3. Le coût des dépenses fiscales et des aides publiques dommageables à la biodiversité

Votre rapporteur pour avis souhaite que la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire du Sénat, et plus largement le Parlement, soient attentifs aux suites qui seront données au récent rapport 48 ( * ) du Centre d'analyse stratégique sur les aides publiques dommageables à la biodiversité.

En effet, la dixième conférence des parties à la Convention des Nations unies sur la diversité biologique en 2010 à Nagoya a fait de la révision des subventions préjudiciables à la biodiversité un objectif prioritaire. La loi n°2009-967 du 3 août 2009, dite Grenelle I reprend cet objectif notamment à l'article 26.

Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre
du Grenelle de l'environnement
Article 26

« L'État contribuera au financement d'actions destinées à élaborer la trame verte et bleue, à mettre en place et gérer des aires protégées, à acquérir des zones humides, à sauvegarder les espèces menacées, à inventorier la biodiversité et à analyser son érosion.

« Afin de mettre ces actions en oeuvre, la part de financement de l'État pourra être portée progressivement de 190 à 300 millions d'euros par an d'ici à 2013. L'État engagera de plus une négociation pour développer des solutions nouvelles de financement pour la biodiversité. Il fera appel aux financements de la Communauté européenne. Il mettra à l'étude des propositions d'outils économiques à disposition des collectivités territoriales et des initiatives pour développer la contribution des entreprises.

« Six mois après la publication de la présente loi, l'État, sur la base d'un audit, fera état des mesures fiscales défavorables à la biodiversité et proposera de nouveaux outils permettant un basculement progressif vers une fiscalité mieux adaptée aux nouveaux enjeux environnementaux.

En outre, à l'article 48, la loi dite Grenelle I stipule notamment que « le Gouvernement présente au Parlement une évaluation de l'impact environnemental des aides publiques à caractère budgétaire ou fiscal. Les aides publiques seront progressivement revues de façon à s'assurer qu'elles n'incitent pas aux atteintes à l'environnement » .

Les cinq principales causes d'érosion de la biodiversité en France

La notion de biodiversité fait l'objet de multiples définitions qui renvoient, d'une part, à la variété des espèces existantes, aux différents niveaux d'organisation du vivant et, d'autre part, aux approches fonctionnelles et à la pluralité des services rendus.

La définition retenue, ici, comme par le groupe de travail présidé par Bernard Chevassus-au-Louis, renvoie à l'ensemble du tissu du vivant, faune, flore, micro-organismes, et considère deux variables majeures : la diversité du vivant, avec ses trois principaux niveaux d'organisation, et l'appréciation de son abondance qui détermine à la fois son importance pour l'homme et sa probabilité de maintien. Sont ainsi prises en compte la diversité remarquable, la diversité ordinaire, la diversité ordinaire, la diversité fonctionnelle, la pluralité des services écosystématiques et la diversité paysagère.

Au-delà des définitions, la connaissance et le suivi de l'état de la biodiversité impliquent de pouvoir, à travers des observatoires, la surveiller et, dans la mesure du possible, la quantifier afin notamment d'alerter la collectivité sur son évolution.

Les travaux publiés depuis deux décennies s'accordent sur le constat d'une érosion accélérée de la biodiversité et sur l'existence de cinq grandes pressions qui en sont à l'origine :

- la destruction et la dégradation qualitative des habitats par la fragmentation, le changement d'usage des terres, l'artificialisation, la simplification et l'intensification des pratiques agricoles ;

- la surexploitation des ressources naturelles renouvelables (ressources halieutiques, en eau, sols, forêts) ;

- les pollutions (nitrates, pesticides, thermiques, résidus de médicaments) ;

- le changement climatique qui agit sur l'ensemble des équilibres, mais fait l'objet de multiples autres formes d'actions et de politiques ;

- les espèces exotiques envahissantes.

Il est délicat d'établir une hiérarchie entre ces causes, même si le principal impact semble résulter de l'artificialisation des sols et de la dégradation des habitats. Les effets tendent à se renforcer mutuellement. Le changement climatique apparaît comme une cause potentiellement majeure qui dépend certes des politiques nationales mais aussi internationales. La question de la coordination des politiques nationales se pose également pour les espèces exotiques envahissantes, notamment par souci de conformité avec les règles de l'OMC. Enfin, il est clair que si les mécanismes de subventions publiques peuvent s'appliquer de façon non différenciée à l'ensemble du territoire national, leurs effets sont souvent bien différents selon les milieux considérés. A l'inverse, certains soutiens publics sont parfois concentrés sur des territoires particulièrement riches et/ou fragiles en matière de biodiversité.

Source : Rapport du Conseil d'analyse stratégique (octobre 2011) - Les aides publiques dommageables à la biodiversité

Le rapport recommande ainsi d'agir dans 5 directions :

• lutter contre l'artificialisation des sols, en réduisant les dépenses fiscales favorables à l'étalement urbain, pour plutôt privilégier la densité urbaine ;

• inclure le coût de la biodiversité réduite, lors de l'évaluation socio-économique des projets d'infrastructures de transport ;

• réformer la taxation des rejets industriels dans l'eau en intégrant les 13 substances dangereuses prioritaires de la Directive Cadre sur l'Eau dans une redevance pour pollution non domestique ;

• réduire les émissions atmosphériques de métaux lourds ;

• rendre les redevances plus incitatives, par exemple celles perçues par l'État pour toute occupation ou utilisation privative du domaine public.

Votre rapporteur pour avis partage d'ailleurs pleinement l'objectif annoncé par le Président de la République, reprenant une préconisation du rapport du CAS, lors du discours qu'il a prononcé à Changé à l'occasion du Grenelle de l'environnement le 20 octobre 2011, de créer un Fonds national pour la préservation de la biodiversité.

Ce fonds serait alimenté au moins par le redéploiement des incitations fiscales peu efficaces et aurait pour objectif la préservation et la restructuration des milieux naturels et des continuités écologiques.

Votre rapporteur pour avis considère que la dotation de ce fonds devra être à la hauteur des enjeux tout en ne grevant pas les finances publiques par le biais d'une réallocation du montant des dépenses fiscales supprimées.


* 48 Rapport du Conseil d'analyse stratégique (octobre 2011) - Les aides publiques dommageables à la biodiversité

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page