B. UNE DÉTÉRIORATION QUI A DÉCLENCHÉ UN SIGNAL D'ALERTE AU NIVEAU DE L'UNION EUROPEENNE

1. Les enseignements des dernières statistiques : la dernière phase de reprise conjoncturelle n'a pas suffit pas à endiguer la tendance déficitaire de notre commerce extérieur

En phase avec la reprise des échanges mondiaux, les plus récents diagrammes relatifs aux exportations et aux importations de la France font globalement apparaitre un rattrapage, de 2010 à 2011, du terrain perdu entre 2008 et 2009. Plus en détail, on constate néanmoins que le niveau des importations mesuré en septembre 2012 8 ( * ) (511,7 milliards d'euros) dépasse de 5,4 % celui de 2008 tandis que les exportations (429,6 milliards d'euros en septembre 2012) n'ont progressé que de 4,0 % au cours de la même période. La reprise des échanges, après la crise de 2008 s'est donc accompagnée d'une nouvelle aggravation du déficit commercial de la France. En même temps, la contribution du commerce extérieur à la croissance, que l'on espérait très positive, a été plus limitée que prévu.

2. L'orientation sectorielle et géographique des échanges de la France ne semble pas corrélée à la performance insuffisante de nos exportations

Synthétisant un grand nombre d'analyses comparatives de nos échanges extérieurs une toute récente étude 9 ( * ) constate l' absence de corrélation évidente entre spécialisation géographique et performance à l'exportation . Les performances du groupe de tête des pays exportateurs sont, en effet, meilleures à la fois sur le marché européen et sur les marchés tiers (hors UE).

Ce diagramme indique que les « nouveaux États membres » (NEM), fortement polarisés sur l'UE, enregistrent le plus fort taux de croissance de leurs exportations sur la période 2001-2011. C'est également le cas de l'Espagne. Malgré un positionnement relativement proche, l'Allemagne surperforme par rapport à la France. A l'opposé, les ventes du Royaume-Uni, très orientées vers les pays tiers, comptent parmi les moins dynamiques.

En moyenne, les deux tiers des exportations de l'UE sont destinées au marché européen . En France comme en Allemagne, l'UE représente 60% des ventes. Cependant, la France est plus particulièrement orientée vers les pays du sud de la zone euro (Portugal, Italie, Grèce, Espagne) où l'activité pâtit des mesures de consolidation budgétaire ; en revanche, elle est moins bien positionnée sur les nouveaux États membres (NEM) qui bénéficient d'une croissance plus forte.

Vis-à-vis des pays tiers , la France a un ancrage plus important en Afrique, alors que l'Allemagne est mieux orientée vers les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) , qui représentent 12 % de ses ventes, contre 7 % pour la France. Si l'Allemagne paraît donc un peu mieux placée pour tirer parti de la croissance mondiale, son avantage est jugé minime par rapport à la France : en effet, selon l'étude précitée, à structure géographique identique à l'Allemagne, les exportations françaises auraient gagné, au cours de la dernière décennie, seulement 0,3 point de croissance supplémentaire par an. De son côté, le Royaume-Uni , moins présent dans l'UE (qui ne représente que la moitié de ses exportations), est davantage tourné vers les États-Unis et l'Asie que ses partenaires européens. L' Italie se distingue quant à elle par un poids plus important de l'Europe hors UE dans ses ventes, tandis que les deux tiers de celles de l'Espagne sont absorbés par l'UE, une proportion seulement dépassée par les NEM (78 %). Le cas des Pays-Bas et de la Belgique , où les ventes intracommunautaires dépassent les 70 % apparaît comme atypique : il témoigne de leur rôle de point d'entrée de l'UE, grâce à l'attractivité de leurs ports.

Prenant acte de ces données qui, par déduction, placent la compétitivité de notre économie au centre de la stratégie de redressement de son commerce extérieur, votre rapporteure pour avis observe cependant que les pays émergents restent des marchés très prometteurs et rappelle qu'il n'y a jamais eu, dans l'histoire économique mondiale, autant d'opportunités d'internationalisation et d'exportations qu'aujourd'hui, pour les entreprises françaises.

3. La Commission européenne s'est officiellement inquiétée de l'évolution de notre déficit extérieur

La Commission européenne a estimé, en février 2012, que la France avait dépassé un seuil d'alerte , ce qui nous place parmi les douze pays ayant fait l'objet d'une « analyse approfondie » de leurs déséquilibres économiques. Le diagnostic européen du 30 mai 2012 indique que « la croissance des exportations est plus lente en France que dans l'ensemble de la zone euro » alors que le commerce mondial se développe et appelle la France à une correction de trajectoire.

SYNTHÈSE DES RAISONS POUR LESQUELLES LA COMMISSION EUROPÉENNE A PRÉCONISÉ, EN FÉVRIER 2012, UNE ANALYSE APPROFONDIE POUR DOUZE PAYS DE L'UNION EUROPÉENNE, DANS LE CADRE DE LA PROCÉDURE CONCERNANT LES DÉSÉQUILIBRES MACROÉCONOMIQUES (PDM).

(Cette dernière se rattache à l'ensemble de dispositions législatives («six-pack») entré en vigueur le 13 décembre 2011 en vue de renforcer la surveillance budgétaire et macroéconomique dans l'Union Européenne et la zone euro.)

Belgique : le pays a enregistré d'importantes pertes de parts de marché à l'exportation, parallèlement à une dégradation de la balance courante et à une perte de compétitivité des coûts; le niveau de la dette brute du secteur privé doit être examiné conjointement avec le niveau élevé de la dette publique.

Bulgarie : des déséquilibres extérieurs et intérieurs se sont accumulés à un rythme très rapide, mais une correction rapide et de grande ampleur est actuellement en cours; le niveau des déséquilibres accumulés restant élevé, il a lieu d'examiner attentivement les possibilités d'un ajustement supplémentaire.

Danemark : la bulle immobilière antérieure à la crise, qui a commencé à être corrigée en 2007, était liée à une croissance très rapide du crédit et à l'envolée de la dette du secteur privé, notamment dans le secteur des ménages; en dépit d'un ajustement partiel du crédit et des prix de l'immobilier ces dernières années, l'encours de la dette du secteur privé reste très important.

Espagne : le pays connaît actuellement une période d'ajustement, après avoir accumulé, pendant la longue période d'expansion des secteurs de l'immobilier et du crédit, d'importants déséquilibres extérieurs et intérieurs.

France : la balance commerciale s'est progressivement détériorée, comme l'indiquent la dégradation de la balance courante et les pertes importantes de parts de marché à l'exportation.

Italie : la compétitivité du pays s'est fortement détériorée depuis le milieu des années 1990, ce qui transparaît également dans les pertes durables de parts de marché à l'exportation; l'endettement du secteur privé est relativement limité; en revanche, le niveau de la dette publique est préoccupant, étant donné notamment l'atonie de la croissance et les faiblesses structurelles.

Chypre : le pays doit relever des défis de grande ampleur à l'intérieur comme à l'extérieur; l'économie chypriote se caractérise à la fois par des déficits courants persistants, des pertes de parts de marché à l'exportation et un fort endettement du secteur privé.

Hongrie : l'économie hongroise a connu un rééquilibrage brutal et de grande ampleur; le niveau d'endettement, surtout du secteur public mais aussi du secteur privé, reste élevé; par ailleurs, le niveau de la dette extérieure est le plus élevé de l'UE.

Slovénie : des déséquilibres intérieurs se sont accumulés rapidement, avec une forte augmentation des coûts unitaires du travail, du crédit au secteur privé et des prix immobiliers; le secteur bancaire, qui est très endetté, est soumis à une pression considérable, l'économie slovène venant de s'engager dans un processus difficile de désendettement.

Finlande : le pays a enregistré d'importantes pertes de parts de marché à l'exportation; la dette du secteur privé n'a cessé de gonfler durant la dernière décennie, sous l'effet principalement d'une augmentation du nombre des prêts hypothécaires octroyés.

Suède : la dette des ménages s'accroît et atteint désormais un niveau élevé, malgré le ralentissement récent de la croissance du crédit; cette situation s'explique par les très fortes augmentations, ces quinze dernières années, des prix immobiliers, qui n'ont commencé à se stabiliser que récemment.

Royaume-Uni : le pays a enregistré d'importantes pertes de parts de marché à l'exportation au cours de la dernière décennie, même si la situation s'est relativement stabilisée dernièrement; le niveau élevé de la dette du secteur privé doit être considéré en relation avec la situation dégradée des finances publiques; la dette des ménages est due en grande partie aux prêts hypothécaires souscrits dans un contexte de fortes augmentations globales des prix immobiliers.

Aucune analyse complémentaire n'a été estimée nécessaire pour les onze pays suivants: Allemagne, Autriche, Estonie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, République tchèque et Slovaquie.

Le cas de la Grèce, de l'Irlande, du Portugal et de la Roumanie est également placé en dehors de cette procédure puisque ces pays bénéficient d'un programme d'assistance financière UE-FMI assorti de conditions et qu'ils font déjà, à ce titre, l'objet d'une surveillance économique renforcée.


* 8 Données de référence du commerce extérieur de la France, élaborées et publiées par la Direction générale des douanes et droits indirects diffusées en ligne sur le site : http://lekiosque.finances.gouv.fr.

* 9 Les chiffres du commerce extérieur - Études et éclairages - N° 36 Novembre 2012 - publié par la Direction générale des douanes et droits indirects - Département des statistiques et des études économiques.

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