II. UNE POLITIQUE TRANSVERSALE QUI NE MET PAS SUFFISAMMENT L'ACCENT SUR LA PRÉVENTION ET LA RÉDUCTION DES RISQUES FACE AUX NOUVELLES ADDICTIONS ET AUX MENACES TRADITIONNELLES

Selon le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances pour 2012, la politique de lutte contre les drogues et les toxicomanies mobilise 1,05 milliard d'euros provenant de vingt-deux programmes budgétaires. Le financement par l'assurance maladie des centres de soins, d'accompagnements et de prévention en addictologie (Csapa) et des centres d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues (Caarud) s'élève à 315 millions d'euros. Néanmoins, malgré cette volonté d'affichage et le regroupement de crédits qui peuvent apparaitre disparates dans un ensemble plus cohérent, votre rapporteure considère que les orientations de cette politique ne semblent pas de nature à apporter une réponse appropriée au problème des toxicomanies en France. C'est d'ailleurs, on l'a vu, plus la lutte contre les addictions en général que celle contre les drogues et les toxicomanies qui devrait être privilégiée.

A. UNE FOCALISATION SUR L'APPLICATION DE LA LOI QUI, TROP RIGIDE, SE RÉVÈLE NÉFASTE

Depuis 2007, la Mildt a placé comme priorité première de la politique intergouvernementale de lutte contre la drogue la stricte application de la loi, c'est-à-dire la répression du trafic et de la consommation de stupéfiants . Il est incontestable qu'il faut agir avec tous les moyens de l'Etat, et en coopération avec nos partenaires internationaux si nécessaire, contre les réseaux qui organisent l'acheminement et la revente de drogues illicites en France. Il n'est pas acceptable non plus que certains lieux, certains quartiers deviennent des zones de non-droit sous le contrôle de trafiquants cherchant à faire prospérer leur commerce. La stratégie adoptée, qui vise à confisquer le patrimoine des personnes condamnées afin de limiter leur capacité à poursuivre ensuite leur activité semble montrer des résultats satisfaisants.

En vertu de l'article L. 3421-1 du code de la santé publique, l'usage illicite de l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende. Le simple usage de drogue constitue un délit, sans différenciation du produit consommé. Toutefois, le comportement des forces de l'ordre à l'égard de ce délit a évolué à partir de 2007. Comme l'a montré la Cour des comptes dans son rapport de juillet 2011 consacré à l'organisation et à la gestion des forces de sécurité publique, la lutte contre le trafic de stupéfiants a fait l'objet ces dernières années d'un pilotage statistique, axé sur la répression de la consommation, avec comme indicateurs de résultats le nombre de faits constatés et de gardes à vue prononcées.

Une véritable dérive en la matière a été observée par la Cour selon laquelle, « pour améliorer leurs résultats quantitatifs notamment en matière d'élucidation, les services ont accordé une priorité croissante à la constatation de l'infraction la moins lourde, l'usage simple de produits stupéfiants sans revente, au détriment de la recherche et de l'interpellation des auteurs d'usage-revente et indirectement du démantèlement des réseaux de trafiquants 4 ( * ) ». Ne s'attaquant pas directement aux véritables racines de la toxicomanie, qui sont les fournisseurs de produits illicites et les organisations dont ils dépendent, la politique de lutte contre la drogue semble donc se concentrer, sur le terrain, sur les plus vulnérables, c'est-à-dire les consommateurs .

Cette politique du chiffre a des conséquences néfastes pour le suivi sanitaire des toxicomanes. En effet, l'incarcération des usagers de drogues est repartie à la hausse à partir de 2008, en rupture avec la politique conduite jusqu'au milieu des années 2000. Les infractions à la législation sur les stupéfiants (ILS) représentaient 14 % des condamnations prononcées en 2009, soit 127 582 infractions sanctionnées par 46 603 condamnations. Elles ont surtout donné lieu à 9 351 peines de prison ferme, dont 2 625 simplement pour usage illicite 5 ( * ) .

Il en découle une vision archaïque du toxicomane, celle d'un criminel en puissance qu'il convient d'éloigner de la société. Surtout, cela a pour conséquence, en plus de stigmatiser une population déjà précarisée, soit de la conduire en un lieu, la prison, dont on a vu qu'il n'était pas adapté au suivi des personnes souffrant d'une addiction et qu'il augmentait même les comportements à risques, soit de l'éloigner des centres de suivi et de traitement, ce qui rend moins efficace la politique menée en matière de réduction des risques.

Alors qu'il convient de rendre plus efficaces les actions de prévention afin de toucher un public plus large, la politique actuellement menée marginalise les usagers. La plupart des ILS concernent la consommation de cannabis : il est proposé aux personnes arrêtées dans ce cadre de suivre des stages payants de sensibilisation aux dangers de l'usage de stupéfiants. Ceux-ci ne constituent pas l'outil de prévention approprié car ils n'offrent pas une prise en charge individualisée et approfondie comme pouvaient le faire les consultations jeunes consommateurs proposées auparavant. La solution au problème de la toxicomanie ne passe pas par l'incarcération des usagers mais, au contraire, par un meilleur accompagnement et leur réinsertion progressive dans la société.

C'est pour ces raisons qu'il conviendrait de modifier la répartition des critères de distribution des crédits provenant du fonds de concours de la Mildt. Actuellement, 35 % vont à la police, 25 % à la gendarmerie, 20 % à la justice, 10 % aux douanes et 10 % aux actions de prévention. Cette dernière fraction est bien sûr trop faible et mériterait de bénéficier d'un rééquilibrage à son profit.


* 4 Cour des comptes, Organisation et gestion des forces de sécurité publique, juillet 2011, p. 36.

* 5 Ministère de la justice et des libertés, Les condamnations de l'année 2009, p. 57.

Page mise à jour le

Partager cette page