B. DES RÉPERCUSSIONS SUR L'ORGANISATION DU TRAVAIL PARLEMENTAIRE

Il est noté, dans le rapport Camdessus, à la suite du développement sur le monopole : « Il a néanmoins été fait observer que cet objectif d'une vision moins éclatée introduit une rigidité pour la discussion par le Parlement de réformes d'ampleur ».

En dissociant systématiquement l'examen d'une réforme des dispositions fiscales qui lui sont liées, le monopole pourrait nuire à la cohérence des textes et contribuer à l'encombrement de l'ordre du jour. Le dédoublement systématique des mesures relatives à une réforme donnée dans deux textes différents pose ainsi des questions concernant l'organisation du travail parlementaire. Deux scénarios sont possibles :

- soit le regroupement de la majorité des dispositions fiscales dans la loi de finances examinée à l'automne : ce scénario apparaît difficilement tenable ;

- soit la multiplication des projets de loi de finances rectificatives, voire l'association systématique d'un PLF à une réforme donnée : ce scénario, inévitable pour que le monopole puisse fonctionner, soulève quelques interrogations.

1. Une perte de cohérence des réformes

Le monopole interdit, tout d'abord, d'examiner une politique donnée à la lumière des coûts et des économies qu'elle induit. Au-delà de la question des coûts, certaines mesures fiscales, neutres financièrement, peuvent être indissociables de réformes de structures impossibles à opérer dans une loi de finances du fait de la jurisprudence sur les cavaliers budgétaires.

Ainsi, il était indispensable que la loi réformant les réseaux consulaires 20 ( * ) , qui a prévu un schéma de fusion volontaire des chambres de métiers et de l'artisanat de niveau infrarégional au sein de la chambre de ressort régional, prévoit simultanément les conséquences de cette fusion sur les ressources (fiscales) qui leur sont affectées.

De même, la loi relative aux libertés et responsabilités locales comportait des dispositions relatives aux fusions d'établissements publics de coopération intercommunale qui étaient indissociables des conséquences de ces fusions sur la fiscalité locale 21 ( * ) .

De manière plus systématique encore, dès lors qu'une mesure modifierait les dispositions servant de base à la définition d'une assiette fiscale, relèverait-elle du monopole ?

2. Un calendrier budgétaire difficile à tenir en l'état

Le calendrier fixé par la Constitution pour l'adoption des lois de finances voire de financement de la sécurité sociale apparaît difficilement compatible avec le monopole, si celui-ci conduisait à concentrer toutes les mesures fiscales dans la loi de finances examinée à l'automne.

Un tel scénario n'est, en tout état de cause, guère souhaitable au regard des observations sur les conditions actuelles d'examen des lois de finances soulignées par le rapporteur général du budget de l'Assemblée nationale, M. Gilles Carrez : « On assiste depuis plusieurs années à un décalage inquiétant entre, d'une part, l'alourdissement spectaculaire du volume des lois de finances et de financement, et, d'autre part, la réduction continue des délais laissés au Parlement pour les examiner. (...) Compte tenu de la procédure particulière qui les encadre, les lois de finances et de financement n'ont pas été conçues comme des outils législatifs destinés à procéder à des réformes de grande ampleur , nécessitant du temps à la fois pour leur préparation, leur évaluation et leur adoption, mais comme des textes avant tout budgétaires, ayant vocation à définir un équilibre entre des ressources et des charges » 22 ( * ) .

En outre, le monopole aboutirait à une saisine systématique pour avis des commissions sur la première partie de la loi de finances, ce qui allongerait les débats budgétaires.

On peut s'interroger sur la possibilité, dans ces conditions, de respecter les délais actuellement impartis pour l'examen des projets de loi de finances.


* 20 Loi n° 2010-853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l'artisanat et aux services.

* 21 Voir l'article 154 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

* 22 Avis n° 3330, p. 70 à 72.

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