C. L'INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLÉAIRES FRANÇAIS : UN MÉCANISME INOPÉRANT

La loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 et le décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 ont institué une procédure d'indemnisation pour les personnes atteintes de maladies cancéreuses radio-induites, résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants issus des deux cent dix essais nucléaires français conduits au Sahara algérien puis en Polynésie française entre 1960 et 1996. Sur la base d'une présomption de causalité entre la contamination et ces maladies, c'est à l'administration de prouver que ce n'est pas le risque attribuable aux essais nucléaires qui est à l'origine de la maladie cancéreuse.

Sur la base de règles semblant donc favorables au requérant, un comité d'indemnisation constitué de personnalités qualifiées du monde médical et présidé par un membre du Conseil d'Etat est chargé d'évaluer le lien de causalité entre les conditions de l'exposition et la maladie invoquée et de recommander au ministre de la défense d'indemniser le demandeur ou de lui opposer un rejet ; 10 millions d'euros ont été inscrits à cet effet au budget 2011, dotation reconduite en 2012.

On ne peut donc que trouver singulier qu'au 29 juillet 2011, deux indemnisations seulement aient été accordées (respectivement de 20 000 et 16 000 euros) mais que cent vingt-sept aient été rejetées sur six cents demandes reçues...

Statistiques d'activité du comité d'indemnisation  au 29 juillet 2011

Source : ministère de la défense et des anciens combattants

Le secrétaire d'Etat lui-même a reconnu son étonnement face à cette situation, qu'il impute à la difficulté d'établir un lien de causalité réel entre un facteur de risque et le développement d'une maladie. Il a informé votre commission qu'un décret assouplissant les critères d'indemnisation était en cours de préparation. Toujours est-il que les espoirs placés dans cette rare initiative de reconnaissance par l'Etat des effets secondaires dramatiques de sa politique de souveraineté sur les militaires et les civils ont été déçus. Face à ce bilan édifiant, votre rapporteure invite le Gouvernement à prendre au plus vite les mesures nécessaires pour corriger cette situation et rendre véritablement effectif ce droit à indemnisation.

D. LA RÉFORME DE L'INDEMNISATION DES ORPHELINS VICTIMES DE LA BARBARIE NAZIE AU POINT MORT

1. L'indemnisation de préjudices historiques exceptionnels

Le programme 158, « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la Seconde Guerre mondiale », regroupe les crédits finançant trois mesures d'indemnisation en faveur de certaines victimes de ce conflit ou de leurs ayants droit :

- les victimes de spoliations intervenues du fait de législations antisémites 12 ( * ) ;

- les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites 13 ( * ) ;

- les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie 14 ( * ) .

Ses crédits sont en légère hausse, passant de 115 à 116,3 millions d'euros entre 2011 et 2012 (+ 1,1 %)

Instruites par la commission d'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS), qui relève des services du Premier ministre, les demandes formulées au titre du décret de 1999 donnent lieu à réparation, restitution ou indemnisation selon le préjudice subi. Le coût moyen prévisionnel pour 2012 d'un dossier s'élève à 18 805 euros, chiffre qui reflète mal la diversité des patrimoines spoliés et donc l'écart important qui peut exister entre les indemnités accordées. Un nombre important de dossiers, de l'ordre d'un millier, est encore traité chaque année et le paiement est habituellement réalisé dans un délai de quatre mois et demi après la décision du Premier ministre dans ce sens.

Indemnisation des victimes de spoliations

Nombre de recommandations traitées

Nombre de bénéficiaires

Coût (en millions d'euros)

Total 1

19 140

42 039

424,701

1 Données arrêtées au 31 août 2011.

Source : services du Premier ministre

L'indemnisation des orphelins prend la forme, au choix du bénéficiaire, du versement unique d'un capital de 27 440,82 euros ou d'une rente viagère mensuelle dont le montant, revalorisé annuellement depuis 2009, atteindra 504,83 euros en 2012. Le traitement de ces dossiers, instruction et paiement, est désormais confié en intégralité à l'Onac.

En ce qui concerne les orphelins de parents victimes de persécutions antisémites, le nombre de demandes nouvelles est désormais chaque année très faible (28 en 2010). Les allocataires ont, dans l'ensemble, majoritairement choisi de percevoir une rente mensuelle (61 %). La diminution a également été très importante pour le mécanisme d'indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie (436 nouveaux bénéficiaires en 2010). Dans ce cadre l'aide financière sous la forme d'un capital a été privilégiée (67 % des indemnisations), contrairement au cas précédent.

Indemnisation des orphelins

Nombre de demandes

Nombre de bénéficiaires

Coût total (en millions d'euros)

Décret de 2000

Décret de 2004

Total

Décret de 2000

Décret de 2004

Total

Décret de 2000

Décret de 2004

Total

Total 1

17 748

32 649

50 397

13 520

22 012

35 532

571,75

673,90

1 245,65

1 Données arrêtées au 31 août 2011

Source : services du Premier ministre

Toutefois, l'exécution budgétaire 2010 ne s'est pas déroulée conformément aux prévisions inscrites en loi de finances initiale, du fait à la fois d'un nombre de dossiers d'indemnisation supérieur à ce qui était attendu et de la revalorisation de la rente à un taux annuel de 2,5 %. Il a donc fallu, en loi de finances rectificative de fin d'année 2010, ouvrir de nouveaux crédits à hauteur de 13,44 millions d'euros.

Pour l'année 2011, la trajectoire des dépenses du programme est, selon les informations communiquées à votre rapporteure, conforme aux objectifs. Il ne devrait pas y avoir d'impasse budgétaire, ce dont on peut se réjouir et qui permet de saluer les efforts réalisés dans la construction du budget. Toutefois, il est étonnant de voir que ce programme est divisé en deux actions qui, pour l'une, regroupe les mesures de réparation des victimes de spoliations (décret de 1999) et des orphelins dont les parents ont péri en déportation (décret de 2000), tandis que la seconde porte uniquement sur l'indemnisation des victimes d'actes de barbarie (décret de 2004). Il aurait peut-être été plus judicieux, étant donné que les services instructeurs et les mécanismes d'indemnisation sont les mêmes, de rassembler dans une même action les mécanismes d'indemnisation des orphelins.


* 12 Décret n° 99-778 du 10 septembre 1999.

* 13 Décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000.

* 14 Décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004.

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