C. UN DISPOSITIF DONT L'ASSEMBLÉE NATIONALE A SOUHAITÉ QU'IL SOIT STRICTEMENT APPLIQUÉ PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

1. Des positions initiales a priori difficilement conciliables

a) Les commissions des lois et des affaires sociales de l'Assemblée nationale : supprimer le monopole

Deux amendements identiques des commissions des lois et des affaires sociales de l'Assemblée nationale visaient à supprimer les dispositions de l'article 1 er tendant à instaurer le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale sur les dispositions relatives aux prélèvements obligatoires. Ce choix les conduisait à supprimer, par coordination, l'article 11, qui étendait le monopole aux dispositions relatives aux finances locales.

L'argumentation des auteurs de ces amendements était que dès lors qu'on inscrivait, comme ils le proposaient, la règle budgétaire directement dans la Constitution (et non dans une loi organique à venir), il n'était pas utile d'instituer la « garantie » que constituait le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, qu'ils considéraient comme une source de complications.

b) La commission des finances de l'Assemblée nationale : réduire le risque d' « embouteillage législatif » lié au monopole

Contrairement aux commissions des lois et des affaires sociales, notre collègue député Gilles Carrez ne souhaitait pas inscrire la règle d'équilibre directement dans la Constitution.

Ce choix conduisait la commission des finances de l'Assemblée nationale à maintenir le monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale, qui était la seule mesure « tangible » du projet de révision constitutionnelle. Il en découlait plusieurs amendements, tendant à rendre ce monopole effectivement applicable :

- création de « lois de prélèvements obligatoires », pour éviter un « embouteillage législatif » à l'automne ;

- dans le même esprit, anticipation au 15 septembre du dépôt du projet de loi de finances et au 25 septembre de celui du projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

- par coordination, prise en compte par l'article 11 (relatif au monopole applicable aux finances locales) des nouvelles lois de prélèvements obligatoires, et modification de l'article 13, relatif aux modalités d'entrée en vigueur.

2. Le compromis à l'Assemblée nationale : la création d'une nouvelle irrecevabilité et un contrôle strict par le Conseil constitutionnel

L'Assemblée nationale a finalement légèrement assoupli le monopole.

L'article 2 bis du présent projet de loi constitutionnelle, inséré à l'initiative de sa commission des lois, étend l'irrecevabilité de l'article 41 de la Constitution au respect des monopoles des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale. On rappelle que cet article prévoit actuellement que s'il apparaît au cours de la procédure législative qu'une proposition ou un amendement n'est pas du domaine de la loi ou est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement ou le président de l'assemblée saisie peut opposer l'irrecevabilité.

L'objet de l'amendement suggère qu'il s'agissait de prévoir explicitement la possibilité du dépôt de propositions de loi ou d'amendements ne respectant pas le monopole. En ce sens, il s'agissait bien d'un assouplissement de la règle.

Cependant, le Conseil constitutionnel aurait pu appliquer à la protection du monopole sa jurisprudence « libérale » relative à la protection du domaine réglementaire. En effet, le Conseil constitutionnel considère qu'il résulte de l'article 41 de la Constitution que l'empiètement de la loi sur le domaine réglementaire n'est pas en soi un motif d'inconstitutionnalité. L'article 41 constitue un « outil » dont l'utilisation est laissée à l'appréciation du Gouvernement pour faire respecter les domaines respectifs de la loi et du règlement.

Aussi, à l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a inséré un article 9 bis , qui prévoit que lorsqu'il est saisi d'une loi autre qu'une loi de finances ou une loi de financement de la sécurité sociale, « le Conseil constitutionnel examine la conformité à la Constitution des dispositions qui méconnaissent le domaine réservé à la loi de finances et à la loi de financement de la sécurité sociale ».

Dans ce dispositif, une entorse au monopole reste possible, dans le cas d'une disposition insérée par amendement, sans que l'irrecevabilité ait été invoquée, dans un texte non déféré au Conseil constitutionnel.

3. Un corollaire du monopole : l'anticipation du dépôt des projets de lois financières

L'Assemblée nationale a considéré que l'institution du monopole alourdirait les volets des lois financières consacrés aux recettes. En conséquence, elle a adopté des amendements inscrivant les dates limites de dépôt des projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale dans la Constitution et anticipant ces dates par rapport à celles qui existent aujourd'hui dans les textes organiques.

Ainsi, la Constitution fixerait désormais au 15 septembre et au 1 er octobre le dépôt du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

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