C. LA VITICULTURE : UNE CONJONCTURE MEILLEURE OBSCURCIE PAR LA PERSPECTIVE DE DISPARITION DES DROITS DE PLANTATION

1. Les restructurations dans la viticulture ont été douloureuses mais commencent à porter leurs fruits
a) La viticulture : maillon essentiel de l'économie française

Avec une production estimée à 50,2 millions d'hectolitres à l'issue des vendanges 2011, la France retrouve le 1er rang européen des producteurs de vin , devant l'Italie et l'Espagne, et enregistre une progression des volumes de l'ordre de 11 % par rapport à 2010, alors que dans le même temps, les productions italiennes et espagnoles se réduisent.

La France occupe une place prééminente dans la production mondiale de vin, qui s'élève à environ 260 millions d'hectolitres, dont 160 millions proviennent de l'Union européenne (60 %).

La contribution économique des vins et spiritueux est considérable : 18 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 6 milliards d'euros de contribution à l'excédent de la balance commerciale, deuxième secteur d'activité exportateur après la construction aéronautique 28 ( * ) .

L'exportation représente un peu plus d'un quart de la production en volume et un bon tiers en valeur, avec une présence forte sur les marchés extérieurs des vins de qualité supérieure et du champagne . Or, ce segment est particulièrement dynamique, avec une progression de la consommation de vins et spiritueux en Asie, particulièrement en Chine, et dans les pays émergents.

La viticulture française est caractérisée par une « segmentation de l'offre axée sur les terroirs », comme l'avait souligné le Conseil économique et social 29 ( * ) , d'où une très grande diversité des problématiques.

La réforme de l'OCM vitivinicole adoptée début 2009 par l'Union européenne a simplifié les classifications, qui se répartissent désormais en trois catégories : les productions sous appellation d'origine contrôlée (AOC), les vins sous indication géographique protégée (IGP), regroupant les anciens vins de pays, et les vins sans indication géographique. Pour autant, il existe une grande diversité à l'intérieur même de ces classifications.

En tout état de cause, les territoires où prédominent des vins de consommation courante, peu différenciés et soumis à une grande concurrence, sont les plus en souffrance, car ils sont confrontés à une concurrence accrue, alors même que la consommation est en baisse tendancielle sur le marché domestique.

b) La stratégie nationale choisie pour la vigne et le vin : restructurer le vignoble et développer la promotion

Devant le défi de la montée en gamme du vignoble français, pour répondre à la fois à une demande mondiale en évolution rapide, et à une attente plus forte des consommateurs en termes de qualité, la France a développé une stratégie axée essentiellement sur la restructuration du vignoble et sur la promotion .

En ce qui concerne la promotion, elle est soutenue par trois outils :

- des crédits nationaux provenant du fonds de la filière viticole, alimenté par l'enveloppe d'environ 100 millions d'euros prévue pour les actions en faveur des filières menées par FranceAgrimer au sein du programme 154. Au total, cette enveloppe reste modeste avec 8 millions d'euros par an utilisée dans le cadre du plan stratégique sur la promotion et la communication des vins français pour 2011-2013, décidé dans le cadre du Conseil spécialisé Vins de FranceAgrimer en juillet dernier, avec l'utilisation renforcée du logo France de la SOPEXA pour les ventes à l'international.

- des crédits européens de promotion vers les pays tiers, dans le cadre de l'OCM vitivinicole, pour 20 millions d'euros.

- Enfin, les interprofessions viticoles ont une mission essentielle de promotion qu'elles financent sur leurs moyens propres.

En ce qui concerne la restructuration, celle-ci s'appuie sur des moyens importants, dans le cadre de l'OCM vitivinicole :

- les mesures d'arrachage définitif de vigne ont représenté 35 millions d'euros sur la campagne 2010-2011, dont plus de 70 % concernent des surfaces de vigne en Languedoc-Roussillon. Ces mesures sont financées sur une ligne différente de celle du programme national de soutien au secteur vitivinicole (PNSSV) 2008-2013. L'enveloppe devrait être quasiment supprimée en 2012, la campagne 2011-2012 étant la dernière ouvrant cette possibilité.

- les crédits de restructuration du vignoble (arrachage-replantation) se sont élevés à 117,8 millions d'euros, soit plus de la moitié de l'enveloppe du PNSSV. Au total, ce sont 450 millions soit 38 % du montant total du PNSSV qui seront consacrés à la restructuration sur 2008-2013. Les taux d'aides ont diminué afin de respecter l'enveloppe prévue, du fait du succès du dispositif.

LA RÉPARTITION DES CRÉDITS DU PROGRAMME FRANÇAIS DE L'OCM VITIVINICOLE

Financé exclusivement sur crédits européens du premier pilier, au titre des dépenses d'intervention, le programme national de soutien s'élevait en France à 224 millions d'euros, répartis ainsi :

- Prestations viniques : 26,25 millions d'euros ;

- Moûts concentrés : 11,08 millions d'euros ;

- Assurance récolte : 0,19 million d'euros ;

- Restructuration du vignoble : 117,80 millions d'euros ;

- Promotion pays tiers : 20,06 millions d'euros ;

- Investissements : 46,01 millions d'euros;

- Distillation de crise : 2,68 millions d'euros.

Source : FranceAgrimer

c) Parallèlement à la restructuration : améliorer l'organisation de la filière

Lors de son audition par votre commission de l'Économie, le 31 octobre dernier, le ministre chargé de l'agriculture Bruno Le Maire avait rappelé les priorités du Gouvernement en matière d'organisation. Constatant qu'un trop grand nombre d'interprofessions est source de surcoûts pour les producteurs, à travers le prélèvement de contributions volontaires obligatoires (CVO) trop importantes, il a indiqué sa préférence pour leur regroupement, afin de gagner en visibilité et en efficacité.

Le rapport de Jérôme Despey, président du Conseil spécialisé vin de FranceAgrimer, remis en avril 2010 au Gouvernement, avait fixé le cadre pour un regroupement des interprofessions viticoles par bassins de production, avec une mise en oeuvre d'ores et déjà rapide puisque le ministre a indiqué lors de son audition qu'en Languedoc-Roussillon, leur nombre était passé de 13 à 3.

Vos rapporteurs pour avis approuvent cette stratégie qui apparaît relativement équilibrée , car elle préserve les spécificités de chaque grande région agricole mais en simplifiant la gouvernance et en l'organisant par bassin.

2. La fin des droits de plantation : une catastrophe pour l'ensemble de la filière
a) La perspective de suppression des droits de plantation dans l'Union européenne

Mis en place en 1976 dans l'Union européenne, le système des droits de plantation assure une certaine stabilité à la production viticole, en contingentant à la base les capacités de production.

Plutôt que d'assouplir le système, la réforme de l'OCM vitivinicole de 2008 a prévu d'abolir totalement les droits de plantation au 31 décembre 2015 , avec possibilité de repousser de deux ans l'échéance dans chacun des États membres.

La libéralisation des plantations est donc prévue pour 2018 au plus tard, et suscite d'importantes craintes, rappelées dans le rapport de notre collègue députée Catherine Vautrin d'octobre 2010 30 ( * ) : délocalisation de certains vignobles des coteaux vers la plaine plus facile d'accès et proche de la ressource en eau, augmentation de la production faisant craindre une surproduction, ou encore des détournements de notoriété et une baisse de la qualité et de l'image de marque des vins européens.

b) Pour le maintien des droits de plantation : un combat gagnable mais pas gagné

Alors même que la France avait voté en faveur de la réforme de l'OCM vitivinicole en 2008 et donc de la libéralisation des droits de plantation, les risques que cette réforme fait courir ont amené plusieurs États membres de l'Union européenne à réviser leur position. Dans une déclaration du 24 mars 2010, la chancelière allemande Angela Merkel exprimait son souhait de revenir sur la réforme sur ce point, suivie par une déclaration dans le même sens du Président de la République française Nicolas Sarkozy, le 18 janvier 2011. Le 14 avril, 9 États membres (Allemagne, France, Italie, Chypre, Luxembourg, Hongrie, Autriche, Portugal, Roumanie), rejoints par la suite par l'Espagne, la République Tchèque et la Slovaquie ont pris position en faveur du maintien des droits de plantation.

Cette mobilisation n'a pas suffi à infléchir la position de la commission, qui dans la nouvelle proposition de règlement portant organisation commune des marchés pour la PAC après 2013, publiée en octobre 2011, a maintenu la suppression des droits de plantation après 2015.

Le Parlement européen a déjà fait connaître son souhait de rétablissement des droits de plantation dans une résolution sur la PAC après 2020, présentée en mai 2011, sur le rapport du député européen allemand Albert Dess. Rappelons que les textes de la future PAC sont soumis à codécision, impliquant un accord du Parlement européen.

La bataille diplomatique se poursuit cependant à Bruxelles pour abroger l'actuel texte sur les droits de plantation . La somme des oppositions à la suppression des droits de plantation s'élève à 12 États et 189 voix au Conseil. Il manque donc 66 voix supplémentaires provenant d'au moins deux États membres différents pour parvenir à une majorité qualifiée permettant de modifier les règlements communautaires dans le sens d'un rétablissement des droits de plantation.

Le Sénat a organisé en avril 2011 un colloque réunissant des participants venant de toute l'Europe et dont la conclusion a été, sans équivoque, de demander le maintien des droits de plantation. Vos rapporteurs pour avis espèrent que ce combat pourra être gagné, car la fin de ce mode de régulation fragiliserait une production essentielle à l'équilibre de nos territoires et de notre économie agricole. Ils s'inquiètent cependant de l'absence d'avancées sur le dossier des droits de plantation depuis l'été 2011 .


* 28 Chiffres moyens sur les 5 dernières années connues.

* 29 La vigne, le vin : atout pour la France - Rapport du Conseil économique et social présenté par M. Jean-Paul Bastian - juin 2008.

* 30 Catherine Vautrin : Les droits de plantation, un outil éprouvé et moderne de gestion harmonieuse du potentiel de production viticole européen. Rapport au Gouvernement. Octobre 2010.

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