II. UN NOUVEAU CADRE D'ACTION RÉNOVÉ POUR L'ÉTAT ACTIONNAIRE : PREMER BILAN DE LA RÉFORME DE L'APE

A. UN CADRE INSTITUTIONNEL RÉNOVÉ : PREMIER BILAN D'UNE RÉORIENTATION

1. Le nouveau commissaire aux participations de l'État, symbole d'une redéfinition du rôle de l'État actionnaire

Par la nomination le 15 septembre 2010, d'un commissaire aux participations de l'État, une fonction nouvelle est née dans le cadre de la fonction d'actionnaire de l'État, symbolisant un élargissement de ses priorités.

En effet, le décret du 31 janvier 2011 a élargi les missions de l'Agence des participations de l'État dans le sens d'une véritable stratégie industrielle globale de l'État en modifiant le décret constitutif de l'Agence des participations de l'État du 9 septembre 2004.

Cette modification de statut de l'APE s'est concrètement traduite par :

- le rattachement direct au ministre en charge de l'économie : à l'article 1 er du décret, les mots « placé auprès du directeur général du Trésor » ont été remplacés par les mots « rattaché directement au ministre chargé de l'économie » ;

- une séparation stricte, pour la première fois, entre l'APE et la Direction générale du Trésor, alors qu'auparavant, il existait un directeur de l'Agence des participations de l'État qui fonctionnait dans l'orbite du Trésor ;

- un changement de profil à la tête de cette agence avec la nomination d'un « commissaire aux participations de l'État » , ayant vocation à remplacer l'ancien directeur de l'APE, qui est chargé « d'animer la politique actionnariale de l'État, sous ses aspects économiques, industriels et sociaux » .

Article 1 du décret n°2004-963 du 9 septembre 2004 portant création du service à compétence nationale « Agence des participations de l'État » modifié par le décret n°2011-130 du 31 janvier 2011

I. - Il est créé, sous le nom d'Agence des participations de l'État, un service à compétence nationale rattaché directement au ministre chargé de l'économie .

II. - L'agence exerce, en veillant aux intérêts patrimoniaux de l'État, la mission de l'État actionnaire dans les entreprises et organismes contrôlés ou détenus, majoritairement ou non, directement ou indirectement, par l'État qui figurent sur la liste annexée au présent décret.

Elle exerce cette mission en liaison avec l'ensemble des ministères chargés de définir et de mettre en oeuvre les autres responsabilités de l'État.

III. - Le commissaire aux participations de l'État, sous l'autorité du ministre chargé de l'économie, anime la politique actionnariale de l'État, sous ses aspects économiques, industriels et sociaux.

A ce titre, il assure la direction générale de l'Agence des participations de l'État.

IV. - Un directeur général adjoint peut être désigné, par arrêté du ministre chargé de l'économie, sur proposition du commissaire aux participations de l'État.

C'est donc bien de la rénovation de la fonction actionnariale de l'État qu'il s'agit.

Dans sa communication relative à la politique de l'État actionnaire lors du Conseil des ministres du 27 avril 2011, la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, Mme Christine Lagarde, avait en effet souligné l'évolution majeure de cette politique qui avait fait suite à la nomination d'un Commissaire aux participations de l'État. Cette évolution consistait, avait-elle précisé, à « mettre au premier plan la vision industrielle dans le pilotage des participations de l'État et à soutenir ainsi les entreprises concernées dans une stratégie de développement industriel et économique de long terme » .

Le décret du 31 janvier 2011 a également modifié l'article 5 du décret constitutif de l'APE, afin de prévoir que « les modalités de l'unité de gestion des moyens et des personnels de l'Agence des participations de l'État avec ceux de la Direction générale du Trésor sont fixées par une convention conclue entre le directeur général de l'agence et le directeur général du Trésor » . Dans ce cadre, une convention de gestion a été passée entre l'APE et la Direction générale du Trésor le 16 février 2011.

Cette réforme de la gouvernance de l'Agence des participations de l'État a marqué la volonté d'une vision plus anticipatrice et plus globale qui accorde une place essentielle à l'intérêt stratégique des entreprises. L'importance de « dialoguer » sur un pied d'égalité avec les entreprises publiques constitue désormais une priorité pour comprendre leurs enjeux stratégiques.

2. Les nouvelles modalités pratiques de travail

Au-delà de la symbolique, le bilan de cette réforme, un an plus tard, montre de réelles améliorations dans la pratique de la conduite de l'État actionnaire.

Dans sa communication du 27 avril 2011, la ministre en charge de l'économie avait également mis en avant une modernisation de la gouvernance des participations : « Cela passe d'abord par une meilleure gouvernance des participations. Un dialogue stratégique régulier et à haut niveau est assuré entre les ministres et les chefs d'entreprise. La représentation de l'État au sein des conseils d'administration inclut dorénavant de manière systématique un représentant compétent en matière industrielle, aux côtés du représentant issu de l'Agence des participations de l'État. La représentation équilibrée entre hommes et femmes au sein des conseils d'administration est une priorité » .

Cette volonté d'affirmer un objectif de stratégie industrielle à la politique actionnariale de l'État a conduit en pratique à un certain nombre de modifications pragmatiques qui ont modernisé la démarche de l'État dans son rôle d'actionnaire :

- pour chaque entreprise où l'État est actionnaire, des réunions régulières sont organisées entre le ministre de l'Economie, les autres ministres intéressés (Défense, Transports, Industrie, Energie ou encore Communication) et les dirigeants de l'entreprise dans le but de faire des points stratégiques ; comme le Commissaire aux participations de l'État, M. Jean-Dominique Comolli, l'a indiqué à votre rapporteur pour avis, ces réunions sont semestrielles et permettent un véritable dialogue de fond entre le ministre et les chefs d'entreprise ;

- un administrateur représentant l'État disposant de compétences industrielles est systématiquement nommé à côté de l'administrateur représentant le ministère de l'Economie au titre des intérêts patrimoniaux, ce qui marque bien cette double priorité que l'État actionnaire souhaite désormais mettre en avant ;

- l'organe compétent du conseil d'administration est chargé de préparer les processus de nomination, de renouvellement et de succession des dirigeants plus en amont ;

- une évaluation précise de la contribution de chaque entreprise au développement industriel de la France est menée via des revues régulières sur la répartition par pays ou grandes zones des investissements, de l'emploi, de la valeur ajoutée et des achats/sous-traitances ;

- un compte-rendu périodique sur la politique de gestion des personnels est établi.

Autre exemple de cette mise en avant de l'objectif de stratégie industrielle, l'Agence des participations de l'État a désormais recours à la pratique d'études sectorielles pour mieux anticiper les intérêts stratégiques des prises de participation de l'État. Ainsi, par exemple, une étude a été menée sur le secteur particulièrement émietté de la défense 2 ( * ) afin de délimiter les contours d'un périmètre qui puisse épouser ceux d'une véritable politique industrielle en matière de défense. Le rapprochement entre Thalès et Safran résulte de cette initiative.

Le rapport « l'État actionnaire » de 2011 de l'Agence des participations de l'État note ainsi : « Avec un tel plan d'action, l'État joue davantage son rôle d'actionnaire industriel pour amener ces entreprises à converger vers trois priorités qui sont les siennes : contribuer à la compétitivité de long terme de notre industrie et de l'économie, créer de la valeur et fournir aux 1,7 million de salariés concernés des perspectives d'emploi et de développement de leur projet professionnel » .

Votre rapporteur pour avis s'étonne cependant que la présentation stratégique du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012 indique que la finalité du programme 731 est de « contribuer à la meilleure valorisation possible des participations financières de l'État » et résume la stratégie de l'État actionnaire à deux objectifs seulement : « veiller à l'augmentation de la valeur des participations financières et assurer le succès des opérations de cession des participations financières » .

Il serait en effet souhaitable que la réforme de l'Agence des participations de l'État, et d'une manière générale de la gouvernance de l'État dans sa fonction d'actionnaire, puisse avoir des répercussions sur la gestion du compte d'affectation spéciale et sur les documents budgétaires élaborés et transmis au Parlement. En outre, une plus grande transparence et une plus grande exhaustivité des informations communiquées permettraient une meilleure anticipation du comportement de l'État actionnaire et de l'utilisation des crédits des programmes concernés.

De la même manière, comme M. François Patriat, rapporteur pour avis du compte d'affectation spéciale au nom de la commission de l'économie pour le projet de loi de finances pour 2011, l'avait relevé, pour l'APE chargée de mettre en oeuvre le programme 731 « les indicateurs permettant de mesurer l'atteinte ou non de l'objectif d'augmentation des participations de l'État sont ainsi naturellement des indices de rentabilité financière : la rentabilité opérationnelle des capitaux employés, la rentabilité financière des capitaux propres, la marge opérationnelle, la soutenabilité de l'endettement et la distribution de dividendes » 3 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis regrette que pour l'exercice 2012, les indicateurs de performance n'aient pas évolué et n'aient pas pris en compte la réforme institutionnelle de l'APE et les orientations de bonne gouvernance mises en oeuvre en 2011, passant ainsi sous silence l'objectif de stratégie industrielle pourtant mis en avant par la nouvelle organisation de l'APE.

3. L'Agence des participations de l'État et le Fonds stratégique d'investissement : des missions à clarifier

La multiplicité des acteurs en charge du pilotage de l'État actionnaire rend peu lisible la stratégie globale arrêtée par l'État en matière de participations.

L'Agence des participations de l'État (APE) constitue un service à compétence nationale qui poursuit donc aujourd'hui le triple objectif d'un renforcement de la compétitivité de long terme de notre industrie et de notre économie, d'une création de valeur et d'un soutien aux perspectives d'emploi et de développement du projet professionnel des 1,7 million de salariés des entreprises suivies.

Ce travail de suivi approfondi des participations passe par une implication dans les travaux des organes sociaux (conseils d'administration et leurs comités spécialisés) et, dans ce cadre, par :

- le contrôle attentif de la qualité et de la sincérité des comptes et de l'information comptable ;

- l'analyse de la pertinence, sur le plan industriel et stratégique, et l'optimisation, sur le plan patrimonial, des investissements importants, des opérations de croissance externe et de cession ;

- la discussion et la validation des budgets annuels, des plans à moyen terme, et des grandes orientations stratégiques.

C'est à ce titre que le Commissaire aux participations de l'État siège en tant que représentant de l'État aux conseil d'administration, comité d'audit et comité des rémunérations du Fonds stratégique d'investissement. Il est également membre du comité d'investissement de ce dernier.

La Caisse des dépôts et consignations , investisseur institutionnel public, est présente au capital de plusieurs sociétés du CAC 40 et échappe au champ de compétence de l'APE. Elle détient d'ailleurs parfois des participations dans les mêmes entreprises que l'APE.

Le Fonds stratégique d'investissement (FSI) , lui, a été créé par l'État et la Caisse des dépôts en décembre 2008 pour répondre aux besoins spécifiques à chaque phase du cycle de vie d'une entreprise, par apport de nouveaux fonds propres ou par rachats d'actions, directement ou à travers les fonds d'investissements auxquels il souscrit à travers le programme FSI France Investissement. Il intervient dans des situations bien définies : soit pour apporter une réponse au déficit structurel de fonds propres des entreprises, soit pour accélérer le développement d'une entreprise dans le cadre d'un apport de fonds propres, soit pour accompagner la mutation d'une entreprise qui doit se transformer, ou encore pour renforcer l'actionnariat d'une entreprise importante pour le tissu industriel français.

C'est dans ce cadre que le FSI investit puis gère les fonds publics qui lui ont été confiés par l'État et la Caisse des dépôts, avec pour objectif de contribuer au renforcement de la compétitivité du pays.

Le Président de la République a récemment annoncé la création d'un nouveau dispositif FSI-Régions, en partenariat avec Oséo, afin que le FSI soit plus présent sur le terrain en soutenant directement les PME dans les régions. Ce fonds, dont le rôle sera d'accompagner les PME dans leurs recherches de financement mais aussi parfois de financer directement leurs projets, sera doté d'une enveloppe de 350 millions d'euros pour ses investissements.

Certaines sociétés sont néanmoins détenues à la fois par l'État et par le FSI : c'est le cas notamment pour Aéroports de Paris (avec 8 % du capital détenu par le FSI et 52,1 % par l'État) et pour France Télécom (avec 13,5 % du capital détenu par le FSI et 13,23 % par l'État).

Cette double détention peut être source de confusion quant à l'incarnation et au pilotage de la fonction actionnariale de l'État.

Comme le relève le rapport d'information 4 ( * ) de M. Jean-Pierre Fourcade au nom de la commission des finances du Sénat, « au regard de la stratégie globale de l'État actionnaire, la justification des participations conjointement détenues par l'État et le FSI n'est pas claire » . Il ajoute même : « Ce co-actionnariat contribue à brouiller la nécessaire distinction des rôles entre l'APE et le FSI et à mêler des logiques patrimoniales et stratégiques ».

Votre rapporteur pour avis rejoint ce sentiment sans toutefois considérer que les logiques patrimoniales et stratégiques doivent forcément s'opposer, surtout depuis la réforme de l'Agence des participations de l'État et le changement de cap et de vision qui semblent en avoir découlé.

Rapport d'information de M. Jean-Pierre Fourcade sur les participations transférées au Fonds stratégique d'investissement - 8 juin 2011 (Extrait)

« S'il appartient à l'État actionnaire de mettre en oeuvre une politique industrielle active, la question doit donc être posée du partage des rôles entre ce dernier et le FSI, dont la vocation est très similaire. (...) Par conséquent, et sauf à ne plus savoir exactement qui fait quoi en matière de politique industrielle, votre rapporteur spécial juge indispensable de préciser très clairement les rôles respectifs du FSI et de l'APE. Selon l'agence, la feuille de route confiée au Commissaire aux participations de l'État par le Conseil des ministres du 3 août 2010 concerne avant tout la question de la logique de développement industriel des participations de l'État et de « l'empreinte » de ces participations, qui sont souvent des grands donneurs d'ordre ou des acteurs de premier rang à l'aval des filières. C'est dans le cadre de ce pilotage de ces entreprises que l'APE doit mettre au premier plan la vision industrielle. Le FSI, pour sa part, a vocation à participer à la structuration des acteurs de l'amont des filières » .

Votre rapporteur pour avis partage cette recommandation de clarification des rôles pour une plus grande lisibilité du pilotage de l'État actionnaire, considérant en outre que le FSI doit désormais définir une nouvelle doctrine d'investissement, en accord avec la nouvelle orientation stratégique de l'État actionnaire. En effet, en juillet 2011, le montant total de ses investissements s'élevait seulement à 4 milliards d'euros environ, dont 2,8 milliards d'euros en direct dans 54 entreprises, 646 millions d'euros d'investissements des fonds créés par le FSI dans 125 sociétés et 577 millions d'euros dans les fonds partenaires FSI-France Investissement.


* 2 Le secteur des industries de défense dans lesquelles l'État détient des participations se compose de : DCI, DCNS, EADS, Giat Industries Nexter, Safran, SNPE, Thales.

* 3 Avis n° 115 - Tome VIII Loi de finances pour 2011, Compte d'affectation spéciale : participations financières de l'Etat présenté par François Patriat au nom de la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire (18 novembre 2010).

* 4 Rapport d'information n° 588 (2010-2011) de M. Jean-Pierre Fourcade au nom de la commission des finances sur les participations transférées au Fonds stratégique d'investissement (FSI) déposé le 8 juin 2011.

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