II. LA PROPOSITION DE LOI

Votre rapporteure a examiné la proposition de loi dans un esprit constructif qui correspond aux souhaits de son auteure. Plus que la lettre du texte proposé, c'est son objectif qu'il importe de faire entrer dans notre législation.

A. GARANTIR L'INDÉPENDANCE DE L'EXPERTISE, PROTÉGER LES LANCEURS D'ALERTE

Le titre I de la proposition de loi crée une Haute Autorité de l'expertise scientifique et de l'alerte en matière de santé et d'environnement (HAEA).

L'article 1 er fixe les compétences de la HAEA dans deux domaines, l'expertise et la protection des lanceurs d'alerte. La HAEA est « une autorité publique à caractère scientifique dotée de la personnalité morale, chargée d'énoncer les principes directeurs de l'expertise scientifique et technique en matière de santé publique et d'environnement, d'en vérifier l'application et de garantir la mise en oeuvre des procédures d'alerte » .

L'article 2 dresse la liste des personnes susceptibles de saisir la HAEA.

L'article 3 fixe la composition de la Haute Autorité.

L'article 4 fixe le statut des agents de la HAEA et lui permet de faire appel « à toute personne extérieure dont elle juge la présence nécessaire pour mener à bien sa mission ».

L'article 5 fixe l'obligation, pour les collaborateurs de la Haute Autorité, d'établir une déclaration publique d'intérêts.

L'article 6 définit ses ressources financières, issues de subventions publiques.

L'article 7 prévoit la remise d'un rapport annuel qui évalue les suites données aux avis de la HAEA, mentionne les entraves à la liberté des lanceurs d'alerte, et présente, éventuellement, des propositions en matière de réforme de l'expertise.

Le titre II de la proposition de loi vise à garantir l'exercice du droit d'alerte en matière sanitaire et environnementale. Cela passe par la mise en place d'une structure dédiée dans chaque entreprise et la saisine, au terme d'une procédure impliquant salariés et employeur, de la HAEA afin qu'elle détermine le bien-fondé de l'alerte.

L'article 8 du texte établit un principe général de protection des lanceurs d'alerte en reconnaissant à toute personne révélant une information concernant un danger pour la santé publique ou l'environnement le bénéfice des dispositions de la proposition de loi. Cette personne doit toutefois agir de bonne foi, respecter une obligation de confidentialité et révéler son identité à la HAEA, garante de l'impartialité de la procédure.

L'article 9 impose la création d'une cellule d'alerte sanitaire et environnementale dans toutes les entreprises, établissements publics à caractère industriel et commercial et établissements publics à caractère administratif employant des salariés de droit privé de plus de onze salariés. Prévue au règlement intérieur de l'entreprise ou, pour celles de onze à vingt salariés qui n'ont pas l'obligation d'en établir un, par un document spécifique, cette cellule serait chargée de recueillir les signalements, par les salariés, de risques sanitaires ou environnementaux. Un décret en Conseil d'Etat doit déterminer son mode de désignation ainsi que son effectif, qui dépendrait de la taille de l'entreprise.

Les articles 10 et 11 modifient les articles L. 1321-1 et L. 1321-2 du code du travail, qui décrivent respectivement ce que contient et ce que rappelle le règlement intérieur d'une entreprise, afin d'y ajouter le fonctionnement de la cellule sanitaire et environnementale et de préciser qu'elle doit être informée de tout risque pesant sur la santé publique et l'environnement.

L'article 12 complète l'article L. 4141-1 du même code, selon lequel « l'employeur organise et dispense une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier ». Il vise à faire peser sur lui une obligation d'information similaire concernant les risques sanitaires et environnementaux potentiels liés aux produits et procédés de fabrication mis en oeuvre par l'établissement. Le CHSCT y serait associé.

L'article 13 décrit la procédure d'alerte au sein de l'entreprise. Le salarié qui juge qu'un risque sanitaire ou environnemental lié aux produits ou procédés de fabrication de l'entreprise existe doit en premier lieu en informer l'employeur, puis sans délai la cellule d'alerte. Celle-ci conduit, conjointement avec le CHSCT ou les délégués du personnel, une enquête qui lui permet de déterminer s'il est nécessaire de saisir la HAEA. En cas de danger grave et imminent, le salarié peut, tout en informant son employeur, saisir celle-ci directement. La Haute Autorité doit alors évaluer l'urgence de la situation et en référer, le cas échéant, à l'autorité compétente.

L'article 14 détaille la seconde partie de la procédure et, notamment, les responsabilités de l'employeur. Il a deux mois pour donner suite à l'alerte qui a été portée à sa connaissance. S'il estime que cela n'est pas nécessaire, sa décision doit être motivée et transmise à la HAEA, au lanceur d'alerte et au CHSCT. Dans le cas contraire, il soumet à ces mêmes personnes dans les deux mois le détail des mesures correctrices qu'il compte prendre. En cas de désaccord, chacune des parties peut saisir la HAEA afin que celle-ci examine la situation.

L'article 15 porte sur la troisième partie de la procédure, c'est-à-dire l'intervention de la HAEA et son action lorsqu'elle est saisie. Avant d'examiner l'alerte sur le fond, elle vérifie que la procédure d'alerte a été respectée. Si cela n'a pas été le cas, elle invite les personnes concernées à le faire. Après cet examen de recevabilité, elle dispose de deux mois pour décider de donner suite ou non à l'alerte. De même, lorsqu'elle est saisie par un citoyen non salarié de l'entreprise concernée par l'alerte ou par l'employé d'une entreprise ne comportant pas de cellule d'alerte, le délai pour décider d'examiner ou non la requête est le même. Rappelant le principe général de confidentialité de toutes les parties à la procédure, l'article prévoit que la HAEA peut solliciter toute personne et lui offrir l'anonymat. Les travaux de la Haute Autorité s'achèvent, à l'expiration d'un délai de deux mois, par la remise d'un avis à toutes les parties et au ministre compétent. Celui-ci et l'employeur ont quatre mois pour présenter les suites données à l'avis qui les concerne.

Le titre III clôt la proposition de loi par des dispositions diverses visant à compléter plusieurs textes législatifs existants afin d'assurer la protection des lanceurs d'alerte mais également de punir les alertes abusives et la divulgation d'informations erronées.

L'article 16 étend le champ de l'article 225-1 du code pénal, qui définit le cadre général de la discrimination et la punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, afin qu'il comprenne également les distinctions opérées entre les personnes du fait de leur participation au lancement d'une alerte sanitaire ou environnementale.

L'article 17 crée un nouvel article L. 1350 dans le code de la santé publique afin d'assurer la protection des lanceurs d'alerte. Seraient protégés ceux qui auraient alerté de bonne foi leur employeur sur des informations dont la méconnaissance leur aurait paru constituer un danger sanitaire ou environnemental.

L'article 18 modifie l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui concerne l'établissement de la vérité de faits diffamatoires. Il prévoit une exception aux règles de preuve en cas d'alerte portant sur un sujet faisant l'objet d'une controverse scientifique sérieuse. Dans ce cas, la défense du prévenu pourrait reposer sur des éléments démontrant le caractère « fortement plausible » du fait en question.

L'article 19 soumet les personnes lançant une fausse alerte, ayant l'intention de nuire ou sachant que les faits dénoncés sont inexacts à la peine de cinq ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende déjà applicable à la dénonciation calomnieuse.

L'article 20 prive tout employeur qui n'aurait pas respecté la procédure de traitement et d'examen d'une alerte de l'exonération de responsabilité pour risque de développement reconnue à l'article 1386-11 du code civil. En cas de défectuosité de son produit, il ne pourra pas se prévaloir du fait que l'état des connaissances scientifiques et techniques, au moment où il l'a mis en circulation, n'a pas permis de déceler l'existence du défaut.

L'article 21 punit la divulgation volontaire d'informations erronées ou la rétention d'informations relatives à la protection de la santé publique ou de l'environnement d'un an d'emprisonnement, de 15 000 euros d'amende et du retrait de l'exonération pour risque de développement.

L'article 22 renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour déterminer l'application de la loi à l'Etat et à ses établissements publics n'ayant pas un caractère industriel et commercial.

L'article 23 constitue le gage de la proposition de loi.

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