II. LES PRIORITÉS PRÉSERVÉES DU BUDGET 2013 POUR LA PÊCHE ET L'AQUACULTURE.

A. LES SOUTIENS MULTIFORMES DE LA PUISSANCE PUBLIQUE À LA PÊCHE MARITIME.

1. Une enveloppe budgétaire modeste et réduite en 2013.
a) Une action pêche ramenée à son étiage bas.

Intégrés dans le projet de loi pour 2013 au sein du programme n° 205 rattaché à la mission « Écologie, développement et aménagement durables » et non plus au programme n° 154 rattaché à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », les crédits en faveur de la pêche restent concentrés dans une seule action, l'action n° 6 du programme.

L'enveloppe nationale pour la pêche revient un peu en dessous de son niveau d'avant le PPDR de 2008, qui constituait alors la réponse des pouvoirs publics à la crise du secteur de la pêche.

Il s'agit là de la plus faible dotation budgétaire depuis 2007, tant en AE qu'en CP. La pêche contribue donc, elle aussi, à l'effort de redressement des finances publiques, en disposant de budgets calculés au plus juste.

Il est vrai que le PPDR a permis la mobilisation en peu de temps d'enveloppes de crédits considérables, des aides européennes venant compléter les aides nationales.

Ce « retour à la normale » s'inscrit donc dans une certaine logique.

AE

CP

Évolution en AE

Évolution en CP

PLF 2007

60

60

PLF 2008

60,5

60,5

+ 0,8 %

+ 0,8 %

PLF 2009

162,4

134

+ 168,4 %

+ 121,5 %

PLF 2010

52,5

84,9

- 67,7 %

- 36,6 %

PLF 2011

65,7

55,9

+ 25,1 %

- 34,2 %

PLF 2012

58,3

60,6

- 11,3 %

+ 8,4 %

PLF 2013

52

52

- 10,8 %

- 14,2 %

Projet annuel de performances - en millions d'euros

b) Des soutiens budgétaires à la pêche éparpillés dans le budget de l'État.

Au-delà des crédits inscrits à l'action n° 6 du programme n° 205, la politique de la pêche est soutenue également par des crédits provenant d'autres lignes budgétaires.

Ainsi, au sein du même programme n° 205, contribuent à la politique de la pêche :

- les crédits de la sécurité et sûreté maritime , inscrits à l'action n° 1 pour 26,3 millions d'euros en AE et 25,4 millions d'euros en CP. Ils servent en grande partie à financer les moyens techniques des 7 centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) gérés par les directions interrégionales de la mer (DIRM) ;

- les crédits de l'enseignement maritime , inscrits à l'action n° 2, pour 26,8 millions d'euros en AE comme en CP, qui contribuent au financement des lycées professionnels maritimes (LPM) ;

- les crédits de l'action interministérielle de la mer , inscrits à l'action n° 4 à hauteur de 11 millions d'euros AE et 10,9 millions d'euros en CP, destinés à financer le dispositif de contrôle et de surveillance (DCS) des activités en mer, dont la pêche.

Le programme n° 217 « conduite et pilotage des politiques de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer » accueille aussi des moyens dédiés à la politique de la pêche, en recevant du programme 205 « conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » la dotation budgétaire correspondant au transfert des 80 emplois (ETPT) de la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA).

Ce programme accueille aussi en son sein les moyens des services des affaires maritimes, qui concourent à la réalisation de la politique de la pêche.

Enfin, ne sont pas comptés dans les moyens affectés les services de police, de gendarmerie, ou des douanes, qui participent aux opérations de contrôle des pêches et émargent sur d'autres budgets.

2. Le maintien d'un régime fiscal favorable.
a) La détaxation du gazole, indispensable mais contestée

Le soutien public à la pêche n'est pas seulement budgétaire. Il est aussi fiscal avec plusieurs dispositifs favorables dont le principal est la détaxation du carburant utilisé par les navires de pêche.

L'article 265 bis du code des douanes prévoit une exonération totale de taxe intérieure de consommation (TIC) pour les produits énergétiques destinés à être utilisés comme carburants pour la navigation maritime , y compris la pêche.

L'avantage fiscal que cela représente n'est pas chiffré précisément dans le fascicule des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2013. Le rapport Sainteny sur les aides publiques dommageables à la biodiversité 7 ( * ) rappelle que l'évaluation à hauteur de 98 millions d'euros par an de l'avantage procuré au secteur de la pêche par cette mesure est probablement sous-estimée chiffrant son coût pour les finances publiques à 144 millions d'euros par an environ, par rapport à une taxation selon le droit commun.

Le secteur de la pêche maritime bénéficie également d'une exonération de TVA sur les carburants utilisés par les navires de pêche professionnelle maritime , en vertu du II de l'article 262 du code général des impôts, dont le coût pour les finances publiques est probablement peu significatif, si l'on prend en compte le phénomène de récupération de TVA.

La détaxation complète du carburant pour les navires de pêche est indispensable à l'équilibre économique des armements, mais fait l'objet de plus en plus de critiques. Dans le rapport Sainteny précité, les auteurs remarquaient notamment qu'une telle aide était d'autant plus forte que le navire consommait beaucoup de carburant, décourageant ainsi les efforts de sobriété énergétique et favorisant la pêche au chalut, les arts trainants étant du fait des exigences de traction des chaluts, plus gourmands en énergie, au détriment des autres formes de pêche utilisant les arts dormants.

b) Les autres aides fiscales.

À côté des soutiens fiscaux au carburant, le secteur de la pêche maritime bénéficiera encore en 2013 de mesures fiscales qui existaient déjà en 2012 :

- l' exonération de TVA sur les produits de la pêche vendus par les marins-pêcheurs et armateurs de pêche , représente un coût pour l'État de 9 millions d'euros environ ;

- l' étalement des plus-values de cession des navires et parts de navire coûte encore 3 millions d'euros par an, mais plus aucun entrant dans le dispositif n'est possible depuis 2011 ;

- l' abattement de 50 % sur le bénéfice imposable des jeunes pêcheurs nouvellement installés a un coût anecdotique de 1 million d'euros ;

- la réduction d'impôt pour la souscription de parts de SOFIPECHE n'a pas été chiffrée dans le bleu budgétaire 2013.

3. Des soutiens européens importants.
a) Le Fonds européen pour la pêche (FEP) : un instrument majeur du soutien à l'activité de pêche en France.

Doté d'un budget de 4,3 milliards d'euros à l'échelle de l'Union européenne pour la période 2007-2013 , le FEP est l'outil privilégié d'intervention en faveur du secteur. L'enveloppe pour la France sur la période s'élève à 216 millions d'euros, dont 34 millions d'euros sont fléchés pour une utilisation outre-mer.

Le programme opérationnel (PO) pour la France a défini les enveloppes disponibles pour chacun des cinq axes prioritaires retenus pour soutenir la pêche française et indiqué les contreparties financières nationales aux engagements de l'Union européenne.

Les cinq axes du FEP 2007-2013

- Axe 1 : mesures d'adaptation de la flotte : 73,15 millions d'euros de crédits FEP.

- Axe 2 : transformation et commercialisation. : 46,94 millions d'euros de crédits FEP.

- Axe 3 : mesures d'intérêt commun : 88,79 millions d'euros de crédits FEP.

- Axe 4 : développement durable des zones de pêche : 5,56 millions d'euros de crédits FEP.

- Axe 5 : assistance technique : 1,66 million d'euros de crédits FEP.

A mi-parcours, fin 2010, le taux d'exécution du programme FEP s'élevait déjà à 55 %, ce qui s'explique par la forte mise à contribution du FEP dans le cadre du PPDR de 2008, notamment pour financer les plans de sorties de flotte.

A côté de cet instrument financier, les crédits du premier pilier de la PAC, provenant du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), dans le cadre de la mise en oeuvre des mesures de marché prévues par l'OCM des produits de la mer 8 ( * ) , servent à financer essentiellement des mesures de retrait ou encore le soutien aux organisations de producteurs, à hauteur de 9 millions d'euros par an en moyenne sur les trois derniers exercices.

b) L'incertitude sur le futur du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (FEAMP).

Appelé à remplacer le FEP pour la période 2014-2020, le FEAMP sera le bras armé de la politique européenne en faveur de la pêche et de l'aquaculture.

Présentée par la Commission européenne en décembre 2011, la proposition de règlement 9 ( * ) instituant ce nouvel instrument financier constitue une évolution importante du dispositif de soutien européen à la pêche :

- d'une part, l'objet du fonds est élargi à l'ensemble des affaires maritimes, devant soutenir tant la pêche que la politique maritime intégrée ;

- d'autre part, les interventions du fonds en matière de pêche sont recentrées sur un éventail plus limité d'actions . En particulier, les soutiens à la modernisation de la flotte ou les plans de sortie de flotte seraient exclus du champ d'intervention du fonds et ne pourraient donc plus faire l'objet de cofinancements européens.

Les propositions de la Commission européenne ont été vivement critiquées, tant de la part du Parlement européen, par la voix de son rapporteur sur la proposition de la Commission, l'eurodéputé français Alain Cadec, que de la part du Gouvernement français et des États membres.

L'enveloppe financière proposée s'élève à 6,597 milliards d'euros pour 2014-2020, ce qui correspond au maintien en euros courants du soutien européen à la pêche. Mais la répartition interne de ces soutiens pose problème. La France défend ainsi une diminution de l'enveloppe consacrée à la politique maritime intégrée au profit d'un renforcement des moyens consacrés au contrôle des pêches, à la collecte d'avis scientifiques et à l'action structurelle en faveur de la structuration des filières pêches dans les États membres de l'Union européenne.

Lors du Conseil européen du 23 octobre 2012, l'approche très restrictive de la Commission européenne a été battue en brèche, les États membres de l'Union s'accordant pour ouvrir de nouveaux domaines d'intervention au futur FEAMP : celui-ci pourrait être sollicité afin d'aider à la modernisation des navires, à capacité de flotte constante, dans des domaines aussi divers que la sécurisation des marins à bord, l'adoption d'engins de pêche plus sélectifs, la lutte contre les rejets ou la recherche d'une meilleure efficacité énergétique. Le FEAMP pourrait aussi continuer à financer des plans de sortie de flotte, jusqu'à la fin 2017 et indemniser les arrêts temporaires de pêche. Enfin, il pourrait être sollicité pour financer des aides à l'installation des jeunes pêcheurs et aquaculteurs.

Si les négociations sont loin d'être achevées sur le périmètre d'intervention et les enveloppes nationales mobilisables dans le cadre du FEAMP, les dernières semaines ont donc été marquées par des avancées significatives.

4. La mise en place d'un financement privé mutualisé et d'un financement par les collectivités territoriales.
a) L'émergence d'un acteur privé de premier plan : France filière pêche.

Créée en 2010, France filière pêche (FFP) est une association interprofessionnelle qui regroupe des producteurs, des acteurs de la transformation et du commerce interentreprises et enfin des distributeurs de produits de la pêche maritime, réunis autour d'un objectif commun : mieux valoriser la pêche française.

Si l'association n'est pas une interprofession au sens strict du terme, FFP a vocation à agir dans l'intérêt collectif de la filière, afin de mieux l'organiser, de la moderniser et d'améliorer les performances de ses différents maillons, à commencer par la flotte de pêche.

FFP s'est dotée d'un budget conséquent, grâce à l'engagement volontaire des distributeurs de verser 30 millions d'euros par an pendant 5 ans, soit 150 millions d'euros en tout, pour financer les actions de l'association.

Cet accord a pu en effet être conclu en mai 2011, pour entrer en application au 1 er janvier 2012, grâce à la suppression de la « taxe poisson », qui pesait à hauteur de 2 % des ventes de produits de la mer réalisées par la grande distribution et rapportait 70 à 80 millions d'euros par an. Cette taxe, qui faisait l'objet d'une contestation persistante de la part des distributeurs auprès de la Commission européenne, n'existe donc plus depuis le début de l'année 2012.

Les marges de manoeuvres dégagées par les distributeurs permettent ainsi de financer une contribution volontaire à FFP, dont l'action se déploie dans deux directions :

- le premier axe d'intervention de FFP consiste à populariser le label « Pavillon France », marque collective de la pêche française , limitée dans un premier temps aux produits frais, destinée à mieux valoriser les produits de la pêche française, c'est-à-dire réalisée par des navires battant pavillon français, sur les étals des distributeurs. Une grande campagne de publicité est financée par FFP pour lancer cette marque et a débuté en septembre 2012 ;

- mais FFP n'a pas seulement pour vocation de valoriser la production nationale. L' autre objectif que s'est fixé l'association consiste à agir pour la modernisation de la flotte de pêche française , en aidant au financement d'investissements dans des engins plus sélectifs ou encore des moteurs ou techniques de pêches plus économes en carburant. FFP participe aussi plus modestement à l'amélioration des connaissances sur les ressources halieutiques.

Si l'on peut s'étonner de l'irruption d'un acteur privé comme animateur d'une politique publique de la pêche, cette situation s'explique largement par la nécessité de ne pas se retrouver bloqués par les règles européennes qui empêchent l'État ou les collectivités locales de s'engager plus fortement qu'ils ne le font aujourd'hui dans le soutien à une filière qui en a pourtant besoin.

Les fonds de FFP étant entièrement privés, la réglementation des aides publiques ne trouve pas à s'appliquer. Pour autant, votre rapporteur pour avis souligne que les règles internes de FFP doivent apporter suffisamment de garanties d'indépendance et d'impartialité de l'association dans l'examen des dossiers qui lui sont soumis en vue d'apporter son concours, dans le cadre de ses appels à projets.

La répartition des moyens de France filière pêche

Disposant de 30 millions d'euros par an, le Conseil d'administration de FFP a décidé de répartir ainsi l'enveloppe disponible en 2012 :

- Lancement de la marque commerciale « Pavillon France » : 5 millions d'euros.

- Appel à projet sur l'amélioration de la sélectivité des engins et la réduction de la consommation énergétique des navires : 5 millions d'euros

- Accompagnement financier des investissements améliorant la sélectivité des engins et réduisant la consommation énergétique des navires : 15 millions d'euros.

- Subvention à l'IFREMER afin d'améliorer la connaissance des stocks halieutiques (ex-campagne PELGAS) : 1 million d'euros.

- Il reste donc 4 millions d'euros de marge, sur laquelle FFP doit aussi financer ses moyens de fonctionnement.

b) Les aides des collectivités territoriales.

Les collectivités sont aussi un acteur majeur du soutien à la politique de la pêche, notamment à travers leurs investissements dans les moyens terrestres. Ainsi, on a observé ces dernières années un mouvement de modernisation des criées dans un grand nombre de ports de pêche, avec le soutien des Conseils généraux dont c'est la mission.

Les collectivités peuvent aussi intervenir dans le cadre des contrats de projets État région (CPER), pour soutenir la modernisation des entreprises de pêche, développer les investissements en aval de la filière, favoriser les mises aux normes.

Un exemple, parmi d'autres, permet de mesurer l'implication des collectivités : l'axe consacré à la politique maritime du CPER 2007-2013 conclu entre l'État et la région Bretagne prévoit un engagement de 25,8 millions d'euros du FEP sur la période (et de 6 millions d'euros en provenance du FEDER), de 12,3 millions d'euros de l'État, et dans le même temps, de 23,6 millions d'euros de la région Bretagne et de 32,2 millions d'euros des autres collectivités bretonnes. C'est considérable.

Votre rapporteur ne dispose cependant pas de vue consolidée des investissements et soutiens des collectivités territoriales (communes et intercommunalités, départements, régions) au secteur de la pêche et de l'aquaculture, ce qui ne permet pas de fournir un chiffre global consolidé.


* 7 Centre d'analyse stratégique - Rapport de la mission présenté par Guillaume Sainteny - 2012

* 8 Règlement (CE) n° 104/2000 du Conseil du 17 décembre 1999 portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture.

* 9 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche [abrogeant le règlement (CE) n° 1198/2006 du Conseil, le règlement (CE) n° 861/2006 du Conseil et le règlement (CE) n° XXX/2011 du Conseil sur la politique maritime intégrée (COM(2011)0804 - C7-0460/2011 - 2011/0380(COD)).

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