IV. DES CRÉDITS À FORT EFFET DE LEVIER TOUCHÉS PAR LA DIMINUTION DE 7 % DES DÉPENSES D'INTERVENTION PILOTABLES

A. LE RECENTRAGE FORCÉ DE LA COOPÉRATION DE DÉFENSE

La coopération de défense et de sécurité, dite coopération « structurelle », par opposition à la coopération « opérationnelle » qui relève du ministère de la défense, est un réel outil diplomatique d'influence et de prévention des conflits.

En aidant les pays partenaires à structurer, dans le long terme, leurs élites militaires, elle contribue au maintien de la paix et au renforcement de leurs capacités à assumer des missions non seulement militaires mais aussi de protection civile , comme la lutte contre les catastrophes naturelles, le déminage, la dépollution...

1. Des crédits qui ont longtemps servi de « variable d'ajustement »

Longtemps, ces crédits d'intervention ont servi, au sein d'un programme 105 particulièrement contraint, de variable d'ajustement, comme votre commission l'avait dénoncé à plusieurs reprises par le passé.

Après la baisse drastique qui avait particulièrement affecté ses crédits d'intervention (-40 % en 2007-2008), dénoncée par votre commission , le budget de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) a connu une relative stabilisation entre 2009 et 2012.

CRÉDITS EXÉCUTÉS, EN €

Année

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

Budget

exécuté

93 512 984

112 515 722

106 418 616

97 987 683

95 359 000

95 366 490

91 847 251

80 600 595

dont

HT2

48 366 006

54 527 801

51 433 285

28 333 284

33 069 640

33 312 819

32 852 975

34 140 125

dont

T2

45 146 978

57 987 921

54 985 331

69 654 399

62 289 360

62 053 671

58 994 276

46 460 470

Ces crédits ont pourtant un fort effet de levier et permettent d'agir à grande échelle, en partenariat avec 139 autres états ou organisations internationales, dans des régions particulièrement sensibles comme la zone Sahélienne, où le renforcement des capacités des États à lutter contre la menace terroriste est un enjeu vital pour la stabilité de la région. Ainsi, ce sont plus de 36 000 personnes qui ont bénéficié à un titre ou à un autre des actions de formation en 2011, dont 1 000 stagiaires accueillis en France, 2 400 dans les écoles africaines, et 11 000 stagiaires en langue française.

L'impact d'un directeur des études français dans une école régionale africaine de maintien de la paix est considérable rapporté aux crédits budgétaires nécessaires pour le financer. L'enjeu est de mettre les pays partenaires en situation de traiter des enjeux tels que le terrorisme islamique, la criminalité organisée, le trafic de stupéfiants, l'insécurité des flux maritimes....

L'impact de nos actions de formation et de structuration est considérable aussi pour organiser dans les pays partenaires une meilleure réponse aux catastrophes naturelles récurrentes (inondations, sécheresse, cyclones...). En organisant et en structurant les forces, en faisant de la planification, les progrès peuvent être considérables, car les capacités en matière de génie, de santé, de transport, de logistique ou encore de transmissions, sont bien souvent présentes.

Le nombre de coopérants est malheureusement en diminution ces dernières années. Les chiffres sur le triennum 2013-2015 conduiront encore à une réduction de leur nombre.

2. Un recentrage forcé

Dans le projet de loi de finances pour 2013, les crédits de la coopération de sécurité et de défense (31,95 millions d'euros) sont soumis à la norme de baisse de 7 % des dépenses de fonctionnement et d'intervention.

En 2014 l'effort sera de 4 %, en 2015 ils baisseront de 4 % à nouveau.

Votre commission déplore que l'effort budgétaire porte sur des dépenses qui ont pourtant un fort effet de levier, qu'il s'agisse de diplomatie économique et de soutien à l'export, de francophonie, de présence et de conseils de haut niveau auprès de dirigeants ou de formation des élites militaires.

Cette diminution des crédits va accélérer le mouvement, entamé, de recentrage forcé des crédits sur quelques actions ciblées et de hiérarchisation des actions autour de quelques grandes priorités.

En clair, comme il n'est plus possible de tout faire, la coopération va se concentrer sur les zones et les actions jugées les plus efficaces ou les plus essentielles.

Des priorités ont ainsi été définies :

Priorités thématiques : lutte contre le terrorisme, le narcotrafic, l'insécurité maritime ; actions d'influence par le conseil de haut niveau et la formation des cadres militaires ;

Priorités géographiques par continent :

- En Afrique subsaharienne : pays de la bande sahélo-saharienne (Mauritanie, Niger et Mali), pays en sortie de crise (Guinée, Niger), pays avec lesquels existent des accords de partenariat de défense (Sénégal, Gabon, Cameroun, Djibouti, RCA, Togo, RCI), sécurité maritime des pays du Golfe de Guinée et du Golfe d'Aden,

- En Afrique du Nord, le Maroc et la Tunisie, auxquels s'ajoute la Libye dans le cadre de la sortie de crise ;

- Au Proche-Orient, le Liban et la Jordanie ; et au Moyen-Orient, les États du Golfe (EAU, Qatar, Arabie Saoudite) ;

- En Asie, l'effort sera concentré sur l'Afghanistan, le Cambodge et la Malaisie ;

- En Amérique latine : sur le Brésil et l'Argentine.

Un cas pratique : l'Afghanistan

La politique de coopération de sécurité et de défense conduite par la DCSD au profit de l'Afghanistan s'inscrit dans un contexte où les efforts internationaux pour la reconstruction d'une Armée Nationale Afghane (ANA) et la création de forces de police et de sécurité nationales s'accentuent dans la perspective du désengagement de nos forces du théâtre afghan d'ici la fin de l'année.

L'action de la DCSD entre également dans le cadre du traité quinquennal d'amitié franco-afghan, signé le 27 janvier 2012, qui vise à accompagner le processus de transition afghan au-delà de 2014.

S'agissant de la coopération de sécurité intérieure, l'effort du ministère des Affaires étrangères sera renforcé par l'ouverture d'un poste de coopérant gendarme qui deviendra conseiller du commandant en chef de la Police nationale afghane (ANCOP).

Il s'ajoutera à l'expert technique international (ETI) en place depuis 2009 qui est en charge de la composante "police" du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) "Appui à la Réforme du secteur de sécurité (RSS)" en Afghanistan.

Ce FSP, doté initialement de 1,8 million d'euros en AE pour la composante police, fait actuellement l'objet d'une procédure de prolongation jusqu'à 2014 et sans doute, dans un deuxième temps, jusqu'à la fin 2015, avec un abondement prévu pour cette composante de 420 000 euros supplémentaires.

Pour mémoire, les axes d'effort de ce FSP sur la composante sécurité sont les suivants :

- appui à la police judiciaire (lutte contre les stupéfiants; laboratoire de police scientifique; brigades des mineurs) ;

- création d'un service de protection des personnalités ;

- lutte contre la fraude documentaire ;

- appui à l'ANCOP ;

- volet protection civile.

La contribution du Département dans le domaine de la sécurité intérieure peut être estimée annuellement à environ 720 000 euros : crédits de paiement au titre du FSP (425 000 euros), salaires du coopérant gendarme et de l'ETI (295 000 euros par an).

La DSCD soutient plusieurs écoles africaines de maintien de la paix , 17 au total, qui concourent, grâce à la formation dispensée et la participation de leurs anciens stagiaires à des opérations de maintien de la paix, à la résolution des crises du continent africain.

En particulier, 3 écoles nationales à vocation régionale (ENVR) ont été créées à l'initiative de la France: l'école de maintien de la paix (EMP) de Bamako au Mali , le centre de perfectionnement aux actions post-conflictuelles de déminage et de dépollution (CPADD) de Ouidah au Bénin et l'école internationale des forces de sécurité (EIFORCES) d'Awaé au Cameroun.

L'école de maintien de la paix de Bamako

L'école dispose aujourd'hui d'un statut d'école internationale, gérée par un conseil d'administration (CA). Sept pays (Royaume-Uni, Suisse, États-Unis, Canada, Pays-Bas, Allemagne et Danemark) ont été d'emblée associés à ce projet et ont rejoint le Mali et la France, initiateurs du projet. D'autres pays (Japon et Argentine) et la CEDEAO sont également devenus membres à part entière du CA. D'autres organismes sont susceptibles de les rejoindre prochainement (Australie, OIF, UN Office for Western Africa).

L'EMP de Bamako a pour mission de contribuer au renforcement des capacités des Etats africains en matière de soutien à la paix et à la mise en place de la brigade ouest de la force africaine en attente (FAA). A ce titre, elle est chargée de :

- former des stagiaires militaires et civils provenant des Etats africains et particulièrement des Etats membres de la CEDEAO en vue de leur permettre de participer à des opérations de maintien de la paix menées dans le cadre des Nations unies, de l'Union Africaine ou de toute autre organisation régionale ;

- faire acquérir ou entretenir des connaissances fondamentales, ainsi que des savoir-faire techniques et tactiques liés aux OMP ;

- contribuer au renforcement de la culture de la paix en dispensant un enseignement pluridisciplinaire de qualité, adapté aux réalités africaines, ouvert sur le monde et reposant sur les concepts de paix et de sécurité.

L'EMP jouit d'une notoriété qui dépasse très largement le cadre de sa région hôte et forme des officiers de toutes les autres organisations sous-régionales africaines, notamment grâce à l'introduction de cours dispensés en anglais. L'EMP forme ainsi plus de 800 stagiaires annuellement. Elle devrait recevoir un soutien financier de l'UE suite à l'étude conjointe UE-UA, qui a été menée concernant les centres d'excellence africains.

L'EMP noue par ailleurs des partenariats avec des écoles étrangères. Elle a ainsi envoyé des instructeurs en 2010 (sur financement de l'OIF) au centre national de gestion des forces de maintien de la paix d'Oudong, au Cambodge, pour un stage d'état-major.

La France met à disposition de l'école un coopérant militaire occupant la fonction de directeur des études et participe à hauteur de 150 000 euros par an aux frais de fonctionnement de l'EMP.

Le centre de perfectionnement aux actions post-conflictuelles
de déminage et de dépollution de Ouidah

Créé en 2003, le CPADD est une école nationale à vocation régionale (ENVR) soutenue par la France dont la vocation consiste à former des instructeurs dans le domaine du déminage civil et militaire. Il convient de souligner que, depuis 2006, ce centre est ouvert aux ONG qui l'utilisent pour former une partie de leur personnel africain. Le centre propose des formations répondant à la fois aux besoins des programmes de déminage humanitaire et aux opérations de maintien de la paix en cours sur le continent africain.

Au cours des dernières années, de nombreux pays ou organisations internationales ont souhaité participer au fonctionnement de ce centre aux côtés du Bénin et de la France, notamment le Canada, la Belgique, l'OIF, le Japon et le Brésil.

Par ailleurs, le CPADD a noué, au cours des dernières années, des liens forts avec de nombreux partenaires internationaux, notamment avec le CNDH (centre national de déminage humanitaire), l'ESAG (école supérieure et d'application du génie), le CIDHG (centre international du déminage humanitaire de Genève) ou encore l'UNMAS (United Nations Mine Action Service).

Depuis sa création, le CPADD a accueilli et formé plus de 2 600 stagiaires et est devenu le centre de référence s'agissant de la formation dans le domaine du déminage sur le continent africain.

La France met à disposition du centre deux coopérants militaires, dont l'un occupe la fonction de directeur des études, et participe à hauteur de 164 000 euros par an au fonctionnement de l'EMP.

Source : DCSD, ministère des affaires étrangères

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