sports) sur laquelle donnent l'ensemble des cellules des détenus : de fait, chaque détenu peut observer les allers et venues des uns et des autres, ce qui crée une atmosphère de huis-clos et de promiscuité qui ne favorise pas l'apaisement des relations entre chacun. A cet égard, la pose de caillebotis aux fenêtres des cellules a permis de restaurer un minimum d'intimité et d'hygiène (en prévenant le lancer d'objets dans les cellules de rez-de-chaussée depuis la cour notamment).

En outre, en raison du faible nombre de jeunes filles détenues, l'unité filles n'a jamais été utilisée. Compte-tenu de la distribution des locaux, la présence de détenues au sein de l'EPM pourrait susciter des tensions difficiles à gérer pour le personnel.

Enfin, si la capacité d'accueil théorique de l'établissement est de 60 places, l'équipe de direction de l'EPM a attiré l'attention de votre rapporteur pour avis sur l'existence d'un « seuil critique » de 40 détenus. En-deçà, le personnel de l'EPM est en mesure de mettre en oeuvre des solutions adaptées à chaque jeune, tout en permettant de développer des travaux en petits groupes contribuant à la resocialisation des mineurs. Au-delà de 40 détenus en revanche, la promiscuité créée par la configuration des lieux et les phénomènes de bandes qui pourraient se développer risqueraient de mettre en échec cette stratégie. A la date de la visite de votre rapporteur pour avis, l'EPM n'avait jamais accueilli plus de 35 détenus à la fois.

L'administration pénitentiaire évalue le coût d'une journée de détention en EPM à 325 euros sur la base d'un taux d'occupation de 100 %. Celui-ci n'était cependant, à la date du 1 er juillet 2010, que de 77 %. Les trois quarts du coût d'une journée de détention résultent des coûts de personnels.

Là encore, votre rapporteur pour avis regrette que, près de trois ans après l'ouverture du premier EPM, aucune évaluation ne permette de mesurer la qualité et l'incidence de cette prise en charge renforcée sur le parcours et la réinsertion des mineurs.

L'ouverture des EPM s'est accompagnée de la fermeture concomitante de 383 places de quartiers mineurs, situées dans des établissements pénitentiaires pour adultes. Un programme de rénovation et de mise aux normes des quartiers mineurs permet par ailleurs de disposer d'un maillage territorial des places d'hébergement répondant au souci de maintien des liens familiaux. Actuellement, il existe 43 quartiers mineurs répartis sur l'ensemble du territoire, susceptibles d'accueillir entre un et 106 mineurs.

3. Une pression exercée sur les structures d'hébergement traditionnelles et des mesures de milieu ouvert

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur pour avis craignent que, dans le contexte budgétaire qui est imposé à l'heure actuelle à la PJJ, la concentration de moyens importants au profit des CEF et des EPM s'effectue au détriment des structures d'hébergement « traditionnelles » et des mesures de milieu ouvert.

Mme Catherine Sultan, présidente de l'Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille, a attiré l'attention sur le fait que les mineurs délinquants faisant l'objet d'une mesure de placement décidée par un juge des enfants n'avaient pas tous vocation à être accueillis en CER ou en CEF, et que les foyers d'hébergement traditionnels, dont beaucoup disposent d'un savoir-faire ancien et de qualité, offraient des modes de prise en charge adaptés au profil de nombreux mineurs suivis au pénal. Or, plusieurs de ces foyers sont aujourd'hui menacés de fermeture.

Mme Fabienne Quiriau, directeur général adjoint de la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (CNAPE), s'est quant à elle inquiétée de la baisse des crédits dédiés au financement des mesures d'investigation et des réparations pénales :

- s'agissant de l'investigation, la PJJ a engagé une réforme qui devrait entrer en vigueur le 1 er janvier 2011. La mesure judiciaire d'investigation éducative (MJIE) se substituera aux enquêtes sociales et aux investigations d'orientation éducative, tandis que le recueil de renseignements socio-éducatifs continuera à être exercé dans le seul cadre de l'article 12 de l'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante. En dépit du rôle essentiel de l'investigation dans la décision des magistrats, les crédits proposés pour la mise en oeuvre de l'investigation dans le PLF 2011 seront affectés en 2011 par la baisse générale de 5% des crédits de fonctionnement ;

- la réparation pénale présentant de bons résultats en matière de prévention de la récidive, de nouvelles normes ont récemment été élaborées par la PJJ, devant conduire à terme à une diminution du nombre de mineurs pris en charge par un travailleur social et par une revalorisation du financement de ces mesures. Pourtant, les représentants de la CNAPE se sont inquiétés de la baisse des crédits alloués en 2011 aux réparations pénales exécutées par le service associatif habilité. Ils ont fait valoir que le nombre de mesures pris en compte dans le PLF 2011 (9.772) ne correspondait pas au nombre de mesures réellement exécutées par les associations (10.332) : de ce fait, les crédits alloués au secteur associatif habilité pour la mise en oeuvre des mesures de réparation pénale diminueraient de 5,73% en 2011.

Par ailleurs, M. Francis Bahans, directeur général adjoint de Citoyens et Justice, s'est inquiété de la baisse du volume des réparations pénales confiées au secteur associatif, corrélativement à la mise en oeuvre des nouvelles normes, ce qui risque de fragiliser un certain nombre de services disposant pourtant d'un savoir-faire établi.

Interrogée sur ces points par votre rapporteur pour avis, la DPJJ a rappelé qu'elle avait engagé en 2008 un programme de restructurations visant à augmenter la capacité moyenne des établissements en concentrant les moyens sur un nombre réduit de structures. En 2009, dix établissements de petite capacité ou sous-utilisés ont donc été fermés, sans que, pour autant, le nombre total de places offertes aux magistrats ne diminue, si ce n'est de façon provisoire, grâce au programme d'agrandissement et de mise aux normes d'autres foyers mené en parallèle. S'agissant de l'investigation, la DPJJ est contrainte par la décision d'appliquer une réduction de 5% à la quasi-totalité de ses crédits de fonctionnement. Enfin, la DPJJ fait valoir que les crédits consacrés aux mesures de réparation pénale ont été établis à partir d'une hypothèse d'activité pour 2011. En tout état de cause, l'ensemble des mesures ordonnées par l'autorité judiciaire seront exécutées et financées.


* 12 Il s'agit d'un aménagement du dispositif dans lequel les services de la PJJ assurent la mission BEX sans que le bureau soit mis en place au sein de la juridiction.

* 13 Dans le Val-de-Marne, par exemple, 170 mesures pénales et 200 mesures éducatives en milieu ouvert sont en attente.

* 14 Modalité d'exécution aménagée des peines d'emprisonnement ferme inférieures à deux ans.

* 15 Le CEF de Saint-Benoît, à La Réunion, ouvert le 30 mai 2007, et le CEF de Port-Louis, en Guadeloupe, ouvert le 1 er octobre 2007. Tous deux peuvent accueillir 12 mineurs âgés de 13 à 16 ans.

* 16 Par ailleurs, le CEF de Combs-la-Ville sera livré en 2011, l'établissement de placement éducatif de Montfavet (Vaucluse) sera transformé en CEF au début de l'année 2011, et les constructions neuves lancées en 2010 (CEF de Cambrai et CEF de Saint-Pierre-du-Mont) devraient être livrées, conformément au planning initial, en 2012.

* 17 Il s'agit des CEF de Valence (Drôme), de Moissannes (Haute-Vienne), de La Jubaudière (Maine-et-Loir), de Savigny-sur-Orge (Essonne) et de Liévin (Pas-de-Calais).

* 18 « Délinquance des mineurs : la République en quête de respect », Jean-Pierre Schosteck, président, Jean-Claude Carle, rapporteur, rapport n° 340 (2001-2002), déposé le 26 juin 2002.

* 19 Les règles pénitentiaires européennes, adoptées par la France en janvier 2006, posent le principe d'une séparation stricte entre les adultes et les mineurs détenus.

* 20 En raison de la diminution du nombre de mineurs détenus, il a en revanche été décidé de reconvertir l'établissement pénitentiaire de Meaux-Chauconin, qui aurait dû ouvrir au début de l'année 2009, en établissement pour adultes.

* 21 76 personnels pénitentiaires dont 70 personnels de surveillance, 43 personnels de la PJJ dont 36 éducateurs, 9 enseignants encadrés par un directeur pédagogique, une équipe médicale de cinq équivalents temps plein, auxquels s'ajoutent les animateurs d'activités intervenant ponctuellement.

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