D. LA CRISE DE L'ÉLEVAGE ET LA QUESTION DE LA GESTION DE L'EAU

1. L'élevage en France : un pilier de la ferme France qui s'affaiblit

Avec respectivement 75 000 éleveurs spécialisés en bovins allaitant destinés à la production de viande et 85 000 éleveurs de vaches laitières, le poids de l'élevage est considérable au sein de l'agriculture française . A côté de ces deux productions majeures, l'élevage ovin et les élevages spécialisés, porcins ou avicoles, complètent le tableau d'une France des productions animales très diverse.

Une donnée rapproche pourtant les différents types d'élevage : ils connaissent tous des difficultés structurelles :

- la production laitière se maintient mais avec un cheptel en décroissance constante. Les éleveurs commencent leur conversion vers la production de viande, dans un contexte d'incertitude marquée par la fin des quotas en 2015.

- dans son rapport d'information de juillet 2011 31 ( * ) , notre collègue Gérard Bailly dressait également un tableau dégradé de la situation de la filière viande bovine. Dominante en Europe, la production française dégage cependant de faibles revenus, et est très vulnérable aux évènements conjoncturels.

Or, l'élevage constitue un enjeu essentiel pour les territoires : les exploitations d'élevage sont situées dans des zones où les productions végétales seraient moins productives que dans les grandes plaines céréalières.

Si le bilan de santé de la PAC, décidé en 2008, a procédé à un rééquilibrage des aides européennes en direction des filières animales, cette réorientation tarde à produire ses effets et les revenus moyens des éleveurs restent inférieurs aux revenus moyens agricoles.

La bonne tenue des prix depuis l'automne 2011 semble cependant obliger à nuancer le constat négatif sur la situation de l'élevage. Cette bonne tenue des prix est tirée par le dynamisme de la demande des pays tiers (Maghreb, Turquie). L'ensemble de la filière semble considérer l'export comme une des solutions aux difficultés de l'élevage mais vos rapporteurs pour avis regrettent que certains interlocuteurs de la filière viande restent réticents à s'engager dans une démarche de mise en commun de ressources pour conquérir les marchés à l'export, où l'offre française est encore très faible.

2. La sécheresse et la question de l'eau
a) Le phénomène et ses impacts

Le printemps 2011 a été marqué par un déficit de précipitations de 30 à 50 % sur l'ensemble du territoire français en mai, atteignant 75 % même dans certaines régions. Le mois d'avril s'est caractérisé à la fois par des températures historiquement élevées et par une pluviométrie très faible.

Cette sécheresse, en pleine période de croissance végétale, a pénalisé celle des cultures, et fait peser une menace majeure sur l'approvisionnement en fourrages dont l'élevage est extrêmement dépendant , avec un déficit estimé à la fin mai à 15 millions de tonnes de matière sèche de fourrage par l'Institut de l'élevage.

Les éleveurs ont anticipé leurs difficultés à nourrir leurs bêtes, en commençant à décapitaliser leur cheptel en mai et juin , déprimant les cours de viande bovine par un apport à l'abattage supérieur à la demande.

Le retour de la pluie fin mai 2011 et un été froid et pluvieux ont rétabli un peu la balance, permettant même à certaines productions comme le maïs d'atteindre un record de rendement lors de la récolte 2011 (à 105 quintaux/hectare en moyenne nationale). Les craintes sur les disponibilités fourragères se sont désormais un peu dissipées et le coup d'arrêt à l'envolée des prix de l'alimentation animale redonne de meilleures perspectives aux éleveurs.

b) Le plan sécheresse du Gouvernement.

Devant la gravité de la situation, le Gouvernement a mis en place un plan national pour faire face à la sécheresse avec :

- des mesures techniques : possibilité d'utiliser les jachères, interdiction par arrêté préfectoral du broyage des pailles dans certains départements, afin de mettre à disposition des éleveurs cette paille, pour un prix coûtant estimé à 25 euros la tonne en bout de champ. La SNCF a été mise à contribution pour organiser des convois de paille vers les régions déficitaires, mais la mise en place de ce dispositif a été lente.

- des mesures financières , avec l'anticipation du versement des aides PAC, le déblocage de crédits de trésorerie, le report d'appels à cotisation de la MSA.

- l'activation du FNGRA afin d'assurer l'indemnisation des agriculteurs. Le comité national de gestion des risques en agriculture s'est réuni à trois reprises durant l'été, donnant un avis favorable à la reconnaissance de calamité agricole pour cause de sécheresse dans 68 départements au total. Le 9 juin 2011, le Président de la République a annoncé que le FNGRA serait doté d'une enveloppe de 200 millions d'euros en 2011 pour faire face aux échéances. Il a également annoncé que les agriculteurs situés dans les zones sinistrées par la sécheresse seraient exonérés de la taxe sur le foncier non bâti (TFNB), ce qui représente un effort d'environ 300 millions d'euros.

c) A long terme : mieux gérer la ressource en eau

Mais l'épisode du printemps 2011 a surtout fait prendre conscience de la nécessité de mieux gérer les ressources en eau .

La création de retenues collinaires et de réserves rendrait l'agriculture plus résiliente à des épisodes climatiques de sécheresse , avec une double priorité pour l'élevage : abreuver les bêtes et maintenir la capacité à alimenter les cultures fourragères. L'eau reste en effet abondante en période hivernale et l'absence de stockage peu compréhensible.

En même temps, une politique plus ambitieuse de gestion de l'eau suppose une utilisation plus responsable de la ressource, afin de ne pas contribuer à assécher des bassins versants, en adaptant les types de culture (variétés cultivées, pratiques culturales) à un contexte de raréfaction de la ressource en eau.

Sur le plan budgétaire, le bleu de la MAPAFAR s'inscrit dans la droite ligne du choix fait en 2008 de désengager le ministère de l'Agriculture du financement de l'hydraulique agricole. Seuls 2,8 millions d'euros restent pour l'entretien des ouvrages qui sont du domaine de l'État, mais aucun moyen ne permet de subventionner des projets d'aménagement hydraulique.

Les investissements collectifs d'hydraulique agricole comme la construction de retenues collinaires bénéficient cependant d'une enveloppe dans le cadre du programme de développement rural hexagonal (PDRH), qui décrit la mise en oeuvre du 2 ème pilier de la PAC.

Enfin, ce sont les Agences de l'eau qui ont pris le relais du désengagement de l'État et peuvent subventionner jusqu'à 70 % des opérations qui leur sont présentées .

Mais les obstacles à la création de retenues ne sont pas seulement financiers, ils sont parfois juridiques et techniques, nécessitant des modifications législatives ou réglementaires pour favoriser un programme plus ambitieux de gestion de l'eau en faveur de l'agriculture.

Vos rapporteurs pour avis souhaitent que le ministère de l'agriculture ait une plus grande visibilité et un plus grand poids dans la conduite de la politique de réserve d'eau . Le fait de ne plus être financeur qu'à travers les contreparties nationales aux crédits communautaires du deuxième pilier, dans le cadre des mesures contractualisées dans les contrats de projet État régions (CPER) le place en effet trop loin de cet enjeu pourtant majeur.

LES ANNONCES DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE POUR MIEUX SOUTENIR ET GÉRER LA RESSOURCE EN EAU (6 JUIN 2011) :

1. Plan à 5 ans pour la création de retenues d'eau, afin de mieux assurer l'équilibre entre les besoins de l'irrigation et les ressources disponibles.

2. Extension par voie législative des compétences des chambres d'agriculture, afin de leur permettre d'assurer la maîtrise d'ouvrage des retenues d'eau.

3. Examen des conditions juridiques dans lesquelles les retenues d'eau mises en service ne pourraient plus faire l'objet de recours.

4. Plan à 5 ans sur la réduction des volumes d'eau prélevés sur 14 000 hectares, en implantant des cultures plus économes (sorgho, soja à la place du maïs).


* 31 Rapport d'information n° 734 (2010-2011) fait par M. Gérard Bailly, au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sur la situation et l'avenir du secteur de la viande bovine en France, déposé le 6 juillet 2011.

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