3. Un monopole qui pourrait entraîner une multiplication des PLFR

Pour que le monopole fonctionne, il faudrait donc, en réalité, que le Gouvernement accompagne ses réformes de projets de loi de finances rectificative. Le ministre du budget l'a d'ailleurs bien expliqué en séance publique à l'Assemblée nationale : « Par ailleurs, cette réforme n'empêche nullement une évolution des pratiques. Ainsi, lorsque des réformes fiscales ou budgétaires importantes exigeront un débat parlementaire spécifique et prolongé, le Gouvernement pourra déposer un projet de loi financier ad hoc ».

Une telle dissociation ne serait pas forcément gage d'une meilleure cohérence , sauf à considérer qu'il y aurait parfaite coïncidence entre l'examen d'un projet de loi sectoriel et celui du projet de loi de finances comportant son volet fiscal.

Mais dans ce cas, si les deux textes devaient, au nom de la nécessaire cohérence, cheminer parallèlement, les conséquences en seraient les suivantes :

- le Sénat serait systématiquement la seconde assemblée saisie , non seulement sur le PLF mais aussi sur la réforme qui l'accompagnerait ;

- dans la mesure où, à compter de son dépôt, le PLF doit être adopté dans les 70 jours qui suivent, ceci pourrait entraîner une systématisation de la procédure accélérée sur les projets de loi concernés.

A contrario, s'il n'y avait pas parfaite coïncidence entre les deux textes, le travail parlementaire en serait compliqué . D'une part, l'examen non simultané de dispositifs proches pourrait altérer les conditions dans lesquels les parlementaires légifèrent, l'incertitude sur les modifications à attendre de l'un rendant très difficile le travail de coordination sur l'autre 23 ( * ) . D'autre part, les répercussions sur l'encombrement de l'ordre du jour parlementaire devraient être prises en considération, puisque cette articulation nécessiterait une discussion spécifique sur chaque texte.

4. L'institutionnalisation d'un déséquilibre entre commissions permanentes

Enfin, le monopole introduit une hiérarchie entre les textes financiers et les autres textes législatifs, privés d'une matière reconnue aujourd'hui par l'article 34 de la Constitution comme faisant partie par nature du domaine de la loi.

L'imposition est une source de financement des dépenses mais elle est aussi un instrument de mise en oeuvre des politiques publiques . A ce titre, si la compétence des commissions des finances et des affaires sociales sur la première doit être reconnue, il en va de même pour celle de l'ensemble des commissions sur les politiques publiques relevant de leur champ de compétences.

C'est d'ailleurs pourquoi la commission des finances se saisit fréquemment pour avis des projets de loi comportant des mesures fiscales, apportant un éclairage opportun. Ce fut, par exemple, le cas pour l'examen du volet fiscal du projet de loi précité sur les chambres consulaires. Le principe de la saisine pour avis apporte ainsi une réponse opérationnelle au problème des chevauchements de compétences entre commissions.

On peut toutefois relever que les textes financiers sont les seules lois pour l'examen desquelles les commissions pour avis n'ont aucun représentant en commission mixte paritaire (CMP). Votre rapporteur pour avis juge cette différence de traitement difficilement justifiable et estime que les commissions pour avis devraient pouvoir être représentées en CMP sur les textes financiers si elles le souhaitent .

En tout état de cause, si le principe actuel (saisine de la commission des finances sur les dispositions fiscales des lois ordinaires) devait, du fait du monopole, s'inverser (saisine systématique des commissions sur les lois financières), cela ne pourrait se faire, à l'évidence, que dans des conditions strictement équivalentes, c'est-à-dire avec une représentation des commissions pour avis en CMP.


* 23 Ce fut par exemple le cas lorsque deux lois touchant aux télécommunications se sont superposées en 2004 (loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique et loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle).

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