D. UNE FORTE BAISSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 135 « DÉVELOPPEMENT ET AMÉLIORATION DE L'OFFRE DE LOGEMENT », NOUVELLE ILLUSTRATION DU DÉSENGAGEMENT DE L'ETAT EN MATIÈRE DE LOGEMENT SOCIAL

Le programme 135 « Développement et amélioration de l'offre de logement » regroupe « les aides dites "à la pierre", qui visent à favoriser la mise sur le marché d'une offre diversifiée, adaptée aux besoins et aux attentes des Français » 27 ( * ) .

Les crédits du programme 135 diminuent très sensiblement en 2012, de 7,4 % en AE et de 27,2 % en CP.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS
DU PROGRAMME 135 « DÉVELOPPEMENT ET AMÉLIORATION DE L'OFFRE DE LOGEMENT »

(en millions d'euros)

Actions

Autorisations d'engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

LFI 2011

PLF 2012

Évolution

LFI 2011

PLF 2012

Évolution

Construction locative et amélioration du parc

508,6

458,9

-9,8 %

468,6

322,6

-31,1 %

Soutien à l'accession à la propriété

4,7

4,5

-4,3 %

4,7

4,5

-4,3 %

Lutte contre l'habitat indigne

-

-

-

-

-

-

Réglementation de l'habitat, politique technique et qualité de la construction

16,8

26,9

+60,0 %

16,8

26,9

+60,0 %

Soutien

11,9

11,4

-4,1 %

11,9

11,4

-4,1 %

Total du programme

542,0

501,7

-7,4 %

502,0

365,4

-27,2 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012.

Le programme 135 demeure, cette année, structuré autour de cinq actions :

- l'action 1 « Construction locative et amélioration du parc » , qui représente 91,5 % des crédits du programme en AE, regroupe « l'ensemble des moyens que l'État consacre à la production de nouveaux logements, à l'amélioration du parc existant (hors outre-mer et opérations de rénovation urbaine) et à l'accession à la propriété » 28 ( * ) ;

- l'action 2 « Soutien à l'accession à la propriété » finance les frais de gestion des différents dispositifs d'accession à la propriété ;

- l'action 3 « Lutte contre l'habitat indigne » constitue, comme les années précédentes, une « coquille vide ». Depuis la « loi MOLLE » 29 ( * ) , le financement de la lutte contre l'habitat indigne repose en effet exclusivement sur des ressources extrabudgétaires ;

- l'action 4 « Réglementation de l'habitat, politique technique et qualité de la construction » finance notamment les risques contentieux et certaines études et recherches en matière de qualité de la construction. L'augmentation sensible des crédits de cette action est liée aux condamnations pécuniaires de l'État au titre du droit au logement opposable (DALO), pour lesquelles 19,3 millions d'euros ont été inscrits en 2012 30 ( * ) ;

- l'action 5 « Soutien » regroupe les crédits destinés aux différentes actions support de la politique du logement (études, communication, formation).

Votre rapporteur pour avis estime que la forte diminution des crédits du programme 135 et de l'action 1 « Construction locative et amélioration du parc » illustre le désengagement de l'État en matière de logement social .

Cette action constitue en effet le thermomètre de l'effort budgétaire en faveur de la construction et la réhabilitation de logements sociaux .

Au sein de cette action, les crédits destinés spécifiquement au développement et à l'amélioration du parc locatif social sont ainsi en forte diminution. Cette diminution n'est même pas compensée par la part du produit du prélèvement sur les organismes HLM mis en place par la loi de finances pour 2011 31 ( * ) affectée aux aides à la pierre 32 ( * ) .

Le montant des crédits budgétaires destinés à la construction et à la réhabilitation de logements sociaux sera même inférieur à la somme du montant de ce prélèvement et du coût, pour les organismes HLM, du passage de 5,5 % à 7 % du taux de TVA applicable aux opérations portant sur les logements sociaux. Lors de son audition par votre rapporteur pour avis, l'Union sociale pour l'habitat (USH) a en effet souligné que le coût de cette dernière mesure serait, pour les organismes HLM, de 225 millions d'euros en 2012.

LA DIMINUTION DES CRÉDITS DESTINÉS
AU DÉVELOPPEMENT ET À L'AMÉLIORATION DU PARC LOCATIF SOCIAL

(en millions d'euros)

2011

2012

Évolution

Autorisations d'engagement (AE)

500

450

-10,0 %

Crédits de paiement (CP)

450

303,7

-32,5 %

CP + part du produit du « prélèvement HLM » affecté aux « aides à la pierre »

530

443,7

-16,3 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012.

Votre rapporteur pour avis rappelle qu'il s'était résolument opposé l'année dernière à la mise en place du prélèvement sur les organismes HLM. Il reste convaincu que le projet de loi de finances pour 2012 confirme un dispositif ne visant en rien à établir de la péréquation entre organismes mais bien, comme l'a souligné notre collègue Nicole Bricq, rapporteure générale du budget, à « combler les restrictions de crédits de paiement » 33 ( * ) .

Cette « ponction » est en cohérence avec la logique actuelle selon laquelle « l'État dépense l'argent des autres » 34 ( * ) . Le meilleur exemple de cette logique est le fait qu'Action Logement, ex « 1% Logement », a financé sur la période 2009-2011 :

- l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) à hauteur de 770 millions d'euros ;

- l'Agence nationale pour l'habitat (ANAH) à hauteur de 480 millions d'euros ;

- le Plan national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) à hauteur de 95 millions d'euros.

Le prochain triennal (2012-2014) maintient le financement de l'ANAH et de l'ANRU par Action Logement, à hauteur de 3,25 milliards d'euros.

Aux yeux de votre rapporteur pour avis, la tendance budgétaire actuelle pourrait conduire à la quasi-extinction des aides à la pierre en faveur du logement social.

Ce désengagement de l'État est d'autant plus inacceptable que la mobilisation des opérateurs du logement social et des collectivités territoriales reste très forte , comme l'illustrent les résultats en matière de financement de logements sociaux.

Pour autant, votre rapporteur pour avis relève que l'effort des collectivités territoriales en faveur du logement a, pour la première fois, reculé entre 2009 et 2010 . Lors de leur audition, les représentants des associations d'élus ont estimé que ce phénomène s'expliquait par les difficultés financières rencontrées actuellement par les collectivités territoriales qui les obligent à se recentrer sur leurs dépenses obligatoires.

EFFORT PUBLIC EN FAVEUR DU LOGEMENT

(en millions d'euros)

2000
DO + CP

2002
DO + CP

2005
DO + CP

2009
CP

2010
CP

2011
CP

2012
CP

Total aides budgétaires 35 ( * )

10 096,9

10 238,8

9 922,5

9 174,6

9 347,7

9 181,4

8 907,8

dont

Aides budgétaires à la pierre 36 ( * )

1 987,8

1 938,3

1 537,9

834,9

862,9

1 082,0

860,7

Total dépenses fiscales

9 177,1

9 280,0

10 731,0

14 510,0

15 480,0

15 623,0

15 564,0

Total contribution extérieures 37 ( * )

9 064,6

10 683,0

12 277,0

14 165,0

14 518,0

14 847,5

15 034,0

Total général État

28 334,6

30 201,8

32 930,5

37 849,7

39 435,7

39 651,9

39 505,8

Effort des collectivités locales 38 ( * )

430,0

476,0

830,1

1 793,4

1 740,8

1 740,8

1 740,8

Source : réponse au questionnaire budgétaire transmis par votre rapporteur pour avis.

Le désengagement de l'État et l'importance de l'intervention des collectivités territoriales apparaissent clairement quand on examine le niveau relatif de leurs subventions pour le financement d'un prêt locatif à usage social (PLUS) et d'un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI). Le niveau des subventions des collectivités locales est équivalent, voire bien souvent supérieur, à celui des subventions de l'État.

MODALITÉS DU BOUCLAGE FINANCIER DE PRÊTS PLUS ET PLAI

(en euros)

2011

PLUS

PLAI

Île-de-France

Hors Île-de-France

France hors DOM

Île-de-France

Hors Île-de-France

France hors DOM

Subventions de l'État

10 756
(6,1 %)

2 071
(1,6 %)

3 909
(2,7 %)

30 000
(15,4 %)

11 416
(8,6 %)

14 221
(10,0 %)

Subventions des collectivités locales

22 078
(12,5 %)

8 032
(6,0 %)

11 004
(7,7 %)

24 410
(9,1 %)

11 960
(9,1 %)

13 839
(9,8 %)

Total de l'opération

177 149

132 953

142 304

194 577

132 085

141 517

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis.

Votre rapporteur pour avis relève enfin que les objectifs de financement de logements sociaux en 2012 restent stables par rapport à 2011 : il s'agit de financer 120 000 logements sociaux (22 500 PLAI, 55 000 PLUS et 42 500 PLS 39 ( * ) ).

La stabilité des objectifs de financement dans un contexte où les crédits budgétaires diminuent devrait conduire à une diminution de la subvention unitaire, qui passera de 800 à 600 euros pour les PLUS et de 10 800 à 9 600 euros pour les PLAI . Il convient de souligner qu'elle s'établissait en 2002 à près de 6 000 euros pour un PLUS et à plus de 15 000 euros pour un PLAI, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Cette diminution s'inscrit en effet dans une tendance lourde observée depuis 2002 de forte diminution de la subvention budgétaire de l'État pour la construction de logement sociaux, dans un contexte où l'augmentation du prix du foncier et des coûts de construction a fait « flamber » le coût de construction d'un logement social qui atteint aujourd'hui environ 142 000 euros.

ÉVOLUTION DE LA SUBVENTION BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT

(en euros courants par logement, hors subvention pour surcharge foncière et prime spécifique en Île-de-France)

PLUS 40 ( * )

PLAI 41 ( * )

Neuf

Acquisition

Neuf

Acquisition

1998

117

2 867

6 996

9 668

2000

4 265

6 306

14 530

12 300

2002

5 756

6 959

15 582

15 204

2004

2 445

2 976

11 757

11 737

2006

2 463

3 223

12 007

10 151

2008

3 003

3 570

13 859

11 920

2010

1 872

1 955

11 996

10 712

Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur pour avis.


* 27 Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012, p. 84.

* 28 Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012, p. 98.

* 29 Loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion.

* 30 Projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012, p. 125.

* 31 Article 210 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.

* 32 Le prélèvement sur le potentiel financier des organismes HLM et des SEM devrait rapporter 245 millions d'euros en 2012. Cette somme sera affectée comme suit : 140 millions d'euros aux aides à la pierre et 105 millions d'euros à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).

* 33 Rapport d'information n° 64 (2011-2012) fait au nom de la commission des Finances sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, Mme Nicole Bricq, p. 94.

* 34 Ibid., p. 93.

* 35 Outre les aides budgétaires à la pierre, les aides budgétaires comprennent les aides budgétaires à la personne (aides personnelles au logement, garantie des risques locatifs...) ainsi que l'épargne logement ou la compensation de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).

* 36 Outre les crédits destinés à la construction, à l'amélioration de l'habitat et à la rénovation urbaine, les aides budgétaires à la pierre comprennent la garantie de l'accession sociale à la propriété, le Fonds national à la rénovation thermique ou encore l'aide au logement dans les départements d'outre-mer.

* 37 Parmi les contributions extérieures, on peut relever les contributions d'Action Logement, la contribution des régimes sociaux au financement des aides personnelles au logement ou encore la contribution des employeurs au Fonds national d'aide au logement.

* 38 Pour les collectivités locales, il s'agit des prêts et subventions versés dans le secteur du logement par les communes et groupements fiscalisés de plus de 5 000 habitants, les départements et les régions. Pour 2011 et 2012, le dernier montant constaté a été repris.

* 39 Prêts locatifs sociaux.

* 40 Y compris prêts locatifs aidés (PLA). Les PLA ont été remplacés par les PLUS en 1999.

* 41 Y compris prêts locatifs aidés très sociaux (PLATS) et prêts locatifs aidés à loyer modéré (PLALM). Les PLATS et les PLALM ont été remplacés par les PLAI en 1998.

Page mise à jour le

Partager cette page