EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le logement est, aujourd'hui, un sujet de préoccupation majeur pour nos concitoyens. Alors que la Fondation Abbé Pierre estime, dans un rapport rendu public il y a quelques semaines, que le phénomène de « mal-logement » est désormais endémique et concerne 3,6 millions de personnes en France, la rénovation de notre politique du logement est devenue plus nécessaire et plus urgente que jamais.

Prétendant répondre, au moins partiellement, à ce constat et à cette ambition, le projet de loi résulte d'une annonce de M. Nicolas Sarkozy qui a jugé nécessaire, lors d'une intervention télévisée du 29 janvier dernier, d'opérer une réforme pour densifier l'habitat ; le Président de la République avait alors estimé que la résolution de la crise du logement passait par l'assouplissement du droit des sols et il avait, dans cette optique, annoncé que « tout terrain, toute maison, tout immeuble [allait voir] ses possibilités de construction augmenter de 30 % ».

Le présent texte vise, ainsi, à appliquer cette préconisation, dont le Président de la République a annoncé qu'elle serait mise en oeuvre avant la fin de la session parlementaire -laissant à peine plus d'un mois au Parlement pour délibérer- : renvoyé à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, le projet de loi sera ainsi soumis à la Haute Assemblée à partir du 29 février prochain (c'est-à-dire sept jours seulement après son adoption par les députés). Pour répondre aux exigences calendaires fixées par le chef de l'État, il a été soumis à la procédure accélérée et devra avoir été définitivement adopté avant le 6 mars.

Ce rappel chronologique n'est pas sans importance, car la rapidité de rédaction du projet de loi a indéniablement eu un impact sur sa qualité non seulement d'un point de vue formel (de nombreuses malfaçons rédactionnelles et légistiques affectent le texte, et l'étude d'impact qui y est jointe présente des éléments statistiques et d'analyse peu précis et peu pertinents), mais aussi sur le fond : inadapté aux enjeux de la crise du logement, le texte est en effet porteur de graves effets pervers, tant sur un plan économique que d'un point de vue juridique.

En outre, bien que le projet de loi ait été renvoyé à la commission de l'Économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, votre commission des lois a souhaité s'en saisir pour avis -comme elle le fait, dans toute la mesure du possible, pour l'ensemble des textes qui concernent l'urbanisme et le droit des sols et qui ne lui sont pas renvoyés au fond- au vu notamment de ses conséquences lourdes sur l'exercice de leurs compétences par les collectivités territoriales. À cet égard, votre rapporteur se félicite d'avoir pu travailler en bonne intelligence et en étroit partenariat avec notre collègue Thierry Repentin, rapporteur de la commission de l'Économie, avec lequel il a pu nouer un dialogue particulièrement ouvert et riche. Ce travail partenarial s'est traduit par l'organisation de nombreuses auditions communes aux deux rapporteurs et par l'adoption de deux approches complémentaires qui permettront au Sénat d'apprécier pleinement l'impact du projet de loi sur le logement, mais aussi sur le droit des sols et le droit des collectivités locales.

I. LA MODULATION DES DROITS À CONSTRUIRE, UN OUTIL AU CoeUR DE LA PLANIFICATION URBAINE

La réforme du gouvernement s'inscrit dans un double contexte :

- contexte juridique, tout d'abord : la faculté de majorer les droits à construire a en effet été utilisée à plusieurs reprises par le législateur pour favoriser la réalisation d'objectifs prioritaires de la politique du logement ;

- contexte économique et social, ensuite, qui est celui de la pénurie de logements, notamment dans les grandes agglomérations.

A. LE CONTEXTE JURIDIQUE : DES DISPOSITIFS D'AUGMENTATION DES DROITS À CONSTRUIRE AUX OBJECTIFS DIVERS

Le code de l'urbanisme prévoit trois mécanismes de majoration des droits à construire, qui répondent à des objectifs divers :

- les droits à construire peuvent être majorés dans des secteurs situés en zone urbaine pour la construction ou l'agrandissement ; le taux maximal de majoration est alors de 20 % (sixième alinéa de l'article L. 123-1-11) ;

- ils peuvent être augmentés de 50 % au maximum pour la réalisation de logements locatifs sociaux (article L. 127-1) ;

- enfin, la loi portant engagement national pour l'environnement du 12 juillet 2010 (ou « Grenelle 2 ») a autorisé l'application d'une majoration des droits à construire de 30 %, au maximum, pour la réalisation de logements à basse consommation en énergie (articles L. 128-1 et L. 128-2).

Le cumul de ces deux deniers outils est encadré par le code, qui précise que leur application combinée ne peut mener à un dépassement des droits à construire initiaux de plus de 50 % (article L. 128-3).

Ces différents mécanismes présentent plusieurs similitudes :

- leur mise en oeuvre est décidée par l'autorité locale compétente en matière d'urbanisme (commune ou EPCI -établissement public de coopération intercommunale-) : elle est donc facultative ;

- le pourcentage de majoration peut être modulé par la commune ou par l'EPCI ;

- enfin, le projet de délibération relatif à la majoration des droits à construire doit être porté à la connaissance du public pendant un mois pour lui permettre de formuler des observations.

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