D. UN EFFORT BUDGÉTAIRE NOTABLE MAIS INSUFFISANT POUR REDRESSER LA DISPONIBILITÉ TECHNIQUE DES ÉQUIPEMENTS

Dans le projet de loi de finances pour 2013, les crédits d'entretien programmé du matériel, qui regroupent la majeure partie du MCO hors masse salariale, s'élèvent à 2,91 milliards d'euros, en augmentation de 225 millions d'euros, soit + 8 %.

Par ailleurs, le niveau des autorisations d'engagement (3,66 milliards d'euros, en hausse de 22 %) permet la notification de marchés pluriannuels ainsi que les investissements nécessaires à la poursuite de la montée en puissance des matériels nouveaux.

Pour autant, cet effort ne parviendra sans doute pas à redresser une disponibilité des matériels dégradée par l'intensité des engagements de 2011. La disponibilité des équipements devrait donc rester durablement en deçà des objectifs fixés par le précédent Livre blanc.

Ceci d'autant plus que le besoin de régénération n'est pas seul en cause : les coûts du MCO s'envolent continûment, en partie sous l'effet de la livraison de nouveaux matériels (Tigre, NH90, FREMM, VBCI...), mais aussi de la vétusté, de l'hétérogénéité et de l'éparpillement de certains parcs, facteurs de coûts.

Le rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées sur ce sujet qui a analysé en profondeur les moteurs de cette croissance des coûts et a localisé les postes les plus dynamiques (matériel aéronautique notamment) devrait voir certaines de ses préconisations mises en oeuvre en 2013 par le ministère de la Défense.

1. Des points faibles dans les trois armées

Dans le milieu terrestre, la dégradation de la disponibilité s'explique de façon générale par un effort prioritaire accordé aux théâtres d'opération au détriment de la métropole, par des délais de réparation allongés du fait de difficultés logistiques et par une charge de maintenance accrue (matériels anciens, usés en opérations ou devant faire l'objet de modifications importantes). En particulier le parc des véhicules de l'avant blindés (VAB) a enregistré la baisse la plus importante de sa disponibilité, du fait de longues immobilisations rendues nécessaires pour des opérations industrielles de valorisation, de fiabilisation et de mise au standard Félin, alors que ce matériel est resté fortement sollicité en OPEX.

Pour ce qui est de l'armée de terre, la disponibilité moyenne mesurée par le taux de synthèse ressort à 75 % pour les matériels terrestres et à 67 % pour les matériels aériens en 2009 et en 2010.

Le volume très important d'engagements de l'armée de terre en 2011, avec, en sus des opérations déjà engagées, les interventions en Libye et en Côte d'Ivoire, a conduit à mettre l'accent sur la disponibilité des matériels nécessaires à ces opérations. Cet effort a eu pour conséquence une moindre disponibilité des matériels utilisés en métropole pour l'entraînement, qui est tombée à 60 % pour les matériels terrestres et à 61 % pour les matériels aériens

Cette dégradation a affecté particulièrement le parc vieillissant des véhicules de l'avant blindés (VAB) pour lesquels un plan d'urgence a dû être lancé. Elle a aussi touché le parc de chars Leclerc, peu utilisés en opérations extérieures, pour lesquels une réduction générale de l'objectif de disponibilité de 15 % a été décidée, afin de réduire les stocks de pièces de rechange et de dégager des ressources financières pour d'autres matériels.

La disponibilité des hélicoptères de l'aviation légère de l'armée de terre a connu un net recul lié à la projection simultanée sur des théâtres relativement nombreux de mécaniciens, de lots d'outillage et de rechanges. Cet effort, ajouté à un cumul de visites d'entretien périodique et curatif, sur le parc PUMA notamment, a entraîné des retards allant jusqu'à 6 mois dans les opérations de maintenance en métropole .

Dans le milieu naval, la disponibilité technique des frégates est pénalisée par des difficultés liées aux lignes propulsives et aux armes-équipements. La disponibilité des sous-marins nucléaires d'attaque est principalement affaiblie par la mise en place de mesures de gel des activités 9 mois avant les périodes de maintenance majeure (mesure prise en loi de programmation militaire) qui les classe de fait indisponible dès cette échéance.

Dans l'armée de l'air, l'ancienneté des PUMA alourdit sensiblement leur maintenance, les flottes SUPER PUMA et CARACAL sortiront en 2013 de cycles de visites périodiques. La flotte FENNEC subit des immobilisations importantes pour mise à niveau OACI 19 ( * ) et grandes visites chez l'industriel (Eurocopter). En outre, la situation logistique de cette flotte est pénalisée depuis 2010 par des arbitrages financiers défavorables.

2. L'insuffisance des crédits ne parviendra pas à redresser significativement la disponibilité

Les données récentes communiquées à votre commission ou figurant dans les projets annuels de performance annexés au projet de loi de finances, confirment tous deux que le taux de disponibilité des matériels demeurera en 2013 inférieur aux exigences des contrats opérationnels fixés par le précédent Livre blanc.

Dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances, le taux de disponibilité de synthèse pour l'armée de terre prévu pour 2013 est de 69 % pour les matériels terrestres (contre une cible 2015 à 75 %) et de 65 % pour les matériels aéronautiques de l'armée de terre (contre une cible de 70 %).

Pour la marine, le niveau de disponibilité des bâtiments n'est pas, non plus, suffisant pour honorer pleinement les contrats opérationnels, particulièrement pour le groupe d'action navale .

Comme le détaille le projet annuel de performance, en 2013, la simultanéité de la tenue des contrats opérationnels pour le groupe aéronaval, le groupe amphibie et le groupe d'action maritime n'est pas envisageable en permanence. Ainsi par exemple l'arrêt technique du porte-avions, de novembre 2012 à juillet 2013 , entraînera naturellement une baisse de la réalisation du contrat du groupe aéronaval sur l'année 2013 (le taux de disponibilité chute à 38 % pour 2013).

Les difficultés concernent également les sous-marins d'attaque de la classe Rubis dont le taux de disponibilité, qui est de 63 % en 2009, 54 % en 2010, 56 % en 2011, et 60 % en 2012, résulte des décisions prises lors de la construction de la loi de programmation militaire, conduisant à laisser en permanence un bâtiment à quai, en plus des arrêts techniques programmés, en raison d'une limitation des moyens budgétaires

Le parc de frégates affiche, quant à lui, un taux de disponibilité fluctuant selon les années en fonction des arrêts techniques (67 % en 2009 et en 2010, 55,5 % en 2011), qui devrait chuter à 46 % seulement pour 2012 pour n'atteindre que 53 % en 2013 .

La disponibilité des appareils de l'aéronautique navale reste elle aussi loin des objectifs : le taux de disponibilité des aéronefs embarqués passe de 72 % en 2009, à 65 % en 2010 et 60 % en 2011; mais chute à seulement 49 % en 2012 , pour ne se redresser qu'à 50 % en 2013. Celui de la patrouille maritime ne s'améliore pas, contrairement aux prévisions : de 74 % en 2010 il chute à 50 % en 2011 et à 39 % seulement en 2012.

Pour ce qui est de l'armée de l'air, si le taux de disponibilité des avions de combat est excellent avec 97 % en 2010, et 100 % en 2011, il devrait fléchir à 69 % en 2012. Le taux de disponibilité des hélicoptères demeure en deçà des objectifs en raison notamment de problèmes spécifiques liés à la flotte de Puma et de Super Puma qui tombent régulièrement en panne et dont la moyenne d'âge est de 34 ans. Ceci pose des difficultés logistiques notamment pour se procurer certaines pièces détachées. Le taux de disponibilité des avions de transport stratégique est également très bas (45 %).

Pas plus qu'en 2012, les crédits ne seront suffisants en 2013 pour assurer la régénération des matériels et redresser les taux de disponibilité à la suite des engagements à forte intensité de 2011.

C'est ce que reconnaît le projet annuel de performances : « malgré l'accroissement des crédits de maintien en condition opérationnelle, la ressource financière contrainte pour 2013 permettra difficilement de faire face à d'éventuels aléas techniques ou logistiques (...). Il n'est pas attendu d'amélioration de la disponibilité technique en 2013. »

3. L'envolée continue des coûts du maintien en condition opérationnelle vient encore complexifier l'équation budgétaire

Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances et du Contrôle général des armées prévoit une augmentation des coûts du maintien en condition opérationnelle (MCO) de 8,7 % entre 2010 et 2014, plus de la moitié de ces dépenses étant liées à la maintenance des matériels aéronautiques, qui pèse pour la moitié de l'enveloppe globale (5,5 milliards d'euros en crédits de paiement 2010).

Le rapport prévoit ainsi l'envolée des coûts de MCO naval (+ 16%) et aéronautique (+ 10%).

L'enjeu de la maîtrise de ces coûts est essentiel pour garantir leur soutenabilité dans la durée.

Pour faire face à l'envolée continue de ces coûts, le ministère de la défense a mis en place un plan d'action, autour de trois axes :

- externaliser le maintien en condition opérationnelle lorsque des prestataires extérieurs sont susceptibles d'apporter un service au meilleur coût,

- mutualiser, par milieu, la maintenance des matériels,

- optimiser les parcs afin de diminuer les coûts de maintien en condition.

Les 175 propositions du rapport ont été regroupées en 35 actions majeures. Elles sont suivies par un comité de pilotage, se réunissant tous les 3 à 4 mois et qui regroupe sous la présidence du sous-chef d'état-major « soutien » de l'état-major des armées, des représentants de la DGA, du SGA et des 3 états-majors d'armée. Ces modalités d'exploitation du rapport ont été validées en comité ministériel d'investissement (CMI), en présence du ministre, fin janvier 2012.

En ce qui concerne les moyens humains, la rationalisation engagée sur la période 2008-2015 des structures en charge du MCO (cf. avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2012) devrait permettre une réduction de 8 750 emplois, soit environ 20 % du volume des postes avant réforme.


* 19 Organisation de l'aviation civile internationale.

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