B. DE PRÉTENDUES AVANCÉES QUI CONTREVIENNENT AU PRINCIPE D'ÉQUITÉ : LE CAS DE L'AFRIQUE DU NORD

1. Des avancées en trompe l'oeil

Le Gouvernement s'enorgueillit d'avoir été à l'origine de plusieurs avancées en matière de reconnaissance et de réparation du sacrifice consenti par ceux qui ont servi la France. C'est tout particulièrement le cas en ce qui concerne l'attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord par le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010. Pourtant, l'examen des modalités d'attribution de cette bonification révèle qu'elles sont si restrictives qu'un nombre très faible des personnes concernées y est effectivement éligible .

En application de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite, le bénéfice de campagne permet aux agents publics de majorer, pour le calcul de leurs droits à pension, la durée des services militaires accomplis en temps de guerre : la « campagne simple » correspond au doublement de cette durée, la « campagne double » revient à la tripler.

La reconnaissance, par la loi du 18 octobre 1999, du caractère de guerre aux opérations d'Afrique du Nord menées entre 1952 et 1962 ouvrait la voie à une telle mesure. Il a fallu attendre encore une décision du Conseil d'Etat enjoignant l'Etat à prendre les dispositions réglementaires permettant ce calcul de la durée des services actifs 8 ( * ) .

Ceci étant, le résultat est loin d'être à la hauteur des espérances. Tout d'abord, seules sont concernées les pensions de retraite liquidées à compter du 19 octobre 1999, ce qui exclut de facto de nombreux anciens combattants. Ensuite, le décret accorde la bonification « pour toute journée durant laquelle les appelés et les militaires [...] ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont subi le feu » . Or, le décompte de ces journées, qui repose sur l'analyse des journaux de marche des unités, est imprécis car ces documents étaient, dans de nombreux cas, très mal tenus. De plus, le SHD, à qui est confiée cette mission, n'a pas les moyens de l'exercer correctement du fait d'effectifs insuffisants. Alors que cinq ETP supplémentaires devaient y être consacrés, un seul a pu y être affecté. Plus largement, c'est la nature même de la guerre d'Algérie qui rend le critère retenu, celui des actions de feu, peu pertinent. En l'absence d'un front mais en situation de danger omniprésent, sans doute aurait-il fallu rechercher un critère plus adapté.

Selon les calculs du ministère, environ six cents ayants droit et ayants cause seraient éligibles, pour un coût annuel de 114 300 euros. Sur six cent cinq demandes reçues au 1 er juillet 2011, soit près d'un an après la publication du décret, seules trois d'entre elles ont été acceptées et ont conduit à la révision de la pension du requérant. Votre rapporteure invite donc le Gouvernement à modifier ce décret afin que les anciens combattants d'Algérie puissent véritablement bénéficier de la campagne double et qu'il soit ainsi mis fin à cette inégalité entre les générations du feu.


* 8 CE, 17 avril 2009, association nationale des cheminots, anciens combattants, résistants, prisonniers et victimes de guerre.

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