N° 74

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 octobre 2012

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi organique , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE après engagement de la procédure accélérée, relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques ,

Par M. Yves DAUDIGNY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Annie David , présidente ; M. Yves Daudigny , rapporteur général ; M. Jacky Le Menn, Mme Catherine Génisson, MM. Jean-Pierre Godefroy, Claude Jeannerot, Alain Milon, Mme Isabelle Debré, MM. Jean-Louis Lorrain, Jean-Marie Vanlerenberghe, Gilbert Barbier , vice-présidents ; Mmes Claire-Lise Campion, Aline Archimbaud, Catherine Deroche, M. Marc Laménie, Mme Chantal Jouanno , secrétaires ; Mme Jacqueline Alquier, M. Jean-Paul Amoudry, Mmes Natacha Bouchart, Marie-Thérèse Bruguière, MM. Jean-Noël Cardoux, Luc Carvounas, Mme Caroline Cayeux, M. Bernard Cazeau, Mmes Karine Claireaux, Laurence Cohen, Christiane Demontès, MM. Gérard Dériot, Jean Desessard, Mme Muguette Dini, MM. Guy Fischer, Michel Fontaine, Mme Samia Ghali, M. Bruno Gilles, Mmes Colette Giudicelli, Christiane Hummel, M. Jean-François Husson, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Georges Labazée, Jean-Claude Leroy, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Mme Michelle Meunier, M. Alain Néri, Mme Isabelle Pasquet, M. Louis Pinton, Mmes Gisèle Printz, Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roche, René-Paul Savary, Mme Patricia Schillinger, MM. René Teulade, François Vendasi, Michel Vergoz, Dominique Watrin .

Voir le(s) numéro(s) :

Assemblée nationale ( 14 ème législ.) :

198 , 244 et T.A. 20

Sénat :

43 rect., 83 et 84 (2012-2013)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Parlement a autorisé la ratification du traité budgétaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne (TSCG) le 11 octobre 2012. Ce traité prévoit un renforcement des règles de discipline budgétaire des Etats parties au traité. Ce traité reprend, en les renforçant, les dispositions de l'article 126 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, relatif à la lutte contre les déficits excessifs des Etats, ainsi que du protocole n° 12, annexé aux traités sur l'Union européenne, sur la procédure concernant les déficits excessifs. Par ce traité, la France s'engage à ce que le solde des administrations publiques (administrations centrales, administrations de sécurité sociale, administrations publiques locales) soit en équilibre ou en excédent. Cette situation est définie comme celle où les administrations publiques se trouvent en-deçà d'une limite de déficit structurel, c'est-à-dire corrigé des variations conjoncturelles, de - 0,5 point de PIB.

Le paragraphe 2 de l'article 3 du traité prévoit que les dispositions qu'il contient prennent effet « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles, ou dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon » . Dans sa décision n° 2012-653 DC du 9 août 2012, le Conseil constitutionnel a considéré que la rédaction précitée offrait, pour la transcription du traité en droit interne, une alternative, soit « au moyen de dispositions contraignantes et permanentes, de préférence constitutionnelles » , soit au moyen de dispositions « dont le plein respect et la stricte observance tout au long des processus budgétaires nationaux sont garantis de quelque autre façon » .

Le Gouvernement a retenu l'option d'un projet de loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui se situerait aux côtés de la loi organique relative aux lois de finances et des dispositions organiques du code de la sécurité sociale. L'étude d'impact juge que le présent projet de loi organique « ne modifie qu'à la marge le contenu des projets de loi de finances, en introduisant un article liminaire » et qu'il a « une incidence marginale sur le PLFSS ». Le texte « ne modifie pas la gouvernance actuelle des secteurs non couverts par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale » .

Pour autant, la même étude d'impact souligne que le projet de loi organique modifie les modalités de gestion des finances publiques en France et « présente une réforme complète de la procédure budgétaire, à tous les stades (de la préparation des projets de lois financiers au suivi de leur exécution) » .

Loi de procédure, le projet de loi organique induit donc des bouleversements significatifs.

C'est la raison pour laquelle votre commission des affaires sociales s'est saisie d'un texte dont certaines des dispositions auront nécessairement un impact sur la programmation des finances sociales et sur les conditions d'examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale.

Ses dispositions constituent un facteur de satisfaction dès lors qu'elles sont de nature à renforcer la crédibilité des engagements pluriannuels en matière de finances sociales , quelle que soit la trajectoire décidée par le Gouvernement et par le Parlement : définition du contenu des lois de programmation des finances publiques, création d'un Haut Conseil des finances publiques formulant des avis, constatation dans les lois financières annuelles du respect des engagements pluriannuels, organisation d'un mécanisme de correction. Ces dispositions étaient nécessaires : les exercices de programmation n'ont jusqu'à présent jamais été respectés.

Chaque disposition du projet de loi organique préserve la souveraineté du Parlement.

De plus, en introduisant un objectif exprimé en termes de solde structurel, les dispositions du projet de loi organique permettent de neutraliser les effets des variations de la conjoncture sur les finances publiques.

Votre commission des affaires sociales a cependant conscience de deux risques majeurs : celui d'une atrophie progressive du projet de loi de financement de la sécurité sociale, en raison d'une articulation exclusive des lois de programmation avec les lois de finances, et, dès lors, celui d'une éviction des commissions des affaires sociales du champ des finances publiques . Ce sont ces deux risques qu'elle veillera à conjurer en proposant des amendements respectueux de l'économie générale du projet de loi organique.

*

* *

Le premier chapitre du projet de loi organique détermine le contenu des lois de programmation des finances publiques . Aucune disposition organique n'en définissait le contenu jusqu'à présent.

L'article 1 er prévoit que la loi de programmation des finances publiques fixe l'objectif à moyen terme « dans le respect de l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques énoncées à l'article 34 de la Constitution ». Il établit, dans cette perspective, une trajectoire pluriannuelle exprimée en termes de soldes structurels et de soldes effectifs pour l'ensemble des administrations publiques, et en termes de dette publique. Il définit la notion de solde structurel.

L'article 2 précise le contenu des lois de programmation des finances publiques . Pour les finances sociales, celles-ci comprendraient, comme cela est déjà le cas dans les lois de programmation 2009-2012 et 2011-2014, ainsi que dans la programmation 2012-2017 en cours d'examen au Parlement, l'objectif de dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ainsi que l'objectif national des dépenses d'assurance maladie de ces régimes. L'article précise que la loi de programmation « peut » comporter des orientations relatives à l'encadrement des dépenses, des recettes et du solde ou au recours à l'endettement de tout ou partie des administrations publiques.

L'article 3 prévoit que la période de programmation est d'au moins trois années civiles.

L'article 4 détermine la possibilité pour les lois de programmation de comporter des règles relatives à la gestion des finances publiques, à l'information ou au contrôle du Parlement.

L'article 5 détermine le contenu de l'annexe à la loi de programmation, notamment les perspectives de recettes, de dépenses, de solde et d'effort structurel pour chaque catégorie d'administration publique.

L'article 5 bis , introduit au cours de l'examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, dispose que le principe de sincérité s'applique aux lois de programmation.

L'article 6 introduit dans la loi de finances et les lois de finances rectificatives un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant l'état de la prévision du solde structurel et du solde effectif de l'année pour l'ensemble des administrations publiques.

L'article 6 bis prévoit la même disposition pour les lois de règlement.

L'article 7 introduit, dans le rapport annexé au projet de loi de finances de l'année, la décomposition de l'évaluation de l'effort structurel par sous-secteur des administrations publiques et, dans le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année, l'évaluation de l'effort structurel des régimes obligatoires de base.

L'article 7 bis rend possible l'organisation de débats à l'Assemblée nationale et au Sénat sur les procédures de coordination des politiques économiques et budgétaires et sur les procédures concernant les déficits excessifs.

Le deuxième chapitre institue un Haut Conseil des finances publiques.

L'article 8 définit la composition du Haut Conseil des finances publiques et les modalités d'exercice du mandat de ses membres.

L'article 9 dispose que le Haut Conseil rend un avis sur la cohérence des projets de loi de programmation des finances publiques au regard de l'objectif à moyen terme retenu et des engagements européens de la France.

L'article 10 et l'article 11 prévoient le même dispositif respectivement pour les projets de loi de finances de l'année, pour les projets de loi de finances rectificative ou pour les projets de loi de financement rectificative.

L'article 12 concerne les cas de révision des hypothèses macro-économiques en cours d'examen d'un projet de loi financière, avec la faculté pour le Haut Conseil de formuler un avis sur cette révision.

L'article 13 s'applique aux prévisions macro-économiques sur lesquelles repose le projet de programme de stabilité, avec l'institution d'une procédure d'avis public du Haut Conseil.

L'article 14 définit les modalités d'information et d'audition de représentants des administrations par le Haut Conseil.

L'article 14 bis prévoit la possibilité pour le président du Haut Conseil des finances publiques d'être entendu à la demande des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat.

L'article 15 renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour préciser les modalités de fonctionnement du Haut Conseil.

Le troisième chapitre, avec l'article 16, institue un mécanisme de correction en cas d'écart important entre les orientations pluriannuelles de solde structurel définies dans la loi de programmation des finances publiques et l'exécution de l'année écoulée . Cet écart important - au moins 0,5 % du PIB - est identifié par un avis du Haut Conseil. Le Gouvernement tient compte d'un écart important au plus tard dans le prochain projet de loi de finances de l'année ou de financement de la sécurité sociale de l'année.

Enfin, le quatrième chapitre comprend diverses dispositions.

L'article 17 A , ajouté lors de l'examen du projet de loi organique à l'Assemblée nationale, prévoit des mesures de coordination avec la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS).

L'article 17 B , également ajouté lors de l'examen du projet de loi organique à l'Assemblée nationale, élargit le contenu du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour une présentation d'ensemble des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques, toutes administrations publiques confondues.

L'article 17 C , introduit lors de l'examen du projet de loi organique à l'Assemblée nationale, prévoit un chiffrage du montant des dépenses fiscales dans l'annexe au projet de loi de règlement.

Enfin, l'article 17 détermine la date d'entrée en vigueur de la loi organique : à compter du 1 er mars 2013 ou, si cette date est plus tardive, un mois après l'entrée en vigueur du traité budgétaire sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union européenne.

I. LES MOTIFS DE SATISFACTION : LES CONDITIONS D'UNE CRÉDIBILITÉ ACCRUE DES TRAJECTOIRES PLURIANNUELLES DES FINANCES PUBLIQUES

A. LA PLURIANNUALITÉ DES FINANCES SOCIALES : UN ENGAGEMENT EUROPÉEN, UNE MODALITÉ DE BONNE GESTION

Dans leur rapport sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2006, nos anciens collègues Alain Lambert et Didier Migaud, alors parlementaires en mission, avaient invité à « oser la pluriannualité ». Ils montraient que l'insertion de la politique budgétaire dans une perspective pluriannuelle correspondait certes à une contrainte européenne, le pacte de stabilité et de croissance prévoyant l'obligation pour les Etats d'établir chaque année une projection de l'évolution de leurs finances publique mais aussi à une nécessité de bonne gestion des deniers publics. Les gestionnaires publics ont d'ailleurs besoin d'une visibilité sur l'évolution de leurs crédits.

Dans son rapport sur la gestion pluriannuelle des finances publiques, réalisé en 2007, et destiné à proposer des mesures pour mettre en oeuvre les propositions du rapport précité, l'inspection générale des finances notait le paradoxe suivant : « alors que la gestion annuelle des finances publiques maximise en théorie la marge de manoeuvre du pouvoir politique, puisqu'il peut faire évoluer ses choix chaque année, celle-ci se traduit en réalité par une marge de manoeuvre très réduite, compte tenu de la dynamique de la dépense publique, qui n'est annuelle ni dans sa composante structurelle (dépenses rigides), ni dans sa composante discrétionnaire (compte tenu des lois de programmation) ».

Avant même le rapport de nos anciens collègues, dès 2005, la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale avait prévu l'introduction d'une annexe au projet de loi de financement de l'année détaillant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir.

S'agissant des finances sociales, les lois de programmation 2009-2012 et 2011-2014, de même que le projet de loi de programmation 2012-2017, fixent un objectif pluriannuel global pour l'évolution des dépenses des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, ainsi qu'un objectif national pluriannuel des dépenses d'assurance maladie (Ondam).

Le respect des objectifs pluriannuels s'est avéré jusqu'à présent tout relatif, notamment en matière de finances sociales, malgré des améliorations récentes. La compréhension des facteurs de non-réalisation des objectifs prévus permet de prendre la mesure des dispositions du présent projet de loi organique et des améliorations possibles, afin d'améliorer la portée et la sincérité des lois de programmation et le respect des engagements européens de la France.

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