d) Le nouveau pouvoir de substitution du préfet

Dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, le représentant de l'État dispose désormais d'un nouveau pouvoir de substitution, à l'égard de toutes les collectivités, y compris les communes, leurs groupements et leurs établissements publics, s'ajoutant aux divers dispositifs déjà existants : en effet, « lorsqu'une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales néglige de prendre ou de faire prendre par un de ses établissements publics les mesures relevant de ses compétences exclusives et nécessaires à la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité ou de l'environnement ou au respect des engagements internationaux ou européens de la France, le représentant de l'État peut engager une procédure de concertation visant à identifier et à remédier aux causes de ces manquements. » 20 ( * ) Il convient de rappeler que l'adoption de cette disposition s'est accompagnée de la réprobation quasi unanime des élus locaux à l'égard des nouveaux pouvoirs de substitution du préfet, le qualifiant de « retour du gouverneur ».

Dans ce cadre, le préfet réunit les élus intéressés pour tenter d'élaborer conjointement un plan d'action et un calendrier de mise en oeuvre, en tenant compte des capacités financières des collectivités. A défaut d'accord, il conçoit unilatéralement ce plan d'action, qui peut prendre en compte des observations des collectivités. Le plan d'action doit être adopté par les assemblées délibérantes des collectivités puis mis en oeuvre selon le calendrier prévu, faute de quoi le préfet saisit le Gouvernement, qui peut arrêter par décret les mesures du plan d'action en lieu et place des collectivités.

e) La rénovation du régime des habilitations de l'article 73

L'article 73 de la Constitution permet aux départements d'outre-mer et aux régions d'outre-mer d'être habilités, dans les conditions prévues par une loi organique, à adapter les lois et règlements sur leur territoire ou à fixer les règles applicables sur leur territoire dans un nombre limité de matières relevant du domaine de la loi ou du règlement.

En premier lieu, la loi organique précitée du 27 juillet 2011 clarifie les rôles respectifs du Parlement et du Gouvernement dans la procédure d'habilitation, en confiant à la loi le soin d'habiliter dans le seul domaine de la loi et au décret en Conseil d'État le soin d'habiliter dans le domaine du règlement, étant entendu que l'habilitation dans le domaine de la loi vaut habilitation à prendre les dispositions réglementaires d'application.

La loi organique prévoit également que la demande d'habilitation, lorsqu'elle porte sur une disposition législative, soit transmise aux assemblées parlementaires par le Premier ministre, assortie le cas échéant de ses observations. Il est en effet logique que le législateur, autorité qui délègue sa compétence, soit informé de la demande d'habilitation et décide ou non d'y donner suite, sans qu'il appartienne au Gouvernement, premier destinataire de la demande, de décider de l'opportunité de le saisir ou non. Il n'en va pas de même lorsque la demande porte sur une disposition réglementaire, où le Gouvernement en tant qu'autorité délégante conserve son pouvoir discrétionnaire. Pour les mêmes raisons, la loi organique fixe désormais un délai d'un mois pour la publication au Journal officiel de la demande d'habilitation, sauf recours contre cette demande, publication qui a pour effet de rendre exécutoire la demande. Le préfet, qui peut agir sur instruction du Gouvernement, conserve la faculté de saisir avant publication le Conseil d'État de la délibération de la collectivité par laquelle se formalise la demande d'habilitation s'il estime celle-ci irrégulière, par exemple au motif qu'elle met en cause les conditions essentielles d'exercice d'une liberté publique ou porte sur une matière insusceptible d'être déléguée. Ainsi, il est loisible au législateur, pleinement informé, de donner suite ou non à toute demande d'habilitation dans le domaine législatif, y compris de sa propre initiative s'il le souhaite.

Un exemple récent de demande d'habilitation

C'est dans ce cadre que, en application de l'article L.O. 4435-2 et suivants du code général des collectivités territoriales, le conseil régional de Guyane a demandé, par délibérations adoptées le 20 juin 2011, à être habilité à adapter des dispositions législatives et réglementaires du code minier et du code général des impôts.

Le Gouvernement a émis, en septembre 2011, les observations suivantes sur ces demandes d'habilitation : bien qu'il ne soit pas opposé aux demandes du conseil régional de Guyane, il estime que celles-ci sont prématurées et doivent s'inscrire dans un travail de fond en association avec les collectivités territoriales et les populations guyanaises. Le Gouvernement considère, entre autres, que la délivrance des titres miniers suppose des pré-requis en termes d'expertise et de capacités administratives et que l'application d'une fiscalité spécifique aux activités minières exercées sur le plateau continental ne se pose pas dans l'immédiat.

On rappellera, pour mémoire, que la LODEOM a accordé deux habilitations au conseil régional de Guadeloupe : habilitation à fixer des règles pour la création d'un établissement public régional pour la formation professionnelle et habilitation à fixer des règles en matière d'énergies renouvelables. Par ailleurs, la loi relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique prévoit également deux habilitations destinées à fixer les règles relatives à la maîtrise de l'énergie, à la performance énergétique et au développement des énergies renouvelables pour les conseils régionaux de Guadeloupe et de Martinique.

En second lieu, la loi organique précitée allonge la durée maximale d'habilitation jusqu'à la fin du mandat de l'assemblée qui en fait la demande, le délai actuel de deux ans étant jugé trop court pour permettre aux collectivités d'élaborer leurs propres textes.

Elle met également en place une procédure allégée de prorogation de l'habilitation, selon laquelle une habilitation qui expire avec l'achèvement du mandat de l'assemblée qui en a fait la demande peut être prorogée de droit, une seule fois, par délibération motivée de l'assemblée dans les six mois suivant son renouvellement, à la seule condition que le texte qui a accordé l'habilitation initiale le prévoie expressément. Ainsi, dans ce dispositif, une habilitation peut être accordée, au total, pour une durée supérieure à dix ans.


* 20 Article L. 1451-1 du code général des collectivités territoriales.

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